Cypripedium - J. Prat, mai 01
Cas aigus ou recrudescences aiguës du chronique: matière médicale
du remède et prospection dautres indications thérapeutiques;
position de lapproche " moderne " des remèdes dans ces
situations.
Plan:
- Trois cas cliniques
- Cypripedium: botanique, symbolique et matières médicales
- Analyse des cas
- La recherche du noyau ou léloge de la complexité
- Le remède pour la vie ou le but dune publication
Résumé:
Lorchidée Sabot de vénus
ou Cypripedium est souvent prescrite pour des troubles du sommeil chez lenfant
dont trois cas cliniques sont rapportés. Lespèce est depuis
toujours lobjet dune véritable fascination; elle possède
des spécificités rares qui donnent envie den savoir plus.
Sa matière médicale est relativement pauvre en symptômes,
et mériterait un développement approfondi, à laide
de résultats cliniques plus étendus et peut-être dun
nouveau proving. Des propositions de recherche de symptômes utilisables
chez ladulte sont énoncées.
La recherche homéopathique clinique doit bénéficier à
lensemble des cas, aigus et chroniques. Cest loccasion dun
encouragement à la pratique et publication de cas aigus avec des notions
diagnostiques " modernes " des remèdes; avec lobjectif
dun bénéfice en retour pour la doctrine. Cette modernité
ne peut se passer du conseil qui nous a été fait de reprendre
opportunément les ouvrages fondamentaux, en particulier lOrganon
de lArt de guérir, relecture qui est encore et toujours une garantie
contre les égarements.
A ) Trois cas cliniques
1er cas: Lucy mest amenée
le 23 Novembre 2000 à lâge de 22 mois, pour des troubles
du sommeil. Cest la numéro 3 de 3 enfants (2 demi-frère
et sur du même père, qui ne sont plus à la maison
depuis 1 an).
Elle peut rester éveillée 3 à 4 heures en pleine nuit.
Elle peut se réveiller vers 22 h 30 et ne pas se rendormir; ou alors
de 1h du matin jusquà 6 h. Dans la journée, elle ne dort
que des demi-heures ou trois quart dheure et nest pas plus fatiguée
que ça. La nuit elle est toujours prête à jouer. Elle est
comme cela depuis toujours. Elle est actuellement en traitement pour une rhino-pharyngite,
au cours de laquelle elle dort encore plus mal. Même avec 39°, elle
gigote sans cesse, il lui faut les bras, et elle ne tient pas en place.
La grossesse a été très mouvementée, raconte sa
mère: on sest battu pour avoir les enfants de mon mari; en plus
jai perdu mon père lorsque Lucy est née. Pendant la grossesse,
je nai pas eu de temps pour moi, on a mal vécu, ça na
pas été facile: la petite a dû voir des choses. Javais
cauchemars sur cauchemars par rapport à ces enfants, jétais
angoissée tout le temps, javais peur de leur mère qui était
méchante, et moralement et physiquement imprévisible dans les
2 sens, même si on essayait de laider. Ça maffolait
beaucoup, on surveillait les enfants, tout le temps, mon mari nétait
jamais là, cest moi qui essayais darranger les choses. Je
les ai pris pendant 18 mois, il a fallu agrandir la maison, et créer
des chambres, et les meubler: bref cétait une situation cauchemardesque,
et je navais pas 5 mn à moi.
Je nai pas pu allaiter Lucy, étant trop fatiguée, épuisée
même; même pour laccouchement, jétais crevée.
Dès la maternité, elle a fait des nuits blanches.
Les premiers mois tout le monde était ravi de cette petite Lucy; et puis
à 10 mois, les grands sont partis chez leur mère. Lucy est une
petite fille nerveuse depuis toujours. Actuellement, je me lève, je la
berce, parfois elle sendort pendant un quart dheure; parfois de
5 à 8 h. et puis cest reparti; et elle ne fera quune seule
sieste de 1h maxi à midi jusquau soir comme ça. Elle est
agitée sans cesse, trépigne, gigote (comme ici dans le cabinet),
et surtout depuis 15 jours. Peu malade sauf un épisode de muguet.
À la crèche, après un premier essai à 12 mois qui
sétait soldé par beaucoup de pleurs; elle y retourne depuis
quelques semaines et ça se passe très bien, mais elle ny
fait pas la sieste pour autant.
Cypripedium 9 CH sur le fait de ses insomnies prolongées où elle
refait ses journées et lenvie de jouer.
Revue le 23 décembre: les nuits ont été
de suite impeccables, au bout de 2 jours, avec une aggravation la première
nuit. Elle a récidivé un muguet peu après le traitement.
Elle fait des siestes dune heure et demie. Elle dort de 20h30 à
6 h dune seule traite.
Cependant elle reste très " speed ", explosive pour manger,
dispersée à vouloir toucher à tout, ne reste pas en place
après avoir réclamé à manger. Cest un ouragan
à la maison, elle vide tout, sort tout comme une tornade, fiche le désordre
(comme ici en consultation); debout sur chaise, elle dit " non " pour
sasseoir et le regard haut. Son langage est très élaboré.
Jhésite à prescrire, et finalement décide de ne pas
memballer.
Rendez vous manqué le 2 Février: car ça allait tellement
bien quon la vraiment oublié.
Revient le 10 Mars car à nouveau elle ne dormait pas la semaine dernière,
avec des journées où elle est surexcitée, où elle
va plus vite que la musique, et où tout lénerve. Elle dormait
bien depuis Novembre jusquà il y a une semaine, avec une sieste
dune heure laprès-midi. Coïncidence: elle dort à
nouveau depuis 3 nuits.
Dans son créneau dinsomnie, elle refait ses journées: elle
réclame ses tantes quelle a vues, et pour lendormir il faut
quelle fixe quelque chose; jai remarqué quelle sourit
en sendormant; elle a même réclamé sa tétine
quelle avait dans sa bouche, et cest donc quelle rêvait.
Ou alors elle réclame son père, reste éveillée et
pleure, puis elle parle, fait tomber des choses, soccupe pendant deux
heures.
Avant linsomnie totale, elle a des moments où elle cherche à
dormir et où elle ny arrive pas ce qui lénerve. Elle
répète sans arrêt "j ai chaud " et se déshabille
en tirant sur ses vêtements impatiemment. Le bain nest absolument
pas relaxant pour elle. Elle ne se relaxe jamais, elle ne tient pas assise,
toujours partie à droite, à gauche; seule la fessée la
tient assise. Par contre à la sieste; elle pourrait dormir trois heures,
mais je la réveille au bout dune heure, alors quelle est
en sommeil profond, jai peur quelle ne dorme pas la nuit. En tout
cas elle sendort mal le soir.
Cypripedium 30 CH.
Rendez-vous annulé en Avril car tout va bien.
2ème cas: Nolwenn est une petite
fille jumelle (dun garçon) née en juin 99. Ce sont les 4
et 5es enfants de la famille. Je la vois le 14 Mars 2000 pour des problèmes
dotites.
Ils sont nés à 38 S.A, elle est née après son frère,
en siège, avec un apgar 5/10 dont elle sest bien remise. Elle était
agitée pendant lexpulsion de son frère, et a dû attendre
_ h que des contractions redémarrent pour naître à son tour.
Insatiable les premiers jours, avec une courbe de poids phénoménale,
elle na plus voulu du biberon à 7 mois; elle est inséparable
de son frère, et ne dort que sil est là (ils sont dans la
même chambre), mais elle a le sommeil plus difficile, et lon a limpression
quil lui faut une présence pour dormir.
Elle a fait par ailleurs des rhinos, bronchites, laryngites durant tout lautomne
dernier, puis ses fameuses otites de Décembre à Mars. Bien quelle
commence à avoir de plus en plus dotites, on ne lentend pas
elle rigole tout le temps, quelle que soit lheure de réveil. Lors
de ses otites elle est blanche, mais ne dit rien; ses yeux sont brillants, mais
elle nest pas grognon.
Elle est plus menue que son frère, et ne veut pas quon lembête.
Quand elle voit ses frères arriver (elle est la seule fille de la fratrie),
elle se met en position de défense, elle tape et mord et se raidit comme
si elle avait peur, tout en rigolant; elle sagite souvent quand elle est
assise; elle fait attention à son frère jumeau comme une mère;
elle a 15 jours de décalage (en retard sur lui) dans les acquis; elle
se laisse vivre; elle a souvent les fesses abîmées.
Bonne croissance staturo-pondérale, vaccination standard; otite séro-démateuse
bilatérale, vésiculeuse à gauche.
Sur laspect local de loreille, lagitation et le côté
physique de lenfant: Rhus Tox. 9CH.
Le 05 juin suivant, elle a refait des otites, dont une il y a 8 jours, avec
41° de fièvre et loreille concernée toute rouge.
Elle aime bien jouer avec ses pieds, allongée sur le dos, tranquillement,
quand ça ne va pas. Elle ne veut pas les bras, mais seule dans son coin,
elle attend que ça se passe, et lon ne peut pas la regarder: elle
crie quand ses frères vont la voir. Elle est plus excitée nerveusement
et ne tient pas en place, mais elle est moins dégourdie dans la marche.
Elle est plus fine dans ses gestes (tourner les pages), plus assidue (superposer
les cubes). Mais elle est trop servie par ses frères: un geste et ils
se précipitent tous (même si lobjet est à sa portée)
pour lui donner ce quelle veut. Actuellement elle sendort assise
dans son lit, et souvent elle rit en dormant. Elle na pas de peluche comme
son frère, et quant aux câlins: point trop nen faut, et vite
fait sil vous plaît
Cypripedium 9 CH sur 2 symptômes (en compétition avec Sulfur):
Enfant de bonne humeur et rigolarde, qui rit en dormant; et enfant agitée,
excitée mentalement (alors quelle est moins dégourdie que
son frère dans la marche), voire séductrice.
Le 13 Février 2001:
Elle na pas eu de problèmes ORL jusquen Décembre.
Elle est devenue très câline, tout en restant nerveuse.
Elle ne voulait pas marcher, ni faire de 4 pattes, et on a mis le " holà
" car ses frères étaient tous à vouloir laider;
8 jours sans aide, et elle a marché. Maintenant elle devient plus dégourdie
que son jumeau. Elle est plus vive desprit, elle réfléchit
plus vite. Elle ne voit que par maman, ou alors elle dit non. Son père
ne peut lui donner à manger; cest la copie de son frère
aîné, elle ne supporte pas la contradiction, elle est autonome,
même pour décider le moment du câlin. Elle est beaucoup moins
" cool " que son frère jumeau. Elle a fait 3 syndromes grippaux
en Décembre et Janvier, avec de la fièvre rebelle aux antipyrétiques,
elle avait mal partout, mais ne voulait pas quon la touche.
Son sommeil actuel: elle narrête pas de faire des cauchemars depuis
3 semaines; elle hurle en faisant peur à toute la maison; elle ne peut
et ne veut être calmée que nichée, bouchonnée dans
les bras de maman, et on ne voit plus que le petit bout de son nez qui dépasse,
comme si elle était dans mon ventre (la maman a du mal à la calmer,
et ne peut se coucher elle-même). Elle cauchemarde toujours vers 3 h,
et pourtant ne sendort que dans le noir le soir. Elle dort seule maintenant,
et a besoin de nounours. Elle parle la nuit.
Mi-Novembre 2000 est née la petite sur
(n°6) dont elle est hyper protectrice, mère poule. Elle ne supporte
pas quon la mette chez la nourrice; elle ne veut pas que quelquun
dautre que son père ou sa mère la prenne dans les bras.
Elle est propre le jour, et commence à lêtre la nuit. Elle
mange seule, veut manger seule, elle mange plus que son frère jumeau
et reste plus menue; elle préfère le salé. Elle se gratte
le pourtour des doigts. Elle rigole tout le temps notamment quand elle est malade.
Ses frères en ont peur, ils la surnomment " la mauvaise " car
elle les tape, subitement sans raison ou plutôt sils ne soccupent
pas delle. Elle est comme ça, alors quils lont toujours
câlinée et ne lui ont jamais fait de mal; en plus elle naime
pas les câlins quon lui impose.
Elle me ressemble, dit la maman, on se chipote toutes les deux (ça amuse
mon mari). Actuellement je ne travaille pas (infirmière) mais je rechercherai
un travail dans le secteur libéral (je suis - le médecin - personnellement
ahuri devant lénergie époustouflante de cette mère
de famille, par ailleurs apparemment bien organisée au quotidien avec
tous ses enfants !). Elle est autoritaire et coléreuse, ou câline,
et pas dans la demi-mesure, tout à 100 %, elle répond aux adultes,
même les inconnus; et puis elle rigole.
À nouveau calmée (sommeil) par Cypripedium 15CH, choisi (audacieusement?)
sur cette ambiance denfant rigolote qui fait des cauchemars avec terreurs
nocturnes, et qui a surtout réagi remarquablement à la première
prescription. Bonnes nouvelles le 07 Avril lors de la visite pour son frère
jumeau.
3ème cas: Hector est premier et
seul enfant, né en Septembre 98; je le vois avec ses parents à
2 ans et demi le 23 Mars 2001 pour un trouble du sommeil qui dure depuis sa
naissance. Ça fait deux ans et demi quon na pas eu une nuit
complète. Il sagit actuellement de cauchemars, toutes les nuits:
il crie, pleure, appelle maman, papa, 2 ou 3 fois par nuit, et a du mal à
se sortir de ses rêves. Il hurle et transpire, on narrive pas à
le réveiller, on voit sur son visage la peur, il est terrorisé
par quelque chose. Parfois il parle comme sil refusait de faire quelque
chose.
Il est de plus très, très, très nerveux. Il ne reste jamais
en place, il est toujours en activité, surexcité avec besoin de
sactiver. Suivant les conseils du pédiatre, il a été
scolarisé en Novembre, et lui faut sans arrêt de nouveaux jeux,
de nouvelles activités.
Cest un enfant très curieux, qui joue bien seul, ou en compagnie,
il est sociable avec les autres enfants; la maîtresse le trouve très
facile, enfant entraînant les autres; bien quétant le plus
petit de sa classe, il suit toutes les activités proposées. Cependant
la scolarisation na rien changé à ses nuits, ni à
son appétit.
Il mange très peu, depuis tout petit la nourriture est un problème,
il ne réclame jamais, jamais il ne dit quil a faim. Il a été
allaité au sein deux mois, mais ça nallait pas, il ne prenait
pas de poids, mon lait nétait pas assez riche, finit par conclure
sa maman. Cependant le sevrage sest passé difficilement, il mangeait
lentement et cest toujours le cas: cest un vrai calvaire. Il ne
pèse que 11 kg, et pour le faire manger, il faut lui occuper lesprit,
il faut le distraire, lui lire une histoire; sinon il faut se fâcher tout
le temps et les fessées ne résolvent rien.
La grossesse sest bien passée pour le bébé. Moi,
jai arrêté de travailler (commerciale) dès le début
car jai eu des vomissements pendant huit mois, tous les jours, avec mal
à lestomac tous les jours; jai quand même pris 15 kg.
Laccouchement sest bien passé. Jai bien dormi pendant
la grossesse. Par contre, son père nest pas très bon dormeur.
Hector a fait des otites, il est plus calme le jour, beaucoup moins la nuit.
Lexamen clinique est très facile, cest un enfant docile.
Cypripedium 30 CH. enfant très éveillé (école) et
curieux, toujours en activité, besoin de soccuper lesprit;
cauchemars, frayeurs et anxiété la nuit
Et en plus je suis
en train de travailler le remède.
B) Cypripedium
Cypripedium calceolus, ou Sabot de Vénus
ou Ladys Slipper des Anglais est une espèce dorchidée.
Considérée par certains (1) comme la plus belle des orchidées
européennes, cest une grande fleur par sa taille, reconnaissable
entre autres caractères par son labelle jaune renflé en forme
de sabot.
Le nom d"orkhis" (testicule en grec)a été forgé
par Théophraste vers lan 300, en référence à
la forme des tubercules dorchidées européennes, tubercules
évoquant fortement une paire de testicules; Lindley reprit ce nom pour
dénommer la famille tout entière au XIX° siècle (2).
1) Fascination des Orchidées
Voici quelques propos relevés dans ce
livre (2), sur des fleurs qui nont rien de banal. Ces mots choisis témoignent
de la considération dont elles bénéficient.
Les orchidées suggèrent " du merveilleux mélangé
au fantastique, du réel intriqué au mythique, de lattirance
et de la répulsion à la fois. Les relations hommes - orchidées
évoquent incontestablement toutes les formes dune relation amoureuse.
Quête, possession, amour captif et exclusif, parfois mortifère,
découverte progressive du respect dû à ces plantes extraordinaires,
voilà quelques-uns des jalons de cette passionnante histoire quon
ne saurait séparer ni de lhistoire des sciences ni de celle des
mentalités
Rêve inaccessible
Charme, envoûtement
Tentatives dapproche, de séduction et de possession
Mot magique
Admiration, frayeur, étrangeté
Aura de mystère, de
sacré, dexotisme et désotérisme
Culture
relevant de la prouesse
Une étrangeté qui lui confère
une immatérialité, une transcendance des choses terrestres
"
Elles se rapprochent des Liliacées, avec lesquelles elles présentent
des analogies structurelles: trois pétales alternés avec trois
sépales. Loriginalité des orchidées réside
dans le développement et la différenciation de lun des pétales
(le labelle) et dans la constitution dun organe central réunissant
à la fois étamine et pistil dans une structure spécifique:
la colonne.
Malgré leur extrême polymorphisme, elles nen sont pas moins
sur le plan biologique extraordinairement homogènes. Elles présentent
constamment, et entre autres caractéristiques, des graines microscopiques
innombrables, offrant une prise au vent, dépourvues de réserves
nutritives, ne pouvant donc pas germer sans la présence dun champignon
spécifique.
Paradoxalement et à la différence de toutes les autres familles
de plantes, la profusion despèces contraste avec la rareté
parfois extrême avec laquelle elles sont représentées dans
la nature. Elles sont si différentes des autres plantes quelles
ont remis en question la notion même despèce. Contrairement
à une logique couramment répandue, son succès dans la nature
ne tient ni à son nombre de représentants, ni à sa tendance
à supplanter des végétaux avoisinants. Cest leur
adaptabilité aux milieux, voire leur hyper adaptation qui les a rendues
dépendantes des conditions climatiques et biologiques (humidité,
lumière, cycle des pluies et des températures, type très
spécifique dinsecte pollinisateur, champignon favorisant la germination)
de ces milieux.
Les orchidées peuvent se développer partout où existe une
végétation. Elles se répartissent en épiphytes (vivant
accrochées par leurs racines aériennes aux plus hautes branches
des arbres tropicaux); et les terrestres, de taille plus discrète, rencontrées
dans les climats tempérés, et certaines dont Cypripedium sont
des espèces rigoureusement protégées. Leur culture est
aléatoire, voire extrêmement difficile.
Elles possèdent selon les premières observations de Darwin, des
" dispositifs approchant la perfection autorisant la fécondation
croisée " (transport du pollen dune fleur à une autre
par un insecte), qui contrairement à lautofécondation est
un gage de préservation des qualités de lespèce.
Cette fécondation croisée est assurée par un insecte spécifique
à chaque espèce.
Il existe de véritables et nombreuses " stratégies pollinisatrices
", où grâce à " limagination et là-propos
stupéfiants " des orchidées, selon un scénario remarquablement
réglé, ces fleurs sinsèrent dans le cycle reproductif
dun insecte, leurré dans ses perceptions olfactives, visuelles
et conduites sexuelles.
On parle déblouissantes fleurs
qui, avant dêtre vues chez le fleuriste ou dans les serres, sont
des merveilles dévolution végétale, adaptées
de façon hautement sophistiquée à leur milieu naturel.
Une fleur qui se présente comme un chef duvre quasi achevé,
complémentaire à la perfection dun biotype ambiant et dun
comportement animal; complémentarité avec une économie
remarquable de moyens quelle réalise dans tous les aspects de son
existence: indicible beauté que seuls possèdent les objets, êtres
ou systèmes les plus efficients.
Cette fleur " animalisée " est le seul parmi les végétaux
à réaliser ce processus de " mimer " un animal jusque
dans ses moindres détails. Ce mouvement a pour but la reproduction de
lespèce et na rien de défensif ou offensif; par ce
mimétisme, et à linverse du " moins de vie " inhérent
à la " végétalisation " ou à la "
minéralisation " de certains animaux (camouflage pour échapper
à un prédateur), les orchidées réalisent indiscutablement
" un plus de vie ".
Les orchidées ont une durée de
floraison très longue; jusquà trois mois pour certaines,
sans le moindre signe de flétrissure, et dans un état de fraîcheur
et déclat identique. Les images électrobiophotographiques
(ou procédé Kirlian) permettent de visualiser une " aura
", sorte de phénomène énergétique de nature
encore indéterminée, et de repérer les états daltération
de répartition ou dintensité, alors même quaucun
signe patent ne permet de détecter une atteinte morbide. La charge énergétique
des orchidées paraît exceptionnellement élevée, et
un parallélisme avec la relative animalisation de cette fleur a été
évoqué.
Ces fleurs ont été lobjet de beaucoup de croyances, et dutilisation
reposant pour une bonne part sur lanalogie morphologique de la théorie
des signatures. Parmi les orchidées, les orchidophiles du XIX ° siècle
ont été considérablement fascinés par les Cypripedium;
cela est peut-être lexplication du choix des homéopathes
de lépoque, de nen avoir expérimenté quune
seule sorte, choisie parmi cette variété.
Je retiens surtout: limagination et là-propos stupéfiants des orchidées; leur stratégie pollinisatrice; son succès qui tient à ladaptabilité, voire lhyper adaptation de cette plante pour pousser; lanimalité et " le plus de vie "; la durée de la floraison; la charge énergétique qui paraît exceptionnellement élevée; extrême rareté de la plante et profusion despèces; des graines microscopiques innombrables sans réserves nutritives ne pouvant germer quavec un champignon spécifique.
2) Il est une autre façon de parler des Orchidées (3 et 4):
" Elles déplacent sans cesse leur
point de fixation, en poussant souvent là où on ne les attend
pas, loin de la plante mère. A travers leurs inventions inimaginables
de reproduction par les insectes (mimétisme des formes, des parfums,
des couleurs), à travers leur volonté de prendre au piège
des êtres plus mobiles, plus libres quelles et moins dépendants,
ny a-t-il pas un aspect innovant et juvénile, et même capricieux
? Elles sillusionnent sur les pouvoirs de la sexualité, sur leur
capacité à attacher lautre par leurs fantaisies, signe de
leur exception. Elles usent de stratégies juvéniles qui manifestent
la difficulté de grandir, daccepter les contraintes collectives;
alors elles se masquent et se trompent elles mêmes; doù une
frustration, retournement des pulsions sur soi, et narcissisme morbide. Dévalorisée
au moment où elle vise les buts les plus animalisés
Transformé en toupie par lamour, il ne sait plus à quoi
sen tenir, et se demande sil est la victime de la malveillance capricieuse
dun partenaire en qui il se fiait les yeux fermés ou sil
est encore trop immature pour comprendre les subtilités du jeu amoureux.
Toujours est-il quil a limpression davoir reçu un coup
de pied mal placé qui lui fait douter de ses moyens. "
Enfin la symbolique (5) nest pas en reste sur cette fleur, dont la racine
étymologique évoque la fécondité. En Chine, elle
favorise la génération et elle est un gage de paternité.
La mort dun enfant ainsi conçu survient à la coupe des fleurs:
cette fleur reprend ce quelle donne. Elle est aussi symbole de la perfection
et de la pureté spirituelle.
3) Matières médicales
Cypripedium a été introduit dans la Matière Médicale
par Hale. La matière médicale dAllen ne semble pas mentionner
ce remède.
La matière médicale de Hering
(6):
- Mental: Irascible et très changeant; symptômes hystériques;
insomnie; agitation.
Profonde indifférence à toutes choses, même ses études,
devoirs, ou simples occupations de la vie courante.
Découragement mental;
Delirium tremens, accès bénins.
- Vertigo: vertige, doit sasseoir, suivi par une sensation de lourdeur,
et de sensation traînante du pied gauche.
- Yeux: orgelet sur la paupière inférieure droite.
- Estomac: Troubles digestifs, suite dun surmenage mental, anxiété,
ou chagrin.
- Sexuel mâle: Spermatorrhée, avec grande prostration et dépression
mentale.
- Sexuel féminin: Aménorrhée, avec hystérie; grande
débilité nerveuse et découragement. Irritabilité
vaginale; symptômes hystériques, insomnie et agitation.
- Cou et dos: Un petit furoncle sanguin sur le coté gauche du cou.
- Membres inférieurs: Secousses des jambes, insomnie et agitation.
Douleur intense dans le pied droit, le long du bord interne, une heure plus
tard, douleur très sévère sur la partie antérieure
du pied gauche.
Douleurs aiguës piquantes sous les orteils du pied droit.
Sensation traînante du pied gauche, suivant les vertiges.
- Nerfs: Eveillé après un épuisement nerveux, particulièrement
lorsque le système nerveux a été épuisé par
une longue maladie, et tout particulièrement des problèmes utérins.
Débilité nerveuse, avec insomnie sur des tempéraments bilio-nerveux.
Tremblements dans les fièvres typhoïdes. Symptômes hystériques.
Chorée et réflexes épileptiques.
Convulsions des enfants, au stade prémonitoire, quand il y a une irritabilité
morbide du cerveau, avec pour conséquence un enfant très excitable,
riant et jouant à des heures peu communes; il est très éveillé,
et rit souvent pendant son sommeil.
Épilepsie par irritation nerveuse réflexe, par épuisement
des forces nerveuses, par irritabilité cérébrale chez lenfant.
- Sommeil: Insomnie: avec désir de parler, ou afflux constant didées
plaisantes; avec agitation du corps; secousses des jambes; après avortement,
pendant plusieurs nuits de suite.
- Horaire: La nuit: lenfant rit et joue.
- Périodicité, accès: accès bénins: delirium
tremens. Plusieurs nuits: agitation du corps; secousses des jambes.
- Localisation et direction: Gauche: furoncle sanguin dans le coté du
cou; lourdeur du cou; sensation traînante du pied; douleur intense du
pied. Droit: orgelet sur la paupière inférieure; douleur du pied;
douleurs piquantes des orteils.
- Sensations: Douleur intense: dans le pied droit; piqûres: dans les orteils;
secousses: des membres; irritabilité: vaginale; du cerveau. Lourdeur:
du pied gauche.
- Tissus: Altération nerveuse après surmenage mental, ou irritation
nerveuse réflexe.
Désordre cérébral débutant, quand lenfant
est éveillé, rit et joue la nuit.
Irritation cérébrale fonctionnelle, particulièrement des
jeunes enfants pendant la dentition, ou par des désordres intestinaux.
- États et stades: une enseignante pendant un séminaire, après
un avortement; insomnie.
Vermeulen (7 et 8) précise que Kipris qui vient du grec, était
lun des noms de Vénus, et podion, petit pied ou chausson, ont donné
littéralement notre Sabot de VénusD qui a évolué
vers " Ladys Slipper "des Anglais. Cest une plante sauvage
présente aussi à lEst des Etats-unis et du Canada. Elle
a longtemps fait lobjet dune utilisation populaire contre la nervosité,
également dans lhystérie comme un stimulant nerveux doux
et antispasmodique, moins puissant que la Valériane. Cypripedium est
considérée comme un excellent remède de déprime
post-partum, quand la femme est épuisée, et sétonne
de ne pas avoir assez dénergie pour aimer son nouveau-né.
En rapport au mécanisme de pollinisation des Orchidées, dont les
phénomènes de mimétisme sexuel, on a assimilé cette
faculté à celle des sujets romantiques et volatiles, saccommodant
dune situation à une autre, sans jamais se poser; le remède
ayant la vertu de stabiliser ces personnes.
Les symptômes guides:
- Profonde indifférence à tout, même ses devoirs détudes,
et les occupations domestiques de la vie courante (Hale).
- Hyper-excitation aggravée la nuit, alternant avec ou suivie de fatigue
et dindifférence aggravées le jour.
- Enfants très vifs desprit, comme Jalapa, mais plus enfantins
de comportement. Aime jouer avec des jouets denfants plus jeunes. Renfermés;
aiment jouer seuls. Désire casser des choses. Désire rire (Mangialavori).
- Faiblesse nerveuse après une grippe ou une longue maladie.
- Insomnie après une surexcitation. Désire parler, avec un afflux
constant didées agréables.
Et agitation physique.
- Lenfant séveille la nuit de son sommeil; très éveillé,,
inhabituellement joueur, et aucun désir de se recoucher. Lenfant
veut jouer et parler toute la nuit.
- Aggravation par la dentition.
- Les symptômes cutanés ressemblent à ceux de lintoxication
par Rhus Tox.
- Débilité après la goutte.
- Symptômes "hydrocéphaliques" après une diarrhée
longue et épuisante.
- Insomnie et excitation mentale des femmes souffrant de problèmes gynéco-urinaires.
- Une infusion corsée provoque une grande excitation suivie de calme,
et convient aux femmes dont les nerfs ont été épuisés
par une longue maladie, ou un excès de thé ou de café.
Rubriques:
- Mental: Suite danticipation, détat de frayeur; suite dexcitation
émotionnelle; suite de chagrin. Capricieux. Rêves denfants.
Ravissement la nuit en séveillant. Rit en dormant. Dépression
pendant laménorrhée. Pleure en faisant un discours.
- Vertige: sujet au vertige; doit sallonger; suivi de lourdeur, et sensation
traînante du pied gauche.
- Tête: Douleur à la ménopause; maux de tête des personnes
âgées.
- Estomac: indigestion par lanxiété; après chagrin;
après un effort mental.
- Sommeil: Insomnie pendant la convalescence; pendant la dentition; après
un avortement; par des secousses des jambes; par la fatigue.
- Généralités: fatigue par insomnie.
- Aggravation: le café.
Parmi ces symptômes (merci à Jean-Marie
Deschamps et Michel Zala pour les extractions de Mac Repertory et Radar) il
ressort bien sûr, notamment à travers les key notes, la notion
de symptômes de léveil nocturne, du plaisir et même
du ravissement (rire et jouer ) dans léveil nocturne, particulièrement
chez lenfant; de lhyperesthésie cérébrale encore
du jeune enfant. Mais cest aussi un remède moins connu dinsomnie
du nouveau né (1-7R), pour ses terreurs nocturnes (1-15R) où lenfant
peut crier, hurler pendant son cauchemar. Cest un remède de peurs
chez lenfant.
Remède moins fréquemment prescrit au cours de la dentition chez
lenfant: irritable, agité, insomniaque, douleurs céphaliques,
convulsions.
Plus généralement cest un remède plein de tracas,
avec des troubles mentaux suite de pressentiments, danticipation, de trac,
de chagrin, de peines; il sursaute; cest un industrieux. Il a des visions
colorées, notamment des taches noires, des mouches volantes. Il parle
difficilement en raisons de spasmes du larynx. Maladies de la moelle épinière.
Douleurs articulaires goutteuses. Remède de fièvre puerpérale.
Déruptions cutanées, douloureuses; urticariennes; vésiculeuses;
brûlantes. De fièvre avec des tics pendant la fièvre typhoïde.
Cest un remède féminin: dépression pendant laménorrhée
(2-6R); suppressions (1-4R) ou absence (2-2R) des règles chez les femmes
hystériques; remède dirritation vaginale (1-3R), dinsomnie
pendant la grossesse (1-24R), ou après avortement déjà
cité.
Sa polarité masculine est également notable: prostration mentale
après pollution (2-9R), ou dépression mentale par la pollution
(2-24R).
Il est aussi remède unique danxiété avec dyspepsie,
avec indigestion. De rougeur des yeux vers 17 heures. De pesanteur, fatigue
des jambes; du pied gauche; après un vertige. De pied gauche qui traîne
après un vertige.
Il est notable que dautres que dautres polarités émergent,
surtout au travers des key-notes:
- accès bénins de delirium tremens;
- prostration mentale après la grippe;
- syndrome démateux hydrocéphalique à la suite dune
diarrhée longue et épuisante;
- douleur céphalique aiguë et profonde pendant la dentition; avec
des douleurs intestinales;
- Insomnie après avortement.
C ) Analyse et discussion
Ces trois observations mont encouragé
à travailler sur la matière médicale de ce remède
mal connu. A travers le diagnostic différentiel entre vrai ou faux aigu,
mon intention est de tenter surtout den élargir les possibilités
de prescription au-delà des troubles du sommeil de lenfant (les
rares cas publiés (9) le sont tous sur ce genre de pathologie).
Plus largement à travers cette tribune, je souhaite continuer la discussion
sur un sujet qui me tient particulièrement à cur maintenant,
sujet qui concerne les directions prises par lhoméopathie à
la lumière de ses progrès incontestables.
1) Lanalyse des cas: Cypripedium
Similimum dun aigu vrai ou remèdes Simile du chronique pour linstant?
Chez le nourrisson et chez le petit enfant, il apparaît souvent que limpact
maternel, lié à la vie commune passée pendant 9 mois avec
sa mère, soit encore présent.
Cypripedium est lexemple typique du remède connu exclusivement,
jusquà plus ample informé, pour son action en pédiatrie.
Cas aigu (lié aux circonstances de grossesse) ou recrudescence aiguë
du chronique (lié à la perception erronée de la réalité)
chez ces enfants ? Jai choisi délibérément de présenter
ces observations pour ces deux raisons. Faut-il attendre deux ans pour parler
du remède, ou étayer, discuter, et essayer den élargir
dès maintenant la compréhension individuelle, ainsi que la prescription
chez ladulte ? Je souhaite quun jour, nous ayons un cas chronique
à publier, montrant une action très profonde du remède.
Dans ce travail a posteriori, jai cherché à regrouper des
propos dambiance dans lanalyse individuelle de chaque cas, et en
comparant les cas entre eux. Parmi les phrases ou mots prononcés qui
ne sont pas forcément des signes homéopathiques, certains peuvent
paraître banaux à première vue; peut être pourront-ils
être valorisés un jour prochain. Ces notes ne sont pas définitives;
je les propose à la réflexion commune, pour une extension éventuelle
de la prescription du remède.
Le cas de Lucy: éveillée pendant 3 à 4 heures en
pleine nuit; ne dort que des demi-heures ou trois quarts dheures le jour;
prête à jouer la nuit; ne tient pas en place le jour; grossesse
très mouvementée; la petite a dû voir des choses; cauchemars
pendant la grossesse; peur pendant la grossesse; affolée pendant la grossesse;
situation cauchemardesque pendant la grossesse; enfant agitée sans cesse;
enfant au langage très élaboré; enfant surexcitée;
elle refait ses journées la nuit; elle sourit en sendormant; cherche
à dormir et ny arrive pas; ne se relaxe jamais.
Le cas de Nolwenn: jumelle née en deuxième position, en
siège, avec un apgar à 5; agitée pendant lexpulsion
de son frère; impression quil lui faut une présence pour
dormir; elle rigole tout le temps; se met en position de défense quand
ses frères arrivent, tout en rigolant; elle fait attention à son
jumeau comme une mère; excitée nerveusement plus fine dans ses
gestes que son frère; trop servie par ses frères; elle rit en
dormant; vive desprit; autonome pour décider du moment du câlin;
cauchemars la nuit; hurle pendant ses cauchemars à faire peur à
toute la maison; sendort dans le noir et cauchemarde à trois heures
du matin; elle rigole tout le temps notamment quand elle est malade; elle tape
sans raison, ou plutôt quand on ne soccupe pas delle; lahurissement
du médecin devant lénergie époustouflante de cette
mère de famille nombreuse.
Le cas dHector: pas une nuit complète depuis deux ans; cauchemars
toutes les nuits; crie, pleure, appelle, et a du mal à sortir de ses
rêves; on voit la peur sur son visage, terrorisé par quelque chose;
toujours en activité, surexcité; besoin de nouveaux jeux, de nouvelles
activités; ne prend pas de poids après la naissance; il mange
lentement, un vrai calvaire pour le faire manger, amélioré en
soccupant lesprit; très curieux, suit toutes les activités
à lécole.
À partir de ces cas cliniques, je propose de retenir sous forme dexpressions
ou mots clés:
enfant;
juvénilité;
éveil diurne et nocturne (mieux quinsomnie);
énergie débordante;
cauchemars, en particulier chez le nouveau-né et pendant la grossesse;
grossesse mouvementée;
croissance difficile du nouveau-né.
2) La recherche du noyau ou léloge
de la complexité
En préambule je me fais lécho
dun échange de vues (au jumelage GEHU-CLH à Reims 2001):
il apparaît que notre recherche évolue vers la description quelque
chose qui ressemble à une grande métaphore, dune ténuité
indicible. Il semble que le parler, lanalogie et non pas la logique, louverture
et la dynamique ainsi créée, sont à lorigine des
progrès du diagnostic homéopathique, et donc de la qualité
du traitement et du pronostic. Une réflexion commune réunit la
sensibilité de chacun, de chaque patient et de chaque médecin.
Cela explique en partie la grande diversité des cas où lon
raconte une histoire unique. Cela explique peut-être aussi la diversité
dapproche et la diversité de représentation des remèdes,
qui ne peut tenir dans une seule poignée de mots.
En ce qui concerne Cypripedium, ma première impression est celle dun
remède insuffisamment éprouvé et expérimenté,
probablement. La matière médicale paraît pauvre, en regard
de celle de certaines autres plantes. Cette matière médicale pourrait
senrichir à partir des signes guéris de cas cliniques, et
dun nouveau proving.
- Le symptôme éveil, nocturne et diurne, me semble particulièrement
valorisé dans lensemble des observations publiées à
ce jour. Cest un symptôme homéopathique (surmenage mental)
qui peut être retrouvé chez ladulte qui trouve des capacités
(de travail et de jeu) insoupçonnées la nuit. Je suis encore frappé
par lénergie assez phénoménale de la maman de Nolwenn.
- La grande polarité cérébrale des symptômes de la
matière médicale actuelle. Je serais tenté de parler de
" lintelligence " des orchidées. Je note que lintention
de reproduction suppose un stratagème, donc une activité cérébrale
intense inhabituelle dans cette finalité. Pourquoi ne pas y songer quand
des facettes hystériques ou dépressives sont concomitantes de
notes sexuelles inhabituelles (spermatorrhée, aménorrhée);
comme le suggère B.Vial, son mimétisme finit par le (la) tromper
lui (ou elle) - même.
- Les " difficultés dimplantation " que jai cru
déceler dans mes cas cliniques sont également particulières.
Limplantation dans la vie ne semble effectivement pas de tout repos. En
même temps, lhyper adaptabilité permet de " pousser
" là où on ne lattend pas forcément; et dêtre
éveillé (encore) à toute heure.
- La relation amoureuse enfin est faite de séduction (Nolwenn?) et de
mimétisme à des fins reproductrices. La fascination, lattrait
hypnotique (les frères de Nolwenn?)nest pas loin, où lorchidée
prend au piège des êtres plus mobiles.
- Pas de rêves précis, et seulement des illusions de mouches, et
des visions colorées: ces symptômes paraissent particulièrement
peu nombreux.
- Lénergie de longue durée, avant leffondrement: profonde
indifférence à tout; découragement.
3) Le remède pour la vie ou le but
dune publication
"On constate que certains patients, quelle
que soit leur pathologie chronique, répondent toujours au même
remède dun bout à lautre de leur vie (si lon
met à part les médicaments intercurrents prescrits pour des manifestations
surajoutées, passagères, accidentelles ou aiguës)" .
Jaques Baur (11) fait ainsi allusion à la prescription dun remède,
toujours le même, tout au long de la vie dun individu. Il en parle
comme dun but possible, recherché même, avec des outils diagnostiques
performants. La tonalité générale de son livre, et particulièrement
cette mention, mont frappé par leur sagesse.
Les avancées actuelles ne nous donnent simplement que de meilleures possibilités
discriminatives entre les remèdes.
À la faveur dune réflexion collective (notamment au groupe
Petroleum), il apparaît nécessaire de rappeler à nouveau
que ce remède " longue durée" ne répond pas forcément
à toutes les situations, toute la vie.
La disjonction symptomatique en aigu (§ 221 et 243 de lOrganon) a
toujours sa place dans la pratique daujourdhui. Quand la superposition
dune maladie aiguë sur une maladie chronique lexige, un remède
peut simposer pendant un temps, qui peut être plus long quil
ny paraît. Ce remède est prescrit en lieu et place dun
remède daction plus profonde, momentanément non indiqué
par les symptômes homéopathiques.
Mais la maladie endogène (Marc Brunson) préexiste à la
maladie exogène occasionnelle; et chacune justifie un remède,
lun nexcluant pas lautre.
Le but de ces réflexions est de chercher à donner " de lair
" aux publications actuelles. Il mapparaît justifié
dans ces conditions et sous réserves dun souci dextrême
exactitude, de proposer à la réflexion collective, des cas cliniques
" modernes " avec un recul plus modeste, voir très court. Un
cas aigu vrai résolu avec un remède prescrit sur des symptômes
homéopathiques " modernes " peut et doit être publié.
Un remède, perçu au départ comme celui dune recrudescence
aiguë du chronique, et qui " ne tient pas " peut être analysé
comme un Simile, ou comme un remède qui sefface momentanément
devant un remède intercurrent. Comme dans un cas chronique, les symptômes
qui ont justifié la prescription restent validés.
Tous les cas cliniques peuvent espérer faire avancer lhoméopathie.
Les situations de grossesse et la pédiatrie en général
notamment, pourront alors bénéficier également de tous
ces apports. Ce potentiel de percussion que représentent ces situations,
la conviction et la force quelles procurent aussi au patient et à
son médecin doivent êtres toujours présents dans nos consultations
dhoméopathes. Comment laisser de côté également
les dossiers des personnes poly-médicamentées chez qui lon
ne trouve que très rarement (jamais?)le bon remède dès
la première prescription; faut-il se contenter de lhoméopathie
" à lancienne "?
Laigu vrai constitue également un trait dunion entre les
médecines allopathique et homéopathique. Pour les plus jeunes
médecins, cest une des entrées en matière rapide
et convaincante dans ce concept holistique. Il faut continuer à le magnifier,
en décentrant les discussions actuelles qui tournent jusquà
lobsession autour de la maladie chronique comme finalité. La richesse
de lhoméopathie est bien plus vaste, et elle nous épargne
un risque déloignement des principes fondamentaux. Il est toujours
de bon aloi de reparler de la doctrine.
Il faut alors se poser la question (Marc Brunson)
du but dune publication, et de savoir si lon veut faire avancer
la doctrine, ou faire avancer la matière médicale.
- Sil sagit de faire avancer la
doctrine, alors un recul raisonnable sur un cas est nécessaire avant
la publication. La compréhension nouvelle dune problématique
du remède au travers de quelques idées fortes est énoncée.
La prescription aide le patient à mieux comprendre, et à mieux
faire face à son illusion fondamentale, à sa perception erronée
de la réalité.
- Sil sagit de faire avancer la
matière médicale, alors un recul plus court semble tout à
fait acceptable, avec les réserves mentionnées ci-dessus. La prescription
dite " moderne ", est basée sur des symptômes dont la
perception par le médecin nétait pas aussi aisée
auparavant. Le remède soulage le malade de façon prompte, douce
et durable
Les symptômes utilisés sont confirmés,
validés, et permettent de faire avancer nos connaissances sur le remède,
de la même façon que les anciens homéopathes sy sont
pris. Il serait en effet absurde dinvalider un symptôme, ou la qualité
dune prescription sur la seule durée daction de celui-ci.
A fortiori (comme dans le premier cas de Lucy) dune manière générale,
le retour de symptômes anciens (Loi de Hering) est une garantie supplémentaire,
et un argument pour autoriser la publication et discussion autour du cas.
Concrètement encore, la publication de cas aigus de nouveaux remèdes
serait la bienvenue, et dabord pour les patients. Je pense par exemple
à un aigu dAndrochtonus, de Carcinosinum, de Chocolat ou dHydrogène
Puisse
la recherche homéopathique servir lhoméopathie tout entière.D)
Conclusion
Lorchidée me fascinait depuis longtemps. Je nai pas été
déçu dy trouver matière à soulagement de petits-enfants,
dune part; à ladmiration, la séduction et la réflexion
dautre part.
Lhoméopathie est incontestablement séductrice et prometteuse.
Cette séduction comporte des risques, qui se double aujourdhui
avec la recherche clinique, dune espèce dexaltation pour
guérir la maladie chronique (concept particulièrement original
de cette approche de la santé). Cette exaltation conduit parfois, me
semble-t-il, à une sensation divresse que je nai pas retrouvée
dans tous les écrits.
Cette présentation et cette prise de conscience prennent leur source
dans la relecture des conférences de Kent. Jai choisi aujourdhui
de citer J.T. Kent sur un passage de ses conférences telles que nous
les avons réétudiées (11).
Plusieurs fois ce médecin américain met en garde le thérapeute
contre lui-même. Il dit même explicitement ceci (Conf.5 p.16): "
Il est loin dêtre inutile, pour lhoméopathe,
de réfléchir à ses propres capacités intellectuelles
et sa propre vie, avant de commencer à soccuper de celle des autres.
"
Ces propos (centenaires !) sont significatifs de la conscience de Kent sur les
" risques du métier "; ses propres origines (12) lont
peut-être incité à cette réflexion. Leur lucidité
nen est que plus éclatante à notre époque.
Bibliographie
1- Landwehr. J. Les orchidées sauvages
de Suisse et dEurope (Tome 1) version française par M.E.Dessarps
- Edition. Piantanida.
2- Leroy-Terquem G. et Si-Ahmed D. Orchidées passion - Edition Bordas
3- Dr Vial. B. Dictionnaire affectif des plantes Edition Maloine
4- Dr Vial B . Botanique médicale Edition Similia
5- Chevalier J. et Gheerbrant. A Dictionnaire des Symboles Edition R. Laffont
6- Hering C. Guiding symptoms of our materia medica Tome IV. B.Jain Publishers
7- Vermeulen F. Concordant Materia Medica Merlijn Publishers
8- Vermeulen F. Synoptic Materia Medica Tome II. Merlijn Publishers
9- Dr Donneux A .Echos du CLH n°31- 1991; Wright-Hubbard E. CHH n°6
1984.
10- Dr Baur J. Homéopathie médecine de lindividu chapitre
11, p.274- Editions Similia
11- Société .Hahnemannienne de Normandie. Des conférences
de Kent, cent ans plus tard
travail coordonné par le Dr J. Prat
- Editions Liégeoises dhoméopathie...
12- Michot-dietrich H. La généalogie de J.T.Kent Cahiers du Groupement
Hahnemanien du Dr Schmidt, n° 8 - 1992.