AURUM MURIATICUM Cas clinique Ph.M.Servais

   
Sa minceur, ses longs bras, ses longues jambes lui donnent un aspect de fragilité trompeur. Son buste étroit évoque la gamine qui n’a pu grandir tout son soûl. Ses grands yeux presque écarquillés, tout sourire, vous font craquer. Anne a 25 ans, en 1989, lorsqu’elle débarque dans mon cabinet. Un lourd passé déjà et familial et affectif et médical.
   Elle ne sait par où commencer tant il y a de choses à dire. Il faudra moultes consultations, moultes années pour qu’elle se dévoile, à elle–même d’abord, à moi ensuite.
   Elle a été comédienne, elle est surtout, depuis toujours presque, musicienne, musicienne dans l’âme ("la musique m’a toujours fait pleurer"). Dès que sa voix a mué, elle s’est mise à chanter, Mozart, Verdi et les autres. Elle est née pour cela, la vie est faite pour chanter la vie. Non pas la joie, non pas la tristesse mais pour chanter tout simplement parce que, pour elle, la musique passe par l’instrument de la voix. La voix est son piano à elle.
   A 17 ans, elle a eu une fracture du crâne dont elle s’est bien remise. A 23 ans, elle a subi une IVG au moment d’une séparation douloureuse. A la suite de cet événement, elle a développé une lésion virale du col qui a nécessité une conisationAujourd’hui, à 42 ans, elle a deux enfants, de quatorze et quinze ans.

Elle a toujours eu des règles extrêmement douloureuses (elle a, pour cela, dû prendre la pilule de 15 à 21 ans). Les raisons de consultations (très espacées jusqu’en 2002, date à partir de laquelle je la suivrai plus régulièrement) seront soit ce problème de règles (agitation, bouillotte, pliée en deux, gémissements), soit des migraines par périodes (le week–end à l’arrêt d’activité, douleur frontale par vagues, creusante, aggravée par le mouvementsoit des épisodes dépressifs soit des laryngites aigues à répétition. A ce propos, Phosphorus sera longtemps efficace puis Bromium devra prendre le relai, toujours pour les phases aigues.

Une vie onirique intense accompagne sa vie mouvementée. 

Ses rêves tournent toujours autour des thèmes suivantsère (nous en reparlerons), un récital qui se passe mal et, depuis l’enfance, des chutes dans le vide et de se sentir perdue dans une forêt.

Sa voix lui a toujours posé problème. Elle est puissante et magnifique, dans le style "voix de l’école française" (on aime ou on n’aime pasé, elle m’en offrira un exemplaire. Mais rien n’est pire pour un musicien professionnelle (ce n’est pas un hasard, vous le verrez’être à la merci des faiblesses de son instrument. Or, à chaque problème émotionnel (nous verrons lesquels), elle développe une laryngite foudroyante et spectaculaire. La voix s’éraille, s’enraye, déraille. Voix de vieille intellectuelle germanopratine, du monde de l’édition, mille Gauloises et Côtes du Rhône après Et, en accompagnement, une toux incessante, littéralement aboyante, évoquant plus le Loup d’Alsace que le Chiwawa balinais. C’est la catastrophe à la veille d’un concert ou d’une auditioné de belles opportunités professionnelles. "C’est mon syndrome d’échec", me dit–elle désabusée.
Les péripéties d’une vie plus qu’agitée ne l’empêchent pas de repartir de l’avant avec une volonté peu commune. A l’arraché presque car se succèdent sans arrêt problèmes de santé, désordres amoureux en général épiques, parfois violents, difficultés avec ses enfants déstabilisés par un père absent, irresponsable, angoisses financières, hauts et bas professionnels ponctués de grands moments exaltants de réussite et de gouffres désespérants.
Sentimentalement, elle n’a pas de chance. "Je suis toujours tombée sur des tarés" de m'en donner quelques exemples ... Le pire est le père de ses enfants dont elle ne peut se débarrasser complètement à cause d'eux. Pendant leur vie commune, il la battait copieusementde cœur, intelligent, comédien et musicien en pleine réussite, qui va l’aider énormément tant professionnellement que personnellement. Un seul bémol mais de taille (si j’ose dire’elle et a des exigences sexuelles excessives. Elle qui déjà … Elle se met à faire des cystites à répétition"Je n’ai même plus le choix de refuser tant la pression est forte. Il n’a jamais posé la main sur moi mais, étant donné mon passé, j’ai peur d’une éventuelle violence. Ce bel amour entre nous, je finis par le vivre comme un violHeureusement, il s’intéresse à l’homéopathie et vient me voir. C’est un homme sympathique, chaleureux, généreux, fiable. Il me fait la confidence que, depuis toujours (cela explique, à 40 ans, sa vie amoureuse malheureuse et le recours à une psychanalyse sans résultat sur ce point), il est "obsédé sexuel"’amour quatre à cinq fois par jour ou alors il est contraint à l’onanisme. J’ai la chance de trouver immédiatement le bon remède. Il m’en remerciera mille fois car il vivait cela comme une vraie souffrance. Cette guérison permet aussi à ma patiente de trouver, enfin, avec lui une grande et précieuse harmonie.
Comment la décrire mieux ? Ouverte, sociable, souriante, on sent chez elle une énergie importante fragilisée par une vulnérabilité et une émotivité extrêmes. Fondamentalement, elle n’a aucune confiance en elle et doit faire des efforts pour ne pas se juger "la plus conne des connes". Dès qu’elle réussit quelque chose, elle s’étonne et y croit à peine. "Il y a juste mes enfants dont je ne peux douter puisqu’ils sont devant moi"’est le hasard, la bonne étoile du moment. "J’ai le sentiment de n’être vraiment rien, juste de la merde". Elle a des moments de profonde désespérance. Ne l’ai–je pas vue un jour arriver au cabinet en pleine dépression, décharnée, ayant perdu quinze kilos en deux mois
«Bien souvent, je n’ai même plus envie de chanter, pour ce que çà sert. J’ai des sensations de ratage complet. Je peux hurler la nuit comme une bête traquée. Ou alors, j’ai des colères terribles en pensant à tous mes ennuis, en pensant à tout le mal que je me fais. Mes laryngites, c’est comme si je me punissais. J’ai aussi des moments de grand ressentiment à l’égard de mes parents, de mon entourage. J’ai des dégouts de l’humanité mais en fait, c’est de moi que je suis dégoutée. Je me suis tellement sentie annulée. Si on m’aide, je me dis qu’il me faudra payer pour ce soutien. Il s’ensuit que j’ai un mal fou à me faire aider. C’est comme si, tout en essayant de me construire, sans arrêt je me détruisais. Comme si je ne pouvais pas envisager un autre scénario qu’un scénario d’échec. Même le monde extérieur y participe, n’en suis–je pas déjà à mon cinquième dégât des eaux dans mon appartement Je me souviens, le père de mes enfants m’a dit un jourévrose de te faire enculer" J’essaie aussi de travailler sur la colère, sur le ressentiment, la violence être une vraie poissonnière, explicables par mon passé. Je me débrouille pour ne pas trop ressentir dès que quelque chose me touche vraiment. Je verrouille, sinon cela fait trop mal. Il n’y a pas de place pour mon désir, je subis le désir de l’autre que je ne peux pas refuser.

Dès que je me sens contrainte et forcée, je tombe malade. Récemment, j’ai eu des vomissements incoercibles en voyage au Maroc parce que mon compagnon avait insisté pour que je l’accompagne à une obligation professionnelle et que, surbookée, je n’en avais pas envie. Je n’ai pas voulu lui refuser.
Je n’imagine pas que je puisse être heureuse ni même que je puisse être une vraie et bonne chanteuse.
Avec mon père, depuis l’enfance, cela a été très dur. En 2001, j’ai été sur sa tombe pour apprendre, juste après avec mon frère, qu’il nous avait déshérités au profit du petit brésilien adopté avec sa nouvelle femmeété entiché de moi, à sa manière. Dès l’âge de 14 ans, il m’a dit’inceste, pourquoi pas l’inceste avec toi" et il m’imposait des photos de cul, des photos de fellation. Je le fuyais, j’avais peur.

   En septembre 2002, je fais la répertorisation suivante :

En effet, elle est en fin de crise de laryngite et se sent profondément déprimée. Je retrouve chez elle des thèmes intéressants d'Ammonium muriaticum.
Ammonium muriaticum 30ch, une dose.


En décembre 2002, elle me dit qu'avec ce remède sa laryngite a fini par passer et qu'elle a eu un sacré coup de fouet.
Ammonium muriaticum 10.000k, une dose.


Fin janvier 2003, elle m'explique au téléphone que tous ses symptômes du passé sont revenus en succession : eczéma des yeux, mycose vaginale, maux d'oreilles (otites enfant), petites diarrhées, vieille douleur de gastrite, herpès labial, règles ultra douloureuses (plus encore que d'habitude) ! Elle ajoute avoir eu une grande prise de conscience émotionnelle. Nous décidons d'attendre sans nouveau traitement.


En septembre 2003, elle revient fatiguée, mal dans sa peau mais ajoute Øqu'elle a été plutôt bienØ et sans laryngite.
Ammonium muriaticum 10.000k, une dose.


Décembre 2003 : tousse à nouveau depuis des contrariétés récentes; il s'agit plus d'une Øsale touxØ que d'une laryngite. Elle digère mal et a maigri (ce qui chez elle n'est pas du tout bon signe). Je la fais parler de son amertume morale habituelle et elle me précise que, de ce côté, cela va beaucoup mieux. Cependant, Øje ne vais pas super bienØ.
Moins sûr de moi, je me raconte qu'il faut changer de dilution et je lui donne :
Ammonium muriaticum 30ch, une dose.


Avril 2004 : psychologiquement, elle n'est pas au mieux. Elle me rappelle que ses règles sont toujours douloureuses. Par contre, le phoniatre consulté est très satisfait : ses cordes vocales n'ont jamais été si belles et ses épisodes de laryngite sont devenus rares. Elle, par contre, en bonne professionnelle, me dit : ØD'accord, mais moi je vois que ma voix, depuis un an, n'est plus jamais Øau topØ et cela me désoleØ. Et nous reparlons de son syndrome d'échec, de sa dévalorisation, de sa petite désespérance, toujours présents.
ØGrâce à vous, je vais beaucoup mieux … mais…
Et c'est ce ØmaisØ que je dois entendre ! Je réalise qu'Ammonium a touché positivement une part d'elle mais que sa souffrance profonde est toujours là.
Je passe donc à Aurum muriaticum 30ch, une dose.

Septembre 2004 : ØFormidable, là on a touché beaucoup plus profondØ. ØJ'ai récupéré toute ma voix, je n'ai plus été malade, je me sens comme sortie d'un trouØ. ØJe commence à voir ce que c'est d'être heureuseØ !
Ses règles ne sont plus douloureuses !
Mycose vaginale. Difficultés digestives avec nausées.
Aurum muriaticum 200k, une dose.

Décembre 2004 : ØJe vais très bien mais je sens qu'il me faut encore un coup de pouceØ. Mycose et problèmes digestifs ont disparu en quelques jours avec le remède.
Aurum muriaticum 10.000k ab 30, une dose.



Avril 2005 : A la suite d'une grande déception (elle n'a pas été choisie lors d'une audition importante) suivie, le lendemain, d'une agression verbale violente du père de ses enfants, elle est en train de démarrer une laryngite. Elle m'a appelé en urgence et je l'ai prise entre deux patients.


 ØJe veux pourtant avant tout vous remercier, vous avez fait un super boulotØ ! 
Elle va m'expliquer que, tout en connaissant ses limites et insuffisances, elle a commencé à s'aimer et à croire qu'elle Øa quelque chose à faire sur terreØ. ØJe ne me sens plus du tout être de la merde, je ne me sens plus une moins que rien, vous m'avez donné confiance en moiØ.
ØEt votre espèce de complexe d'imposture dont vous m'aviez parlé ?", lui demandai–je.
ØIl a quasi disparu, juste encore parfois des réminiscences, comme de vieux réflexesØ.
ØJ'ai retrouvé de la liberté, même vis–à–vis des autres. Je me défends mieux, sans agressivité, simplement je me positionne mieux et donc je me sens moins sous contrainteØ.
ØJe suis sûre que je vais pouvoir construire et que je n'irai plus vers l'autodestruction.Ø


Aurum muriaticum 200k ab 30, une dose.


Deux jours après, elle me téléphone pour me dire que la laryngite a disparu en quelques heures.


A l'heure d'aujourd'hui, je sais qu'elle va très bien car elle vient de me téléphoner pour m'inviter à un de ses récitals.