Dr Tribouillard
13 rue de la Poste
74000 AnnecyCongrès de Printemps
Besançon le 12 juin 2004
Chers congressistes,
à remercier Françoise Moussier et la Société Franc–Comtoise d’Homéopathie d’avoir bien voulu me faire l’honneur de m’inviter. Comme vous le savez, le thème du congrès concerne le Passé, le Présent et l’Avenir de l’homéopathie. Cela m’avait donné l’idée de vous parler de l’évolution de la pratique d’un homéopathe installé depuisà Annecy. Mais j’ai préféré choisir de vous présenter deux observations d’un même remède, même si ces observations se situent à des moments très proches dans le temps.
La première montrera un aspect plutôt traditionnel du remède, l’autre correspond à une approche, une problématique moins classique, que j’ai pu découvrir il y a quelques années, lors de diverses rencontres et lectures homéopathiques.
ère observation«énie post–grippale»
Monsieur G.a 81 ans. Il se remet difficilement d’une broncho–tracheïte virale contractée au retour de l’enterrement de son fils décédé brutalement à Paris il y a un mois. Il dit avoir pris froid dans le train.
Malgré 10jours d’antibiotiques prescrits par un confrère allopathe, il continue à tousser avec une expectoration très abondante. Mais surtout, il est très fatigué, se dit las et abattu. Bien entendu, la perte d’un enfant est une épreuve très douloureuse, même s’il savait depuis longtemps que cet enfant adoptif avait de gros problèmes psychologiques et qu’il y avait un risque suicidaire (nombreuses TS antérieures).
Nous sommes à un mois du début des troubles.
Il dit qu’il tousse beaucoup la nuit et que cela s’accompagne d’une abondante transpiration.
Dans la journée, il est très fatigué, il ne peut absolument par faire la moindre activité.
Mais il a quand même trouvé un moyen personnel pour faire temporairement disparaître sa fatigue. Plusieurs fois par jour, il va se mettre dans son fauteuil, ferme les yeux et s’imagine qu’il est à la montagne en été, assis au soleil, devant la porte d’un chalet, et qu’il regarde le paysage au son des clarines des vaches de l’alpage. «’envole instantanément, mais elle revient aussi vite, dès que j’ouvre les yeux» Evidemment, le paysage depuis son appartement est beaucoup plus triste.
Sur ce curieux comportement mental, cette façon qu’à le patient de se projeter par la pensée dans un endroit agréable, je donne X (China), qui aura un effet spectaculaire sur la fatigue et sur la toux.
On connaît l’imagination débordante du remède qui fait des projets, théorise, a des afflux d’idées, surtout le soir ou la nuit au lit, mais cette particularité qu’a le patient de se projeter par l’imagination dans un environnement merveilleux est tout à fait caractéristique de X (China). C’est en fait le souvenir de la lecture de la matière médicale de Vassilis Ghegas plus précisément Classical homœpathic lectures, Vol. C p. 89 à 92) qui m’a immédiatement mis sur la voie. Je vous ai mis en annexe le texte complet de Ghegas concernant le remède avec une traduction personnelle que je pense fiable.
Diapo 1’en dit Ghegas…] ’imagination fertile. Il aime théoriser (K87) et faire des projets importants (plans K69). C’est surtout la nuit en s’endormant qu’il pense à des choses belles et fantastiques (theorising evening K87) (ideas abundant K53). […]
[…] Il se retire parfois pour se plonger dans ses rêves, volontairementà une belle journée ensoleillée de vacances au bord de mer et cela le rend heureux.[…]
Mais on peut aussi trouver les symptômes de mon patient à l’aide d’un répertoire°2
Idées abondantes, imagination exaltée .
Toux, la nuit avec transpiration.
Asthénie très intense suite de maladie infectieuse
Je pense que beaucoup d’entre vous auront trouvé le remède qui est China.
Je vous proposerai un résumé de matière médicale après la seconde observation.
Résultat: Le patient réagira très rapidement à deux doses de China Régia 9CH et 15CH prises à 24h d’intervalle. La toux et la transpiration vont cesser totalement en 3 jours et les forces et l’appétit seront rétablis en 5 jours. Cette petite observation montre s’il en était besoin, toute l’utilité et la valeur d’un symptôme concomitant.
Puisque nous sommes dans le cas d’une convalescence d’état infectieux, je me permets de vous proposer quelques autres rubriques d’asthénie après maladie infectieuse utiles à connaître (Diapo N°3)
Weakness after mononucleosis
Weakness with very few symptoms
Weakness afebrile
Weakness in anemia
Reaction, lack of, in convalescence
Chronic fatigue syndrome after acute diseases: Murphy genéralités, (plus de 50 remèdes) dont China, psor., helon., tarent–c., cocc., kali–p., irid., alst. (alstonia constricta)
Deuxième observation «China et la difficulté de choisir»
Il s’agit d’un jeune homme de 26 ans que je vois pour la première fois en décembre 1999.
Il est photographe au chômage.
Le motif de consultation est “fragilité intestinale” (c’est comme cela qu’il abordé la consultation)
Il se plaint d’épisodes diarrhéiques fréquents, de ballonnements, de borborygmes et de douleurs abdominales diffuses. Mais les symptômes ne sont ni caractéristiques ni modalisés. Il ne permettent donc pas une prescription homéopathique.
Il n’y a ni goût ni aversion alimentaire particuliers, sauf une certaine aggravation par les fruits qu’il consomme en excès, ni symptômes généraux, ni symptômes mentaux. Il n’y a pas d’antécédents notoires, pas d’autres problèmes dont il souhaite parler.
Il est vrai qu’il est venu en consultation libre le matin et qu’il sait que je ne dispose pas trop de temps car le matin est réservé à des patients présentant situations aiguës.
La consultation tourne court, peut–être à cause de mon absence de disponibilité, mais plutôt par ce que je le sens assez vite agacé par mes questions et que je n’ai pas le temps suffisant pour le mettre en confiance.
Il est vraiment taciturne, paraît sur la défensive, soucieux, mal à l’aise. Le contact est distant et je sens un côté irritable.
Il est grand longiligne, très brun, un physique de jeune premier ténébreux, sans doute plutôt artiste si j’en juge par son métier de photographe et son habillement raffiné quoique non classique.
Il me fera juste la confidence qu’il n’est pas satisfait des entreprises dans lesquelles il a travaillé jusqu’à présent dans la photo.
Comment faire, c’est peu, mais il faut se débrouiller avec cela.
Je pense à un radical Phos, l’aspect artiste, raffiné, mais il n’a pas le côté chaleureux du remède, et sur le côté introverti, intolérant à mes questions, j’y ajouterais bien un côté Natrum. Pourquoi pas Nat–p. qui est aggravé par les fruits acides et qui a aussi ce côté raffiné.
Pour Vithoulkhas–Sholten Nat–p. est caractérisé par le mot «» (forbidden), une sorte de secret dans lequel il s’enferme et qu’il s’interdit de partager avec les autres. Ils ont tout le temps peur de dire quelque chose de faux ou d’en dire trop. D’où la peur du téléphone (qui serait un symptôme caractéristique) qui est une situation où l’on doit communiquer dans l’instant avec une personne. Les sujets Nat–p. aiment communiquer mais seulement à un niveau intellectuel élevé. Raffinés, cultivés, subtils, mais très souvent seuls, sans amis.
Pourquoi pas aussi Calc–p. sur la notion de diarrhée chronique, et la typologie. Finalement je lui donne Ph–ac. car il ajoute, sans vouloir préciser, que ses diarrhées sont liées à l’accumulation de soucis. Comme en plus je le trouve assez lointain et lent, qu’il met du temps à répondre aux questions…Je n’en saurai pas plus. Et s’il vous faut quelques justifications répertorialesANSWERS, reflect long, Diarrhea from grief, Diarrhea Chronic…)
’un malade refuse de se livrer, ne rien brutaliser dans la relation, attendre l’ouverture, un moment privilégié éventuel qui permet le rapprochement, et des confidences plus personnelles.
Il ne faut pas non plus dire trop vite qu’un cas est défectif, car il y a des foules de petits symptômes à prendre dans le comportement et qui sont d’ailleurs dans la matière médicale et le répertoire, ça rassure…
èse, certains interrogatoires défectifs correspondent à des patients Alumina. Quand un patient est dans l’incapacité à vous dire ce qui ne va pas, qu’il cherche ses mots et revient toujours sur cette phrase, ça ne va pas du toutère cela comme un Key–Note d’Alumina et j’ai pu constater plusieurs fois que cela mettait sur la piste de ce remède.
Mais revenons à notre patient…
Je le revois 8 mois plus tard.
Entre temps j’ai été amené à soigner deux personnes importantes de son entourage. Deux jeunes femmes pour lesquelles il a visiblement un fort sentiment amoureux mais une impossibilité de faire son choix.
La situation est douloureuse pour tout le monde. L’une des deux jeunes femmes avec laquelle il vivait a été enceinte de lui, mais il ne voulait pas de cet enfant et l’a poussée à se faire avorter tout en continuant à vivre avec elle en lui disant qu’il allait la quitter. Parallèlement il voyait l’autre, montrant des signes qu’il s’engageait avec elle mais jamais totalement. En somme une situation de non choix, de compromis, très pénible.
J’ai vu assez souvent ces jeunes femmes comme patientes. Il a fini par vivre avec la deuxième, tout en voyant la première, et en gardant avec elle une relation“amicale” difficile à supporter pour l’autre (sorties en tête à tête au cinéma ou au restaurant).
Bref, je m’étais construit un petit portrait de cet homme à travers le témoignage douloureux de ces deux jeunes femmes.
Deuxième consultation (août 2000)
Donc quand il revient 8 mois plus tard, je connais déjà un peu son histoire.
Le motif de consultation est sciatique g. hyperalgique, 7 jours sur 7, nuit comme jour. Je décortique le symptôme local, car je le préfère de loin aux symptômes mentaux hasardeux et surtout j’espère trouver une cohérence entre le local et le mental. Je ne tire rien d’autre que sciatique avec un trajet L5, améliorée par la pression forte au niveau de la fesse (Sciatica pressure amel ou Generalities pressure amel). Il a eu Scanner, IRM, qui ne sont pas très concluants. “Je ne trouve pas de solution” dit–il.
Ce jour là, il est plus loquace. Je retiens des symptômes comme Désir de fruits, aversion pour les glaces, Transit accéléré surtout le matin après le café. Je me dis que je ne vais pas aller loin avec des symptômes comme cela.
à parler de lui.
é à l’idée de tout ce que j’aimerais faire, je n’aurai jamais assez d’une seule vie et donc je ne fais rien. Je suis instable. Je me lance de façon passionnée dans un projet de photo–composition, je trouve tout de suite du travail, je m’enthousiasme vite et puis je laisse tout tomber au bout de 3 mois. Je vais tout donner et me lasser et tomber dans un état de profonde déprime. Je me sens immature, j’achète du matériel sans arrêt et je le revends aussitôt, parce qu’il ne me plaît plus. J’ai acheté une moto, elle me plaisait et le lendemain je regrettais mon choix, car je trouvais que l’autre modèle était mieux. Je suis pareil avec les femmes. Je cherche la femme idéale, et je ne la trouve pas chez une seule et même personne. J’ai horreur des gens, des réunions, des groupes. Ils m’ennuient très vite. Je déteste les discussions superficielles où on se dit des banalités. J’ai besoin d’une relation profonde intime et privilégiée avec quelqu’un.
’arrive pas à quitter Patricia avec laquelle j’aime bien discuter des heures le soir. Évidemment ni l’une ni l‘autre n’acceptent ma façon de vivre, je comprends, mais je ne peux pas faire autrement. Il me faut tous les choix possibles. (Irresolution in acts)
’aider à trouver le sommeil, je me mets dans la peau d’un personnage, soit un héros de bande dessinée ou de film. C’est comme un autre moi–même. Lui, il a réussi sa vie. Il y a très longtemps que je vis avec lui, il a grandi avec moi. Avant il s’intéressait aux mobylettes, maintenant il est devenu adulte, il sait ce qu’il veut, il a une grosse moto, une femme des enfants. C’est moi dans une vie rêvée. En plus il est tout le contraire de moi, aime le monde, rend service. Il fait des choses très risquées, cascade, course de motos, et en même temps c’est un bon père de famille. Lui, tout ce qu’il fait il le réussit.
Sur le thème de tous les choix possibles simultanés et sur cette façon de se faire un monde imaginaire où il est un héros, je prescris X
3éme Consultation
Trois mois après la précédente (novembre 2000). Il dit qu’il va beaucoup mieux. La sciatique a disparu en 10 jours environ très progressivement (je vous rappelle qu’il avait mal depuis une année). Sur le plan digestif, il a toujours un transit accéléré, mais c’est également beaucoup mieux.
Je sais par Caroline qu’il a fait le choix de vivre avec elle et qu’il a renoncé à voir son ancienne copine. Il me dit qu’il se sent plus confiant dans l’avenir, que le remède l’a touché en profondeur, et lui a procuré une certaine tranquillité“Même si c’est dur pour moi, je sais que ne pourrai pas tout connaître et tout comprendre dans la vie, que je dois vivre l’instant présent avec les gens que j’aime et non pas une vie idéale dans ma tête avec des gens qui n’existent pas”.
’y a pas de symptômes modalisés. Alors je décide de ne pas me compliquer pas la vie. Comme le polychreste prescrit a fait grand bien sur la sciatique et l’état moral, je le redonne en 30CH, en imaginant qu’il pourra venir a bout d’une sinusite. Si CHINA, puisqu’il s’agit de ce remède, n’est pas très connu dans les symptômes concernant le nez, en dehors de l’épistaxis, il a tout de même 73 symptômes au chapître NEZ. Effectivement le remède sera très rapidement efficace sur cette rhinite obstructive.
J’ai revu à deux reprises cet homme de 28 ans dans l’année 2001. Incontestablement, il va beaucoup mieux sur tous les plans. Il vit avec Caroline, ne revoit pas l’autre fille dont il disait qu’il ne pourrait jamais se passer. Il a entrepris une psychothérapie depuis quelques mois, chose à laquelle il était violemment opposé. Il est dans le même travail depuis plus de 6 mois ce qui ne lui était jamais arrivé. Tout n’est pas réglé, mais je sens qu’il a une vraie volonté de s’en sortir.
J’actualise les nouvelles car depuis que j’ai écrit cette observation, il est papa d’un petit bébé qui est né en août 2002 et je sais que le couple va bien et qu’il est maintenant engagé dans un travail fixe depuis presque 2 ans.
Matière médicale succincte (diapos)