Liste des remèdes de Barbancey : (Cliquez sur le lien)

 

Agaricus. 1

Alumina. 2

Anacardium.. 6

Argentum Nitricum.. 11

Arsenicum Album.. 15

Aurum Metallicum.. 19

Baryta  Carbonica. 30

Calcarea Carbonica. 35

Calcarea Fluorica. 40

Calcarea Phosphorica. 44

Causticum.. 45

Cyclamen. 50

Fluoric Acid. 53

Gelsemium Sempervirens. 55

Hepar Sulfur 58

Ignatia. 61

Kalium Bromatum.. 64

 

Lachesis. 68

Lycopodium.. 74

Medorrhinum.. 82

Mercurius Solubilis. 86

Natrum Muriaticum.. 91

Nux Vomica. 106

Phosphorus. 109

Platina. 120

Pulsatilla. 128

Sepia. 132

Silicea. 143

Staphysagria. 153

Sulphur 156

Tarentula Hispanica. 162

Thuya Occidentalis. 163

Tuberculinum.. 168

Valeriana. 175

 

 

 

 

Agaricus

 

Psychisme

     Morpho-psychologie de base

     - le plus souvent " fluorique " ou " carbosulfur " ;

     - très majoritairement masculin.

     Modalités particulières

     - agitation violente avec comportement furieux, tendance à se faire du mal, à se blesser, à se mutiler ;

     - douleurs piquantes " comme par des aiguilles de glace " ;

     - sensation d'  insectes courant sur la peau ;

     - aggravation par l'  activité intellectuelle ;

     - aggravation par le froid ;

     - aggravation par toute peur vécue comme une agression et suscitant une violence réactionnelle ;

     - aggravation nette de tous les symptômes le matin ;

     - amélioration par une marche lente.

     Excitabilité neurologique :

     - tics de la face et nystagmus surtout chez l'  enfant ( d' origine neurologique );

     - spasmes musculaires localisés ( épaules, cou, dos, membres ) ;

     - mouvements choreiformes ou chorée  vraie;

     - convulsions de l' enfance ( possibilité d' altération de l' électrogenése cérébrale );

     - hypersensibilité du rachis ;

     - tremblements des extrémités supérieures et inférieures, tremblements chroniques du vieillard scléreux-alcoolique;

     - lascivité et sensualité ( Kent ) ;

     - aggravation des troubles convulsifs et spasmodiques par l' excitation sexuelle et les. rapports.

     Troubles du caractère et du comportement

     - sujet irritable et impulsif :

     . enfant psychotique, caractériel ou épileptique ;

     . toxicomane ou / et alcoolique, pouvant devenir :

     - haineux et méprisant ( Kent ) ;

     - alternance d' excitation rageuse et d' exaltation religieuse.

     Délire aigu

     - excitation cérébrale avec délire incohérent et violent ( cf. STRAMONIUM );

     - expression brutale et " absente " du regard ;

     - besoin de chanter et de danser ( de manière spasmodique ) ;

     - " récite des vers et prophétise " ( Kent ) ;

     - " embrasse ceux qui l' entourent " ( Kent ) ;

     - rêves de mort ;

     - idées délirantes de grandeur et de puissance ( revanche désespérée sur une réalité humiliante );

     - logorrhée violente ( par décharges explosives isolées ) avec élocution difficile, erreurs de mots, sans répondre aux questions posées

     - tendance à déchirer les objets et ses vêtements ;

     - se frappe avec force, peut se blesser et se mutiler ( violence autopunitive ).

     Décompensation

     - lenteur intellectuelle :

     . de l' enfant retardé, tiqueur et buté, à la mémoire déficiente ;

     . du malade neurologique ( chorée de Huntington ) ;

     . de l' alcoolique dégradé ;

     - périodes de torpeur, d' asthénie et d' aboutie, mutisme surtout le matin ;

     - crises de larmes spasmodiques ;

     - état dépressif avec sentiments douloureux de déchéance.

     L' action d' AGARICUS sur les indications cliniques mentionnées semble être la plus efficace à la 7° et à la 15°° cH.

 

 

Alumina

 

Généralités

     C' est l' oxyde d' aluminium ( ou alumine ).

     Des troubles étaient jadis attribués à l' action de ce produit, en milieu industriel, chez les travailleurs de l' aluminium, soit au stade de l' extraction du minerai ( dans les mines de bauxite ), soit au stade de la fabrication des alliages, du polissage et des transformations en produits finis. Mais il s' agissait essentiellement d' effets dus à l' inhalation de poussières et particules d' origine multiple, produisant des lésions d' irritation cutanées ou bronchiques, voire certaines pneumoconioses, mais " aucune intoxication industrielle par les sels d' aluminium n' a pu être rapportée ".

     Utilisés à dose pondérale en thérapeutique allopathique ( gel de phosphate d' alumine pour le traitement des dyspepsies acides ), les dérivés aluminés ont un effet indésirable bien connu: l' apparition d' une constipation tenace, nécessitant un apport hydrique important. Leur administration est également susceptible d' entraîner une déplétion phosphorée génératrice de déminéralisation osseuse.

     L' action pathogénétique lente développée par ALUMINA, selon l' expérimentation hahnemannienne, permet de retrouver certains des troubles mentionnés, mais aussi d' autres plus importants.

     . Symptômes cutanée-muqueux :

     - état de sécheresse de la peau avec prurit brûlant, en particulier au niveau des mains et du visage ( sensation de peau qui tire, de " toile d' araignée " collée sur les joues et le front ) ;

     - irritation des muqueuses surtout respiratoires et digestives ( gastriques,

     ano-rectales ) avec alternance de constipation extrême et de sécrétions mucilagineuses excoriantes.

     . Troubles d' expression neurologique :

     - faiblesse progressive avec émaciation ;

     - parésies des membres, latérales ou bilatérales, voire paralysies complètes ;

     - troubles de la sensibilité ( engourdissement ) ;

     - troubles de la coordination motrice ( gestes mal adaptés, marche maladroite );

     - troubles de l' équilibre : instabilité à la station debout avec peur de tomber, à tort nommée " vertiges " par les malades, ou vertiges mais avec chute ( sensation que tout tourne autour de soi ), se produisant spécialement en position debout, yeux fermés ( Romberg ).

     . Manifestations psychiques particulières :

     Même en les réduisant au minimum, les auteurs de Matières médicales homéopathiques mentionnent tous :

     - un état de ralentissement intellectuel pouvant aller jusqu' à la confusion mentale : difficulté à prendre une décision ( par incapacité évidente d' appréciation d' un choix ), mais cela peut aller jusqu' au sentiment d' irréalité avec interrogation sur sa propre identité ;

     - un état d' inquiétude anxieuse, d' attente impatiente, avec hâte fébrile ;

     - une impressionnabilité marquée, en particulier à la vue du sang, avec tendance à la lipothymie ;

     - des angoisses aiguës à la vue d' un instrument tranchant ( couteaux, ciseaux ) avec peur intense de s' en servir sur autrui ( très rarement sur soi-même ).

     Si beaucoup de symptômes expérimentaux d' ALUMINA, en particulier les symptômes neurologiques, peuvent concerner des malades lésionnellement dégradés, notamment de grands vieillards ( chez lesquels il faut aussi penser à ARGENTUM NITRICUM, à CAUSTICUM, à CONIUM MACULATUM, etc. ), les crises de panique ont, de très loin, leur indication chez des sujets jeunes.

     Il s' agit d' une affection psychopathologique pénible et rebelle, se manifestant dans un contexte bien particulier : les phobies d' impulsion.

 

Psychisme

     ALUMINA ET LES PHOBIES D' IMPULSION

     Mme Brigitte B..., 26 ans, secrétaire comptable, mariée depuis huit mois, vient consulter, en janvier 1980, pour un état d' angoisse de plus en plus invalidant.

     Bien qu' élevée dans un foyer uni et accueillant, sans aucune séparation d' avec les siens, elle a très tôt ressenti la peur d' être abandonnée ( en contraste avec une soeur aînée de deux ans, hardie et indépendante ) et des difficultés extrêmes à s' éloigner de sa mère, avec un besoin constant d' être rassurée. Enfant sérieuse, raisonnable, bonne élève, elle a eu, vers quatorze ans, des préoccupations obsédantes et des scrupules, le besoin d' exécuter son travail scolaire selon certains rituels, non sans de longues hésitations et de multiples vérifications, d' où une lenteur qui lui valait de constants reproches et des résultats peu représentatifs des efforts déployés et de la fatigue ressentie.

     Atténuation de ces phénomènes entre dix-huit et vingt-quatre ans, sans qu' ils aient disparu, alors qu' ayant fait des études de comptabilité, elle a trouvé un emploi : sa conscience professionnelle y est appréciée, ainsi que son " bon esprit " , bien qu' elle soit, intérieurement, susceptible et têtue.

     Mariage heureux à vingt-cinq ans, deux mois après lequel survient un drame familial : son beau-frère ( car sa soeur s' est mariée à dix-neuf ans ) se tue en voiture. Le ménage semblait équilibré dans son originalité sinon sa marginalité : pas de désir d' enfant après sept ans d' union, mode de vie qualifié de " bohème " , opinions affichées de manière agressive, etc.

     Brigitte, tout comme ses parents, trouvait ce garçon peu sympathique. Mais bien vite, elle a ressenti cet événement avec une angoisse croissante et une culpabilité impossible à maîtriser et raisonner, incapable de repousser la crainte que cette disparition brutale ne soit la réalisation d' un souhait de mort qu' elle aura  pu faire...

     Tantôt accablée de remords, même si elle savait que jamais, consciemment, elle n' avait eu un tel désir, tantôt révoltée d' être ainsi tourmentée, triste et dépressive, doutant d' elle-même et de sa vraie nature, asthénique et insomniaque, retrouvant le besoin de protection maternelle comme dans sa petite enfance, elle n' a pas osé faire part à son mari de ses troubles.

     C' est une belle jeune femme aux cheveux châtains, aux yeux gris, assez grande et bien charpentée sans être lourde, dont l' abord est réservé, voire pudique, mais l' hyperémotivité évidente.

     THUYA 30, PULSATILLA 30 et CALCAREA PHOSPHORICA 9 l' améliorent ; GELSEMIUM l' aide à passer un concours, mais elle revient, quatre mois plus tard, car une nouvelle angoisse l' assaille.

     Toujours troublée par le décès de son beau-frère, elle se demande si l' hypothétique souhait de mort dont elle aurait pu avoir l' idée n' a pas joué un rôle favorisant dans l' accident fatal. Elle est donc, non seulement inquiète d' avoir, ne fut-ce qu' éventuellement et involontairement, une part même infime de responsabilité, mais de plus, elle est constamment tourmentée par la crainte d' éprouver, malgré elle, des sentiments agressifs à l' égard des personnes de son entourage... ce n' est pas la conviction délirante de détenir, personnellement, une puissance surnaturelle sur le destin d' autrui mais la crainte d' une possible action maléfique de la pensée, de la sienne comme celle des autres, une peur superstitieuse du pouvoir magique de sa pensée.

     Pendant près d' un an, des prises espacées et alternées de CYCLAMEN 30 et de GELSEMIUM 30 apaisent notablement les angoisses, Brigitte refusant tout anxiolytique chimique qui accentue sa constipation invétérée, jusqu' au jour où elle manifeste l' inquiétude de ne pas pouvoir être enceinte... car, ce qui n' est pas dit tout de suite mais avoué au cours de la consultation, c' est qu' ainsi sa " faute " ne soit punie de stérilité.

     Parallèlement aux investigations subies par le couple à ce sujet, je prends la jeune femme en entretiens hebdomadaires psychothérapiques, pendant trois mois. ce qui permet de mettre à jour sa problématique, selon un schéma qui est toujours à peu près le même dans des observations comparables :

     - sentiment de faiblesse du moi, accentué par contraste avec une ou des personnalités différentes, plus fortes dans l' entourage ( ici la soeur aînée de Brigitte ), et cela dès l' enfance ;

     - d' où sentiments de frustration, d' où sentiments de jalousie, d' où sentiments d' agressivité, processus logique ;

     - mais jalousie et agressivité, non admises par la conscience morale ( surmoi ), sont refoulées avec plus ou moins de succès. Si le mécanisme fonctionne bien et que la structure de personnalité le permet, il y a seulement, en réponse aux sentiments d' infériorité, compensation, voire surcompensation suivant les possibilités et les capacités ;

     - mais ici le refoulement est imparfait, laissant sourdre la conséquence du conflit interne : une culpabilité qui a tendance à devenir hyperbolique et envahissante ( comme un " cancer " ), une culpabilité qui semble, même à la conscience claire du sujet, injuste et irrationnelle, puisque apparemment elle semble directement issue des sentiments primaires de faiblesse, d' infériorité.

     Ayant effectivement pris conscience à la fois de sa tendance structurale à réagir sur ce mode et de l' inanité de sa faute dans la mort accidentelle de son beau-frère, Brigitte, six mois après, m' annonce qu' elle est enceinte, heureuse de l' être, tout à fait libérée de ses anciennes angoisses. cependant, elle convient qu' elle est parfois effleurée par l' idée effrayante de pouvoir faire, malgré elle, du mal à son bébé quand elle s' en occupera : crainte de l' étouffer ou de le blesser, particulièrement avec des ciseaux...

     Pour s' en préserver, dés à présent, elle a proscrit journaux et télévision. " En effet, explique-t-elle, je suis sûre d' en être tout à fait incapable, cela me fait horreur, mais l' idée que certaines le font me fait peur. "

     c' est très exactement définir la phobie d' impulsion: une " peur fascinante "

     d' exécuter un acte de violence sur soi ou sur autrui, avec des représentations mentales vives et terrifiantes et comportements d' évitement de l' objet phobogéne.

     Brigitte, qui par ailleurs est extrêmement impressionnable ( au point de pâlir et défaillir quand on lui fait une prise de sang ), a reçu ALUMINA 30 CH : 1 dose tous les jours pendant 10 jours, puis tous les 3 à 5 jours pendant 3 mois. Non seulement sa constipation tenace et sa phobie d' impulsion ont disparu, mais on constate une stimulation remarquable de sa thymie : elle n' a plus ces " passages à vide " , comme elle disait, où, hantée par ses peurs, elle en arrivait à douter d' elle-même, s' interrogeant sur sa vraie personnalité, alors incapable d' agir... puis révoltée par ce douloureux débat, prise d' une irritabilité qui, à ses yeux, ne pouvait que confirmer ses tendances mauvaises...

     Néanmoins, elle a reçu ACTEA RACEMOSA dés son accouchement, pour éviter une décompensation dépressive qu' elle était particulièrement apte à faire, puis ALUMINA 30 CH au moment du sevrage. Sa phobie d' impulsion n' a pas reparu.

     Cette observation me paraît exemplaire pour plusieurs raisons.

     . Elle illustre le fond anxieux, scrupuleux et obsessionnel qui préexiste toujours à la phobie d' impulsion, laquelle en est une manifestation secondaire, focalisée, subaiguë ou aiguë.

     . On y retrouve cette problématique de l' enfance que j' ai décrite, avec en outre deux caractéristiques :

     - Impressionnabilité par des images-chocs ( scènes de violence à la télévision ou au cinéma ) ou par des objets-chocs ( vecteurs de violence : ciseaux, couteaux, outils ) ;

     - la non-maîtrise des représentations imaginatives déclenchées en chaîne par images et objets, sur lesquels l' angoisse flottante se focalise.

     . Elle confirme ce qu' on constate souvent dans les observations cliniques:

     - fréquence des phobies d' impulsions dans le sexe féminin, en particulier la peur de faire involontairement du mal à un être cher ;

     - déclenchement d' une phobie d' impulsion à la suite d' un accouche. ment, notion clinique bien reconnue. En général, elle se déclare dans les suites de couches.

     C' est assez dire que l' émergence du syndrome au décours d' une grossesse suppose non seulement de fortes implications psychologiques, mais un bouleversement neurobiologie non moins complexe.

     Il semble bien, dans ces cas-là, s' agir d' une pathologie de l' adaptation du moi : difficulté à effectuer ce partage de soi qu' est la séparation-individualisation de la mère d' avec son enfant, sentiments ambivalents de perte et d' inaptitude ( d' incapacité ) qu' éprouvent certaines jeunes femmes pour une première maternité ( il est beaucoup plus rare que cela survienne pour des maternités ultérieures ).

     On sait depuis toujours que le post-partum constitue une période de faille, de remaniement majeur au cours duquel peuvent se déclencher ou se manifester des états névrotiques, mais aussi se révéler des psychoses.

     Il importe, à ce sujet, de faire nécessairement le diagnostic différentiel entre :

     - " la fascination anxieuse " ( selon l' expression de Hesnard ) induite par l' image ou l' objet sur le malade phobique, lequel ne réalise jamais l' acte dangereux qu' il a peur de commettre malgré lui et réclame souvent, pour s' en garantir, une présence protectrice qui s' ajoute à l' évitement,

     - et le désir obsédant chez un sujet névrotique ou surtout psychotique, chez lequel la réalisation de l' acte dangereux :

     . est précédée d' une lutte intérieure plus ou moins intense, prolongée et irrépressible,

     . est accompagnée de jouissance orgastique pendant l' exécution,

     . est suivie d' une détente, avec relâchement de la tension anxieuse obsédante, et parfois le regret de l' acte commis, malgré le sentiment profond d' inévitabilité.

     Cela peut se voir chez le petit obsessionnel exhibitionniste ( mais il n' y en a pratiquement plus ! ils ne choquent plus personne ) jusqu' au grand psychotique criminel. Chez ce dernier, je n' ai jamais trouvé d' indication d' ALUMINA ni même d' ARGENTUM NITRICUM ( si comparables par bien des aspects ), mais pratiquement toujours : PHOSPHORUS, HEPAR SULFUR, LACHESIS et STRAMONIUM.

     . On peut en outre noter que dans certaines myélites réalisant un syndrome cordonnal postérieur où domine la symptomatologie neurologique ( paresthésies puis paralysie ascendante et troubles cénesthésiques précoces, vertiges, etc. ), on peut retrouver les troubles psychiques caractéristiques d' ALUMINA à la fois :

     - par atteinte cérébrale centrale, sans doute au niveau de la région limbique ;

     - par réaction à une situation humiliante de dégradation somatique.

     Par ailleurs, en dehors de toute atteinte somatique, on reconnaît bien évidemment chez des patientes ( assez souvent de structure NATRUM MURIATICUM ) les signes psychiques pathogénétiques du remède :

     - lenteur, indécision, résultant de l' état d' incertitude intérieure ;

     - phases d' ennui, de teinte très psychasthénique, avec sentiments d' étirement de la durée, de temps très long ;

     - impressionnabilité à la vue du sang, à la vue des objets tranchants ;

     - alternance de tristesse et asthénie avec des périodes d' activité épuisante, peu efficace ( souvent entravée de vérifications contraignantes ), et d' irritabilité ;

     - anxiété et sentiments de culpabilité.

     Même si l' accompagnement psychothérapique est indispensable - à la fois pour rassurer ces malades sur leur crainte de dangerosité, leur apprendre à comprendre leur mécanisme morbide, les aider à dresser des réactions d' adaptation -, et si les thérapies de déconditionnement ne sont pas à négliger, l' utilité du traitement homéopathique dans une pathologie spécialement difficile et tenace ne peut être niée.

 

 

Anacardium

 

Généralités

     ANACARDIUM ORIENTALE, l' anacarde de l' Inde ou fève de Malac, graine en forme de coeur d' oiseau ( dont la cousine américaine, Anacardium occidentale, plus snob, accompagne nos apéritifs sous le nom de " noix de cajou " ), développe une pathogénésie dans laquelle les perturbations neurovégétatives, sensorielles et psychiques tiennent une large place.

     Cette pathologie est concrétisée par une sémiologie précise et riche, abondamment vérifiée par l' expérience médicale, qui n' a pas besoin d' être " décodée " pour s' appliquer au domaine psychiatrique, mais dont l' utilisation nécessite une valorisation clinique.

     En effet, ANACARDIUM ne correspond qu' exceptionnellement à une structure psychologique homogène, mais le plus souvent à des troubles psychopathologique de différentes natures et de différents degrés de gravité.

     Préalablement, il convient de savoir qu' à tous les niveaux de pathologie auxquels correspond ANACARDIUM, on retrouve plus ou moins développées trois caractéristiques originales qui n' appartiennent au maximum qu' à ce remède.

     . L' amélioration en mangeant

     De quelque malaise ou souffrance que ce soit, de manière plus ou moins durable.

     Cette amélioration doit être comprise comme un état de détente, la sédation temporaire d' une tension nerveuse interne souvent accompagnée de spasmes divers, survenant dès une ingestion alimentaire et d' une durée variable ( de 2 heures environ ). Duprat, dans des termes démodés, la définit exactement : " Non par effet nutritif pas par choc sympathique. "

     Cette modalité " amélioration en mangeant " est donc à différencier de celle :

     - des affaiblis qui ont faim et besoin de reprendre des forces ( cf. KALI PHOSPHORICUM, PHOSPHORIC ACID ) ;

     - des épuisés, que l' action de manger fatigue mais qui se sentent mieux après ( cf. CHINA, CARBO VEGETABILIS ) ;

     - des gourmands, auxquels le plaisir de manger fait momentanément oublier les soucis ( cf. SULFUR ) ;

     - des anxieux, qui se consolent en mangeant ( cf. CALCAREA CARBONICA, PULSATILLA ).

     Plus proche de cette particularité : l' amélioration de LYCOPODIUM, au début du repas, mais la satiété vient vite et il n' y a pas, chez les sujets de ce type, l' espèce de satisfaction agressive avec laquelle ANACARDIUM se met à manger et qui est assez comparable à certains comportements de PLATINA ( surtout dans un restaurant luxueux ! ).

     La concordance est surtout à établir avec IGNATIA : amélioration par la distraction. En fait, il s' agit ici de boulimie nerveuse.

     . Les troubles de la mémoire

     Ils concernent apparemment la fonction d' évocation et se manifestent en particulier par des difficultés à trouver les noms propres ( de personnes, de lieux ), ou des synonymes précis pour ce qui a été lu, au maximum ce à quoi le sujet vient de penser, difficultés qui surviennent brusquement chez quelqu' un d' intellectuellement actif mais surmené : le souvenir n' a pas été engrammé ou paraît perdu, pour revenir, après un délai variable, par association inconsciente ou volontaire. C' est indiquer un défaut préalable d' attention et de concentration d' esprit qu' on ne peut comprendre que par rapport aux autres modalités psychiques d' ANACARDIUM, sujet irritable, surmené et conflictuel.

     Pour ne citer que quelques exemples, il ne faut pas confondre les troubles mnésiques d' ANACARDIUM avec ceux :

     - des lacunaires cérébraux, sujets généralement âgés ou présentant une lésion neurologique, s' acheminant vers un processus d' athérosclérose, chez lesquels l' ensemble du circuit de Papez ( enregistrement - conservation - restitution des souvenirs ) est atteint, avec altération neuronique ( cf. BARYTA CARBONICA, RANA BUFO, CAUSTICUM ) ;

     - des inhibés psychiques, trop à distance de la réalité pour la mémoriser, qu' ils soient seulement dépressifs ou à plus forte raison psychotiques ( cf. CAUSTICUM, NATRUM MURIATICUM, PHOSPHORUS ) ;

     - des agités instables, sollicités par tout mais ne prêtant attention à rien ( cf. AGARICUS, MEDORRHINUM )  ;

     - des grands émotifs, chez lesquels le support mnémonique est intact, mais dont la fonction est court-circuitée temporairement par un déséquilibre endorphinique ( cf. GELSEMIUM, AMBRA GRISEA, KALI PHOSPHORICUM ).

     . L' ambivalence de la volonté

     Au niveau le plus simple, c' est l' irrésolution-.. mais très différente de :

     - l' indécision du timide et obstiné CALCAREA CARBONICA,

     - l' incertitude angoissée du scrupuleux ARGENTUM NITRICUM,

     - des tergiversations de l' hésitant THUYA.

     Ici, cela va beaucoup plus loin: " Se sent possédé par deux volontés contraires " ( Boericke ) ; " état comme si on avait deux volontés dont l' une rejette ce que l' autre exige " ( Jahr ) ; " a l' impression qu' il a deux vouloirs " , écrit Kent, en y ajoutant la notion d' une contradiction entre " bon " et " mauvais " vouloir... " balloté entre deux influences qui se disputent la conduite de sa vie et la direction de son esprit " , commente Lathoud... ; enfin l' expression clinique la plus particulière de ce symptôme d' ANACARDIUM : " contradiction entre la raison et les impulsions " , " impression qu' on a deux volontés, qu' on subit des influences opposées " , " en constant conflit avec soi-même " , " d' avoir un ange sur une épaule, un démon sur l' autre " ( Duprat ).

     De la difficulté à choisir - parce que choisir c' est renoncer à quelque chose - au refus plus ou moins volontaire d' une continuité loyale dans les résolutions et les engagements, ou d' une impossibilité déchirante de détermination jusqu' au sentiment de " partage " et de " dédoublement psychique " , tous les degrés sont possibles.

     Il convient donc de clarifier et de hiérarchiser les indications cliniques d' ANACARDIUM qu' on peut étudier sous quatre rubriques :

     - troubles de l' humeur chez l' enfant et l' adulte jeune ;

     - réactions névrotiques isolées ou représentatives d' une certaine organisation de la personnalité ;

     - certains accidents psychiatriques aigus non récidivants ou pouvant évoluer vers des états psychotiques chez le jeune ou le vieillard.

 

Psychisme

     1, TROUBLES DE L' HUMEUR CHEZ L' ENFANT ET L' ADULTE JEUNE

     On peut les constater :

     - chez des fillettes capricieuses, têtues et étourdies, acceptant mal d' être réprimées dans leurs " envies " et d' être obligées à un choix - et donc, on l' a dit, à un renoncement. Elles se plaignent aisément de maux divers : douleurs rétro-ombilicales ( cf. CINA ), maux de tête en bandeau, surtout dans une pièce chauffée. On pourrait comparer avec PULSATILLA ( qui veut tout garder, ne rien abandonner et qui n' aime pas trop partager... ) mais seulement pour quelques symptômes. La petite fille ANACARDIUM, après avoir été grondée, ne pleure pas ou ne cherche pas à se faire consoler: elle dévore avidement, ce qui apaise sa contrariété rageuse, au risque de s' étrangler en avalant ;

     chez de jeunes garçons irritables, supportant difficilement les contraintes éducatives, auxquelles ils peuvent réagir par des colères violentes avec jurons et grossièretés. Assez proches des LYCOPODIUM, avec lesquels ils ont en commun : susceptibilité orgueilleuse, méfiance ( d' où la prudente lenteur dans les décisions ), mauvaise humeur au réveil et spasmes digestifs. Mais la mémoire d' ANACARDIUM est moins fidèle et ses rancunes moins tenaces que celles de LYCOPODIUM ;

     - chez des adultes jeunes, parfois caractériels, parfois psychopathes, inadaptés sociaux, aux exigences immédiates et contradictoires, irascibles, violents et amoraux dont le comportement renvoie le plus souvent à des frustrations affectives, précoces et majeures, et à une impossibilité d' identification ( cf. MEDORRHINUM ).

     2. RÉACTIONS NÉVROTIQUES ISOLÉES OU REPRÉSENTATIVES D' UNE CERTAINE ORGANISATION DE LA PERSONNALITÉ

     Cette indication d' ANACARDIUM peut, en effet, concerner des personnes jeunes : grandes adolescentes, jeunes femmes, certains sujets masculins, dont le seuil de sensibilité émotionnelle est abaissé et dont la maturité psychologique est, au minimum, inachevée :

     - sujets au comportement changeant, alternant, variable, qui en arrive à être bizarre, avec des " attitudes sottes " ( Boericke ), ou " enfantines " ( Kent ), crises de fous rires hors de propos ou humeur maussade, accumulant

     tous [es troubles neurovégétatifs du genre spasmophilie qui existent dans le tableau pathogénétique du remède: crampes ( au tendon d' Achille ), constrictions tendineuses tiraillantes ( au cou, au dos ), sensations de pression douloureuse " comme par un tampon en divers endroits ( abdomen, anus ) ou de lien serré ( autour des bras, des genoux, avec faiblesse ) accrues en montant un escalier ( Jahr ). La comparaison avec PLATINA s' impose au niveau de cette spasmodicité, à laquelle il faut ajouter les céphalées en bandeau ou bitemporales, les particularités caractérielles ( si l' une regarde " de haut " , l' autre regarde " de loin "... ) et des névralgies qui peuvent aussi renvoyer à IGNATIA et à MAGNESIA PHOSPHORICA ;

     - personnes sujettes à des fringales: même après des nausées et des vomissements, leurs spasmes gastriques sont améliorés en mangeant, mais se plaignant ensuite de prise de poids, elles alternent régimes vite délaissés et boulimie incontrôlable.

     le comportement de tels malades peut devenir agressif, réellement méchant et pervers : c' est la femme égocentrique, insatisfaite ( sexuellement ou socialement, autre ressemblance avec PLATINA ), ne sachant pas dominer une contrariété et bien moins encore ce qu' elle ressent comme la plus légère humiliation, qui prend plaisir à provoquer ( même ceux qu' elle aime ) par des propos ou des attitudes cyniques et blessantes qu' elle est incapable de réprimer : pour compenser une frustration elle a besoin de monopoliser l' intérêt d' autrui. Il n' est pas très facile d' obtenir l' aveu de tels comportements, mais il est curieux d' apprendre que ces sortes de crises de méchanceté s' apaisent instantanément dés que la patiente commence à manger !

     On est indiscutablement, ici, dans le champ de la caractéropathie hystérique.                                                                       

     3. SYNDROME DE FLÉCHISSEMENT INTELLECTUEL DE L' ADOLESCENT

     Connu des enseignants expérimentés mais pas toujours bien accepté, encore plus mal connu et mal accepté des familles, ressenti avec angoisse et culpabilité par les intéressés, il survient classiquement en classe de seconde ( cf, p. 213 ), approximativement entre quinze et dix-sept ans, avec un éventail symptomatique bien reconnaissable :

     - il s' agit de jeunes gens ( 75 p. 100 de garçons ) longilignes, ayant fait

     récemment ou étant en cours d' une poussée de croissance rapide ( 15 centimètres en cinq mois, dans un cas personnel ) ;

     - adolescents ayant pratiquement toujours fait une scolarité facile, voire très brillante ;

     - qui, en l' espace de quelques semaines ( 2 à 10 ), soit brutalement, soit le plus souvent de façon torpide - parfois après une grippe hivernale ou un incident infectieux banal -, présentent un état d' asthénie physique, intellectuel et moral nécessitant une interruption scolaire généralement trop brève pour le faire disparaître :

     . sensation généralisée de fatigue, avec crises de boulimie ;

     . besoin de rester étendu ;

     . aversion pour tout effort ;

     . céphalées pressives bitemporales ;

     . difficultés d' endormissement, cauchemars, inversion du rythme du sommeil.

     Et parallèlement :

     . difficultés croissantes d' attention et de concentration d' esprit ;

     . pertes massives de mémoire ;

     . idéation lente et réponses différées ;

     . mutisme surtout au réveil ;

     . aversion pour la compagnie, désir de solitude ;

     . mais anxiété croissante et panique concernant la poursuite des études et la présentation éventuelle d' examens et concours.

     Ces troubles s' accompagnent souvent d' un vécu dépressif dans lequel on retrouve l' incapacité caractéristique d' ANACARDIUM à prendre une décision - dans le cas précis, interrompre ( momentanément ) les études ou retourner en cours - et de brutales pulsions violentes.

     Si ANACARDIUM ( 15 CH quotidiennement ), ou KALI PHOSPHORICUM ou PHOSPHORIC ACID ( avec les modalités qui leur sont propres ), accompagné d' un repos absolu, " végétatif " et suffisant, peut permettre, à condition d' intervenir rapidement, une restauration complète des moyens physiques et intellectuels, il est indispensable de savoir que ce syndrome peut être le premier signe d' un processus psychopathologique plus grave.

     4. ACCIDENTS PSYCHIATRIQUES AIGUS POUVANT ÉVOLUER VERS DES ÉTATS PSYCHOTIQUES CHEZ LE JEUNE OU LE VIEILLARD

     Cette indication résulte de la pathogénésie d' ANACARDIUM, quand, au signes du syndrome de fléchissement intellectuel ( spécifique de l' adolescent ), s' ajoutent d' autres symptômes mentaux :

     - alternance d' excitation - surtout verbale ( avec propos confus, exaltés et besoin de jurer ) - et d' abattement, avec mutisme et peurs mal définies ;

     - sentiment d étrangeté, d irréalité ;

     - comportement inadapté, rires inadaptés, soliloques.

     On voit cela dans les états limites, certaines bouffées délirantes du jeune et, moins souvent qu' ACTEA RACEMOSA, dans les bouffées délirantes du post-partum, l' ex- " manie puerpérale " des anciens auteurs ( " ne reconnaît pas son enfant comme le sien " est dans la Matière médicale ).

     Mais ce sont surtout des troubles mentaux de la série schizophrénique qu' évoquent ces plus inquiétants symptômes d' ANACARDIUM :

     - fuite des idées et sensation d' éparpillement de l' esprit ;

     - " vision " épouvantée d' un autre visage que le sien dans un miroir ou se voir " déformé " ; sentiment de dépersonnalisation ;

     - impression d' être séparé du monde ( cf. MEDORRHINUM ) ;

     - hallucinations auditives et olfactives ;

     - sentiment d' être sous contrôle surhumain ( Kent );

     - et, au maximum, sentiment d' être l' enjeu de deux forces antagonistes, d' être partagé entre le Bien et le Mal, d' où l' ambivalence des propos.

     Mais ici l' ambivalence s' appelle discordance et aboutit à un vécu de partage du Moi, de dissociation ( split : cliver ) : c' est la " Spaltung " , selon Bleuler et les auteurs allemands.

     Matthieu, connu à 24 ans, qui suggère l' indication de LYCOPODIUM, a été un enfant susceptible, contradicteur, irritable, mais dynamique et brillant élève jusqu' en troisième. Pendant les grandes vacances suivantes, en Angleterre, sans doute à la suite d' une consommation de " drogue " non identifiée, il présente une brève période d' agitation avec pantophobie qui motive son retour précipité en famille. Aucune suite pendant six mois, mais, en janvier de sa classe de seconde, effondrement physique et intellectuel en l' espace d' une dizaine de jours. Il a quinze ans et demi. Brève interruption scolaire, fortifiants divers permettent à Mathieu de retourner au lycée, mais il ne retrouve pas ses intérêts intellectuels, sportifs et sociaux - et il doit s' arrêter avant Pâques.

     Tentative de reprise en septembre qui se solde par un échec. Évolution considérée comme psychotique à vingt ans. Depuis lors, multiples essais de reclassement, une hospitalisation passagère ; mal intégré et difficilement accepté en famille où il est inactif.

     Les symptômes dissociatifs et le comportement agressif qui n' étaient que modérément influencés par le neuroleptique majeur ( parfaitement adapté, du reste, et qui a été continué ) se sont considérablement atténués , je ne dis pas : ont été guéris ) après des doses en échelle d' ANACARDIUM ( 15, 18, 24, 30 CH ), remède choisi en raison de deux symptômes qui existaient chez le jeune homme bien avant sa décompensation psychotique :

     - une voracité alimentaire, signalée spontanément par sa mère, surtout après colère ou contrariété, et ceci depuis son enfance ;

     - des alternances de gentillesse affectueuse et de méchanceté cynique ( pour " épater " ses deux jeunes frères en les scandalisant ) difficile à maîtriser.

     Laurence, vingt et un ans, dans une lettre écrite avant son suicide, parlait de son " bon Moi " qui méritait de vivre et de son " mauvais Moi " que seul elle voulait tuer... en avalant une quarantaine de comprimés.

     Enfin, et Horvilleur, l' indique avec juste raison, la prescription d' ANACARDIUM peut être justifiée ( avec une plus ou moins grande efficacité suivant le degré d' évolution pathologique ) dans certaines formes de démence sénile comportant des symptômes fiables du remède :

     - agitation mentale avec alternance d' agressivité ( propos grossiers, jurons - comme HYOSCYAMUS ) et de lamentations suppliantes ;

     - boulimie vorace, incontrôlable ;

     - " délire religieux avec préoccupations pour son salut " ( Duprat ) ;

     - délire avec conviction d' être entouré d' ennemis ;

     - hallucinations et cauchemars de morts ( cf. LACHESIS ) ;

     - et crainte d' une mort prochaine...

     On peut se demander, quand on approfondit la Matière médicale d' ANACARDIUM, si la fève de Malac, sous une forme non pharmacologique, mais différemment potentialisée, ne participe pas dans son pays d' origine à des préparations complexes, susceptibles de déclencher, comme le font d' autres espèces végétales, les symptômes qui ont été ici analysés, en particulier des effets hallucinogènes.

     BIBLIOGRAPHIE

     i, BELOUSSOF T., LARREGLE G. diagnostic et traitement des troubles de la mémoire. Ann.

     Homéop. Fr., 1979 ; 3 : 19 / 257.47 / 285.

     2, HORVILLEUR A. Matière médicale homéopathique : 54-55.

 

 

Argentum Nitricum

 

Introduction.

     De ce remède on a beaucoup dit, et bien dit ; il offre donc le risque et la nécessité inséparables de devoir l' expliquer ( pour ne pas se borner à décrire ) et de dépasser un ensemble symptomatique connu et bien défini, tout en restant fidèle à l' application de la loi hahnemannienne.

Généralités.

     l. RAPPEL PATHOGÉNÉTIQUE

     L' intoxication aiguë par ARGENTUM produit un triple effet :

     - lésionnel, sur les structures nerveuses responsables de la coordination musculaire ;

     - fonctionnel, sur les muscles eux-mêmes

     - dépressif aigu, voire mélancolique.

     Elle n' est guère démonstrative dans son action massive.

     Par contre, l' intoxication chronique montre mieux le parallélisme entre :

     - cette ulcération digestive particulière qu' est l' ulcère d' estomac ( maladie des ulcérés );

     - les troubles cérébelleux ataxiques compromettant l' équilibre, les mouvements dans l' espace et le repérage dynamique ;

     - et les symptômes psychiques axés non seulement sur l' angoisse somatique, mais aussi sur le vécu chronologique, avec toutes ses conséquences détaillées dans les chapitres d' AURUM et d' ARSENICUM, et concernant le temps et la mort.

     Dans un certain esprit de classification, nous retrouverons en effet ARGENTUM aux alentours :

     - d' ARSENICUM, lui aussi froid, luétique, anxieux, maigre, consomptif, obsessionnel, paranoïaque parfois ;

     - de LYCOPODIUM dont il partage la lucidité intelligente et un caractère digestif certain ;

     - mais aussi d' AURUM, métal précieux également, dont il se rapproche par les caractères de son angoisse et de sa dépression mélancolique, mais dont il s' éloigne par tous les aspects qui l' opposent aux deux précédents. ( C. Challou, Argentum Nitricum, texte inédit. )

     2. ASPECTS  PHÉNOMÉNOLOGIQUES

     Le psychisme d' ARGENTUM NITRICUM est le lieu d' un débat dramatique subi par le sujet-victime, sans qu' il puisse ni l' arbitrer ni en saisir la plupart du temps le mécanisme, et encore moins sans qu' il puisse élaborer un autre mode de relation à la réalité.

     L' insécurité est au fond de son coeur et de son esprit, et cette disposition, que le malade d' ARGENTUM NITRICUM s' y abandonne ou échafaude consciemment ou non - un système de défense pour lui résister, explique sa psychologie : il n' a jamais fini de se rassurer ou d' être rassuré et cela le conduit à l' appréhension, au doute, aux phobies, aux obsessions.

     Au degré le plus simple, c' est un inquiet, un tracassé qu' il est difficile de convaincre car il soulève constamment des objections ; doutant des autres et de lui-même, il tente de surmonter son anxiété par un système de plus en plus compliqué de " manies " , de rituels : on voit alors se constituer le processus obsessionnel, avec les besoins de comptabilisation, de vérification, de répétition d' actes ( pensez aussi à LUESINUM et ALUMINA qui appartiennent également à la série luétique ). Cela peut aboutir à un comportement quasi délirant, reconnu comme anormal par un malade qui est cependant incapable de se contrôler sur ce point, alors que par ailleurs son intelligence et sa conduite demeurent absolument adaptés.

     Scrupuleux, mais surtout superstitieux, il analyse les idées qui le traversent et leur donne des significations symboliques, bizarres, souvent maléfiques. Pour s' en prémunir le malade élabore toute une stratégie d' évitement. ou bien, pour les " effacer " , il s' impose des obligations compliquées et totalement irrationnelles ( itinéraires pleins de détours, compter ses pas, les pavés, etc., nettoyages, désinfections ), tout cela dans un état d' angoisse, de culpabilité, de hâte et de précipitation qui l' épuise et le désespère, mais qui est aussi source d' une jouissance épouvantée.

     A la différence de THUYA, qui est aussi assiégé par des préoccupations obsédantes mais ne demande qu' à être rassuré, ARGENTUM NITRICUM a des convictions tenaces qu' aucun raisonnement logique ne peut entamer, car il lui faudrait une démonstration parfaite, une certitude absolue, une réponse sans cas particulier ni exception ! Non par rigueur intellectuelle, mais du fait de son insécurité foncière que seul tout un système de manoeuvres élaborées par lui-même ( et de valeur très fortement magique ) parvient à soulager quelque peu.

     La vision des maisons élevées l' angoisse, ainsi que les angles de rue ; les regarder lui donne le vertige, tout comme le fait de se trouver sur un pont ou près d' une fenêtre aux étages supérieurs : sensation angoissante de déséquilibre et d' attirance par le vide. La pensée lui vient qu' il pourrait se jeter en bas, et le seul fait de se poser une telle question entraîne la hantise d' en avoir involontairement l' impulsion, plus tout un cortège de remords et d' autopunitions, véritable cercle infernal où s' épuisent la vitalité, l' énergie, les forces intellectuelles et la mémoire du malade...

     Précipité, hâtif, il est incapable d' attendre dans le calme : le temps, pour lui passe trop lentement, tant il est pressé d' avoir fini ce qu' il a à peine commencé ; en fait, il est surtout anxieux du résultat de toute action qu' il entreprend. Émotif, méfiant, manquant de confiance en soi, il redoute toute situation nouvelle, imprévue, surtout s' il craint ou risque de se trouver " jugé " ou comparé ( réunions mondaines, spectacle, à plus forte raison examen ), et cet état déclenche une diarrhée non douloureuse mais impérative qui l' entraîne à mener une vie de plus en plus retirée, " en marge " , en même temps que s' installe un de ces états de " dépression masquée " si caractéristique des malades de ce psychotype, voire une dépression nerveuse d' expression mélancolique.

 

Psychisme

     3. PSYCHODYNAMIQUE

     Malade ayant souvent très tôt commencé un cursus pathologique qui s' accroît d' année en année, il nous met en face d' une difficulté particulière. Il ne vient pas à nous sans une surabondance de symptômes allégués et de documents médicaux qu' il présente non seulement comme des " pièces d' identité " ( il s' identifie à ses maux ), mais aussi comme des sortes de " lettres patentes " justificatives, pour être accrédité auprès d' une nouvelle instance médicale, contradictoirement redoutée et désirée. Et nous savons bien qu' il faudra, après avoir reçu et accepté toute cette information ( c' est-à-dire en avoir pris dûment connaissance ), aller au-delà de ce qui n' est pour nous que le signifiant d' autre chose chez ce malade, cela afin de le déchiffrer et l' aider, même s' il n' est que trop rarement possible ( ou souhaitable ) de le conduire jusqu' à sa vérité cachée et pathologiquement signifiée.

     Tout aussi minutieux qu' ARSENICUM dans l' exposé de ses maux, mais moins critique et méfiant vis-à-vis du médecin, rationalisant de façon moins évidente sa pathologie, ARGENTUM révèle bien vite - au-delà de sa recherche d' un diagnostic ( certain ) et d' un traitement ( efficace ) - une quête de réassurance et de prise en charge.

     L' abondance sémiologique signe le recours à une pitié secourable, comme la " douceur fragile " de PULSATILLA, et dissimule l' avidité de sa demande derrière la séduction d' une puérilité attendrissante. Chez les deux existe un même comportement dit " anaclitique " par les psychanalystes ( " en appui sur "... autrui ). Mais ici cette faiblesse est source de culpabilité, car chez un tel sujet toute idée fait image et toute image devient acquis engrammé, thésaurisé, enrichissant et, surtout, encombrant la réserve des affects. Culpabilité humiliante, car cette faiblesse est non conforme à ce qu' il voudrait, et surtout devrait être, selon un sentiment profond et pesant d' obligation dont il ne sait d' où il lui vient.

     ARGENTUM se vit donc comme un être faible, culpabilisé de l' être, culpabilité qui l' ulcère, et d' ulcéré il pourra devenir ( hélas ! sans jeu de mots, car ce n' est point drôle ) ulcéreux, étymologiquement " rongé " : érosion, perte de tissu vital, solution de continuité dans un tissu organique, lésion atone sans tendance spontanée à la cicatrisation ( dictionnaire de médecine de Nysten et Littré et de Flammarion ).

     Faible, coupable et ulcéré de sa faiblesse, il lui faut donc trouver une parade pour essayer de satisfaire aux sentiments d' obligation et de devoir pressant qui l' accablent. Bien entendu, il tente de surcompenser tous les freins qui le retiennent et il se hâte.

     Ce n' est ni le besoin d' action et de réalisation de NUX VOMICA ni la projection anticipée de l' avenir comme MEDORRHINUM. C' est même exactement l' inverse, bien qu' il ne soit pas toujours facile de bien distinguer, entre ces perturbations du sens de la durée chez l' un et chez l' autre : " Impression que le temps passe trop lentement " chez MEDORRHINUM, avide de changements, de nouveautés ( désirs, plaisirs ), mais davantage au  niveau des fantasmes que de la réalité, car sitôt qu' il s' y trouve c' est pour dire : " Et après ?... "

     Ce n' est pas non plus la précipitation, la hâte, l' agitation, l' impulsivité de MERCURIUS qui a des ulcères et des éructations bruyantes, comme ARGENTUM, mais qui par des cheminements généralement torpides et tortueux, parfois brutaux, peut se libérer : de ses infections, de ses intoxications, de ce qui l' étouffe, le brime, le ligote, non sans toujours risquer d' être lui-même victime de ses manoeuvres libératoires.

     Le trouble du vécu du temps d' ARGENTUM, c' est une " angoisse chronologique " à la fois précipitation hâtive à tout faire, surtout à tout prendre, à " acquérir " , comme il entasse les images et les idées, qu' il s' agisse d' acquisitions alimentaires ( de glucides désirés et nocifs, absorbés à toute vitesse ), d' acquisitions professionnelles ( emploi du temps colmaté d' activités, souvent mal organisées, nécessitant des itinéraires compliqués qu' il couvre en se hâtant ), d' acquisitions intellectuelles ( avidité à avoir des connaissances, des diplômes, signant en même temps ce qu' il vaut et ce par quoi il est garanti ), d' acquisitions " sociales " ( propriétés, relations, protections ).

     4. HYPOTHÈSE PSYCHOGÉNÉTIQUE

     Se profile, dès lors, la confusion essentielle dans l' inconscient d' ARGENTUM entre " être " et " avoir " , confusion très caractéristique de certains types sensibles, comme entre " être " et " faire " chez FLUORIC ACID et chez MERCURIUS.

     Talonné par la culpabilité rongeante issue de sa faiblesse et par un vécu chronologique précipité qui sonne de façon menaçante l' heure des échéances lourdes de menaces, ARGENTUM, à chaque instant, ne peut que dire : " Déjà ! "

     D' autant qu' il s' enferre constamment dans les multiples complications qu' il échafaude ( et c' est réellement son échafaud ) à titre de mécanisme de défense contre l' angoisse.

     Lui qui est toujours " en état d' urgence d' avoir " ( avoir fait, avoir reçu, avoir fini... " avant de commencer " s' il se pouvait ! ) interpose justement dans cet engrenage sans fin des rituels conjuratoires ( vérifications, répétitions d' actes, comptabilisations compliquées ) qui s' ajoutent, se coaptent les uns aux autres, rempart à la fois protecteur et de plus en plus isolant.

     Malgré quoi, et à cause de quoi, aborder la réalité ( sortir de soi et de chez soi ) devient un problème: agoraphobie, claustrophobie se constituent et signent le processus névrotique de désadaptation, allant de l' angoisse à la phobie caractérisée, d' où les incontournables évitements de tout ce qui ( par association irrationnelle ) peut évoquer, même de façon caricaturale ou " déplacée " ( au sens psychanalytique du terme ), l' évidence profonde de son mal-être.

     Ayant peur des grands espaces vides comme des lieux vastes ou étroits trop emplis de monde, clos ou resserrés, il n' est qu' angoisse d' agir, car agir est risque, risque d' initiative donc d' erreur, donc de faute ; risque de sa responsabilité, de devoir en répondre, et donc angoisse d' être vu ( angoisse du regard d' autrui ) parce que jugé, pesé et poursuivi !

      " Condamné pour ce qu' il a fait mais, surtout, omis de faire. Agir est si angoissant que cela le " vide " : défaillant, jambes tremblantes, il se vide aussi de façon impérieuse, par une diarrhée urgente, ou par le " don du sang " , dans la combien sournoise rectocolite hémorragique.

      " Indication très strictement pathogénétique et pour cela il n' est que de s' en référer aux Matières médicales les plus indiscutables : " Émissions de selles muqueuses et de débris épithéliaux, d' aspect rouge ou verdâtre et de consistance effritée, accompagnées de ténesme " ( HERJNG, Guiding symptoms ; 1 : 524 - ALLEN, Matières médicales ; 1 : 511 et passim ). " [C. CHALLOU, op, cit.]

     Il est certain qu' il ne peut accomplir ce DE VOIR qui l' accable, rongé par sa culpabilité ulcérante et sa précipitation anxieuse, alors qu' il voudrait retenir le temps pour mieux le remplir. Encore un besoin d' avoir !

     Et par là ARGENTUM se relie à CALCAREA FLUORICA et à LUESINUM, mais aussi à ARSENICUM, faisant aussi " le pont " ( le pont ! lui qui a si peur d' en traverser ) entre les remèdes dits de la série luétique et ceux dits de la série phosphorique.

     D' où la tentation de fuir. Oh ! pas directe, dite ni exprimée : n' est pas AURUM qui veut; mais soit dit en passant, quelle rançon douloureuse contiennent pour la pauvre humanité ( qui, il est vrai, en use bien mal ), les plus précieux métaux ( or, platine, argent ). Non, chez ARGENTUM, cette tentation d' échapper à son destin autrement que par la maladie ulcéreuse, par l' enlisement dans la grande névrose nosophobique ou par le labyrinthe obsessionnel, cette tentation de " faire le saut " ne peut être signifiée qu' à l' envers.

     Il dit donc avoir peur de faire ce quil désire faire et se plaint d' une phobie-impulsion du vide : peur-désir de sauter d' une fenêtre, d' un balcon, d' un pont, attirance morbide vers l' eau ( liquide originel ), faute de pouvoir s' envoler.-.

     Oui, comme l' écrivait Horvilleur, ce qui fait courir ARGENTUM, c' est bien  la peur inconsciente de son inconscient qui l' épouvante et le fascine, lui donnant au sens propre et au sens figuré le vertige, c' est-à-dire le désir de sa propre mort.

      " Y a-t-il vraiment souvent dans les commencements d' ARGENTUM ce manque irréparable d' amour, ce fardeau posé sur les épaules d' un fils ( au fait, ARGENTUM psychique est presque toujours un homme, ou bien, femme, avec une sexualité tout aussi incertaine que l' est celle de son homologue masculin, peu brillante, vécue, là encore, dans une inquiétude culpabilisée ) ? " Va, cours, vole et nous venge " ont semblé dire certaines mères d' ARGENTUM au rejeton chargé de réussir ce que leurs autres hommes ( père, mari ) ont été incapables de faire. Il y va, il y court, il y vole, au prix de son identité, au prix de son autonomie, au risque de la tentation de faire une fois pour toutes l' économie du temps en se jetant à corps perdu par un raccourci mortel vers le sommet qui lui donnera toutes les richesses " ( c. cHALLou, op. cil. ) et le délivrera définitivement - de lui-même et de l' insupportable contrainte existentielle.

 

 

Arsenicum Album

 

Introduction.

     Établie par HAHNEMANN lui-même, la pathogénésie d' ARS. ALB. est une des mieux connues, à la foin du fait de la précision, de l' intensité et de la particularité des symptômes, que du fait des succès remarquables que la prescription du remède permet dans des cas aigus, voire désespérés ( PLAZY, art. cit. ) dans des dermatoses chroniques persévérantes, ou dans des asthmes rebelles, que ce soit chez l' enfant ou le vieillard.

     Les animaux et tout spécialement le cheval et les végétaux eux-mêmes peuvent en tirer bénéfice.

     D' autre part, les possibilités actuelles d' études chimiques et biologiques rigoureuses, de contrôles expérimentaux et de recherches scientifiques ne font qu' ajouter à la connaissance de ce remède.

     Il me parait donc bien inutile, après tant de relations illustres et minutieuses de refaire une description symptomatique d' ARSENICUM ALBUM.

     Par contre, il paraît intéressant de souligner que si les années de la pathogénésie homéopathique montrent une extrême ressemblance avec celles de la toxicologie traditionnelle, la technique même de l' expérimentation a dégagé certains symptômes originaux, soit que l' observation des expérimentateurs ait été plus attentive, soit que ces mêmes symptômes, apparus tardivement en toxi-pathologie, n' aient pis été rapportés à leur cause.

     Il en est ainsi des signes psychiques si particuliers d' ARS. ALB., tout au moins de ses caractères psychiques permanents et chroniques, car sont seules constatées l' angoisse et l' agitation dues à une situation dangereuse et à la peur imminente de la mort.

     Il en est ainsi, également, de la périodicité et de l' alternance des symptômes morbides :

     qu' il s' agisse de troubles physiques :

     - prostration et agitation,

     - frilosité et besoins d' air frais,

     - sensations de brûlure améliorées par la chaleur locale,

     qu' il s' agisse de troubles psychiques :

     - dépression anxieuse et excitation furieuse,

     - possessivité ( autoritarisme, avidité, avarice, despotisme ) et faiblesse avec appel à l' aide,

     - agressivité , jusqu' à la méchanceté, la jalousie, la haine ) et pusillanimité ( peurs des maladies, des fantômes ).

     Même ainsi réduit à un schéma extrême, le tableau d' ARSENICUM exprime son essentiel qui est la lutte qu' il soutient, tantôt féroce, tantôt épuisé, de tous ses instincts, contre une vitalité défaillante, contre toutes les agressions extérieures et contre la plus redoutée : la marche inexorable du temps.

     Au processus morbide général que développe l' intoxication par l' AS et qu' utilise notre matière médicale, correspond une symptomatologie psychique précise.

     Celle-ci exprime les réactions mentales et affectives spécifiques d' une personne par rapport à l' idée et l' image d' elle-même, en relation avec autrui, avec le temps, avec la mort, aux divers âges de la vie.

 

Stades de la vie et Constitution.

     ARSENICUM ENFANT

     Il convient ici de citer longuement une étude de Claire GAGNAIRE, pédopsychiatre, à propos de l' enfant de type ARSENICUM ALBUM :

      " Présentation :

      " Ce qui frappe chez l' enfant Arsenicum, dés le premier abord, c' est sa présentation physique, pâle, les paupières oedématiées, inhibé dans sa démarche, raide, son expression est triste, soucieuse, peu épanouie. Il se livre difficilement de façon spontanée et manifeste quelques marques d' impatience devant les dires de sa mère qui répond pour lui... Elle énonce à son égard toute une liste de défauts en commençant comme c' est souvent le cas par les difficultés scolaires : ses résultats sont irréguliers; il est paresseux, il bâcle son travail, s' en désintéresse... L' instituteur a parfois un comportement agressif vis-à-vis de cet enfant qu' il supporte mal car il est peu communicatif, a peu de camarades, se montrant méfiant, égoïste. pas prêteur, sans toutefois se disputer franchement avec eux, Cependant on dit de lui qu' il est " récupérable " , " digne d' attention " : ses résultats variables montrent qu' il peut être capable de réaliser des performances intellectuelles.

      " A la maison, son caractère n' est pas facile; coléreux sans brutalité, peu " chaleureux vis-à-vis de ses parents et de ses frères et soeurs, il se cantonne dans des activités solitaires qu' il refuse de faire partager : collection d objets de toutes sortes, souvent sans valeur; petits cadeaux insignifiants, comme s' il voulait compenser par l' abondance de biens personnels l' insuffisance physique qui l' empêche de rivaliser et de dominer.

      " Provocateur, facilement agacé, volontiers narquois, parfois impertinent, les remontrances le vexent temporairement; il boude mais ses colères durent peu.

     enfin, cet enfant inquiète par son manque de résistance à l' effort, les malaises variés dont il se plaint souvent : crampes, maux de tête, douleurs abdominales ; il a des poussées d' eczéma sec, surtout en hiver, très prurigineux, des crises d' asthme épisodiques ; il vomit facilement, a soif bien souvent, dort mal la nuit. Il s' agite après un premier sommeil, rêve de fantômes, est parfois somnambule.

     ses conversations sont quelquefois insolites : il aborde des thèmes de mort, d' accident, relate les faits divers les plus tristes... Mais il exprime cela de façon fugitive et ne développe pas si on insiste pour pénétrer sa pensée.

     Quand on le surprend dans ses jeux ou dans ses dessins spontanés, on le voit choisir des thèmes où les circonstances de la mort se produisent de façon passive : écrasement, étouffement, empoisonnement. On ne retrouve pas chez lui cette combativité qu' affectionnent les enfants de son âge où l' agressivité est active et les thèmes préférés sont ceux des luttes franches : combats belliqueux avec luttes acharnées utilisant des armes variées.

      Le contexte familial :

     L' ambiance familiale a souvent été peu épanouissante durant la première enfance, en particulier des événements touchant à la maladie et à la mort ont marqué l' entourage immédiat : affection invalidante ou décès d' un grand parent, cancer, cardiopathie chez un proche, avec hospitalisation et visites fréquentes où l' enfant participe ; terrain psychosomatique familial ; enfant prématuré dont le séjour en couveuse a été vécu avec beaucoup d' anxiété. Quelquefois cette préoccupation revêt un aspect plus insidieux. La mère avoue n' avoir pas désiré cette grossesse, venue tard ou dans des circonstances pénibles pour elle : soucis, préoccupations, solitude affective... Ainsi, l' une d' elles avait vécu durant sa grossesse dans l' angoisse de perdre son mari qui effectuait alors le service militaire. Nous avons relevé chez ces mères une attitude Hyperprotectrice avec crainte excessive de la maladie, un comportement méticuleux, perfectionniste mais peu chaleureux et assez brusque, des tendances revendicatrices... ; souvent, des traits lachésiens dominaient l' impression clinique comme si les préoccupations morbides de ce médicament se reflétaient dans l' enfant. Le père est presque toujours absent, passif lointain, ou alors très peu concerné par la vie de l' enfant.

      " Tests :

      " Ils sont d' un bon secours pour évaluer la nature et l' intensité des troubles affectifs qui provoquent ou sous-tendent un tel comportement.

      " Ils montrent en général un niveau intellectuel moyen mais les capacités ne sont pas toutes exploitées; les épreuves sont perturbées lorsqu' elles deviennent compliquées et nécessitent une attention accrue. Cependant il est très méticuleux et passe des heures à perfectionner un dessin, s' attachant aux détails les plus insignifiants qui ne respectent pas toujours la réalité : ainsi il dessinera avec application les pétioles de toutes les feuilles d' un arbre et tracera les vitres plus grande que l' embrasure sur les fenêtres d' une maison. Devant ses tâches, il s' agite, tremble, est prêt à pleurer; il utilise plus facilement les flirts et les symboles que les objets et les perceptions visuelles; ses intérêts pour la scolarité et le monde extérieur sont apparemment réduits; il a tendance à démissionner à l' approche des difficultés qu' il surmonte s' il est encouragé...

     Sur le plan affectif, son attitude est dépressive dans un premier temps, mais le fond de h personnalité est capable de sensibilité et d' impulsivité. Il a en réalité un grand désir de découverte, son affectivité est bloquée au point qu' il a du mal à verbaliser. Les situations d' angoisse ne sont pas maîtrisées; il manque de confiance en lui.

     Sa recherche d affection parentale est importante s' imaginant être tenu à l' écart de h famille, il rejette ses frères et ses soeurs aînés et recherche h situation idéale où il serait le plus petit, privilégié.

     Vis-à-vis de sa mère, les sentiments sont ambivalents; si c' est une fille elle souhaite l' imiter, mais elle lui est également hostile; le garçon se montre très anxieux à son égard, il a peu de rapports avec le père. L' image de ce dernier est dévalorisée, infériorisée. L' agressivité n' est pas exprimée; il y a pourtant un dynamisme mais qui n' est pas libéré de façon constructive. "

     ( fin de citation  )

     ARSENICUM ADOLESCENT :

     Majorées par les incertitudes de son âge, on trouve chez lui, portées parfois à la limite du déséquilibre, les traits caractéristiques du remède :

     Il a l' esprit confus et agité, vif mais fatigable. Même bien doué, il semble vite s' essouffler à suivre un certain rythme de travail et une certaine hauteur de pensée. Il éprouve le besoin de diaphragmer, de réduire, de regarder " par le petit bout de la lorgnette ". Il s' attarde à des détails qui, brusquement, le passionnent... mais perd la vue d' ensemble.

     Ordonné, minutieux jusqu' à la manie et l' obsession pour tout ce qui lui tient à intérêt, il peut être tout à fait négligent en ce qu' il estime ne pas le concerner.

     Du fait de ses limites physiques ou intellectuelles, il lui faut parfois renoncer à des études qu' il estimait pouvoir faire, à des titres qu' il convoitait, à une situation ou à une promotion qu' il croyait justifiée.

     Il en conçoit de la rancoeur et commence à se poser en victime...

     S' il s' agit d' un sujet médiocrement doué, d' un esprit étroit et sec, à la sensibilité étriquée, étouffée dès l' enfance, il est déjà vieux avant l' âge, mais c' est là un aspect extrême, presque caricatural.

     S' il a de la culture, de l' intelligence et de l' imagination, épris d' absolu et de certitudes, impitoyable à l' égard d' autrui, il est vite déçu par ses maîtres , père, chefs ou professeurs ) comme par les tâches ou les buts qui l' avaient d' abord séduits. Par réaction, il élabore un agressif rejet de ce qui lui a été transmis, un agressif refus de croire ( à la mesure de sa désillusion ) et même, contre sa nature profonde, prudente et ménagère de ses forces et de ses avoirs, il peut se livrer à des phases de gaspillage, pour tout avoir et pour tout posséder...

     C' est la phase compensatrice d' un état dépressif toujours par ailleurs menaçant : " Tu ne sauras jamais, Nathanaél, les efforts qu' il nous a fallu faire pour nous intéresser à la vie, mais maintenant qu' elle nous intéresse, c' est comme toutes choses, passionnément " , écrivait GIDE, à 25 ans, après son épisode tuberculeux, dans les " Nourritures Terrestres " , " livre sinon d' un malade, du moins d' un convalescent, d' un guéri " , dit-il lui-même.

     L' avidité sensuelle exacerbée dont déborde ce chant poétique de libération et de victoire sur la mort ( ces psaumes détournés ), fait exception dans une oeuvre nette et sèche, dont une étude homéopathique pourrait montrer ( sans recourir à l' appareil de MARSH ! ) la présence constante d' Arsenicum... en particulier dans le " JOURNAL " , où l' auteur, avec une grimace ironique et complaisante à la fois, adressée aussi bien au lecteur qu' à lui-même, ne fait grâce d' aucune insomnie ( de la première tierce nocturne ), d' aucune expectoration, d' aucune flatulence et d' aucun prurit faisant tomber des squames furfuracées sur la célèbre cape brune...

     Adolescent timide, orgueilleux, susceptible, sa sociabilité est peu chaleureuse et ne l' aide guère à s' insérer dans son milieu d' études ou de travail.

     A moins qu' il ne rencontre l' âme soeur... Que celle-ci soit de même sexe lui facilitera les choses d' autant que la sexualité n' est pas précocement orientée et ses pulsions plus fantasmées que contraignantes...

     Mais, en amitié comme en amour, il se montre exigeant, possessif, jaloux, inquiet, méfiant, bref mal doué pour le bonheur.

     ARSENICUM ADULTE ET VIEILLARD :

     Entre 25 et 60 ans, ARS. ALB. est peut-étre plus souvent du type " floride " ( H. BERNARD ) ou " sthénique " ( ZISSU ), ou tout au moins équilibré dans ses contradictions, héritier d' une enfance et d' une adolescence déjà marquée de la pathologie arsenicale ou venu à celle-ci à la suite de divers avatars :

     - asthme, eczéma, allergies diverses,

     - épisodes toxi-infectieux, hépatites, en particulier ( où ARSENICUM, remède des séquelles succède bien à PHOSPHORUS remède de la phase aiguë et du décours ),

     - affections pulmonaires chroniques à tendance sclérosante.

     On l' a souvent comparé, en ce stade, à SULFUR à cause de cet air de bonne santé pouvant faire illusion et le couvrir d' une légère bouffissure, mais la comparaison du psychisme de ces deux remèdes permet de les différencier, sans que soient pour autant exclues toutes les formes de transition.

     Aux grandes idées et parfois aux idées grandioses de SULFUR, à ses vastes systèmes philosophiques, à ses théories sociales généreuses, voire utopiques, ARSENIC oppose, avec un sourire coupant, une pensée logique, rationnelle, pragmatique. Il a l' art de casser l' envolée verbale de son interlocuteur d' une remarque sèche et précise, souvent fort judicieuse, mais qui fait d' un coup tomber de plusieurs degrés la chaleur de communication.

     Non qu' il soit incapable, avec des moyens instrumentaux suffisants, de s' élever au niveau de telles pensées, mais très vite, chez lui, un scepticisme caractéristique, fruit de ses amertumes, de ses rancunes et de ses déceptions, efface sans ménagement la buée que l' enthousiasme met sur les propos d' un SULFUR ou d' un PHOSPHORUS.

     Un goût certain pour l' abstraction le porte vers des études et des fonctions ou sa forme d' esprit trouve à s' exercer efficacement.

     Mathématicien ou logicien, parfois biologiste, l' écologie pollutionniste ouvre actuellement un champ privilégié à ses enquêtes minutieuses et à ses prévisions pessimistes.

     Médecin, Dr. TANT-PIS, on le rencontre assez souvent, à paradoxe, pédiatre.. à moins qu' on ne veuille voir dans ce choix une manière de s' identifier à une première enfance dont il garde la nostalgie ou de tourner le dos à l' avenir c' est-à-dire au dernier âge de la vie et à l' angoisse de sa propre mort, thème humain essentiel et plus essentiel encore pour ARSENICUM ALBUM.

     Mais ses domaines de prédilection semblent bien être le droit et les finances : excellent juriste, fonctionnaire fiscal méticuleux auquel rien n' échappe, vieux renard du maquis de la procédure, ne faisant grâce ni d' un article du Code, ni d' un décret d' application, ni d' une ordonnance, car sa mémoire ( mémoire de dates et de faits beaucoup plus que mémoire d' idées ) reste un redoutable et précieux instrument de travail jusqu' au stade de décompensation.

     Son affectivité demeure toujours close : une sensibilité exacerbée freine toute expression spontanée ou l' inhibe si le doute ou la jalousie viennent l' assaillir - et ils viennent bien sûr!

     Il est cependant capable d' élans... mais cette capacité est étroite, semble avoir été découragée, refoulée depuis si longtemps... Il est et reste essentiellement centré sur lui-même, cherchant à mettre autrui au service de ce Moi faible, avide et misérable.

     Ainsi va-t-il évoluer, dans son dernier âge, anxieux, méfiant, revendiquant, avare, désespéré, hanté par la peur de manquer, la peur d' être volé, la peur d' être empoisonné, la peur de son entourage, de ses propres enfants, de tout et de tous, Peurs symboliques du non-être et de son inéluctable mort.

     Il y aurait encore beaucoup à dire sur la signification psychanalytique de la " personnalité arsenicale " , sur la manière dont, à la suite d' un traumatisme de la petite enfance ou d' une carence de la relation mère-enfant peut s' édifier ( mais bien entendu, sur un substratum particulier ) une structure somato-psycho-pathologique de ce type.

     Elle suppose une déformation des représentations objectales selon un mécanisme qui peut même aller parfois jusqu' à un certain déni de la réalité avec édification d' un processus délirant de persécution.

     La plupart du temps on rencontre seulement chez les semblables d' ARSENICUM ALBUM une sorte de névrose de caractère dans laquelle l' évolution libidinale, bloquée au niveau de l' érotisme anal, se manifeste par des traits de caractère de type contra-obsessionnel : propreté, scrupulosité et soumission, témoins de l' agressivité réprimée et, quel que soit le statut social, d' une personnalité pauvre et rigide n' ayant qu' une sexualité de couverture sinon une homosexualité latente.

     Mais c' est surtout dans la voie psychosomatique qu' ARSENICUM est exemplaire. Exemplaire d' une vérité " criante " comme peuvent l' être son cri d' asthmatique, l' eczéma ou le psoriasis qu' il " offre " à qui le soigne. Son ambivalence entre soumission ( au désir de la mère ou aux ordonnances du médecin ) et affirmation agressive ( de négation et de refus pour défendre autant le corps propre que le Mol  ), est le prix d' une mise en jeu constante de sa sécurité vitale et, à la limite, le prix de son corps. c' est-à-dire de sa vie et de sa mort...

     Plus qu' à n' importe qui la pensée du philosophe G. THIBON pourrait lui être appliquée : " La mort est le nom le plus secret de l' amour... ".

 

 

Aurum Metallicum

 

Généralités

     PROLOGUE SUR LE " FLUORISME " :

     AURUM est, ici, le dernier représentant de ce groupe de remèdes homéopathiques :

     CALCAREA FLUORICA, FLUORIC ACID, PLATINA, déjà étudiés, auxquels il

     conviendrait d' ajouter MERCURIUS.

     Pour les uns, remèdes de la " constitution fluorique " notion héritée d' A. NEBEL

     dans une assimilation du fluorisme au luétisme ( hérédo-syphilis ), mais, pour beaucoup d' autres, depuis les travaux d' H. BERNARD, les remèdes de cette série ressortissent d' un biotype mixte à direction sulfuro-carbonique ou à direction sulfuro-phosphorique.

     Il n' est pas question de discuter ici les arguments qui ont été proposés pour soutenir thèses et hypothèses constitutionnalistes ou anti-constitutionnalistes.

     On doit seulement conclure à la difficulté de " loger " et de classer ces fluoriques, remèdes et psychotypes qu' ils représentent...

     Essayons donc d' aborder le problème par une autre voie.

     l ) En partant de la psychogenèse telle qu' elle s' est dégagée de tout l' apport de la recherche psychanalytique et en la comparant à ce que nous apprend l' expérience homéopathique, on constate schématiquement :

     a ) CALCAREA CARBONICA, " équilibré " , ( c' est-à-dire avec ses caractères mais sans excès pathologique ), est le remède dont la psychologie correspond le mieux à celle de la petite enfance dans son aspect le plus habituel en bonne santé : dominance des besoins oraux, connaissance du corps et acquisition de la coordination des mouvements, début prudent de l' autonomie, caractérisent l' un et l' autre.

     Cette analogie, frappante dans les trois premières années, s' atténue normalement pour ne laisser que des traces discrètes après 6 ans.

     b ) SULFUR " sthénique " allie aux exigences nutritionnelles et musculaires ( nécessaires au développement et à la maîtrise corporelle ), sa forte curiosité de connaissances, pratiques et théoriques, ion goût du jeu et des contacts sociaux, une affectivité ouverte capable d' échanges et des besoins très nets d' autonomie. Il illustre heureusement l' enfant de six à treize ans plus souvent, peut-étre, garçon que fille ) qui grandit sans avatar notable jusqu' aux abords de la puberté.

     2 ) Malheureusement, il y a les échecs évolutifs, les anomalies génétiques, les accidents organiques, les régressions affectives.

     Nous avons vu BARYTA CARBONICA qui peut ( de façon plus ou moins grave, selon les cas ) entrer, dès la petite enfance, dans une psycho-pathologie donnant l' image de la fixation la plus profonde et la plus archaïque.

     Certains aspects de CALCAREA CARBONICA, dans sa forme décompensée, de SILICEA, de PULSATILLA ( auxquels on pourrait adjoindre CALCAREA PHOSPHORICA, GELSEMIUM et KALI CARBONICUM ) émergent un peu plus tard, en raison de leur vulnérabilité à toute frustration affective, dès qu' il est question de " détachement maternel "... Toujours en danger d' échecs évolutifs, " petits oiseaux tombés du nid " , ils sont évocateurs de ces " personnalités anaclitiques " , mal structurées, dont le MOI faible garde le regret et le désir d' un retour à la fusion symbiotique primitive...

     C' est pourquoi ces remèdes ont été présentés les premiers et dans cet ordre.

     3 ) La psychanalyse a souligné l' importance de deux marches à franchir, entre trois et sept ans, c' est-à-dire entre l' oralité et le stade de latence, de sept ans à la pré-puberté :

     - apprentissage du contrôle sphinctérien ( stade anal )

     - acquisition du principe de réalité à travers la reconnaissance par l' inconscient d' un vécu parental sexuellement investi. ( oedipe ).

     Quelle que soit la position critique de chacun à cet égard, le fait est qu' à cette période de son évolution l' enfant entre dans une ère relationnelle au cours de laquelle il fait l' expérience de son propre pouvoir et l' apprentissage de sa liberté. Il peut y réagir différemment :

     a ) au niveau de la propreté ( sollicitée généralement par la mère ) :                            - soumission : par exemple par rencontre entre une mère " insistante " et un enfant trop jeune ou craignant de perdre distance ( relation d' amour ) avec elle.

     L' enfant est très ( trop ) tôt propre, à la grande fierté de sa mère, parfois d' un seul coup, jour et nuit, mais très souvent la totale propreté diurne contraste avec une interminable incontinence nocturne, donc " involontaire " , mais témoignage inconscient du désir de " rester bébé " et de l' immaturité neuro-psychique. ( SILICEA, PULSATILLA, C. CARB. )

     - acceptation : en jouant au jeu ( inconsciemment préérotisé chez les garçons les plus précoces ) des promesses et des refus, l' enfant doit prendre, justement sous le couvert du jeu, mesure de son pouvoir sur autrui, mais tout autant, des conséquences de ses actes. Comme on le dit ailleurs ( cf. Psychisme de l' Amibien P. 252 ) il y puise les notions pratiques de contrat, donc de réciprocité et de responsabilité. C' est assez dire le pouvoir mâturant de cette expérience pour l' apprentissage de la sociabilité.

     - opposition : directe ( énurésie, encoprésie ), larvée et somatisée ( troubles urinaires et intestinaux ), symbolique ( agressivité, propos grossiers, saleté corporelle ) dont les causes peuvent être bien différentes : participation d' un déficit organique, maladie survenant au moment de l' apprentissage du contrôle sphinctérien, sans pour autant nier les maladresses éducatives, quand s' affrontent, par exemple, une mère autoritaire et un enfant qui refuse toute contrainte imposée, ressentie comme attentatoire à son individualité et, déjà castratrice... ( CALC. FLUOR. FLUORIC ACID, CAUSTICUM ).

     b ) au niveau de la réalité du couple parental :

     On peut, bien entendu, retrouver le même schéma général mais les choses se passant ici, en grande partie au niveau de l' inconscient, s' expriment d' une manière symbolique à travers le comportement de l' enfant :

     - incapacité, plus ou moins complète et durable, de passer de la dyade mère-enfant à la situation oedipienne triangulaire, sous peine du risque mortifère de " perte d' objet " , ce qui peut pérenniser un infantilisme affectif et enraciner, tout logiquement pour la petite fille, la " peur du sexe opposé " ( signe que nous avons noté chez PULSATILLA ),

     - adaptation : progressive, s' exprimant par un mélange de tendresses et de brusqueries [eu plus clairement érotisé cette fois ), rivalité avec le parent de même sexe, mais dans un registre différent, auprès du parent du sexe opposé objet d' un désir d' amour et d' exclusive possession auquel il doit renoncer. C' est le premier pas de la route qui, après la puberté, le mènera à l' amour " objectal " et à la notion de " don " et d' oblativité, amour pour l' autre et générosité, base des notions éthiques d' objectivité et de justice. C' est pourquoi les psychanalystes parlent avec raison du " pouvoir organisateur de l' Oedipe ".

     - difficultés d ' acceptation de la réalité oedipienne :

     - soit affrontements avec le parent de sexe opposé parfois jusqu' au rejet ( revendication ) et rivalité virulente avec le parent de même sexe dans un jeu vicié, combat trop souvent alimenté par une maladroite et imprudente surenchère parentale, provocations d' une part, punitions de l' autre, mode pseudo-structuratif visiblement sadomasochiste, masquant mal des fixations partielles, anales notamment, générateur selon son importance, d' instabilité caractérielle, de déséquilibre psychopathique, de perversions et de délinquance... ( FLUORIC ACID. STAPHYSAGRIA, HEPAR SULFUR ).

     - soit, beaucoup moins pathologiquement, surinvestissement érotisé de la relation oedipienne, dans un comportement ( narcissique et proto-hystérique ) de désir de séduire, ( rappelant un aspect de PLATINA enfant ).

     Aux deux niveaux, ces modes de réaction : opposition et difficultés d' acceptation, nous renvoient, soit à titre symptomatique et passager, soit à titre d' aménagement psychologique habituel aux modalités des remèdes nommés, par un certain abus de langage : " fluoriques ".

     Il est, certes; possible de les identifier morphologiquement de bonne heure et leur pathologie somatique particulière peut se manifester dès la première enfance. mais il est vrai aussi, que, sur le plan psychopathologique ils commencent à " se distinguer " , d' assez mauvaise manière il faut l' avouer dès que, sur le plan personnel et relationnel, interviennent les notions de contrainte et de discipline.

     Donnons la parole à R. ZISSU ( Matière Médicale Homéopathique constitutionnelle, t. IV p. 33.35 ) :

      " Mentalité : elle est dominée par l' instabilité et le paradoxe, reflets de la dysharmonie structurale... Elle entraîne l' indécision, le désordre, l' agitation. Le paradoxe provoque les réactions imprévues et vives mais éphémères par instabilité. La composante des deux fait un être sans esprit de suite, capricieux, versatile, continuellement en mouvement avec un besoin irrésistible de changement. Dans un ordre supérieur, c' est l' intuitif qui assimile vite sans besoin d' apprendre, aux " traits de génie " , qui comprend tout dans un élan de pensée, qui agit sans réflexion mais " tombe juste " par suite d' un sens remarquable de compréhension et d' observation. Incapable d' un long mûrissement, sa pensée se fait acte, non pas dans la patience d' un travail bien construit mais dans l' opposition du milieu qui seule permet le jaillissement spontané d' une " illumination " immédiate traduite en actes. C' est un réalisateur immédiat, génial, qui doit atteindre rapidement son but, sinon c' est l' échec aussi retentissant que le succès. Aussi dans un ordre inférieur, c' est le désabusé, l' irréfléchi, l' ambitieux sans scrupule, le dépravé, le vicieux, avec tendance aux perversions mentales et sexuelles... "

      "...L' enfant sera dirigé avec doigté, intelligence mais fermeté : avec doigté car il a horreur de la contrainte, avec intelligence car il faut saisir les qualités, plus réelles que ne, le suppose une gangue déroutante de défauts : sujet intuitif, assimilant vite, brillant par éclipse, enfin avec fermeté car le fluorique n' a pas de scrupules et a tendance à la perversion. C' est un enfant qu' il faut avoir toujours bien " en mains " et " à vue " , car il échappe vite à la surveillance par son indiscipline, son caprice et l' imprévisibilité de ses réactions. L' éveil de sa sexualité fera en particulier l' objet d' une surveillance redoublée, du fait de la tendance aux perversions ".

     ZISSU insiste sur ce mot " perversion " mais n' indique peut-étre pas assez ce qui ressort, cependant, de son portrait ( et qui est, peut-étre, un peu caricatural dans Psychisme de FLUORIC ACID, p. 65 ) : l' égoïsme, l' absence de " sens des autres " , parfois, jusqu' au cynisme, la carence éthique.

     Mais si on se réfère à ce que disent EY et BRISSET, SCHNEIDER, WILDLOCHER et allant de simples traits de caractère plus ou moins accentués ( paresse, insouciance morale, refus de discipline et de responsabilités, agressivité latente, goût pour le mensonge et la dissimulation  ) jusqu' à des conduites sexuelles et sociales perverses...

     Heureusement, si multiples, chez tout le monde, sont les traces " fluoriques " ( physiques et mentales ), les êtres qui en arrivent à la grande pathologie sont en nombre restreint ; d' autre part, en décrivant, sur la base de l' expérience homéopathique; les tendances psycho-pathologiques de tel groupe médicamenteux ou de tel remède, iI s' agit bien d' indiquer son registre clinique et, en aucun cas, d' en tirer un déterminisme rigide.

     La spécificité individuelle témoigne des innombrables agencements psychologiques et de la rareté presque théorique des types " purs ".

     Il m' a semblé nécessaire de placer ici ces longs développements pour faire mieux apparaître ma tentative de présenter, en partant de la psychogenèse et en s' y référant, un mode d' approche psychopathologique des remèdes homéopathiques. C' est celui qui me semble le plus familier aux psychologues et psychiatres ; il ne peut qu' aller dans le sens de travaux homéopathiques antérieurs.

     Il montre aussi, je l' espère, que le reproche actuellement encouru par toute caractérologie de n' être que descriptive et statique et de ne pas tenir compte de l' apport psychanalytique n' est pas mérité par l' Homéopathie.

 

Introduction.

     ... " et prenant le veau qu ils avaient fait, Moise le mit dans le feu et le réduisit en

     poudre; il jeta cette poudre dans l' eau et il en fit boire aux enfants d ' Israëi ".

     EXODE, XXXIII, 20

     Ainsi la Bible nous rapporte-t-elle l' histoire de la première " dilution homéopathique " d' AURUM, sans nous donner cependant de détails sur les effets de cette " expérimentation " collective et punitive...

     AURUM est, on l' a dit, un des remèdes du biotype mixte dit " fluorique " mais iI en est le représentant le moins déviant, le plus proche de la normalité dans son jeune âge et son état d' équilibre. C' est, par toutes ses modalités celui qui est le plus proche de SULFUR.

     Enfant classiquement mince et brun, à l' esprit vif, à l' excellente mémoire, souvent

     doué, " premier de la classe " mais n' ayant pas toujours le triomphe modeste, - adolescent passionné, avide de connaissance et d' action, ambitieux et impatient de réussir, adulte devenu souvent pléthorique, à la sociabilité difficile, travailleur acharné, sujet à des crises de paresse, souvent autoritaire, parfois despote, ne supportant aucune contradiction, déniant trop facilement le narcissisme et la liberté d' autrui, AURUM peut, avec une égale ardeur, se mettre au service d' un idéal hautement désintéressé ( scientifique, social, religieux ) ou être épris de volonté de puissance et de réalisation, quoi qu' il arrive et jusqu' au cynisme. Cela peut mener, c' est selon, du bûcher à la correctionnelle, du martyre à l' escroquerie...

     l ) Moins extraverti et plus persévérant que SULFUR dont il n' a pas la faconde mais dont il partage le goût pour l' action, les vastes entreprises et le pouvoir - plus impérieux, moins tatillon et moins scrupuleux que NUX VOMICA, mais tout aussi irascible, exigeant, impatient - AURUM a, en commun avec LYCOPODIUM, orgueil et doute de soi-même, méfiance et besoin de réconfort à l' égard d' autrui.

     Dans son état d' équilibre, AURUM réalise ainsi un remarquable compromis d' expansivité et de rétraction, de dynamisme avec forte emprise sur le réel et de sensibilité...

     2 ) Les risques de décompensation sont cependant toujours présents. Un choc affectif, un échec professionnel, ou, plus physiologiquement, la vieillesse, peuvent l' y conduire. AURUM a trop le sens de la relativité du temps, de l' action et de l' existence pour ne pas être pessimiste... Homme d' affaire habitué à lire des bilans, celui qu' il dresse alors de sa vie est négatif; déçu de lui et d' autrui, plein d' amertume et de rancoeur, il a des sursauts de révolte et de courage, car c' est un lutteur, mais très narcissique, s' il perd foi en lui-même, c' est le " break-down " et, en particulier, la dépression mélancolique dont il peut donner une très fidèle image.

     Le laisser-aller dans sa tenue et ses vêtements alors qu' il est habituellement soucieux de son apparence, l' hyperexcitabilité sensorielle douloureuse qui accroît isolement et refus du contact le désintérêt progressif, le ralentissement idéatoire et le ressassement des erreurs commises, illustrent l' état-type de désinvestissement... Certitude de l' inutilité du passé et plus encore de l' avenir, sentiments de culpabilité, conviction progressive qu' il n' existe aucune solution à sa situation actuelle, acheminent AURUM vers l' idée de la mort et de la mort volontaire.

     3 ) A dire vrai, ce thème de la mort est constamment sous-jacent, comme chez tous les êtres hâtifs, pressés, angoissés par la fuite du temps. Il y a plus : les instances morales, sont toujours très fortes même si elles sont, inconsciemment, rejetées au second plan. L' angoisse de l' inconnu et de l' au-delà hantent ses rêveries et ses rêves nocturnes, effrayants, angoissants. La mort est, peut-étre, le havre de repos, la plongée dans le grand lac de l' oubli et de la non-souffranoe ( suicide par noyade de AURUM ), attirant connue un retour au protecteur liquide originel, peut-étre, mais sait-on jamais ?...

     Vieillard s' acheminant vers la sclérose et l' hypertension, il est de plus en plus hanté pal de telles méditations.

     L' angoisse de mort surgit parfois violemment, au cours d' une explosion de colère ou lors d' une crise d' arythmie cardiaque quand la sensation d' arrêt du coeur semble devoir être définitive, ou imminente la menace de congestion cérébrale.

     Mais que ce soit dans un contexte dépressif ou dans une bouffée paroxystique, pour AURUM le thème de la mort, crainte et / ou désirée, ne va jamais sans celui de la rétribution.

     Faire ses comptes..., rendre des comptes..., comme, écolier avide de la première place, Il comptabilisait ses points..., comme, chef d' entreprise, il jetait un dernier coup d' oeil à sa comptabilité avant un contrôle fiscal..., ou P.D.G., prêt à affronter son Conseil Administration, sûr et pas sûr, brusquement épouvanté par ses erreurs, réelles ou supposées...

     Chez AURUM, entre l' angoisse et la mort, s' insinuent plus ou moins clairement des fantasmes, peur et désir de jugement et de punition. Ayant usé et peut-étre mal usé du pouvoir ( reçu du " père " : réel, symbolique, archétypique ou divin ) il ( en ) attend, soumis, le courroux et verdict, pour être réconcilié avec lui...

     KENT dit qu' AURUM est peu dégagé de l' empreinte de son éducation... ( et de sa problématique oedipienne ).

     C' est Moise arrêté au seuil de la Terre Promise, c' est le David des Psaumes et du remords, tant il est vrai que le psychisme d' AURUM, a, par sa dimension dramatique, une résonance biblique...

     Il nous renvoie, par cette illustration, à un texte de FREUD, paru dans le numéro princeps de la Revue Française de Psychanalyse, le ler juillet 1927, sur : " Le Moïse de MICHEL-ANGE " , dont on peut extraire ces lignes :

      " MOISE, en tant qu' homme, était, d' après les témoignages de la tradition, irascible et sujet à des emportements passionnés. C' est dans un de ces accès de sainte colère qu' il avait tué l' Égyptien qui maltraitait un Israélite, ce qui le contraignit à quitter le pays et à s' enfuir dans le désert. Dans un pareil éclat de passion, il avait fracassé les Tables écrites par Dieu lui-même... "

 

Psychisme.

     INDICATIONS PSYCHO-PATHOLOGIQUES :

     1 ) Certains troubles caractériels chez l' enfant :

     AURUM correspond, beaucoup plus souvent chez le garçon que chez la fille, à des difficultés relationnelles se manifestant en famille et à l' école.

     Elles sont liées à son intolérance à la contrainte et à l' autorité, d' où les symptômes sur lesquels fonder le diagnostic médicamenteux :

     - explosions de colère ( " coléreux jusqu' à trembler de colère " KENT ) et de propos injurieux, conflits avec ses parents et ses professeurs ; à un moindre degré, ayant souvent de l' aisance verbale, il est volontiers caustique et, en paroles, d' une froide agressivité.

     - réalisations de projets, initiatives et lubies, en tenant peu ou pas compte des conventions sociales, de la gène ou même des dommages causés à autrui ; une certaine inconscience ( ou plutôt indifférence ) des conséquences de ses actes,

     - tendance à assumer le rôle de " leader " parmi ses camarades, soit comme meneur de rébellion, soit comme défenseur de l' ordre établi ( s' il est associé au pouvoir... ),

     - indépendance jusqu' à l' asociabilité dans le comportement, mais cependant, possibilité d' élans généreux.

     La prescription la plus adaptée est généralement : AURUM MET 30 CH en dose bimensuelle ou mensuelle suivant le résultat obtenu.

     2 ) Les tendances suicidaires :

     Par l' intensité de ses signes pathogénétiques de décompensation :

     - tristesse et insatisfaction,

     - remords, auto-accusation, délire d' autopunition,

     - dégoût actuel de la vie, amertume, misanthropie, désespoir,

     - désir de la mort, possibilités d' impulsions,

     - mais craintes métaphysiques et peur de l' au-delà,

     AURUM est le remède d' indication la plus fréquente des risques suicidaires, car ceux-ci s' accompagnent la plupart du temps de la symptomatologie décrite.

     Le choix de la dilution, dans ce cas, doit tenir compte, - surtout chez un sujet nettement " simillimum " d' AURUM, donc très réactif - des possibilités d' aggravation, temporaires mais ici dangereuses, pouvant favoriser un raptus anxieux avec passage à l' acte suicidaire.

     AURUM 5 CH ou 9 CH, quotidiennement répété jusqu' à amélioration de l' état mental, après quoi on espacera les prises, est une prescription efficace et prudente, plus adaptée dans ce cas particulier que celle de doses répétées en haute dynamisation.

     Il convient cependant, là comme ailleurs, de faire soigneusement le diagnostic homéopathique. Autolyse n' égale pas AURUM.

     Parmi les remèdes ici présentés il faut aussi penser à :

     - PULSATILLA, jeune fille ou jeune femme infantile : " elle rêve plus, en réalité son suicide qu' elle n' y pense sérieusement. Elle craint la mort, elle aussi, mais elle imagine sa fin, en fabrique le décor, la rivière où elle finira, car ses préférences vont à la noyade. Elle la vit par avance, dolente, les larmes aux yeux, apitoyée sur elle-même ". ( E. LEFORT, op. cit. p. 41 ). Une de mes jeunes malades de ce genre me disait dans un triste sourire : " mon cercueil sera mon second berceau.. " , propos typique de PULSATILLA;

     - éventuellement à FLUORIC ACIDUM, quand, ayant " joué toutes ses cartes " et perdu, il cherche à se dérober aux conséquences de ses erreurs de conduite.

     Il m' est apparu qu' AURUM et FLUORIC ACIDUM, dans le cas où il m' a été possible de faire un diagnostic homéopathique certain au cours d' une expertise pénale, correspondaient aux personnalités les plus exposées à se suicider au cours d' un emprisonnement;

     platina, qui ne supporte pas plus l' échec qu' AURUM ( auquel elle ressemble par tant de côtés ) ne supporte la moindre offense, peut se suicider par insatisfaction existentielle;

     - NUX VOMICA, pour des raisons comparables à celles d' AURUM : échec familial, échec professionnel, humiliation, à moins... qu' il n' ait un infarctus libérateur sans avoir eu à faire le geste...

     - LACHESIS, au cours d' un accès dépressif,

     - NATRUM MURIATICUM et même SEPIA, chez des adolescents qui ont peur de la vie, ou après un chagrin d' amour,

     - IGNATIA, sous le choc d' un deuil, d' une grande émotion,

     - KALI BROMATUM, KALI PHOSPHORICUM, PHOSPHORUS, PHOSPHORIC ACID, TUBERCULINUM, quand, épuisés, ils se sentent désarmés devant l' existence et ses dures réalités, au cours d' une grande angoisse de morcellement, ou, déjà entrés dans la pathologie psychotique, quand une levée d' inhibition leur fait mesurer la réduction de leurs moyens intellectuels et pratiques, leur inadaptation sociale, les nouvelles hospitalisations prévisibles. Attention ! C' est à ce moment-là que le malade " médite son suicide " et le réalise : iI n' en parle pas.

     3 ) Des syndromes mélancoliques :

     R. ALLENDY, psychiatre et homéopathe, écrivait dans : ( ( Les symptômes psychiques d' AURUM " ( publié dans la revue : Le Propagateur de l' Homéopathie, décembre 1931 ), cité par LATHOUD ( Études de Matière Médicale Homéopathique t. I, p. 209 ) soulignant les deux pôles extrêmes du psychisme de ce remède :

      " Le malade d' AURUM peut être gai - comme dans l' ivresse, mais iI s' agit d' une tension psychique capable de virer à la colère très facilement. Cette excitation réalise le tableau de l' ébriété ou d' un état hypomaniaque... il pose des questions et n' attend pas la réponse, commence une action et ne la finit pas, ne peut appliquer son esprit, ne peut exécuter un travail intellectuel suivi et actif. Son comportement est hâtif et inquiet. JAHR mentionne une sorte d' exaltation religieuse.

      " L' inquiétude produit l' irritabilité : le malade est querelleur, entre dans de violentes colères à la moindre contradiction ou au moindre obstacle.

      " Son agitation l' empêche de dormir et iI ne sent pas la fatigue.

      " Cet état mène progressivement au stade de dépression qui est typiquement mélancolique.

      " L' inquiétude devient angoisse et s' accompagne d' une espèce de contraction crampoïde dans l' abdomen ou au niveau du coeur. Il se montre d' abord hésitant puis scrupuleux. Il se sent inférieur ou coupable, craint d' avoir mal agi, se déclare incapable de quelque chose de bien. Il devient taciturne, fuit la conversation... L' agressivité de la période primaire se retourne contre le sujet lui-même et devient un désir de suicide : le malade, après avoir eu peur de la mort, en arrive à la considérer comme la solution la plus désirable. S' il a des idées de suicide, c' est souvent en se jetant d' un lieu élevé qu' il a envie de le faire et s' il ne pense pas consciemment à le réaliser, il en rêve fréquemment. L' insomnie persiste pendant la phase de dépression. Il a des terreurs nocturnes.

      " Telles sont les deux catégories de symptômes psychiques correspondant à AURUM. les deux manières d' être peuvent alterner de près ou se mélanger plus ou moins, réalisant soit ces états d' instabilité qu' on observe chez des patients hystériques après des émotions ou chez des alcooliques, soit ces états alternants qu' on appelle cyclothymiques et dont la psychose maniaco-dépressive constitue l' aboutissement le plus typique. C' est un remède typique de la mélancolie ".

     Dans la pratique psychiatrique, effectivement, AURUM peut être, mais non toujours, ( ARSENICUM ALBUM est souvent un remède d' état mélancolique du vieillard ) le médicament unique et parfaitement efficace chez un malade ayant une telle structure, sans négliger pour autant, en se souvenant de la polarité cardiaque et vasculaire du remède, de surveiller l' état de son coeur, sa T.A. et ses constantes biologiques ( urée, lipides, cholestérol, triglycérides ).

     On se basera pour le prescrire :

     - sur la mentalité générale du malade, la plus analogue possible à celle d' AURUM,

     - dans les épisodes dépressifs à répétition quand ceux-ci tendent à se reproduire nettement en hiver, car AURUM qui peut être localement amélioré par le frais et le froid, est aggravé sur le plan général et attristé par le froid et l' hiver, toujours réconforté par le soleil et la saison chaude,

     - dans la période dépressive prémenstruelle de certaines femmes de type " sanguin " , parfois difficile à différencier de LACHESIS.

     On utilisera :

     - les dilutions basses ou moyennes, en s' y maintenant, pendant l' accès mélancolique, phase de décompensation ),

     - les doses espacées, en haute dilution, en période sthénique.

     LES FASCINATIONS

     D' AURUM.

     AURUM... l' or...

     S' agissant d' une étude strictement médicale, il ne saurait être question de s' aventurer sur les chemins dangereux et mal balisés de la symbolique... de peur d' être égaré par les vapeurs trompeuses s' élevant des lieux impurs... Mais la plus naïve des illusions serait de nier la valeur magique du nom même du métal jaune, de tout ce que son unique syllabe recèle de résonances et d' évocation... et tout rejet sectaire à cet égard ne pourrait qu' avoir le sens d' une réaction de défense mal assurée.

     Explorateurs de la Matière médicale, nous ne nous proposons donc pas d' aller " conquérir le fabuleux métal " , mais d' en reconnaître les signes à travers la clinique et la pathologie.

     Nous n' arrivons certes pas les premiers sur ce terrain, et là encore, il nous faut bien définir notre position originale par rapport à de lointains et parfois illustres devanciers. Car la médecine antique, et bien plus encore les médecins arabes du Moyen Age, utilisaient l' or ( ou plus exactement des Préparations à base d' or ) dans des maladies diverses, plus ou moins nettement définies, mais principalement dans les troubles cardiaques et dans les troubles psychiques.,,

     L' Or, couleur de soleil, métal lumineux, symbole de force vitale ( mais aussi de puissance : puissance virile, puissance financière, donc pouvoir sur autrui ) étant le remède de l' équilibre entre les forces de la vie et les forces de la mort..., on ne saurait donc s' étonner de sa réputation et des pouvoirs qui lui sont ou furent attribués.

     Signe particulier apposé sur la fiche d' identité homéopathique de notre AURUM : on ne lui connaît pas d' action toxique. C' est ainsi ! tous les traités de toxicologie en témoignent... et les chimistes étant gens sérieux et précis, on ne saurait mettre en doute leurs affirmations : l' or n' intoxique pas ! ce qui peut laisser rêveur... mais il y a loin des paillasses de laboratoires aux " corbeilles " des bourses monétaires... " Il n' existe pratiquement pas d' intoxication professionnelle à l' or " ( indique le Traité de toxicologie de Fréjaville et al. : 541 ).

     Seuls les sels d' or, on le sait, peuvent occasionner, soit par surdosage, soit par sensibilité particulière du malade, des troubles toxiques :

     - réactions cutanéo-muqueuses fréquentes ;

     - atteinte hématologique, plus rare, mais pouvant aller jusqu' à l' aplasie complète ;

     - atteinte du parenchyme hépatique et atteinte rénale ;

     - atteinte neurologique ( encéphalopathie et polynévrite ).

     La Matière médicale de notre remède, sans doute parce qu' il est peu réactionnel et d' action lente, n' a donc pas de source toxicologique classique : elle provient de l' expérimentation diluée et dynamisée d' AURUM.. Mais, au fait, de quel AURUM ?

     L' expérimentation princeps d' Hahnemann a été faite avec AURUM FOLIATUM, qui n' était point le métal pur mais un alliage d' or et d' argent... Aussi l' indique Lefort dans son portrait d' AURUM ( Aspects de l' homéopathie. 33-47 ). Il ajoute avoir appris avec profit à distinguer la pathogénésie spéciale de cet or argenté de celle d' AURUM METALLICUM, expérimenté par la suite, celui de nos préparations pharmaceutiques, celui de nos prescriptions et de notre expérience clinique, seconde source de notre connaissance du remède, celui qui fait l' objet de notre propos.

     Ce métal précieux, absent de l' organisme, qui provoque ( toutes nos Matières médicales nous le garantissent ) et qui guérit ou améliore [notre pratique nous l' apprend ) des troubles profonds, graves et évolutifs, est aussi un remède précieux.

     D' action diphasique, comme tous les métaux et comme les venins, on connaît bien son oeuvre qui a été parfaitement explicitée, en particulier dans la Matière médicale constitutionnelle de R. Zissu ( t. IV : 253-265 ).

     1 PHASE STHÉNIQUE ( excitation progressive et lente )

     Il se produit au l° degré des phénomènes de congestion, d' hyperhémie et de pléthore, survenant par bouffées, constatables au niveau du coeur, des vaisseaux et du cerveau :

     . Par des symptômes physiques :

     - faciès rouge sur un fond de peau mate, parfois olivâtre ;

     - excès de poids avec hépatomégalie ;

     - hypertension artérielle, longtemps instable, et pléthore sanguine ;

     - céphalées battantes.

     , par des symptômes psychiques :

     - hyperactivité efficace mais qui peut devenir excessive et brouillonne ;

     - excitabilité irritable: la moindre contrariété ou contradiction peut susciter des réactions violentes de colère et d' indignation :

     - réduction parfois extrême des besoins de sommeil.

     . Mais aussi, pendant de courts moments :

     - brusques accès de somnolence;

     - sentiment de lassitude ;

     - éveil et lever pénibles.

     . Jusqu' au moment où surgissent les signes d' alerte sous forme de minispasmes  par lesquels il faut noter :

     - crises de tachycardie dont la symptomatologie ( sensation soudaine de ralentissement puis d' " arrêt " cardiaque, suivie de sensation de " bondissement " et de battements violents aux tempes et aux carotides ) évoque parfois ACONIT et souvent GLONOINE ; ces crises surviennent non pas pendant mais après un effort ( physique, mental ) ou une émotion ; elles nécessitent l' immobilité absolue, buste droit ou penché en avant, et s' accompagnent d' oppression thoracique ;

      Crises d' amaurose ou d' hémiopie transitoire : AURUM METALLICUM voit mal la moitié supérieure des objets et peut avoir des troubles circulatoires rétiniens ( visions d' étincelles ) ;

      brèves périodes d' amnésie-aphasie, spontanément réversibles, apparemment sans séquelle, où le recours à LACHESIS est physiopathologiquement justifié.

     . Puis ce sont les signes d' alarme et les spasmes graves :

     - spasme cardiaque ( de l' angor à l' infarctus ) : CACTUS GRANDIFLORUS, NAJA TRIPUDIANS ou LATRODECTUS MACTANS peuvent, dans l' angor, apporter un soulagement rapide et contribuer, dans les cas graves, à la mise en route vers les soins hospitaliers avec moins d' angoisse et de souffrance ;

     - spasme vasculo-cérébral ( ictus ) appelant également la mise sous surveillance intensive, non sans prendre en considération la latéralité droite de BOTHROPS et la latéralité gauche de LACHESIS.

     2. PHASE D' ÉQUILIBRE

     Elle illustre le morphopsychotype AURUM, décelable dès l' enfance et presque exclusivement chez le garçon :

     - c' est un sujet " chaud " mais aggravé en hiver ;

     - frileux mais ayant besoin d' air frais au niveau de la tête et du cou, lieu de prédilection de ses phénomènes congestifs ;

     - qui a souvent été un enfant malingre, à la croissance lente et parfois inharmonieuse, marquée de quelques dysmorphies ( osseuses, dentaires, testiculaires ).

     Dans ses jeunes années, on peut parfois le confondre avec LYCOPODIUM !, surtout quand il s' agit d' un sujet bien doué, mais il est plus extraverti que LYCOPODIUM, sa sociabilité est plus facile et son ambition moins dissimulée.

     On connaît sa précoce vivacité mentale, ses acquisitions intellectuelles rapides ( aisance verbale et bonne mémoire ), ses intérêts nombreux et passionnés, son attrait pour la maîtrise des connaissances et leurs applications pratiques, mais déjà l' irrégularité de ses rythmes physiques et intellectuels que remarquent ses éducateurs.

     Ses traits de caractère le personnalisent et s' accentuent avec le début de l' adolescence : son adaptation scolaire, généralement très facile et parfois jugée trop habile ; " débatteur " astucieux, mais supportant mal la contradiction, il tend à accaparer la parole et à faire participer à son profit, acceptant mal les observations et ses erreurs.

     Plus combatif et autoritaire que SULFUR, moins coléreux ( à cet âge ) que NUX VOMICA, il est moins rancunier que LYCOPODIUM. Cet ambitieux tenace et bien organisé est stimulé par le succès mais il est aussi très vulnérable à l' échec, ce qui confirme l' importance du narcissisme dans sa dynamique inconsciente.

     Il a une affectivité forte ( parfois même envahissante, souvent pudique dans ses manifestations ) et a besoin d' un environnement chaleureux, mais il est et restera toujours spontanément égocentrique.

     Mais c' est dès l' adolescence qu' on peut déceler la " paille " qui existe dans ce métal précieux, c' est-à-dire ces alternances de l' humeur si caractéristiques d' AURUM. Sans doute est-il fréquent à cet âge de passer par des phases d' enthousiasme, avec exaltation de l' imagination, de la créativité, de la sociabilité, des projets d' avenir, et des phases de découragement, avec doute de soi, sentiments d' humiliation ( s' il y a eu échec, sentimental ou sexuel, ce qui n' est pas rare ) et désir de mourir... Chez le jeune homme, ces alternances ont ceci de particulier que ce ne sont pas des variations constantes mais qu' elles tendent à s' organiser subtilement en périodes. Cela n' est généralement qu' esquissé ; AURUM s' en souviendra passé la quarantaine. Mais la décompensation grave peut déjà se produire et l' entraîner jusqu' au suicide.

     Il faut cependant soigneusement distinguer ces " alternances de l' humeur " des états d' ambivalence rencontrés chez les jeunes " schizoïdes " : PHOSPHORUS, KALI PHOSPHORICUM ou TUBERCULINUM. Chez ceux-ci les deux aspects se recoupent et tendent à se rejoindre dans une interrogation angoissée et confuse.

     Plus il avance en âge, surtout s' il s' avère incapable de s' imposer des règles d' hygiène de vie suffisamment prudentes et de mettre une limite à sa fringale d' action et à son avidité de réalisation, plus AURUM est en état de risques.

     3. PHASE DE DÉCOMPENSATION

     a ) Au niveau psychique

     Elle représente, bien entendu, l' exagération des symptômes négatifs de la personnalité d' AURUM.

      Dépressions réactionnelles : soit à un stress somatique ( suite d' accident, avec résorption de microtraumatismes cérébraux, ou suite d' insolation, ou suite d' un léger ictus ): à l' atteinte organique s' ajoute une réaction de détérioration éventuelle de l' image de soi ; soit à un stress psychologique : sur ce terrain prédisposé AURUM est en relation avec SULFUR et NUX VOMICA, mais aussi avec PLATINA et LACHESIS.

     . Dépression mélancolique isolée, caractérisée par son " trépied clinique " dont on retrouve les symptômes dans la pathogénésie d' AURUM :

     - dégoût de la vie : perte de toute sensation de plaisir, angoisse atroce au réveil, lassitude intense malgré l' inaction, désintérêt généralisé ; toute décision semble une difficulté insurmontable, vivre devient odieux ;

     - autodépréciation et auto-accusation : le déprimé mélancolique est profondément persuadé d' avoir tout raté dans sa vie ; il se considère comme la honte de sa famille, dont il estime faire le malheur ;

     - désir de mourir et pulsion suicidaire : un tel bilan d' existence ne peut trouver sa juste sanction, dans l' esprit du malade, que par une mort " bien méritée " , qu' il redoute mais qui le fascine, à la fois pour " payer ses fautes " , pour échapper à l' abominable angoisse de vivre et pour définitivement triompher du temps.

     . Pathologie maniaco-dépressive, avec ses alternances typiques : périodes d' excitation maniaque, période de dépression mélancolique, cette pathologie reflète exactement la symptomatologie d' AURUM - surtout après 40 ou 50 ans.

     Effectivement, la répertorisation psychopathologique indique :

     - hyperactif, irritable, autoritaire, dictatorial, coléreux, intolérant à la contradiction jusqu' à la violence verbale, logorrhéique ( cf. HYOSCYAMUS );

     - mais aussi, anxieux, triste, mélancolique, tactiturne, fuyant le monde, désespéré, plein de remords, se croit abandonné de tous, désire mourir mais a peur de la mort. ( Ci. ARSENICUM ALBUM. )

     Plus que toute autre, cette pathologie mentale illustre la problématique d' AURUM, ce faux SULFUR éclaté, scindé entre ses deux pôles ( positif et négatif, masculin et féminin, pulsion de vie et pulsion de mort ), toujours partagé dans son esprit et dans son coeur, qui doit constamment rétablir son équilibre.

     b ) Au niveau physique

     La décompensation, qui s' appelle alors dégradation, est soit le fait d' abus existentiels, alcoolisme en particulier, soit le fait du vieillissement vasculaire :

     - atteinte endovasculaire et dégénérescence des organes nobles ( cf. AURUM IODATUM, PHOSPHORUS, BARYTA CARBONICA ) ;

     _ atteinte des organes des sens et des os, ( cf. PHYTOLACCA et FLUORIC ACID ) ;

     _ atteinte lympho-ganglionnaire ( cf. CONIUM ).

     Et c' est le risque d' évolution vers des lésions irréversibles d' athérosclérose  et leurs retentissements sur les fonctions mentales ( cf. SECALE CORN., CAUSTICUM, PLUMBUM ).

     Grandeur et décadence du destin d' AURUM... s' il ne prend pas conscience de ses risques et ne rencontre ni la discipline nécessaire ni la thérapeutique adéquate. De la fascination alchimique pour le rex metallorum, vieux rêve prométhéen où l' homme cherche à s' égaler au Créateur en transcendant la nature, sur fond de récitatif wagnérien ( le leitmotiv de l' Or du Rhin, bien sûr ).

     Il démontre, par la loi d' analogie, " comment en un plomb vil ( PLUMBUM ) l' or pur se peut changer "...

     partagé entre :

     - sa générosité parfois un peu factice et son égocentrisme de réalisateur actif, tenaillé par le désir de remplir tout son temps ;

     - la prodigalité irrationnelle de sa phase sthénique ( achats démesurés, dépenses incontrôlées ) et la peur de manquer d' argent, la peur de la ruine, dans sa phase dépressive ;

     - l' intempérance de sa sensualité ( orale et sexuelle ), et de soudains désirs d' ascèse, qui ont vite fait de le décourager ;

     - son orgueil et ses sentiments d' indignité, AURUM m' apparaît comme un " doublet " de SULFUR, moins réellement optimiste, plus ambitieux, plus complexe que lui, en fait une mutation de SULFUR, marqué de la " dysmorphie fluorique ".

     C' est cette dimension structurale qu' il faut connaître pour la percevoir Chez un tel malade et répondre véritablement à une attente qu' il se garde bien d' exprimer avant, mais dont, plus que beaucoup d' autres, il sait être reconnaissant au médecin qui l' a sentie et y a répondu.

     Sous la superstructure superficielle d' un comportement tout orienté vers l' adaptation et l' efficience sociale, se cache en fait un sentiment d' insécurité permanent, moteur de sa suractivité et de cette quête incessante et éperdue d' objets occupationnels qu' est son existence.

     ' AURUM, nous l' avons tant de fois constaté, n' est donc pas en paix avec lui-même: il est dans l' insécurité du déroulement du temps et, au-delà de la peur de la mort, de la peur de Au-delà :

     - tantôt incapable de renoncer à ses faiblesses, de " renoncer à BAAL " , à tous les " BAAL " de l' ambition et de la sensualité, mais escomptant l' indulgence céleste ( comme il escompte le crédit de son banquier, en cas de découvert ), allant, dans ce jeu pervers jusqu' à la bravade, bravant le Destin... comme un joueur ( qu' il est, parfois ), dans une sorte de défi porté à la Loi, au " Père " , ou à Dieu ;

     - tantôt bourrelé de remords et de désespoir, accablé par la certitude ( absolue et quasi délirante ) de sa condamnation et d' un châtiment éternel, mais pouvant s' arroger encore, par un ultime sursaut d' orgueil, le pouvoir ( à défaut du droit ) de disposer de sa vie...

     EN CONCLUSION

     L' action organotropique d' AURUM est lente. On a donc la possibilité, à l' occasion parfois d' une période d' anxiété, d' une HTA, d' un désir de rectifier l' hygiène alimentaire ou de perdre du poids - beaucoup plus rarement, hélas ! en raison d' un alcoolisme avoué - d' accompagner un malade de ce type sensible au long de son évolution. Quand le temps nous en est donné ( c' est-à-dire si on peut intervenir à temps  ) , et si le malade en prend le temps ( c' est-à-dire s' il y consent ), il est possible de prévenir, par le " semblable " et / ou les remèdes de voisinage, les accidents pathologiques qui sont le revers de sa médaille ( d' or... ).

 

 

Baryta  Carbonica

 

Généralités

     BARYTA CARBONICA évoque pour nous un état de dégradation, le stade séquellaire d' une atteinte somatique à implications psycho pathologiques.

     L' apparence est celle de la débilité mentale de l' inadaptation socio professionnelle ou de l' adaptation à petit niveau et de la régression affective.

     La symptomatologie du remède peut se rencontrer à tout âge et procéder d' étiologies diverses :

     - il peut s' agir d' un enfant victime d' une aberration génétique, d' une virose prénatale, d' une anoxie cérébrale au cours de l' accouchement, porteur d' une anomalie métabolique ou d' une cardiopathie importante à retentissement cérébral victime d' une encéphalopathie néonatale ou précoce (  évidente ou occulte ), ou bien d' une toxicose grave, ou encore d' une hérédité marquée par la syphilis, l' alcoolisme ou toute autre intoxication.

     - il peut s' agir d' un adulte dépourvu ou faiblement pourvu d' autonomie et de maturité, pouvant parfois compenser ou paraître compenser son déficit grâce à son environnement tantôt resté semblable à lui-même, au cours des années, depuis l' accident initial, tantôt mené à une symptomatologie de BARYTA CARBONICA plus apparente que profonde par un mécanisme réactionnel, à la fois endogène et exogène, de repli, tantôt développant un processus de sclérose artérielle avec HTA fréquente.

     - il peut, enfin, s' agir d' un vieillard chez lequel la sénilité progressive, l' involution psychologique et l' athérosclérose offrent leur étalage de signes dégénératifs, physiques et psychiques.

 

Stades de la vie et constitution

     L' ENFANT :

     L' enfant BARYTA CARBONICA présente un retard évolutif et, avant tout, un retard mental.

     Quand la symptomatologie est précoce, c' est un nourrisson amorphe, d' appétit médiocre, apprenant difficilement à téter, tout comme vont être difficiles toutes ses acquisitions :

     - lenteur de l' éveil perceptif que caractérisent des réponses insuffisantes en rapidité et en force aux stimuli tactiles, auditifs, lumineux,

     - persistance de l' incoordination gestuelle des premières semaines, avec progrès nuls ou très lents,

     - distinction très lentement acquise entre le " moi " et le " non-moi " et reconnaissance tardive du visage maternel,

     - retard dans les premières ébauches de la relation pré-verbale avec l' entourage. Le sourire témoigne davantage d' une satisfaction cénesthésique globale que d' une communication humaine. Celle-ci ne s' établit que lentement et reste à la merci de blocages en cas de bouleversement dans l' environnement : stabilité du cadre de vie, maintien du rythme habituel, calme des personnes sont les conditions impératives de la sécurisation de cet enfant et de sa relation au monde,

     - retard de la parole : persistance de sons inarticulés, reproductions tardives des premières syllabes et des mots individuellement " adressés " , parole explosive, confusion de sons, bafouillage. Les premières phrases peuvent ne se produire que passé 3, 4 ans ou plus,

     - retard moteur : pour s' asseoir, se tenir debout, marcher avec appui. La marche indépendante, pendant un temps plus ou moins long, est inharmonieuse, mal coordonnée, accompagnée de syncinésies. La conquête de l' équilibre est toute une affaire ; les chutes sont fréquentes, sans réflexe de protection, et le petit BARYTA CARBONICA au faciès lunaire, à la peau épaisse et sèche en garde souvent de disgracieuses cicatrices,

     - retard, enfin, dans l' acquisition des contrôles sphinctériens.

     Il peut être atteint dans sa croissance, être petit et hypotrophique, mais, en relation avec ses antécédents neurologiques, il montre souvent (  et surtout à partir de la puberté ) une corpulence massive évocatrice de perturbations hypophysaires.

     L' enfant BARYTA CARBONICA est souvent un petit adénoïdien aux amygdales hypertrophiées, aux otites catarrhales fréquentes, dont les conjonctives sont aisément le siège d' une blépharite suintante, frileux, sensible au froid, sujet aux bronchites répétées, mais aussi à des spasmes oesophagiens lors de la déglutition et à de l' inertie sphinctérienne avec gros ventre dur.

     Ses parents se sont déjà inquiétés ou ne tardent pas à l' être car la comparaison avec d' autres enfants, en famille ou à l' école maternelle, impose l' évidence du déficit.

     Avec son double aspect de lieu privilégié des acquisitions intellectuelles et de lieu privilégié de la socialisation, la scolarité souligne toutes les limitations, réelles ou apparentes, temporaires ou définitives de l' enfant BARYTA CARBONICA.

     Sa lenteur perceptive ne lui fait appréhender que péniblement et partiellement les objets et, n' en déchiffrant que des fragments dont il ne perçoit pas les relations, il ne mémorise pas. Il faut donc constamment lui redire ce qu' il oublie aussitôt, car ce n' est ni compris, ni appris, ni classé dans un ensemble cohérent.

     Sa maladresse gestuelle parfois augmentée d' une dyslatéralité partielle ou complète, contribue à ses difficultés.

     D' autre part, son langage mal articulé (  il est même parfois bègue ) et mal modulé ainsi que son vocabulaire restreint ne facilitent pas non plus, son intégration.

     Cet enfant timide, souvent craintif, se cachant la figure, vite désorienté, fatigable, dépourvu d' initiative dans les jeux dont il comprend difficilement les règles, suit comme il peut ses compagnons, avec, parfois une " involontaire " brutalité, qui le fait repousser, à moins que, spontanément, il ne fraie qu' avec les plus petits et les plus faibles, mais, le plus souvent, il s' isole.

     On le voit, alors, animer de façon autiste l' espace clos de sa solitude :

      " L' enfant imagine toutes sortes de choses étranges dont il converse et dont il rit " (  voir LATHOUD Matière Médicale, t I ). Ou bien il se balance rythmiquement tout comme pour s' endormir il se berce ou fait du " taping " en avant.

     Bientôt voué aux redoublements, candidat aux consultations spécialisées, aux classes de perfectionnement, et, dans les cas légers, à la section de " transition " , il acquiert, cependant, mais à condition d' user d' une pédagogie très concrète, très pratique, du niveau analytique le plus simple. Les méthodes abstraites, les opérations de généralisation et de synthèse sont, la plupart du temps, hors de sa portée : il est capable d' imiter, très peu d' adapter, presque jamais d' inventer ni d' accéder à la pensée symbolique.

     Il faut cependant prendre soigneusement garde de confondre cet état particulier de déficit des fonctions instrumentales avec un autre état qui peut y ressembler mais s' en distingue par l' absence ou la non évidence de facteurs organiques associés, par des valeurs toutes différentes à l' analyse psychométrique, et par des possibilités tout autres d' éducation, d' insertion socioprofessionnelle, et, surtout, d' évolution psychoaffective.

     On veut évoquer, ici, la " débilité harmonieuse " , la " pseudo-débilité  psychogène " , l' image de l' enfant psychotique qui peut nous orienter vers la symptomatologie de NATRUM MURIATICUM de GELSEMIUM ou de PHOSPHORUS.

     Le déficit de l' enfant BARYTA CARBONICA se caractérise par :

     - la note générale, physique et psychique, de dysharmonie,

     - des capacités d' acquisition pratiques plus ou moins restreintes mais toujours un peu supérieures aux capacités d' acquisitions verbo-intellectuelles,

     - un puérilisme global dans le meilleur cas n' excluant ni le " bon sens " ni l' utilitarisme et permettant une socialisation dépendante et limitée, mais qui est adaptation.

     La pré-puberté accentue de façon habituelle la dysharmonie.

     On peut voir se confirmer un nanisme dystrophique chez la fille (  type TURNER ) ou se constituer une obésité avec envahissement graisseux du tronc et des extrémités radiculaires des membres, avec gynécomastie chez le garçon (  type KLINEFELTER ou certains cas de BABINSKY FROELICH  ). Chez la fille la menstruation est, le plus souvent, tardive.

     L' éveil psycho sexuel se fait, cependant, mais son intégration est nulle ou très partielle au niveau de l' affectivité.

     Les pulsions mal contrôlées peuvent donc être cause, chez l' adolescent BARYTA CARBONICA de délits sexuels mal prévus et mal organisés; les filles, par curiosité instinctive, passivité et désir de s' identifier à leurs contemporaines, se laissent violer sans résistance mais leur " consentement " est surtout le fait de leur incapacité à évaluer correctement la situation.

     L' Adolescent BARYTA CARBONICA n' est pas, cependant, toujours ce débile un peu caricatural, au rire niais, à la satisfaction béate pourvu que soient satisfaits ses instincts élémentaires, qui nous fait plutôt penser à BUFO RANA.

     Il est, surtout quand son déficit n' est pas trop grand et suivant le climat des relations affectives qui a été le sien dans son enfance ( famille, école, institution,  ) un adolescent timide, souvent honteux, parfois bien conscient de sa disgrâce.

     Cependant, dans un environnement favorable, il peut trouver un épanouissement à sa mesure - comme il peut " être refusé et se refuser à être " , s' enclosant alors dans une indifférence apathique et apragmatique le rendant inaccessible à toute intégration, ou bien, culpabilisé autant par l' anxiété et la déception familiales que par ses propres échecs, tenter une surcompensation maladroite et touchante dans une soumission qui limite plus encore ses chances de progrès.

     Il est clair et cela doit être dit, que l' action thérapeutique de BARYTA CARBONICA n' est pas de donner à la famille une illusion mensongère ni d' apaiser l' angoisse impuissante du médecin devant l' irréparable.

     Dans les atteintes les plus graves elle essaie, modestement, de procurer un confort humanisé au petit malade; dans le cadre d' une symptomatologie moins franche elle peut lever certaines inhibitions affectives et renvoyer plus efficacement au véritable simillimum; enfin, dans les meilleurs cas, elle permet une réduction appréciable des séquelles et, avec la collaboration des parents et des éducateurs, puis de l' enfant lui-même, une amélioration de l' autonomie et de la socialisation.

     L' ADULTE :

     Aux modalités de BARYTA CARBONICA peuvent, nous l' avons dit plus haut correspondre à l' âge adulte, plusieurs formes cliniques d' étiologie et de pronostic différents qu' on peut schématiquement ramener à trois : celle de la débilité acquise simple, celle de la pseudo débilité psychogène ou même iatrogène, celle d' une cérébro-sclérose précoce diffuse.

     l ) BARYTA CARBONICA débile mental adulte sort peu à peu de la vie asilaire à laquelle il était, il y a environ 25 ans, irrémédiablement voué. Plus ou moins adapté, à la mesure de la tolérance, si étroite, de la société mais d' autant moins qu' il y est hétérogène, courant donc plus de risques de ségrégation d son milieu socio-économique est élevé que s' il est modeste, il peut, dans la meilleure hypothèse, faire sa place " dans la famille et la cité.

     En atelier protégé, il est, à proportion de son handicap, apte à des tâches imitatrices et répétitives ( puisque mémoire et initiative sont défaillantes ), dont il s' acquitte avec autant de scrupulosité dans l' instant que d' absence de prévision. Il a le sens de son effort, un désir de rétribution concrète et peut se montrer capable de revendication, maladroite et inefficace, justifiée ou non, mais qui a bien valeur positive d' affirmation.

     Plus il est subnormal, plus, en revanche, la conscience de ses limites et les séquelles de situations rejetantes subies dans l' enfance peuvent faire surgir des manifestations psychiques morbides de type psychasthénique ou obsessionnel : à la fois parce que sa pensée est restée magique et que sont très forts les sentiments d' auto dépréciation mais aussi parce que sa vie d' homme ou de femme est la plupart du temps amputée de la vie sexuelle pratique d' adulte.

     Intellectuellement, affectivement, socialement limité, ce malade évolue sur ce rythme lent qui le caractérise, tendant à se fixer statiquement. L' influence thérapeutique n' est pas négligeable mais, évidemment, restreinte.

     2 ) La prescription de BARYTA CARBONICA sur l' apparence la plus exacte peut réserver des surprises. Comme lorsqu' il s' agit de certains enfants, le médecin, intuitivement alerté, cherche à savoir qui " est derrière ce personnage figé, ayant derrière lui un passé psychiatrique plus ou moins connu et reconnu ".

     La symptomatologie est, certes, celle de notre remède : bradypsychie, appréhension et retrait devant les personnes étrangères, expression somnolente, apathie, mais l' histoire du malade fait apparaître que son état actuel représente très exactement une forme de régression.

     a ) régression endogène chez des individus anxieux, indécis et hypocondriaques mais intellectuellement normaux ( souvent CALC. CARB., THUYA, SILICEA ), n' ayant pu " absorber " les stress de l' existence, en particulier des relations familiales insatisfaisantes, une activité professionnelle peu gratifiante. Tout se solde par des sentiments d' échecs et d' incapacité, aboutissant au stade BARYTA CARBONICA qui a valeur de refuge contre l' angoisse et un vécu trop douloureux. Renonçant aux intérêts habituels, à la lutte et à l' espoir, le sujet se referme et refuse le contact avec un monde perçu comme décevant, dangereux, agressif, dont il ne veut plus rien savoir. L' activité cérébrale et les relais sensoriels ne fonctionnent plus qu' au ralenti pour assurer la survie de cet être " foetalisé " dont le désir de mort n' est pas nommé mais symbolisé par un état de " non-vivre ".

     b ) régression exogène ou partiellement exogène de ces psychopathes chez lesquels se superposent et s' intriquent les effets secondaires des médicaments psychotropes et les symptômes pathologiques qui ont nécessité leur prescription.

     Ici, encore, les troubles psychiques, neurovégétatifs, diencéphaliques, neuro moteurs, sont souvent homéopathiques à BARYTA CARBONICA :

     - lenteur de l' idéation et pauvreté de l' expression verbale, - indifférence apparente à l' ambiance ( " athymorphie " ) et aux contacts sociaux, - apragmatisme paisible ou projets flous, sans conviction ni crédibilité,- épaississement des traits et alourdissement du corps donnant un habitus de débilité ancienne,- somnolence diurne mais insomnies fragmentaires avec réveil brumeux,- akinésie, aspect figé, rigide, pseudo-parkinsonnien,- hypogénésie.

     Il faut, certes, faire la part de l' acceptation névrotique d' une situation où repli = négation vitale, mais beaucoup de ces malades protestent ( parfois à tort ), contre une symptomatologie qui les déguisent et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. On les voit, du reste, sous l' effet du remède simillimum ( même lorsque les conditions imposent le maintien du traitement neuroleptique ), " se déshabiller " et, montrer leur véritable personnalité physique et psychique, parfois si différente qu' on a quelque peine à les identifier:

     ( Tel, entre plusieurs observations similaires, cet hébéphréne de 27 ans antérieurement connu comme un garçon gros, gras, lourd, mal soigné, au visage lunaire, à l' expression béate, à la pensée lente et banale, placide et aboulique, qu' on a eu la surprise de " découvrir " , grâce à BARYTA CARBONICA, avec toute la grâce un peu équivoque d' un authentique KALI PHOSPH., ayant retrouvé non seulement sa typologie originelle mais aussi une légèreté intellectuelle oubliée depuis longtemps et ses besoins initiaux de sociabilité. Seul son bégaiement a persisté ).

     BARYTA CARBONICA est, ici, le remède symptomatique d' une étape passagère dans l' histoire d' un traitement où la psychothérapie garde toute sa valeur.

     3 ) L' adulte BARYTA CARBONICA quand il n' est pas ainsi depuis son plus jeune âge et ne présente pas d' antécédent psychiatrique traité ou non, c' est cet individu, homme plutôt blafard au faciès inexpressif au corps lourd et peu mobile, femme parfois congestive à l' aspect hommasse, aux phanères grossiers ( cheveux épais et rudes, ongles épaissis ), qu' une évolution somato-psychique amène à un ralentissement métabolique où la stagnation a signification de vieillissement précoce :

     - sujets cardio-rénaux apparemment compensés,- petits alcooliques plus ou moins sevrés, installés dans une situation de retrait péjorative et masochiste,- hypertendus modérés chez lesquels le processus de cérébro-sclérose va dans le sens de la stérilité.

     Le vécu est caractérisé par la pauvreté = pauvreté intellectuelle, sociale, affective, même ù elle n' est pas, également, économique, avec toute une potentialité ambivalente de culpabilité et d' agressivité latente et d' accusation, renvoyée à la société, à la malchance, à la fatalité.

     LE VIEILLARD :

     BARYTA CARBONICA âgé offre la symptomatologie affligeante d' une érosion des facultés mentales allant jusqu' à la dégradation :

     - sénilité harmonieuse à début précoce dans laquelle l' affaiblissement mnésique prédominant sur les acquisitions les plus intellectualisées et les faits les plus récents entraîne la réduction des intérêts, l' oubli des noms usuels, des noms propres en particulier, et peut aller jusqu' à la véritable désorientation dans le temps et dans l' espace : le malade confond les noms même de ses proches, se perd dans les rues, ne reconnaît plus la valeur des monnaies ( comparer avec APIS et BRYONIA, au cours d' épisodes toxi-infectieux ou neuro-allergiques aigus avec les premiers signes d' un processus de tumeur cérébrale ),

     - petite démence involutive avec état psychique lacunaire, tristesse, dégoût de la vie, méfiance envers toute personne étrangère et même l' entourage ; les troubles sensoriels ( auditifs, en particulier ) peuvent être interprétés comme des agressions extérieures et les graves défaillances de mémoire et de compréhension, suscitant des sentiments d' inquiétude, d' insécurité, de préjudice, risquent de provoquer des comportements agressifs de rétorsion ( relations avec ARS. ALB. et AURUM MURIAT. )

     - syndrome pseudo bulbaire, enfin, surtout quand, à l' embonpoint des années de maturité succède un progressif amaigrissement, avec tremblement, rigidité et incoordination gestuelle, marche à petits pas, rire et pleurs spasmodiques, mauvais contrôle sphinctérien, confusion mentale. ( HYOSCYAMUS, BUFO ).

     Ici, l' action thérapeutique n' est plus qu' une opération de retardement et un combat d' arrière-garde sans illusion...

      " Dégradation " et " repli " , signes pathogénétiques précis de BARYTA CARBONICA sont les deux constantes psycho-pathologiques de ce remède; leurs interactions en illustrent l' histoire et en fournissent les indications cliniques.

 

 

Calcarea Carbonica

 

Introduction

     Ce remède, d' indication si fréquente dans la première enfance, en garde toute la vie une sorte de reflet. .

     Nous verrons ainsi le sujet qui en est justiciable, égal à lui-même à tout âge dans son état équilibré et, même dans ses pires avatars, conservant son rythme et ses modalités.

     Nous le connaissons; traditionnellement, nourrisson joufflu, souvent blond, au teint crayeux, à grosse tête et à gros ventre, parfois un peu  soufflé  dit-on car il est plus gras que ferme, et, malade, maigrit vite, prenant une peau fripée ( comp. SILICEA. SULFUR IOD., ABROTANUM ). Son ossification est tardive, comme l' est la fermeture des fontanelles, ses jambes le soutiennent difficilement et il marche tard. Tout le rythme des acquisitions psycho-motrices ( équilibre, marche, parole, propreté, maîtrise gestuelle, schéma corporel ) est, en effet, marqué par une lenteur qui peut, si elle est excessive, devenir retard.

 

Stades de la vie et Constitution.

     Enfant frileux aux sueurs acides, sujet aux végétations adénoïdiennes et à l' Hypertrophie des amygdales, il a également des spasmes, des grincements de dents au cours de son sommeil, des peurs nocturnes, spécialement à la pleine lune. Il est déjà impressionnable, plus inquiet que séduit par les récits féériques et les contes fantastiques.

     Ni bruyant, ni turbulent, peu hardi, souvent même craintif ( comp. BORAX, DULCAMARA, KALI CARS, SILICEA ), c' est un écolier généralement consciencieux et bien organisé, à l' intelligence concrète, plus sérieux que passionné, mais lent, fatigable et parfois paresseux plus qu' il n' est indocile. Sa croissance est régulière et peu spectaculaire. Là confine dans bien d' autres domaines, CALCAREA CARBONICA, est moyen.

     Adolescent, il s' intéresse aux sports mais plus souvent à titre de spectateur et de " supporter " que de pratiquant. Il est, du reste, vite oppressé par tout effort physique d' autant qu' à cette époque de la vie il est parfois obèse ( JAHR ). Étudiant, il aime l' Histoire, la géographie, les sciences d' observation, les études juridiques, l' enseignement technique, dans lesquels il a de bonnes possibilités de succès. Mais ( comme SILICEA et TUBERCULINUM ) il se plaint de céphalées, avec sensation de chaleur et de pesanteur, occasionnées par le travail intellectuel ( BOENINGHAUSEN ).

     Adulte, il a pris sa silhouette caractéristique, équilibrée s' il n' a pas d' excès pondéral : bréviligne au thorax large, aux membres courts, les mains fortes et le bout des doigts carrés ( LATHOUD ), l' aspect solide et sain, peu mobile mais le geste sûr. L' importance de ses fonctions digestives est remarquable depuis son enfance ( il peut même être vorace ). La nutrition prend, chez lui, valeur de construction et d' accumulation plus que de carburant destiné à l' énergie musculaire : l' anabolisme l' emporte sur le catabolisme et les défenses de l' organisme vont dans le sens de la surcharge plus que de l' élimination.

     Avec l' âge, il s' enraidit et s' engourdit, physiquement et psychiquement. Ses déchets l' encombrent et l' encrassent. Il a des lipomes et des polypes ( comp. avec GRAPHITES, NATRUM SULF. et THUYA ), des calculs vésicaux et des adénomes. Ses articulations s' ankylosent de nodosités ( RHUS TOX. ), s' encroûtent et se bouchent de plaques d' athérome. Puis son intelligence s' affaiblit, sa sensibilité se refroidit... C' est " l' aïeul " , fonctionnellement ou lésionnellement, paralytique ( BARYTA CARBONICA ).

     A l' image de sa conformation solide mais peu souple, la personnalité de CALCAREA CARBONICA peut se schématiser par le trépied : stabilité, réalisme, respect de la règle.

 

Psychisme.

     STABILITÉ :

     Comme le dynamisme somatique, la dynamique psychique est modérée.

     a ) CALCAREA CARBONICA est calme, dans l' exercice physique comme dans l' exercice intellectuel : calme dans le rythme de son travail et calme, émotionnellement, par rapport à l' action qu' il exécute mais à laquelle il n' adhère donc pas très chaleureusement. Restant à distance, il est ainsi amené à commettre des oublis et son calme, excessif, peut être manque d' intérêt, indifférence.

     Il est surtout lent, c' est même une note constante pour lui. Écolier, ménagère, ouvrier, fonctionnaire, on ne peut attendre de lui ni souplesse ni prestesse que ce soit dans l' apprentissage ou l' exécution, sans que celle-ci soit, pour autant toujours très soignée... Cela lui vaut une réputation, parfois méritée, de négligence et de paresse.

     b ) Cependant, s' il est intéressé par sa tâche, sa lenteur permet la patience et c' est même un des individus le plus patient, d' une patience étymologique, si on peut dire, c' est-à. dire " passive " ( à la différence de LYCOPODIUM dont la patience est active, une force volontairement canalisée au service d' un but ).

     Ignorant l' angoisse d' écoulement du temps, ou la niant dans un travail monotone qui en suspend le cours ( il est tout le contraire de MEDORRHINUM ), CALCAREA CARBONICA est régulier dans son geste et persévérant dans son action.

     Il invente peu, ayant besoin de modèles qui le sécurisent, l' effort intellectuel lui coûte et son imaginaire n' est pas très riche.

     L' enfant passe des heures à assembler les éléments d' un jeu de construction et du reste, ce thème de la " construction " est symboliquement fondamental chez ce CALCAREA CARBONICA " bâti à chaux et à sable "...

     L' adulte n' aime guère les nouveautés, les changements de méthode et d' outil. Il a le goût des métiers de la terre ou de certains artisanats traditionnels ( du bois et du fer, en particulier ) ainsi que des métiers de précision et de patience ( horlogerie, serrurerie, optique, petite mécanique ). On le trouve fréquemment à tous les niveaux des administrations et dans la comptabilité. C' est un bon exécutant, capable de trouvailles techniques ayant souvent pour but une simplification du geste et une diminution de l' effort.

     Quand il est servi par une bonne intelligence et une sensibilité suffisante, c' est un observateur attentif, un employeur patient et bienveillant, un administrateur scrupuleux, un conseiller discret, fidèle et dévoué. Ses intérêts intellectuels, un peu étroits reflètent ses goûts statiques : médecin, il est plus porté vers l' anatomie et la clinique descriptive, que vers la physio-pathologie ; naturaliste, vers la systématique que vers la biologie ; historien, CALCAREA CARBONICA a le goût des faits et des documents, c' est un amateur d' archives et de généalogies. Alors que SULFUR historien se passionne pour les personnages, et surtout les " grands " personnages, condottières et souverains, auxquels inconsciemment, il s' identifie, LYCOPODIUM préférant l' étude des systèmes politique et de leurs répercussions sur le cours de l' Histoire...

     Quand l' intelligence fait défaut, par manque d' équipement ou par involution, la patience devient de la passivité, la persévérance de l' entêtement, la régularité de la répétitivité... C' est assez indiquer l' appauvrissement d' une personnalité devenue plus aboulique que stable...

     RÉALISME :

     Avec son étymologie et sa signification d' adhérence aux données apportées par les moyens sensoriels, le " réalisme " de CALCAREA CARBONICA indique les caractéristiques de sa pensée, ses relations avec la réalité et ses modes de défense.

     l ) Sa pensée est précise et concrète, son raisonnement méthodique. Il boude volontiers " abstrait qui.. lui demande un effort mental et qu' il ne maîtrise pas toujours facilement. Il a le goût du détail exact et même du petit détail, dans lequel il peut s' égarer, faute de dominer l' idée d' ensemble. ( L' élève se perd dans les méandres d' une démonstration ). L' attachement excessif à la précision l' amène à se montrer pointilleux, dans l' expression et dans la conduite, comme il est ponctuel dans la vie courante.

     Ses jugements sont prudents, se fondant sur des données " objectives " qu' il tient Pour absolues, refusant d' emblée de les discuter. La remise en question du " réel " lui est, à la lettre, insupportable.

     Rationnalisateur, car il s' accroche solidement à ce qu' il considère comme réel, rationnel et raisonnable , il n' aime donc ni la science-fiction, ni l' art abstrait et moins encore le surréalisme au sujet desquels il hausse les épaules mais qui suscitent en lui une indéfinissable angoisse...

     De même, il se méfie de l' ironie, manquant souvent en plus d' agilité de pensée et

     d' aisance verbale, ce qui le retarde à comprendre et à répondre. Il craint le ridicule mais

     il n' est cependant pas dépourvu de finesse et d' humour, aimant rappeler à l' interlocuteur

     la contrainte du  bon-sens et les bornes du réel, usant à cet effet des proverbes et de

     la sagesse des nations, ce qui sert, en même temps, de parade à sa propre fantasmatique.

     Parade insuffisante, cependant, au niveau de l' inconscient, car il peut être assailli. dans son sommeil, par des rêves fréquents, vifs, anxieux, fantastiques, confus, effrayants, horribles... des rêves de maladies et de morts " ( JAHR ). De plus, à son stade asthénique, CALCAREA CARBONICA, redoute de perdre la raison ce qui veut bien dire le lien rationnel...

     2 ) Précis et prudent dans l' instant, il est prévoyant à l' égard de l' avenir. Il a besoin de prévisions et de programmes, d' horaires et d' ordres du jour, avec tout ce que cela signifie de besoin de déjouer l' imprévu.

     Ce qui est vrai au plan de la pensée s' exprime également aux deux niveaux instinctifs primaires : celui de l' oralité ( besoin de faire des provisions alimentaires spécialement marqué chez la femme et l' enfant ) - et de l' analité ( besoin d' épargner ). Il y a, en effet. chez CALCAREA CARBONICA ( KENT ) peur de la ruine, peur de manquer et donc mise en oeuvre pour s' en prémunir. Comme au plan corporel, CALCAREA CARBONICA fait des réserves mais sans, pour autant, se priver d' un confortable ordinaire ( à l' inverse d' ARSENIC ALBI.

     Sa prévoyance s' étend, naturellement, à sa santé, sans qu' il sache cependant ni bien s' aérer, ni bien se nourrir ( il mange trop ), ni faire assez d' exercice, ce qui lui serait le plus utile. Il craint davantage, et à tort, les maladies contagieuses ( l' agression venue de l' extérieur ), que les maladies endogènes qui le guettent ( diabète, goutte, athéro-sclérose ).

     RESPECT DE LA REGLE :

     Pour se construire une image cohérente du monde, CALCAREA CARBONICA a besoin d' un système permanent et de repères indiscutables. Il ne peut donc se passer de références à la loi et plus encore à l' expression concrète de la loi : la règle, règle sociale et règle morale.

     1 ) Enfant obéissant, employé docile, CALCAREA CARBONICA est un citoyen discipliné. Tolérant par bon-sens autant que par absence de passion, sa sociabilité est toujours un peu en retrait. Il a peu d' amis, est peu expansif, souvent timide ou tout au moins réservé et ne s' engage pas très volontiers dans une action politique, ni de soutien ni moins encore, revendicative... Il est, évidemment, conservateur, de tendances et de convictions. n' aimant guère, nous l' avons vu, les agiornamenti dont il se méfie... Mais, facilement grégaire, il peut se laisser entraîner, malgré sa prudence, à des révoltes et à des mouvements de foule, avec toutes les inconséquences et les retournements que cela comporte...

     Ses qualités véritables ont leurs revers : il risque toujours d' être plus respectueux de la lettre que de l' esprit de la loi et CALCAREA CARBONICA verse facilement dans un formalisme qui peut annoncer l' organisation obsessionnelle de son angoisse.

     Redoutant les responsabilités, il a besoin d' être autorisé ( protégé par l' autorité ) pour prendre une initiative et, surtout, pour déroger à la règle, mais, " couvertes " par un supérieur, les contradictions ne le troublent pas. A la limite, il offre un type caricatural, abondamment exploité, de militaire ou de fonctionnaire subalterne, borné mais pas méchant ( " le gendarme est sans pitié mais il n' est pas sans grandeur d' âme " ), différent du coléreux NUX VOMICA, du caustique LYCOPODIUM et du tatillon ARSENICUM.

     Il ) Ses règles de moralité portent la même marque d' une modération qu' on peut aussi appeler médiocrité.

     Une émotivité faible, bien qu' il soit hypersensible aux souffrances des animaux ( DUPRAT ) alors qu' enfant il avait peur des chiens, une sensibilité assez peu vibrante, une affectivité plus introvertie qu' oblative font de lui un époux paisible et fidèle. Sa sexualité n' est pas très exigeante ( sauf après quelques excès de table ), car si sa sensualité est assez forte, là comme ailleurs il manque d' imagination... d' autant qu' il est vite au bout de son effort...

     En pareil domaine, son malheur peut venir d' avoir choisi ( ou; plus probablement, d' avoir été choisi par ) une épouse autoritaire et tumultueuse ( par exemple de type LACHESIS ) qui le domine et le dévirilise, dans laquelle il a, si on peut dire, de fortes " chances " de retrouver l' image maternelle castratrice...

     Tout comme il retrouve, respectueux et parfois tremblant, l' image paternelle derrière le patron, le supérieur, le chef, le représentant de l' ordre...

     Certes, la plupart du temps, CALCAREA CARBONICA est un homme honnête, par rectitude naturelle et par respect de la règle, c' est certain, mais également, par crainte des conséquences et des complications... Cela n' exclut pas toujours les petits profits illégaux, les dissimulations fiscales prudentes, quelques infractions réglementaires, dérisoires revanches sur toute une existence de soumission...

     Car toute la psychologie de CALCAREA CARBONICA reflète la dominance persistante des modèles parentaux ou de leurs substituts symboliques en tant que références à la réalité.

     Cela explique son caractère constant mais aussi sa faiblesse et sa psycho-pathologie quand il se décompense, quand il est au stade asthénique :

     Conscient de ses limites, dés qu' il cesse de s' en faire une sagesse il les évalue en termes d' échecs.

     Déprimé, anxieux, pusillanime, plein d' appréhensions, de troubles neuro-végétatifs et de manifestations psychosomatiques matérialisant son angoisse puérile avec ses peurs Pour sa santé physique et mentale, c' est un psychasthénique, hypocondriaque et nosophobe

     ( évoluant vers NATR. CARB., GRAPHITES, NATRUM SULF. ou THUYA, quand il est plutôt pléthorique ) ou un obsessionnel faible et irritable ( rappelant, une fois encore, SILICEA ).

     La thérapeutique par le simillimum vise à rétablir la quiétude indispensable au sujet de CALCAREA CARBONICA; elle est donc, essentiellement, tranquillisante dans son action psychique.

     Elle permet aussi d' introduire une relation psychothérapique et, par cette voie, d' amener le malade à un regard plus objectif sur son passé, à une prise en charge plus hardie de lui-même et à la découverte d' investissements nouveaux qui le réévaluent à ses propres yeux et à ceux d' autrui.

     INDICATIONS PRATIQUES :

     A la condition essentielle de retrouver les signes cardinaux du remède :

     - les petites états d' anxiété chez l' enfant,

     - certains retards scolaires par inhibition,

     - quelques dysharmonies d' évolution,

     - préoccupations hypocondriaques ( chez certains pléthoriques ),

     - les petits états obsessionnels ( bien rarement la grande névrose obsessionnelle ),

     - les débuts d' involution sénile avec résignation trop vite acquise.

     Le remède est à donner en haute dilution, régulièrement et longtemps sur ces indications ( 15 ou 30 CH, tous les 15 jours, pendant plusieurs mois ).

     IMAGE DU CORPS ET RELATION AU MONDE

     Réalisant au niveau expérimental un tableau de mauvaise assimilation calcique, ce remède, d' indication si fréquente chez le jeune enfant, ne demeure le simillimum que de ceux en présentant réellement le type sensible, bien identifiable par des repères morphologiques, physiopathologiques et psychopathologiques.

     Les signes pathogénétiques de CALCAREA CARBONICA témoignent d' un mode particulier dans la construction du corps :

     - lenteur de calcification ( fermeture tardive des fontanelles, incurvations osseuses ), sueurs nocturnes de la tête et peau d' une pâleur crayeuse ;

     - tendances aux affections torpides ( adénopathies ) ou à répétition ( otites, eczéma, troubles digestifs ) ;

     - embonpoint, frilosité, lenteur de croissance ( peut-être en rapport avec une légère déficience de la somatomédine-IGF 1, proche de l' insuline ? ) ;

     - lenteur de toutes les acquisitions : éveil sensoriel, station assise, station debout, équilibre, marche.

     Le morphotype est celui d' un enfant pâle, gros et joufflu, calme, doux, fatigable et peu hardi, aux gestes lents.

     CALCAREA CARBONICA aborde donc le monde extérieur avec LENTEUR et CRAINTE ( ses signes caractéristiques ) à travers un corps aux formes arrondies qui prend valeur de coque protectrice. Les comportements de régression, chez ce type d' enfant, se produisent en cas de frustration affective ( séparation, délaissement, manque d' amour ), réelle ou symbolique, ou de climat d' insécurité ( modifications de l' environnement ). On observe alors les classiques comportements de repli : sucement du pouce, énurésie, attitudes " en boule " , symbolique rappel de la position foetale.

     La boulimie, fréquente au stade de latence peut avoir le sens d' une revendication orale mais pas d' une affirmation de soi, car elle ne représente qu' une recherche très élémentaire et même " archaïque " de renforcer ses défenses, donc à la fois de se protéger et de limiter son élan évolutif.

     En effet, CALCAREA CARBONICA s' achemine vers un morphotype bréviligne, brachycéphale, aux membres courts, aux mains larges, aux doigts courts et carrés et c' est bien l' image d' un corps limité qu' a de lui-même l' adolescent , le garçon surtout ) quand le type sensible est particulièrement net : limité en taille et en prestance, en élégance et en aisance.

     Il peut verbaliser, avec humour ou morosité, ce sentiment d' un corps qui manque de hauteur, de souplesse et de rapidité, mais il peut aussi y concentrer une sorte de déception et y fixer ses angoisses, au risque de majorer jusqu' à l' obsession la moindre anomalie, le moindre dysfonctionnement : le corps limité morphologiquement est devenu symboliquement le corps limité en crédibilité.

     Il pourra ainsi, en fin d' adolescence, décompenser :

     - en hypo, en rétrécissant ses limites jusqu' à la peur, la pusillanimité, l' anxiété irritable, l' obsession hypocondriaque, le retrait social, pouvant induire un état dépressif tendant à la chronicité, plus tard alternant avec des poussées douloureuses d' arthrite uricémique ou de lithiase rénale ( cf. KALI CARBONICUM, BERBERIS ), au pis évoluant dans la vieillesse vers la sclérose cérébrale ( cf. AMMONIUM CARBONICUM, BARYTA CARBONICA ) et un état de régression ( cf. CAUSTICUM ) ;

     - en hyper, et souvent à la cinquantaine, crise symétrique de l' adolescence, en concomitance avec une HTA progressive, en se révoltant contre un destin décevant dans la perspective du temps écoulé, sentiment d' avoir raté sa vie par " peur du risque " , de tous [es risques et / ou par excessive soumission, masquant une agressivité refoulée contre un entourage protecteur mais étouffant ( mère, épouse, hiérarchie ), parfois jusqu' à un vécu de persécution et une bouffée confusionnelle pantophobique , paranoïa sensitive de Kretschmer - cf. SILICEA, STAPHYSAGRIA ).

     Mais toujours existent chez le sujet CALCAREA CARBONICA et ses proches, qu' ils soient équilibrés ou désaccordés, que ce soit clairement ou symboliquement exprimé, une nostalgie de l' enfance et du giron maternel, la peur des innovations et du déracinement, l' attachement aux valeurs du passé. C' est, avec la pathologie somatique qui lui est particulière, ce qui contribue à le définir.

     - CALCAREA CARBONICA, qui pousse en rond, a de soi l' image d' un corps limité et " se met en boule " pour résister aux stress. Sa relation au monde oscille entre le pôle de la soumission dépendante ( avec risque de " mise sous le boisseau " et celui de la révolte velléitaire, souvent vouée à l' échec ( non sans risque de réactions de persécution ou de déchéance dans l' alcoolisme ) ;

 

 

Calcarea Fluorica

 

Introduction.

     De sa double ascendance, CALCIUM et FLUOR, ce composé semble n' avoir reçu qu' un héritage peu enviable : asymétrique, dystrophique, hyperlaxe, c' est ainsi qu' on l' identifie, soulignant par contraste, ce qui le différencie de la saine solidité de CALCAREA CARBONICA ou de l' élégante finesse de CALCAREA PHOSPHORICA.

     De plus, la généalogie qu' on lui attribue traditionnellement n' est pas celles dont on se glorifie, même si elle peut, éventuellement être " historique " : hérédo-syphilis, hérédo-alcoolisme, pathologie néonatale, " polycarences ou déséquilibres toxico-métaboliques " ( disent ZISSU et GUILLAUME ), sans oublier le rachitisme... faut y ajouter désormais une cause accidentelle connue depuis peu : les aberrations chromosomiques.

     Il est vraisemblable que lorsque l' étude du cariotype sera généralisée, on s' apercevra de la particulière fréquence des anomalies génétiques chez les sujets dits " fluoriques " , par analogie avec les modifications morpho-psychologiques dues à l' intoxication par cet halogène.

     Quoiqu' il en soit, que les raisons en soient acquises ou congénitales, il s' avère, très tôt, que CALCAREA FLUORICA est né sous le signe de la dysharmonie...

 

Généralités.

     Sa psychologie, tout au long de sa vie, reflétera ce handicap et ses luttes, inégalement heureuses et soutenues, pour le surmonter, ce que nous essayerons de décrire et d' expliquer aux différents niveaux du psychisme.

     Avec l' indispensable mise au monde perdurable qu' est la relation mère-enfant, c' est à partir de la conscience du corps et de la reconnaissance de ses formes que se constitue, au cours des deux premières années de la vie, la relation au monde extérieur. Aussi n' est-il pas étonnant de constater combien l' adaptation à la réalité est fonction de l' image que chacun a de son propre corps.

     Or, on a schématisé de manière expressive ( ce n' est, bien sûr qu' un schéma, mais exact dans son sens général ) l' évolution morphologique des " CALCAREA " en disant : CALCAREA CARBONICA pousse en rond, CALCAREA PHOSPHORICA pousse en long, CALCAREA FLUORICA pousse... en biais !

     Mais que nous apprennent la Matière Médicale et l' expérience clinique de leur relation au monde extérieur ?

     CALCAREA CARBONICA tend à se conformer au réel : il l' accepte raisonnablement, s' y adapte, au besoin y " fait son trou " , s' y met en boule, quitte à s' y faire oublier pour vivre heureux...

     CALCAREA PHOSPHORICA incline à se tenir à distance du réel et, devant les contraintes qu' il peut en subir, s' en évade par " en haut " , c' est-à-dire par la fuite dans l' imaginaire...

     A mi-chemin entre eux, SULFUR prend en compte le réel, il l' appréhende à la fois tel qu' il est et avec le projet de le maîtriser, de le conformer. si possible, à son désir.

     CALCAREA FLUORICA, lui, court le risque de déformer le réel, ce qui est à la fois expression et conséquence de sa dysharmonie mais traduit aussi, peut-être, une sorte de refus, le reflet de sa difficulté à accepter sa propre image, car il a, sans doute précocement, conscience latente d' une certaine disgrâce esthétique qui est son sort, et avec laquelle il lui faut vivre.

 

Stades de la vie et Constitution.

     Petit enfant, l' amour maternel a pu l' en faire douter mais l' évidence et les occasions de s' en souvenir ne manquent pas; l' écolier souffre des surnoms dont ses camarades l' affublent, l' adolescent se désole de son physique ingrat... Le mal étant peu réparable, car la chirurgie esthétique ne peut pas grand chose pour cette cotte mal taillée, mieux vaut, si on le peut, en prendre son parti, mais le besoin de compensation - le besoin de réparation de la blessure narcissique, diraient les psychanalystes - sera toujours une importante motivation.

     Les plus adaptés investissent leur énergie dans la recherche des succès scolaires comme ils le feront, adultes, dans toutes leurs activités, professionnelles ou autres. Équilibres dans leur dysharmonie, " méthodiques, tenaces et réalisateurs " ( dit DUPRAT ), ils échouent parfois dans leurs entreprises, malgré leur persévérance, justement par mauvaise appréciation de la réalité... ou par autopunition.

     Alors survient, peut toujours survenir, même si elle est exceptionnelle pour certains; la décompensation, la phase dépressive, d' autant que CALCAREA FLUORICA est fatigable. Paradoxalement résistant à des activités multiples, il est très irrégulier dans l' action continue, tantôt vif et rapide, tantôt lent, indécis, sans initiative et sans élan.

     Ayant besoin de mouvement mais supportant mal la station debout prolongée ( car ses pieds enflent et ses jambes sont précocement atteintes de varices ), trahi ( même dans ce domaine ! ) par un corps si peu satisfaisant, aggravé aux changements de temps, supportant mal le froid humide, plein de douleurs tiraillantes, ostéocopes, profondes, il se rétracte devant l' action et songe à la mort, par lassitude... jusqu' à ce qu' une influence extérieure favorable viennent heureusement lui redonner le goût de vivre.

     Les modalités intellectuelles de CALCAREA FLUORICA sont, bien entendu, très marquées par cette relation au réel vécue à travers un schéma corporel si particulier. Nulle part mieux que dans " Les Mots sous la plume de Jean Paul SARTRE, n' a été dit avec autant de talent, de sensibilité et d' ironie tendre, les avatars d' un petit CALCAREA FLUORICA pour compenser sa disgrâce physique en développant jusqu' à l' hypertrophie la virtuosité intellectuelle...

     Ces petits CALCAREA FLUORICA. quand ils sont bien doués, rappellent, en effet, les enfants " AURUM ( nous sommes toujours dans la série luétique ), par leur facilité d' assimilation, leur avidité de connaissance, leur mémoire bien organisée, leur goût pour la discussion et surtout le paradoxe, leur désir de réussite.

     Comme tous les CALCAREA, ce sont ( sauf ceux qui sont très intelligents ) des esprits plus analytiques que générateurs, se perdant parfois même dans les détails par excès d' application - ( c' est la tendance " obsessionnelle du versant CALCAREA ), mais recherchant volontiers les détails inédits, voire saugrenus ou choquants ( c' est la note dysharmonique du versant FLUOR ). Le parti-pris d' originalité n' est pas toujours heureux mais, bien discipliné. donne, même à des intelligences moyennes, de l' imprévu, une sorte de fantaisie, que n' a pas un CALCAREA CARBONICA, en général.

     C' est pourquoi, vite séduit par tout nouvel intérêt, CALCAREA FLUORICA est passionnément enthousiaste tant qu' il est sécurisé et valorisé par la réussite, mais il abandonne dés qu' il doute de lui-même, supportant très mal tout échec, bien qu' il puisse être courageux devant la difficulté. Il devient alors intellectuellement déprimé, incapable de concentration et de travail. 

     Beaucoup. c' est une aptitude très " fluorique " dans la mesure où elle correspond à une certaine " plasticité " sur le plan mental, sont très doués pour l' imitation, voire le pastiche, ou la caricature, selon leurs dons. Certains y excellent avec malice, parfois avec cruauté. Mais, parmi les plus brillants, il y a, là comme ailleurs, des artistes créateurs ( qu' on pense à TOULOUSE-LAUTREC ) voire des génies exceptionnels.

     Au niveau du comportement et de l' affectivité la dysharmonie s' appelle dystonie de l' humeur; euphorie et découragement alternent. sans atteindre les grandes oscillations de la psychose maniaco-dépressive.

     Le sujet CALCAREA FLUORICA équilibré est celui qui, grâce à la conjonction des aspects positifs de sa personnalité, ( courage et volonté entre autres ) et d' heureuses circonstances ( satisfactions affectives, surtout ) a vraiment réparé la  blessure narcissique primitive ".

     Mais d' autres en guérissent mal : les enfants peuvent exprimer ce malaise existentiel par une anxiété latente qui traduit leur insécurité. On les voit, alors, timides, honteux d' une mauvaise maîtrise gestuelle qui les humilie, d' une maladresse qui attire la moquerie, émotifs et craintifs, dans leur désir d' être aimés autant que le petit frère ou la soeur qui attire d' emblée par sa grâce physique...

     Dans ses dessins et ses productions imaginatives, comme dans ses rêves et ses cauchemars, CALCAREA FLUORICA se vit, dit la Matière Médicale, menacé d' un danger imminent.., Le pire, pour un enfant, n' est-il pas le manque ou le retrait d' amour ?

     D' où, chez les uns, cette quête affective par laquelle on les voit ressembler à PULSATILLA, et chez d' autres, cette instabilité caractérielle qui sollicite, jusqu' à la lasser, l' attention de l' adulte... mais aussi, dans les deux cas, la contrepartie d' autopunition que suppose une telle attitude... Les enseignants, du reste, connaissent bien ces enfants qui gênent parfois la classe par leur agitation, leurs interventions excessives, parfois astucieuses mais souvent agaçantes, leur besoin d' une relation privilégiée avec le professeur.

     Mal aimé ( ou se croyant mal aimé ) mais suffisamment sthénique, un tel enfant devient sale, agressif et destructeur, ( illustration d' un sadisme anal comme aménagement défensif ), proche de MERCURIUS ou de CAUSTICUM.

     L' adolescent CALCAREA FLUORICA projette son insatisfaction de lui-même sur sa vision du monde : on ne s' étonnera donc ni de ses vêtures douteuses et voyantes, ni de son goût pour la dysharmonie audiovisuelle, ni de son profond besoin d' abîmer et de souiller, ni de ses projets sociaux destructeurs ni de sa sexualité incertaine... En lui donnant un rôle, d' autres le récupèrent...

     Même adulte par l' âge, CALCAREA FLUORICA garde son caractère diphasique, mais, avec les désillusions de l' expérience, croissent ses besoins de sécurité. A ce stade c' est par un symbole très habituel qu' ils s' expriment souvent : " Il a " , dit, entre autres, LATHOUD, " tendance à donner à l' argent plus d' importance qu' il n' en a réellement... " à moins qu' il soit moins adroit que beaucoup d' autres à dissimuler ce trait !( on retrouve les signes symboliques de la fixation " anale " ).

     Il a donc besoin de posséder, d' épargner car il a, entre autres peurs, peur d' être ruiné..., manière personnelle de symboliser la peur de manquer d' amour.

     C' est là encore, un de ses petits côtés, dont il n' est, pas plus qu' un autre, dépourvu.

     N' oublions cependant pas que, par sa variabilité même, CALCAREA FLUORICA peut garder jusqu' à un âge avancé des possibilités d' adaptation et de résistance qui sont sa force cachée.

     De plus, avec les années, il peut constater combien s' accusent, autour de lui, les dysharmonies dont nul n' est' exempt mais dont la nature l' avait, dès son premier âge, un peu trop généreusement gratifié...

     Finalement, dans la mesure où il est vrai qu' on a le visage de vieillard que l' on mérite, le sien peut ne pas être plus mal qu' un autre et, ce qui était peut-être son plus secret espoir, il finit par ressembler à n' importe qui...

 

Psychisme.

     IMAGE DU CORPS ET RELATION AU MONDE

     Si AURUM peut, à juste titre, apparaître comme un doublet à peine dysmorphique de SULFUR, et PLATINA comme son homologue féminin, tous deux en conservant les traits essentiels ( dont les sentiments d' orgueil, ' es besoins de réalisation et de séduction ), leur fils dégénéré, FLUORIC ACID ( cet acide qui ne peut être conservé que dans un récipient de.., platine ! ), Semble incarner au maximum dans son apparence physique, ses comportements et sa pathologie, les aptitudes et les défauts du " fluorisme " :

     - adaptabilité facile là une situation, à un groupe ), mais superficielle et utilitaire ; il en prend le style et le ton, sans désir ni besoin de véritable intégration ;

     - vivacité mentale et aisance verbale avec recherche évidente de l' originalité, du brio et du paradoxe, parfois du cynisme provocateur, au risque des excès choquants et de la démesure, et donc envie de " donner à voir " ;

     - goût du plaisir immédiat et appétit de jouissance, jusqu' à l' absence de scrupule...

     Ce portrait, tiré de la pathogénésie, n' est certes pas flatteur et bien dans la note des qualificatifs décernés sans la moindre indulgence par de nombreux auteurs homéopathiques aux fluoro-luétiques : dysharmonie, laideur, égocentrisme monstrueux, perversité !...

     Or l' erreur, à mon sens, est de généraliser. Si les traits de personnalité que nous venons d' indiquer pour FLUORIC ACID " méritent " , peut-être, de tels jugements, ce n' est pas le cas de tous  les sujets dysmorphiques. C' est d' abord parce que FLUORIC ACID est une déformation de SULFUR ( beaucoup plus accentuée que dans le couple AURUM-PLATINA ) et qu' HEPAR SULFUR en est une caricature qu' existe chez eux une telle symptomatologie.

     BARYTA CARBONICA et MERCURIUS, tout en ayant des traits communs avec  les précédents, s' en différencient radicalement parce qu' ils se rattachent à des éléments de base du carbonisme, tout comme ARGENTUM NITRICUM et CAUSTICUM peuvent représenter une distorsion du phosphorisme.

     Peut-on alors parler d' une " constitution dystrophique fluoro-luétique ?... Une constitution, c' est un modèle, un schéma de référence stable, le " pattern " d' un certain mode équilibré de fonctionnement, dont même  les déséquilibres ( en hyper et en hypo ) sont spécifiques.

     Or, ce n' est pas le cas du dystrophique : le vécu personnel de CALCAREA FLUORICA nous en apporte la preuve.

     Subissant son destin, sans généralement pouvoir y porter remède, mais avec la conscience précoce et profonde d' être différent, il essaie tantôt de se retrouver une " famille " , tantôt, faute d' y parvenir, de tirer des bénéfices secondaires de sa marginalité.

     Différent dans son apparence physique : à propos de CALCAREA FLUORICA, j' ai ailleurs cité l' enfant " Paulou " ( Jean-Paul Sartre ), petit CARBO-SULFUR se découvrant dysmorphique... et laid dans le regard des autres. On peut y ajouter l' humour grinçant de Sim ( " Elle est chouette, ma gueule " ) et d' autres. C' est le vilain petit canard, le " mal foutu " , parfois le mal aimé qui doit " faire avec " ( voire surenchérir ) ou désespérer... C' est donc avec l' image ( inconsciente ) d' un corps et d' un visage sans charme, quand ce n' est pas avec l' image ( consciente ) d' un corps raté, que l' enfant CALCAREA FLUORICA construit sa relation au monde.

     Sa chance ( il en a tout de même quelques-unes ), si les symptômes pathologiques ne sont pas. trop accentués, c' est une bonne réactivité physique et, corrélativement, psychique : il cicatrise ( plus ou moins harmonieusement ) et surmonte le handicap dont la nature l' a pourvu. Faute de séduire par son apparence, il s' efforce de provoquer ( parfois avec outrance ) l' intérêt et, si possible, l' admiration. Il peut user de sa laxité ligamentaire pour se livrer à des contorsions plus spectaculaires qu' élégantes ou tourner en dérision son apparence par des grimaces risibles, amère revanche contre ses disgrâces...

     Plus tard les adolescents ( -tes ) se montreront obstinés et suractifs ( au risque de l' instabilité ), avides de connaissances et de succès. Plus encore, l' adulte, réalisateur ambitieux mais anxieux, craignant la ruine et la perte ses acquis, s' emploiera ainsi à oublier et faire oublier ce corps qui ne plaît guère, cette image qui ne peut être tolérable qu' en s' en moquant et qu' en surcompensant par le prestige de l' esprit et le maniement du paradoxe.

     Cette problématique explique aussi bien le dynamisme de CALCAREA FLUORICA que ses décompensations dépressives et c' est aussi ce qui permet de le comprendre et de l' aider.

     Différent par son hyperlaxité ligamentaire, sa souplesse intellectuelle, son laxisme moral... On peut le considérer comme une plante grimpante parasite, mais il est, en fait, en quête de son identité originelle dont il a le sentiment d' être un représentant déviant, donc ni reconnu ni accepté ( le " cousin  qui a  mal tourné >> ).

     - CALCAREA FLUORICA, qui pousse de travers, a de soi l' image d' un corps mal bâti. Pratiquant l' esquive et les dérobades dans les difficultés, sa relation au monde est souvent superficielle, peu stable, manque de sincérité et peut même devenir perverse;

 

 

Calcarea Phosphorica

 

Psychisme

     IMAGE DU CORPS ET RELATION AU MONDE

     Ce morphotype se précise en général dans la seconde enfance, rarement avant trois ans, faisant suite à une symptomatologie évocatrice de PULSATILLA et / ou de SILICEA.

     C' est un enfant " délicat " dans tous les sens du terme.

     Santé délicate : ce garçon ( presque toujours ), long, mince, au teint clair, d' apparence fragile et de silhouette harmonieuse, dont la croissance procède Par bonds accompagnés de fatigue, de douleurs musculaires et articulaires, de céphalées, de besoins impérieux de sommeil et de phases de voracité, ce garçon est régulièrement la proie d' affections respiratoires saisonnières : rhumes, grippes, rhino-pharyngites, angines, trachéo-bronchites.., que prolongent, chaque fois, une convalescence difficile retentissant sur l' activité Physique et psychique.

     Bien que généralement rapide, l' éveil intellectuel, de ce fait, ne se concrétise souvent que par des acquisitions lacunaires : l' attention est en effet vive mais de courte durée, les maux de tête gênent rapidement l' effort, d' où une mémoire incertaine et des intérêts variés mais peu soutenus par un écolier qui donne de lui-même l' image d' un enfant intelligent, intuitif, qui tantôt manifeste une agitation " papillonnante " , tantôt " rêve " , s' évade, paraît " dans la lune "... car concentration et immobilité lui sont pénibles.

     Délicatesse de sentiments, anxiété et inhibition sont constamment sous-jacents et parfois affleurent. Cependant CALCAREA PHOSPHORICA est un hypersensitif dont l' extériorisation ne traduit qu' au minimum l' impact des émotions sur sa réceptivité. D' où de singulières erreurs pédagogiques : on le croit insouciant et indifférent, quand il est, au contraire, anxieux et réservé...

     L' intériorisation des affects est, chez lui comme chez d' autres ( NATRUM MURIATICUM, SEPIA, LYCOPODIUM ) un mécanisme de défense contre sa propre fragilité. Il éprouve instinctivement le besoin de masquer sa peur d' être " agressé " ( par l' angoisse ), " envahi " ( et détruit ) que ce soit par l' indiscrétion, l' autorité ou la violence d' autrui.

     C' est l' explication du symptôme pathogénétique peur du contact, au niveau du corps ( un corps perçu comme fragile, peu fiable, mauvais outil de compétition ) comme au niveau symbolique.

     Cependant cette fuite du contact masque ( plus ou moins bien ) une quête affective aussi forte et indispensable que celle de PULSATILLA, mais sans la même insistance et avec moins d' abandonnisme et de sidération anaclitique qu' on peut en rencontrer chez quelques SILICEA. C' est au cours d' une relation thérapeutique confiante qu' on pourra comprendre comment certaines inhibitions ou même certaines lacunes dans l' imaginaire d' un tel sujet sont le reflet d' anciennes " déchirures " ou de manques dans la trame de son tissu affectif.

     Ainsi va CALCAREA PHOSPHORICA, comme en songe, vers son destin d' adolescent longiligne, qui n' en finit plus de s' étirer, dont le buste et la tête s' inclinent.

     Les céphalées d' études limitent ( s' il n' est pas rééquilibré par son simillimum ) ses potentialités intellectuelles à des flashes " brillants ".

     On a longtemps parlé à son propos ( cf. syndrome de fléchissement scolaire de l' adolescent ) d' épuisement cérébral, interprétation sans référence biopathologique du constat clinique.

     Peut-être est-il actuellement possible de supposer qu' existe ici un déséquilibre entre les neuromodulateurs stimulants ( ouvrant les synapses et développant les connexions ) et les neuromoduJateurs inhibants du fait, à la fois d' une déficience singulière et de la sommation d' émotions négatives : alors les synapses se ferment, les signaux s' éteignent et la lumière intellectuelle s' épuise...

     D' autre part, l' épiphysite de croissance est son apanage : il convient à ce propos de noter également que des recherches américaines ( Neuropsychobiology, 1980, 6-56 ) auraient montré que, chez les schizophrènes, le contenu des os en phosphate de calcium serait réduit de 14 p, loo par rapport à une population normale.

     Manifestant peu de prise sur la réalité, ayant un imaginaire riche mais qui ne se concrétise qu' épisodiquement dans une expression créative, des émotions peu répercutées en actes libératoires, il vit mal l' ambivalence sexuelle de sa puberté : oscillant entre des pulsions fortes et des fantasmes d' idéalisme désincarné, il peut arrêter son évolution psycho-sexuelle au stade d' une homosexualité tantôt acceptée, tantôt refusée, ou bien vécue de manière éternellement juvénile.

     La maturité virile adulte n' est alors ni désirée ni réalisée, car elle renvoie avec épouvante à l' image d' un corps promis à la dégradation esthétique, à la vieillesse et à la mort. D' où une sociabilité difficile, des amitiés passionnées, mais aussi des replis dépressifs désespérés et dangereux.

     Plus pur est le type, plus vulnérable est le sujet... Teinté de " fluorisme " , CALCAREA PHOSPHORICA évolue vers SILICEA et LYCOPODIUM, et sa consolidation psychique va de pair avec le passage à la pathologie psychosomatique.

     Mais cela peut aller jusqu' à la plus grave des menaces que contient en puissance la pathogénésie de CALCAREA PHOSPHORICA.

     Le " décollage " du réel, l' échappée à la pesanteur et aux contraintes existentielles peuvent conduire l' adolescent présentant les modalités caractéristiques de ce " type sensible " vers différents types de décompensation psychotique: bouffées délirantes, états limites ( " border line " ), et à la symptomatologie schizophrénique : sensation typique de morcellement d' un " corps-prison " dont il cherche inconsciemment à s' évader, angoissante indifférenciation d' un moi et d' un non-moi dont les frontières sont devenues confuses...

     - CALCAREA PHOSPHORICA, qui pousse en long, peut et souhaite donner et se donner l' image d' un corps aérien, sans pesanteur et sans limite... Sa relation au monde est passionnée mais fragile. La faiblesse de son moi l' incite à fuir dans l' imaginaire, parfois au bénéfice de la créativité artistique, mais au risque de l' évasion dans la nébuleuse psychotique...

 

 

Causticum

 

Généralités

     Cette préparation ammoniacale spécifiquement hahnemannienne, au nom quelque peu ésotérique évocateur de brûlure et de corrosion, induit :

     - une abondante pathologie inflammatoire ( digestive, génito-urinaire, cutanée, articulaire, musculo-tendineuse ) ;

     - et une riche pathologie neurologique, bien connue, où dominent parésies et paralysies.

     L' action de CAUSTICUM dans ce domaine peut être extraordinairement efficace et rapide pour les cas aigus ( la paralysie faciale " a frigore " avec ptosis et douleurs névralgiques est exemplaire à cet égard ) ; elle n' est pas négligeable dans des affections dégénératives, tant que l' atteinte lésionnelle n' est pas trop importante.

     Quant à la pathologie mentale développée par l' expérimentation et reportée dans les Matières médicales, elle est généralement présentée, soit comme un des éléments lésionnels chez un malade neurologique, soit comme la conséquence de l' affaiblissement global d' un sujet âgé, dépressif, maigre et parétique, attristé et irrité par ses misères physiques et ses difficultés intellectuelles, bref le vieillard jadis étiqueté " pseudo-bulbaire " , marchant à petits pas, à demi aphasique, secoué de spasmes et de mouvements convulsifs, parfois incontinent urinaire, alternativement " replié " et appelant à l' aide, pleurant facilement et s' apitoyant sur les autres... et sur soi-même.

     L' expérience psychiatrique amène à constater que c' est là vraiment réduire les indications de CAUSTICUM, car ce remède peut être d' une extrême utilité non seulement dans des syndromes évolutifs - principalement en pédiatrie et en gériatrie -, mais aussi chez l' enfant, l' adolescent, l' adulte et le sénescent dans des états réactionnels aigus ou la symptomatologie dépressive et pseudo-déficitaire ( mais qui peut le devenir vraiment en se chronicisant ) est, sur un terrain sensible, d' ordre psychogéne.

     A l' étiologie incontestée : " suite d' exposition au froid et au vent sec " , qui glace et qui paralyse le corps, inhibant la sensibilité et entravant la motricité jusqu' à la faiblesse et la prostration, répond incontestablement : " suite de refroidissement affectif " , qui glace et paralyse la psyché, inhibant la réceptivité émotionnelle et entravant le dynamisme relationnel jusqu' à l' affaiblissement mental et l' impossibilité de communication.

     Ce " refroidissement affectif " , c' est littéralement la perte de la chaleur humaine du fait d' une situation ( réelle ou symbolique ) d' abandon, de privation de l' environnement familier, de désinsertion culturelle ou de rejet social.

     On peut ainsi décrire quatre tableaux cliniques caractéristiques, dont chacun est évocateur de multiples observations personnelles :

     - le syndrome de régression précoce de l' enfant;

     - le syndrome de nostalgie de l' adolescent ;

     - le syndrome aigu des déracinés ;

     - le syndrome déficitaire de l' adulte sénescent et le syndrome de glissement du vieillard.

 

Psychisme.

     l. SYNDROME DE RÉGRESSION PRÉCOCE DE L' ENFANT

     Déjà, en dehors de toute manifestation psychiatrique aiguë, l' enfant dont l' état est " homéopathique " au tableau pathogénétique de CAUSTICUM est un enfant dysharmonique  :

     - dans son apparence;

     - dans son évolution physique et psychologique ;

     - dans sa pathologie.

     L' anamnèse peut retrouver comme causalités :

     - une anomalie génétique ;

     - des traumatismes physiques ( prénataux, obstétricaux, néonataux ) ;

     - des traumatismes psychiques ( situations de peur, carences affectives ).

     La pathologie est caractérisée par ( du plus simple au plus grave ):

     - un retard et une lenteur de l' évolution et des acquisitions,

     - une instabilité caractérielle avec anxiété irritable,

     - des troubles neurologiques :

     . retard psychomoteur ;

     . parésies ( énurésie, encoprésie ) ;

     . paralysies fonctionnelles ;

     - une pathologie psychiatrique :

     . altération des moyens instrumentaux ;

     . blocage relationnel de type psychotique.

     La symptomatologie apparente du syndrome de régression précoce est celle du grand retard psychomoteur ; on y reconnaît les signes pathogénétiques de CAUSTICUM.

     . Le langage :

     Le plus souvent, le babil et les premiers mots ont été acquis à l' âge normal. Lorsque le syndrome déficitaire survient avant trois ans, la communication verbale ne se fait plus: l' enfant semble ne plus apprendre aucun mot nouveau. Il ne profère que les mêmes sons, mal articulés ou monosyllabiques. Cependant, l' entourage se rend compte qu' il existe une compréhension relative et globale de ce que l' enfant perçoit du langage des siens. C' est ce que veulent dire les parents ( en atténuant la vérité pour se rassurer ) quand ils signalent : " Il comprend tout " d' un enfant sans langage.

     . La marche :

     Quand la pathologie est survenue au cours de la première année de la vie, la marche est rarement acquise avant trois ans. Si le processus s' installe plus tardivement, elle devient incertaine et dysharmonieuse. La montée et la descente des escaliers ou l' incitation à monter sur une simple balançoire est l' objet d' un refus obstiné, comme devant une difficulté insurmontable : l' enfant se contracte, hurle, manifestant une véritable panique mais non une incapacité motrice.

     . Le comportement :

     Il est caractéristique. Passifs, ces enfants sont parfois même assez souvent somnolents au cours de la journée ; ils semblent indifférents à ce qui se passe autour d' eux, sauf si un changement survient dans le décor habituel, les rythmes quotidiens, ou si apparaissent des personnes inconnues. Il peut alors se produire une crise d' agitation, avec tremblements et cris ou expression terrorisée, comme devant un danger mortel imminent.

     En dehors de ces épisodes, ces enfants ont une activité très réduite et stéréotypée chez les plus précocement atteints - pauvre, imitatrice, non créative la plupart du temps. Ils semblent peu intéressés par ce qu' ils font ou même semblent craindre d' agir.

     Il est regrettable de trouver indiqué: " Les enfants pleurent pour un rien... " Encore faut-il, dans certains cas, décoder ce " rien " , message partiel, signal de détresse de ce naufragé, le seul parfois qu' il sache adresser à son entourage...

     Ce sont donc des enfants à l' expression lointaine et triste, n' ayant spontanément que peu d' élan vers autrui, vite effrayés, se dérobant au contact manuel et sursautant au moindre bruit, ne manifestant que peu de relation affective, même avec les personnes qui s' en occupent.

     . L' examen neurologique :

     Il n' apporte aucune preuve d' organicité. Bien que manquant apparemment de tonicité, ces petits malades ont une force musculaire normale. Normaux sont aussi leurs réflexes ostéo-tendineux, et même plutôt vifs.

     Rien n' explique ni les chutes fréquentes ni la mauvaise coordination gestuelle, montrant une atteinte de l' image du corps... L' électroencéphalogramme est dépourvu de toute anomalie de type comitial. Mais on observe très généralement des tracés de faible amplitude, peu voltés, ayant la signification d' une certaine immaturité par rapport à l' âge de l' enfant. Les hypothèses, souvent proposées, de séquelle d' anoxie obstétricale ( dans les cas les plus précoces ) ou de séquelle d' encéphalopathie non identifiée ne sont nullement confirmées.

     Mais on constate aussi d' autres symptômes :

     - des difficultés liées au sommeil : peurs à l' approche de la nuit, refus ( par peur ) d' aller au lit, peur de l' obscurité de la chambre, et même peur de dormir ; l' enfant s' agite et lutte pour rester éveillé. Il peut y avoir, avant ou après le premier sommeil, des mouvements compulsifs de la tête : roulement latéral ( rolling head ) ou projection avant-arrière ( jactatio ), et parfois l' enfant pleure en dormant ;

     - des perturbations alimentaires : refus systématique des repas, dégoûts inhabituels, plus rarement voracité sans sélection des aliments. La grande anorexie indique très vite l' étiologie affective ;

     - des troubles sphinctériens : la propreté urinaire nocturne n' a jamais été acquise ( chez les plus petits malades ) ou bien une énurésie secondaire est apparue comme un des premiers symptômes pathologiques.

     Enfin, quand elle existe, l' incontinence anale diurne ( encoprésie ), de signification plus grave, signe à elle seule la nature régressive de ce processus.

     En effet, il s' agit bien d' un état pathologique de régression, pouvant aboutir à une véritable PSYCHOSE INFANTILE, survenu chez un enfant d' évolution globale normale entre 48 heures et 3 semaines environ après un stress ayant le sens ( réel ou symbolique ) d' un ABANDON :

     . soit en rapport avec un traumatisme physique : maladie très asthéniante, intervention chirurgicale faite d' urgence ou mal préparée ( en particulier suite d' amygdalectomies ) ayant causé une peur intense avec sensation d' agression vitale ;

     . soit, et c' est le cas le plus fréquent, à la suite d' un traumatisme psychique et surtout d' une carence affective du fait d' une hospitalisation ( de la mère ou de l' enfant ), d' une mise en crèche par reprise du travail maternel, d' un changement de " cadre " et de gardienne, du décès de la mère, de comportements maternels frustrants ( de tous degrés... ).

     Le syndrome de régression précoce de l' enfant est un état dépressif car la situation d' abandon induit un Vécu DE MORT que reflètent toutes les peurs.

     2. LE SYNDROME DE NOSTALGIE DE L' ADOLESCENT

     Cet état psychologique, à la connotation romantique, a été décrit et considéré comme une entité nosologïque par un médecin bâlois, Johannes Hofer, en 1678. Il faut à ce sujet se référer à un excellent article d' un psychiatre français de Rouffach, le Dr Jean-Pierre Hubert, La Nostalgie et son histoire :

      " Thème littéraire sans dénomination particulière, elle devient une maladie à part entière au xvii° siècle, baptisée comme il se doit d' un nom grec. Petit à petit assimilée à la mélancolie au xix° siècle, elle disparaît apparemment de l' horizon médical au xx° siècle ( en dehors des médecins militaires ).

      " En fait, il est aisé de la retrouver décrite mais remise au goût du jour chez des auteurs divers, et notamment, à l' heure actuelle, chez ceux qui s' intéressent à la psychopathologie des migrants.

     * Psychiatre-chef au C.H.S., 68250 Rouffach ( Haut-Rhin ).

      " Nostalgie vient du grec vosToç, retour, et alyoç, douleur. Le mot ne répond donc en fait nullement à l' idée qu' il veut exprimer et les dénominations plus " populaires " ( " mal du pays " en France, " Heimweh " en Allemagne, " homesickness " dans les pays anglo-saxons ) sont en fait, beaucoup plus exactes. (... ) on peut définir la nostalgie comme l' état de dépérissement déterminé par la tristesse que cause l' éloignement des lieux, des personnes ou des choses aimées et l' incessant désir de les revoir. " 

     La description clinique, organique et psychique de la maladie, surtout quand elle se déclenche brusquement et prend rapidement une allure alarmante, peut coïncider avec le tableau symptomatique de CAUSTICUM. Il est assez remarquable ( à côté du dédain témoigné par la plupart des psychiatres entre 1880 et 1950 environ pour le syndrome de nostalgie ) que seuls les auteurs de culture allemande et les médecins militaires s' y soient constamment intéressés.

     Ces derniers, effectivement, l' ont toujours connue. Napoléon les mettaient en garde contre " les soldats qui cèdent à la mélancolie... " , mais ils la connaissent et la reconnaissent toujours, même sous une identité moderne. Ils en savent les possibles dangers : non seulement épisode dépressif, mais aussi bouffées délirantes, entrée dans la psychose et tentatives - trop souvent réussies - de suicide...

     Reconnaissance trop souvent tardive, car c' est au moment de l' incorporation au Service national que l' exemption ( et non pas la réforme qui barre inexorablement l' accès à tout emploi administratif ultérieur ) devrait être déclarée ( dans l' intérêt de tous ), sur des critères précis qu' à peu près seule, hélas, apporte l' expérience homéopathique.

     3. LE SYNDROME AIGU DES DÉRACINÉS

     Il s' agit d' une pathologie survenant dans une perspective un peu différente de la précédente.

     Plus que la perte de l' environnement familial, c' est ici la rupture des liens qui est en cause :

     - depuis une vingtaine d' années, les consulats français de l' Inde, d' Asie du Sud-Ouest, de l' Indonésie, d' Afrique ont eu à s' occuper du rapatriement sanitaire de certains jeunes " routards " , leur arrivant en état " de perdition " , désemparés, ayant trop présumé de leurs capacités d' adaptation, ni psychotiques ni drogués ( malgré des apparences parfois trompeuses ). Amaigris, épuisés, en état de peur panique, en attente de catastrophe, parfois en état de choc confusionnel, parfois avec des réactions infantiles, en perte de leurs " repères " , guéris dés leur retour au bercail ( et de l' épisode psychopathologique et de " l' aventure "... ) ;

     - en psychiatrie carcérale, on rencontre des observations comparables, parfois. Il s' agit généralement de jeunes délinquants, comparses occasionnels, parfois petits débiles, issus de milieux sociaux peu évolués ou bien d' origine rurale ou étrangère : anorexie, affaiblissement, troubles pseudo-neurologiques, comportement d' isolement et de détresse, permettent bien vite de les différencier des conduites hystéro-masochistes des psychopathes déséquilibrés ou des simulations des revendicateurs agressifs, et surtout de prévenir le passage à une pathologie plus grave ou le risque suicidaire ;

     - mais c' est surtout dans la psychopathologie des travailleurs migrants que l' indication de CAUSTICUM peut être utilement posée. " La nostalgie est une tentative de maintenir vivants les anciens liens affectifs dont le transplanté a besoin pour maintenir son identité. " 

     Il s' agit ici d' un tableau de régression globale qui n' est ni celui de la dépression mélancolique ni celui ( plus fréquent, il est vrai ) de l' hypocondrie et des réactions paranoïaques, mais un syndrome d' abandonnisme, à tous niveaux. Le drame est que " le retour au pays " ( qui guérit aussitôt le jeune militaire, le routard ou le petit délinquant égaré ) a, désormais, de moins en moins d' effet réparateur pour ces patients qui ont trop souvent, du fait d' une transplantation inachevée et peu valorisante, perdu, avec toutes leurs références culturelles, leur véritable identité...

     4. LE SYNDROME DÉFICITAIRE PRÉCOCE DE L' ADULTE SÉNESCENT

     Le tableau clinique est analogue à celui d' une sénilité rapide et prématurée.

     . Asthénie physique :

     Sujets le plus souvent de sexe masculin, plutôt maigres, chez lesquels, à la suite d' une situation vécue comme une atteinte vitale, survient en quelques semaines une fatigabilité intense : toute activité motrice est refusée comme un effort insurmontable. La marche est lente et paraît peu assurée. Le malade reste longuement assis, immobile, parfois somnolent, mais avec une attitude et un faciès figés, pseudo-paralytiques, exprimant une anxiété massive et intense. Le patient exprime inlassablement le désir de " rentrer à la maison " ( comme CARBO ANIMALIS le fait dans un état de confusion ou HYOSCYAMUS, désorienté dans l' espace, ne se reconnaissant plus chez lui ).

     . Dépression morale :

     Symptomatologie soit de type psychasthénique dans les cas récents et les moins graves, soit de type " syndrome mélancolique " , sans nette influence de l' âge, mais plutôt du type sensible homéopathique :

     - perte des intérêts intellectuels, ralentissement du cours de la pensée ( attention, mémoire, idéation ), d' où une impression d' engourdissement cérébral ;

     - chez les sujets les plus âgés, on peut constater des difficultés d' expression verbale et, en raison de l' intense anxiété, une apparence de confusion mentale ;

     - quand il peut verbaliser son anxiété, le malade exprime des sentiments de peur : peur d' une catastrophe imminente, peur de mourir.

     Le trépied dépressif est manifeste au niveau existentiel : auto-accusation portant sur le passé, incertitude et scrupulosité quant au présent et ce qu' il devrait  /  ne devrait pas faire, pessimisme désespéré au sujet de son avenir.

     . Troubles du comportement :

     Ces malades sont généralement silencieux, passifs, sans aucune initiative, se laissant guider avec indifférence, retirés en eux-mêmes et dans leur malheur, parfois geignards et larmoyants, s' attendrissant sur leur propre sort ou à l' évocation du décès de leurs contemporains ( auxquels ils s' identifient ), ou bien ( surtout en collectivité ) opposants, obstinés, méfiants, revendicateurs, exprimant des sentiments, fondés ou non, de préjudices subis :

     - angoisses plus importantes en fin de journée, agitation anxieuse en début de nuit, gênant le sommeil, réveils en sursaut ;

     - perturbations digestives : perte de l' appétit pouvant aller jusqu' au refus alimentaire systématique, difficile à vaincre ; alternance de constipation et de débâcles intestinales ;

     - chez les plus âgés, il peut même y avoir des épisodes d' incontinence sphinctérienne risquant de passer à la chronicité.

     . Étiologie :

     C' est bien encore celle d' une atteinte de l' intégrité personnelle du fait d' une situation extérieure : passage à la retraite, veuvage, déménagement ( perte du cadre habituel, nostalgie ), ou en rapport avec une hospitalisation ( accidentelle ) ou, pire, l' entrée en maison de retraite, ayant valeur de réjection sociale et d' antichambre de la mort.

     A la limite, surtout pour les sujets les plus fragiles et les plus âgés, le pseudo-déficit peut évoluer vers une psychose sénile et le " syndrome de glissement " , renoncement à vivre, ou à survivre, du grand vieillard.

     Bien entendu, il convient avant tout, devant un tableau de régression rapide, de faire des investigations soigneuses.

     Si, chez le jeune, le diagnostic différentiel doit se faire surtout avec le début insidieux d' une affection organique, leucémie en particulier ( mais alors le contact affectif et relationnel n' est pas modifié ), il faut toujours penser, chez l' adulte et le sénescent, devant un état déficitaire accéléré, à un processus tumoral intracérébral.

     CAUSTICUM peut être un très grand remède de situation urgente dans certains types de décompensation. Donné à temps, il peut vraiment arrêter et réparer un processus qui serait spontanément irréversible. Son action permet de mettre ensuite en place, avec bien plus d' efficacité,  les mesures éducatives, sociales et psychothérapiques indispensables.

     Remède du " grand froid " , du " froid de la mort " , qui peut être aussi le sentiment aigu et terrifiant de la perte des liens relationnels indispensables à la vie, remède d' épuisement physique et psychique, c' est ( après OPIUM et avant STAPHYSAGRIA ) un des grands auxiliaires homéopathiques des " situations de catastrophe collective " , dont les trousses des " Homéopathes sans frontière " devront être largement fournies.

 

 

Cyclamen

Introduction.

     Une primulacée ( CYCLAMEN EUROPEANUM ), une renonculacée ( PULSATILLA ANEMONA ), deux espèces florales, évocatrices de printemps et de fraîches clairières, qu' il faut prendre le temps et la patience de découvrir pour, avec précaution, en cueillir les fleurs délicates...

     Même s' il convient de ne pas se livrer à des " amalgames " hors de notre propos, jugés de plus, burlesques par les uns, inconvenants sinon sacrilèges par d' autres ! ), on ne peut honnêtement esquiver ce que suscite dans l' imaginaire de chacun ( sauf à s' être muré l' imaginaire, ce qui est un autre problème ) l' évocation de ces deux noms, de leur apparence, de leur mode d' existence :

     o CYCLAMEN EUROPEANUM, développant dans l' ombre et l' humide chaleur des bois légers et des taillis, bien cachés dans une corbeille de feuilles protectrices, des boutons floraux obstinément penchés vers la terre, avant que ne montent vers la lumière les pédoncules en spirale ponant les belles fleurs pourprées  ;

     o PULSATILLA ANEMONA, l' anémone noire des près, celle dont, on le sait, bien vite plie la tige si elle ne rencontre pas un soutien, penchant sa corolle " lourdement vers le sol, sous la forme d' une cloche profonde. Sa couleur s' assombrit jusqu' à un violet foncé presque noir, (.,, ) Lorsque le processus floral s' est épuisé, le pédoncule se redresse verticalement, libéré de la pesanteur et les fruits deviennent des akènes ornés d' appendices plumeux, tout à fait aériens ".

     Telle est la fiche d' identité de ces deux " végétales " , dont on ne sait parler qu' au féminin.

     Isoler artificiellement leur morphophysiogenèse de l' action toxicologique et de la symptomatologie expérimentale qu' elles peuvent développer peut sembler étonnant - surtout dans une conception homéopathique de la biologie. Mais on n' a certes, en aucune façon, le droit d' en tirer, symboliquement, des corrélations...

 

Généralités

      " Teint pâle, visage maladif, yeux cernés, front contracté, sourcils froncés " , ainsi Kent nous présente-t-il CYCLAMEN avec ses symptômes-clés :

     - faible, lasse, plaintive, parfois anémique ;

     - d' humeur morose et de caractère scrupuleux ;

     - ayant de l' aversion pour l' effort, le mouvement, le grand air, avec désir de solitude.

     Et les symptômes somatiques d' appel.

     . Troubles fonctionnels circulatoires :

     - à expression migraineuse :

     . céphalées frontales, céphalées cataméniales, en particulier ;

     . précédées de pesanteur sur le vertex et au-dessus des yeux, de troubles de la vue ( phosphènes, scintillements ), de vertiges " avec vacillations et mouvement de balançoire des objets " ( Duprat ) ;

     . troubles aggravés à l' air froid ( alors que les céphalées congestives de PULSATILLA sont aggravées à la chaleur et surtout dans une pièce chauffée ) ;

     - à expression cardiaque :

     . palpitations et tachycardie ;

     . hypotension ;

     . souffle fonctionnel anémique ( cf. FERRUM ) ;

     - à expression génitale :

     . aggravation de toute la symptomatologie avant les règles ( PULSATILLA surtout pendant ) ;

     . dysménorrhée membraneuse pendant toute la durée des règles ( PULSATILLA surtout le 1°et le 4° jour ) ;

     . cycles irréguliers et hyper-, hypo- ou même aménorrhée ( comme PULSATILLA ) ;

     . Troubles fonctionnels digestifs :

     - peu ou pas de soif ( à peu près comme PULSATILLA ) ;

     - aversion pour le beurre et les aliments gras ( comme PULSATILLA ), mais aussi pour le café qui provoque de la diarrhée ;

     - pesanteur et ballonnement épigastrique sitôt après le repas ( comme PULSATILLA et SEPIA ) ;

     - nausées et parfois vomissements immédiatement après avoir mangé ( volontaires et obsessionnels ou devenus " réflexes ", même en jet ) ;

     - colite avec spasmes et constipation ( état de sthénicité ) avec diarrhée et épuisement ( état affaibli ).

 

Psychisme

     Du psychisme de CYCLAMEN, l' expérience clinique, s' ajoutant à l' expérimentation, nous apporte quelques précisions.

     . Quant au fonctionnement intellectuel, on note une alternance, chez le même sujet :

     - d' agitation mentale continuelle et d' aversion pour l' effort intellectuel ( de paresse, dit Jahr ) ;

     - de foisonnement d' idées et de difficultés de concentration et de mémoire, ce qui, poussé à un degré suffisant, peut aller jusqu' à une certaine confusion mentale, en particulier chez des femmes âgées ayant par ailleurs des caractéristiques du remède ( " réponses incohérentes " , Kent ) ;

     . Quant à la thymie :

     - anxiété fébrile ( comme peut avoir PULSATILLA ) expliquant, malgré la fatigue et parfois l' épuisement, le besoin obsessionnel d' activités minutieuses ( cf. SEPIA ) et d' aller et venir, ce qui apaise ;

     - humeur variable, inconstante ( mais dans un registre plus profond et une alternance moins rapide que chez PULSATILLA ) :

     . amabilité et maussaderie ;

     . sérénité et irritabilité ;

     . gaieté et tristesse ;

     . entêtement et susceptibilité ( rappelant à la fois PULSATILLA et SEPIA ) ;

     - et surtout scrupulosité, troubles de conscience, crainte de mal faire, " de ne pas faire son devoir " ( cf. SEPIA ).

     CYCLAMEN, on le sait, est le plus souvent prescrit au féminin, mais il serait possible de citer ici des observations de vieux garçons vivant avec leur mère et sombrant dans le remords et la dépression quand ils se retrouvent seuls, de maris dévoués dans un couple sans enfant... évoquant PULSATILLA ou SILICEA, quoi qu' il en soit ayant gommé toute virilité.

     A l' inverse, chez la femme, de même que l' indication thérapeutique est peut-être trop souvent oubliée, CYCLAMEN ne se fait oublier que pour mieux s' imposer.

     C' est un remède de transition :

     - un doublet de PULSATILLA ;

     - proche ( sous une autre apparence ) de SEPIA ;

     - pouvant masquer... PLATINA.

     On pense d' abord, en la voyant, à PULSATILLA, SEPIA et parfois LACHESIS ; c' est en serrant bien la symptomatologie objective puis son interprétation prudente qu' on peut aller ainsi du simile au simillimum.

     CYCLAMEN, plus sthénique et apparemment plus mature que PULSATILLA, apparemment de meilleure sociabilité que SEPIA, apparemment plus modeste que PLATINA, vit en réalité son manque d' autonomie affective et sa réelle dépendance à l' autre sur un mode :

     - moins visiblement quémandant que PULSATILLA ;

     - semblant plus oblatif ;

     - mais qui témoigne de son extrême et comparable possessivité.

     Elle ne s' impose :

     - ni en provoquant l' attendrissement protecteur ( comme PULSATILLA ) ;

     - ni par une tristesse farouche obligeant à intervenir ( comme SEPIA ) ;

     - ni par une recherche évidente de séduction ( comme PLATINA ).

     C' est l' analyse biographique qui montre comment, sur une certaine prédisposition, peut se structurer cette personnalité névrotique.

 

Cas.

     Mlle Marianne G..., 54 ans, vient consulter pour un état dépressif réactionnel à la mort récente de son vieux père, dont elle parle avec un attendrissement larmoyant, intermittent, qui semble un peu artificiel. Elle est l' aînée d' une soeur de 49 ans, Clotilde, mariée, 5 enfants, habitant une ville distante d' environ 70 km. Alors qu' elle avait tout juste 30 ans, sa mère a été atteinte d' un cancer du sein, suivi de métastases osseuses puis hépatiques. Pendant dix ans, traitements à domicile et hospitalisations se sont succédé. Mme G... est morte il y a quatorze ans.

     Marianne n' a jamais quitté ses parents, bien vite intendante de la vaste demeure ( du fait de la maladie maternelle ) et, de plus en plus, gérante du domaine familial ( son père en étant devenu incapable ), faisant preuve d' une inlassable activité, d' une abnégation sans faille et de capacités d' " exploitante " tout à fait imprévues qui font l' admiration de tout son village. " Mademoiselle « y est considérée comme le modèle du dévouement filial. Cela m' a été raconté avec le commentaire suivant : " Et on le croirait pas à la voir : elle a l' air toute frêle et dolente, on a envie de la plaindre et de l' aider. Ah ! elle est courageuse, celle-là ! "

     Malgré quoi, d' un air accablé, elle s' avoue bourrelée de remords de n' avoir certainement " pas assez fait " pour sa famille - ce qui paraît étonnant et excessif.

     Il faudra l' écouter et l' apprivoiser pour qu' elle exprime avec force d' où lui vient cette conviction. Elle en a eu la preuve, dit-elle, à la lecture du testament de son père ( ARSENICUM ). Celui-ci, sans lui en faire part, a disposé de sa part réservataire en faveur de ses petits-enfants. Non, affirme-t-elle bien vite, qu' elle regrette ce legs fait à ses neveux, mais elle considère que c' est une mesure de défiance à son égard, car c' était à elle à procéder à la répartition de ces largesses...

     Elle s' est pourtant sacrifiée pour ses parents, renonçant au mariage ( qu' elle n' a, du reste, pas recherché ), s' occupant d' eux et du domaine, depuis vingt-quatre ans, " pour épargner tout souci à Clotilde " ( en fait l' excluant progressivement de toute information et décision, avec susceptibilité ). Elle se sent donc à la fois coupable et injustement rejetée, abandonnée, sinon soupçonnée.

     Elle a beaucoup maigri depuis peu, car elle mange à peine ; son sommeil est agité et elle est fatiguée par une ménopause dont elle attend impatiemment qu' elle clôture une vie génitale ne lui ayant valu que des ennuis, y compris ( c' est authentique ) des céphalées cataméniales.

     Marianne a eu droit à 4 doses de CYCLAMEN 30 CH qui ont rétabli sa thymie, puis à quelques entretiens pour clarifier ses sentiments et... à la prescription impérative du voyage en Grèce qu' elle se refusait depuis quinze ans !

     Consciemment ou non, CYCLAMEN veut incarner, donner et se donner l' image de l' oubli de soi et du devoir accompli.

     d' où :

     - son ambivalence sexuelle ( latence homosexuelle, surtout chez CYCLAMEN au masculin ) par tentative de sublimer ses pulsions ;

     - ses remords, si elle ne se croit pas conforme à cette image ;

     - sa décompensation ( abandonnisme et sentiments de persécution ) quand elle se sent / se croit incomprise.

     Par son " hyperdévouement " scrupuleux :

     - moins esclavagiste que celui de PULSATILLA ;

     - moins sec et hargneux que celui de SEPIA ;

     - moins condescendant que celui de PLATINA, cette fausse PULSATILLA, refoulant ses besoins d' affirmation en emprise sur autrui, peut  se révéler féroce sous les apparences de l' ange du devoir..., faisant cher payer des frustrations ( subies ou volontaires ) d' amour et de valorisation.

     Moins dépendante de sa mère que PULSATILLA, moins liée à son père que SEPIA, elle se rapproche subrepticement de PLATINA par sa complaisance inavouée pour une image idéalisée d' elle-même.

 

 

Fluoric Acid

 

Généralités.

     Tout ce qui a été dit des motivations profondes de CALCAREA FLUORICA, de sa vision du réel plus ou moins déformée à travers sa relation au corps, est vrai de FLUORIC ACID qui a, cependant, biologiquement et psychologiquement, un aspect bien individualisé par l' expérimentation et constant dans ses modalités.

     Par rapport à CALCAREA FLUORICA on peut dire qu' il en représente une hyperadaptation, tout au moins dans sa phase bien compensée. Avec le versant CALCAREA, il a perdu ses inhibitions et une partie de ses peurs, il a même parfois perdu... toute retenue !.. Par contre l' adjonction de la fonction " acide " l' a fait gagner, si on peut dire, en excitabilité.

     Au total, cette transformation accentue les dysrythmies du personnage, surtout celles de son comportement : c' est pourquoi l' instabilité mentale est sa caractéristique.

     Cet aspect de sa personnalité en fait l' originalité et mérite d' être retenue afin de l' utiliser au mieux dans l' intérêt des " semblables " de FLUORIC ACID.

     physiquement, cet agité au visage toujours en mouvement, pourrait être un demi-frère mal bâti de SULFUR. Comme celui-ci, il a toujours trop chaud, cherchant notamment la fraîcheur pour ses pieds oedématiés et ses jambes brûlantes de stase veineuse. Mais il n' a ni la vigueur d' un SULFUR dans la plénitude de ses moyens, ni la résistance coriace du même dans sa fourre émaciée, avec lequel on peut parfois le confondre.

     Il a tout plein de misères physiques, outre des varices et des hémorroïdes : sa musculature n' est pas bonne : son tissu conjonctif, à force de laxisme, se distend, d' où les ptôses diverses ; sa dentition, mauvaise, lui vaut de douloureuses caries du collet ; il a des maux de tête : que ce soient douleurs le long des sutures crâniennes, que ce soient des bouffées vasomotrices, toutes proches de celles d' AURUM, avec, dit JAHR, " sensation de chavirement dans la tête ".

     Son sommeil est troublé de rêves érotiques ou parfois effrayants ; par contre, il n' en finit pas de se réveiller et il devient somnolent vers 11 h... Quand sa mauvaise hygiène de vie ne l' a pas encore trop dégradé, il peut donner l' illusion de la santé - mais on connaît son risque d' évoluer vers des troubles lésionnels osseux, vasculaires ou nutritionnels qui l' acheminent vers la cachexie.

     En disant que FLUORIC ACID est à la vanité et au succès ce que SULFUR est à l' orgueil et à la gloire, on mesure la différence... d' autant que notre sujet, qui est souvent ce qu' on appelait jadis " un mauvais sujet " , n' est pas trop difficile sur la qualité de ses succès, il l' est même de moins en moins s' il s' abandonne à son devenir naturel.

     Ses instincts primaires semblent puissants : fort appétit, sensualité exigeante, sociabilité aisée. Mais, à y regarder de plus près, il s' agit surtout de besoins normaux artificiellement hypertrophiés par une absence de maîtrise ou un besoin d' outrance.

     Il a, certes, faim et soif, mais il recherche systématiquement les excitants de tous ordres, les alcools en particulier ; sa sexualité est moins puissante que ne l' est son goût pour des aventures faciles et éphémères, plus épidermiques que sentimentales et les curiosités érotiques ( c' est un bon client des sex-shops et des spectacles pornographiques ) : son éréthisme sexuel peut même le conduire, c' est la Matière Médicale qui l' indique, au priapisme... Quant à sa sociabilité, elle est trop superficielle et fantaisiste pour être vraiment vécue.

 

Psychisme.

     On le voit, FLUORIC ACID aime " la fête " mais trop aisément son attrait pour les plaisirs faciles le pousse simplement à " faire la noce " , de façon assez affligeante.

     Au fond, il a surtout besoin de se prouver à lui-même qu' il réussit, qu' il à réussi. qu' il peut avoir et posséder ( pouvoir, argent, plaisirs ) autant que ceux qu' il admire et envie. Mais comme il sent " faux " et voit " faux " ( nous retrouvons l' empreinte du FLUOR ) il fait, seulement, ce que d' autres sont...

     C' est cette " absence d' être vrai " , cette fausse personnalité, ce manque d' authenticité. pour utiliser le jargon à la mode, qui gênent et choquent chez FLUORIC ACID. WINNICOT, sous l' appellation de " self artificiel " et H. DEUTSCH, sous le terme de personnalités " as if " , ont décrit de telles organisations ni psychotiques ni névrotiques ( bien que voisines de la névrose hystérique de conversion ) dont la structuration incertaine en fait bien des caractères " simili ". FLUORIC ACID correspond, de toute évidence, à cet aménagement factice. Instable dans ses comportements, ses intérêts intellectuels, ses activités professionnelles, ses relations affectives, il est menteur par commodité, cynique par amoralité, infidèle par facilité et refus de contraintes...

     Mais il y a les lendemains de fête et l' autre face du personnage. Ses contradictions psychologiques ne sont pas le fait de l' imagination des expérimentateurs ou des cliniciens : la physio-pathologie de FLUORIC ACID en répond.

     Il faut ici citer ZISSU ( Matière Médicale Homéopathique Constitutionnelle, t. IV, p_ j32 ) : " Entre SULFUR et FLUORIC ACID, à part MEZEREUM, il y a AURUM. Dans l' évolution d' un processus (... ) de sclérose vasculaire à point de départ pléthorique, AURUM peut représenter le versant cardio-artériel et FLUORIC ACID le versant veineux, SULFUR cardioartério-veineux est encore d' ordre fonctionnel. Nous avons là un ensemble : SULFUR, AURUM, FLUORIC ACID, à la fois anatomo-pathologique et de signification diathésique, FLUORIC ACID soulageant le côté veineux, AURUM le côté artériel et SULFUR agissant sur les deux à la fois ".

     psychologiquement, cela explique tous les symptômes négatifs, dépressifs, dégradés Autant, dit KENT, il peut être gai, plein d' entrain, content de lui, autant, quand il tombe dans le marasme, on le voit triste, orner, découragé.

     De la faconde, il passe au silence. Épuisé physiquement, intellectuellement engourdi, lui qui avait besoin d' agitation et de société, qui a, du reste, horreur de la solitude, s' y enfonce. Il s' isole et dresse un triste constat de son existence... Ce n' est plus l' heureuse insouciance et l' inépuisable joie de vivre, c' est la phase de décompensation, avec perte de confiance en soi,, taedium vitae et peur de la mort " plus marquée chez lui que chez la plupart des hommes " ( DUPRAT  ).

      " Vanité des vanités > devrait être alors la devise de FLUORIC ACID. ce fils d' AURUM et de PLATINA, mais il n' a que trop rarement la sagesse et, surtout. la constance de telles reconversions...

     En pratique psychiatrique, cet état correspond à des types de dépressions réactionnelles bien connues, déclenchés par des échecs d' ordre divers : échecs professionnels, pertes d' argent, incidents familiaux, entraînant une prise de conscience existentielle.

     Autant ces sujets paraissaient dynamiques, aimables compagnons, prenant comme on dit " tout du bon côté " ( mais surtout " tout à la légère " ) autant ils peuvent s' enfoncer dans un état d' aboulie et d' indifférence à tout et à tous, dont il est difficile de les tirer. ,

     La sclérose cérébrale peut guetter FLUORIC ACID, d' où sa relation avec BARYTA CARBONICA - Sa mémoire défaille, il fait des erreurs en écrivant, ses intérêts jadis si variés ont disparu, faisant place au désinvestissement dépressif.

     Son seul souci est sa santé, altérée par ses fredaines et qu' il continue parfois à dégrader par une intempérance dans laquelle il poursuit encore une image de lui-même, illusoire et gratifiante, qu' il a vainement espérée. Celle qu' il rencontre dans le miroir n' est pas réconfortante... mais peut inciter cette personnalité si fluctuante à des retours heureux sur elle-même, non sans rechutes et avatars, mais pouvant lui éviter la détérioration mentale et morale qui le menace.

     D' autres, hélas, victimes d' eux-mêmes, de leurs fantasmes et de leurs vaines tentatives pour nier un sentiment primaire d' infériorité, finissent dans la déchéance physique, intellectuelle et morale, terme désolant de FLUORIC ACID auquel on pourrait dédier le proverbe hispano-arabe : joie de rue, malheur de maison...

 

 

Gelsemium Sempervirens

 

Généralités

     . GELSEMIUM, remède végétal, correspond principalement en raison de sa physiopathologie, à des maladies infectieuses virales les avec une sensibilité particulière aux virus neurotropes donnant des réactions aiguës et subaiguës, et secondairement des troubles fonctionnels de la régulation neurovégétative.

     Il ne présente pas de spécificité morphologique.

     - remède végétal: c' est le jasmin de Virginie;

     - remède symptomatique ;

     - pas de spécificité morphologique. Le plus souvent indiqué comme expression pathologique chez des sujets de type :

     - LYCOPODIUM,

     . PULSATILLA,

     . NATRUM MURIATICUM,

     . CALCAREA PHOSPHORICA,

     . KALI PHOSPHORICUM,

     - action spécifique expérimentale sur la sphère nerveuse :

     . pathologie neurologique ;

     . pathologie neurovégétative

 

Psychisme

     NEUROPHYSIOPATHOLOGIE

     1. Courte phase primaire d' excitation :

     - agitation motrice et mentale ;

     - tachycardie ;

     - céphalées intenses amél. la tête soulevée ( frontales, transtemporales, occipitales ) avec sensation congestive ;

     - obnubilation mentale amél. par émission d' urine ( raréfiée ) ( cf. HELLEBORUS ) ;

     - fuite des idées, incontrôlable et sans logique.

     Hyperexcitabilité du système nerveux central

     - hyperréflexie tendineuse ;

     - contractures douloureuses dans les membres et le long du rachis ;

     - tremblements convulsifs ;

     - raideur nuque et dos ( atteinte méningée )

     Troubles du sommeilTroubles du sommeil

     - difficultés d' endormissement et de réendormissement ( sommeil lent léger stadeI ) à chaque cycle ;

     - agitation inquiète empêchant le sommeil ( cf. AMBRA GRISEA ).

     2. Longue phase dépressive :

     - symptômes neurologiques et " vagotoniques "

     . lassitude douloureuse ;

     . avec sensation d' extrême pesanteur de tout le corps,

     . et de faiblesse musculaire ;

     . bradycardie passant à la tachycardie agg  à tout effort.

     . Tremblements fins et objectifs ( de faiblesse, d' impatience et d' appréhension );

     . diarrhée émotive ;

     - Parésies ( ptosis ), Paralysies avec : aréflexie tendineuse, paralysie flasque ( poliomyélite antérieure aiguë ) puis rétractions tendineuses ;

     - paralysie adynamique :

     . état infectieux aigu avec atteinte centrale méningo-encéphalitique ;

     . intoxication aiguë.

     PSYCHOPATHOLOGIE

     - atteintes neurologiques ( poliomyélite, myélites, intoxications, toxicomanies ) ;

     - situations angoissantes ;

     - stress.

     - Anxiété ;

     - Inhibition.

     - adaptation lente et difficile ;

     INTELLECT

     - acquisitions rendues difficiles par troubles somatiques -- Lenteur de rythme ;

     - Apathie intellectuelle,

     . de compréhension et d' exécution ( cf. SILICEA, CALCAREA CARBONICA ) et perfectionnisme ;

     et appréhension de :

     - l' effort,

     . l' échec,

     - jusqu' à inhibition psychique avec :

     . difficultés d' idéation,

     . difficultés de verbalisation,

     . difficultés de mémorisation ( malgré bonne mémoire ).

     ACTIVITÉ PHYSIQUE

     - asthénique ;

     - épuisement physique rapide.

     SOCIABILITÉ

     Elle est médiocre :

     - par fatigabilité ;

     - par sentiment d' infériorité ;

     GELSEMIUM désire :

     - être tranquille,

     - être en présence de peu de personnes et pas longtemps.

     - Timide, n' ose ni s' exprimer, ni s' affirmer,

     . peur d' être fatigué :

     - parle bruit,

     - les mouvements,

     - le rythme ;

     . mais crise de panique dans la solitude,

     . et besoin de réconfort

     CARACTÈRE ET AFFECTIVITÉ

     - agg  en public car perd ses moyens ;

     - manque de confiance en soi;

     - Trac aigu ;

     - forme primaire, trac d' agitation et réactions neurovégétatives :

     . tremblements mains et membres inférieurs,

     . sueurs,

     . spasmes,

     . vertiges,

     . diarrhée ;

     Le candidat perd du temps à l' écrit car ne se calme que lentement, panique, bafouille, s' embrouille à l' oral.

     GELSEMIUM 7 CH ou 9 CH ( 3 heures avant et une demi-heure avant l' examen ) ;

     - forme secondaire, trac d' inhibition :

     le candidat est calme mais l' esprit est VIDE ( remet copie blanche et retrouve la mémoire à la sortie de la salle d' examen ).

     GELSEMIUM 30 CH ( dans les jours précédents et le matin de l' examen ) ;

     - maturité faible ;

     - grands besoins affectifs ;

     - périodes de fragilité ;

     - Sentiments avoués de nostalgie manifestés avec demande d' aide ( amél. par la consolation ).

     PATHOLOGIE PSYCHIATRIQUE

     - épisodes dépressifs itératifs ;

     - tendance à l' alcoolisme ( de dopage ) qui aggrave les symptômes neurologiques ( parésies, polynévrites );

     - pulsions suicidaires par raptus anxieux.

 

 

Hepar Sulfur

 

Généralités

     De ce puissant remède aux modalités bien connues, aux effets objectifs et rapides sur des affections inflammatoires et suppuratives aiguës, cutanées et lymphatiques notamment, il n' est pas sans intérêt d' approfondir et d' analyser la symptomatologie développée par l' expérimentation au niveau du psychisme et ses applications.

     Sachant que le produit en cause est une préparation de " fleur de soufre " ( SULFUR LOTUM ) et de carbonate de chaux naturel ( CALCAREA OSTREICA ), on s' attend à lui trouver l' apparence ambivalente de ce " carbosulfur " dont l' existence clinique est indiscutable sans qu' elle puisse être rapportée à un tableau pathogénétique précis. Mais la réalité se révèle plus complexe.

     Classiquement décrit comme convenant à des individus blond-roux, à lèvre supérieure gonflée, nettement renflée, saillant au-dessus de la bouche, HEPAR SULFUR, dans le domaine du psychisme, concerne le plus souvent l' enfant et l' adulte jeune. L' indication morphologique ( dite " museau de tapir " ) peut être assez souvent vérifiée et mettre sur la voie du simillimum.

     Le registre psychopathologique d' HEPAR SULFUR doit être considéré sous ses deux aspects, dont souvent le premier seul se manifeste mais qui contient en puissance le second - et de le savoir n' est pas sans importance.

 

Psychisme

     1. LE VERSANT HYPORÉACTIONNEL

     C' est le feu qui couve, la suppuration torpide.

     . L' enfant :

     C' est très généralement un garçon au faciès adénoïdien ayant un excès de poids avec obésité gynoïde, au ventre gras et mou dissimulant des organes génitaux petits, bien qu' on n' observe pas de cryptorchidie.

     On dit de lui et on constate qu' il est frileux et très douillet, ayant très peur lors de l' examen d' être touché ( il faut le maintenir pour lui faire une piqûre, même à dix ou douze ans ) : c' est le versant CALCAREA. Pusillanime et méfiant devant ce qu' il ne connaît pas, il le refuse tout en ayant envie... Capricieux, entêté et boudeur, il est gentiment affectueux mais répugne trop au moindre effort pour être serviable:..

     C' est un écolier habituellement indolent, à l' attention irrégulière, à qui, de ce fait, la mémoire fait défaut... Il est considéré comme paresseux, donnant l' impression de se débarrasser au plus vite de son travail : il récite ( mal ) à toute vitesse ses leçons, bâcle sans soin ses devoirs... et affiche volontiers une ( fausse ) insouciance à l' égard de ses résultats : c' est le versant SULFUR.

     N' aimant pas être seul, il recherche la compagnie des autres enfants, mais il redoute les coups et n' est pas très bon joueur, ce qui lui occasionne des conflits.

     . L' adulte :

     Égocentrique, anxieux, à tendance obsessionnelle et hypocondriaque ( CALCAREA ), parfois triste avec des pensées suicidaires, il est souvent de mauvaise humeur, très vite contrarié et désagréable avec son entourage, rendu amer par ses échecs professionnels :

     - soit du fait d' une " fatigabilité " qui est parfois plus appréhension qu' asthénie véritable, d' une polymicropathologie entraînant un absentéisme dont HEPAR SULFUR est le champion, surtout en hiver, car il craint le froid ;

     - soit par de réelles incapacités qu' il ne mesure pas toujours exactement, mais dont il conçoit du dépit et de la colère. Il n' a pas non plus beaucoup de succès féminins... Son aspect général peu soigné, sa peau malsaine et l' odeur corporelle qu' il peut dégager ( et qu' il ne sent pas ), sa sexualité peu brillante ( que les irritations génitales ne favorisent pas ) et son caractère susceptible lui valent des mécomptes... dont il tient rigueur à sa  /  ses partenaires.

     M. André G..., 31 ans. Enfance au sein d' une famille aimante et stable ; second de trois garçons, il est le moins bien doué. Scolarité difficile, peu valorisante, qu' il rejette au lieu de s' acharner : ou bien il est " malade " , ou il n' est que virtuellement présent, bâillant ou somnolant... Il fait même quelques fugues. Apprenti boulanger, il ne supporte pas le travail de nuit... Apprenti mécanicien dans un garage, il se blesse et s' infecte régulièrement... Apprenti maçon, il change sans cesse de patron, jamais satisfait du travail qu' on lui propose, car il croit toujours, à tort, avoir vite compris et être compétent, il ne donne pas satisfaction, accumulant les arrêts maladie. Une fiancée le quitte au bout d' un mois, l' autre le trompe... Enfin il se marie, il a un travail, mais il se dispute avec son employeur et se retrouve au chômage, alors que sa jeune femme obtient une promotion dans son emploi.

     Il fait alors un épisode anxiodépressif qui me vaut de le connaître et, sur ses antécédents somatiques, ses signes psychiques et morphologiques ( il a l' expression butée, la lèvre avançante et l' allure assez avachie d' HEPAR SULFUR ), de lui prescrire son remède, non sans m' être assurée qu' aucune suppuration n' était en cours.

     Cinq jours après une première dose en 30 CH, il fait une crise d' agitation avec angoisse nocturne aiguë, peur de mourir, poussée fébrile, après laquelle apparaissent de petites suppurations péri-unguéales et des furoncles dans le dos qui lui arrachent des cris de douleur et que sa femme a le plus grand mal à soigner.

     C' est un homme irritable, mécontent des autres car avant tout insatisfait de lui-même, qui cependant a acquis plus d' équilibre et de souci des autres ; les prises d' HEPAR SULFUR le " secouent " toujours mi peu mais stimulent son activité, et son comportement est plus stable.

     2. LE VERSANT HYPERRÉACTIONNEL

     Il rassemble les manifestations explosives d' un individu exaspéré qui a longuement ressassé des difficultés existentielles dans lesquelles il ne peut, ni ne veut, reconnaître sa part de responsabilité. C' est l' équivalent de l' abcès qui crève en surface après une suppuration occulte :

     . Les colères trépignantes ( Duprat ) de l' enfant HEPAR SULFUR sont le signe d' une impuissance rageuse à ne pas obtenir ou réussir ce qu' il désire.

     . L' attirance pour le feu, sorte de fascination, n' est pas nécessairement désir de mettre le feu mais peut y aboutir. Il n' est que de poser indirectement la question pour constater la curieuse concomitance entre le type morphologique et l' attrait parfois obsédant pour le feu. Je connais nombre de jeunes garçons qui ont fait ainsi brûler tapis, coussins, rideaux sinon causé des incendies...

     François est un excellent élève de première; famille de bourgeoisie aisée, apparemment unie ; un frère, deux soeurs. Il est poursuivi pour avoir mis le feu à la villa d' une famille amie puis s' être enfui avec une superbe indifférence. C' est cet aspect d' insouciance dédaigneuse qui frappe dés l' abord et fait pratiquer un examen approfondi, car on peut soupçonner un début de dissociation de la personnalité. Cependant, l' examen homéopathique met en évidence, de façon prévalente, des signes d' HEPAR SULFUR ( et, notamment, le renflement de la lèvre supérieure ).

     Après quelques entretiens, le jeune homme abandonne l' attitude prétentieuse qu' il affichait primitivement ; il se montre plus authentique. C' est un indécis, parfois hargneux et mécontent. Il reconnaît que les contacts avec son père se sont bornés à des échanges superficiels et des récompenses matérielles pour ses constants succès scolaires. Ne posant pas de problème dans ce domaine, ses parents ne se sont pas souciés de son évolution. Son geste surprenant a été déclenché par une déception amoureuse, mais les mobiles psychologiques profonds sont ceux de la frustration. Quant au mode d' expression, quant à l' acte lui-même, pourquoi ce geste ? On reste incertain, surtout quand on rencontre ce " key-note " d' HEPAR SULFUR , le renflement de la lèvre supérieure ) chez des incendiaires, de fait ou de tendances, aussi différents qu' un vigneron charentais fruste et alcoolique, un modeste employé de bureau revendicateur, un écolier plutôt lent d' esprit ou un " fils de famille " apparemment comblé...

     . L' impulsivité et les colères violentes avec insultes, grossièretés, attitudes de mépris arrogant ( qui rappellent MERCURIUS ) représentent un degré de plus dans " l' éruption suppurative " de l' exaspération. C' est le besoin, pour ce lymphatique pusillanime, de faire peur, de jouer les terreurs, de se donner un sentiment de puissance... non seulement sur les choses ( comme dans la pyromanie ) mais sur les personnes... avec, dans les deux cas, un côté spectaculaire qui ouvre à une autre dimension dans la psychodynamique d' HEPAR SULFUR et qui relève d' un aménagement hystérique de la personnalité : jouissance à se manifester, à " donner à voir " , conception théâtrale de la sexualité et   /  froideur affective de celui pour qui " l' autre n' existe pas " , n' a ni réalité ni utilité autres que de lui servir de " faire valoir "...

     . Au-delà, ce peut être la perte totale du contrôle pulsionnel : la cruauté sadique allant jusqu' à donner la mort... et ce n' est ni une hypothèse ni une déduction, malheureusement, car des observations existent ( de gardiens de " camps " ou de criminels connus ) dans lesquelles se retrouvent les signes pathognomoniques du remède, y compris le faciès et l' attrait pour le feu ce dont, peut-être un jour, les neurophysiologistes nous donneront l' explication.

     . Exemple historique

     L' histoire nous offre avec Néron la plus complète illustration de la structure psychopathologique perverse à laquelle peut correspondre l' indication d' HEPAR SULFUR.

     La typologie

     A l' âge de seize ans, " il approchait de la moyenne ; son corps était couvert de taches et malodorant, sa chevelure tirait sur le blond, son visage avait de la beauté plutôt que de la grâce ; ses yeux étaient bleuâtres et faibles, son cou épais, son ventre proéminent... " 

     Le caractère et la perversité

     Alternance de réactions anxieuses, de terreurs incontrôlables, avec soumission pusillanime et besoin de protection, et de violences inouïes : assassin de son jeune frère ( après en avoir abusé ), de sa mère ( pour " rompre le cordon " et " se croire " libéré d' une domination qui l' avait façonné - cf. LACHESIS ), d' un nombre inchiffrable de ses parents et familiers, infligeant avec insensibilité des supplices cruels qui n' entraînaient même plus de jouissance :

      " Néron l' a vu mourir sans changer de couleur. Ses yeux indifférents ont déjà la constance D' un tyran dans le crime endurci dès l' enfance " , se livrant aux plus extrêmes aberrations dans la débauche.

     Tacite parle des " raffinements " ingénieux de ses nuits, pour stimuler une sexualité ( homo et hétérosexuelle ) que les abus avaient épuisée.

     L' hystérie et la pyromanie

     C' est l' impérial histrion, cabotin sans dignité, fasciné par le feu, qui, après avoir fait doter les plus belles maisons de Rome " de portiques surmontés de terrasses d' où l' on pourrait combattre les incendies " , se prenant pour Eschyle, improvisa devant la ville, noyée dans les flammes qu' il avait fait allumer " pour qu' on parle de lui... et on en parle " , mais, au dernier moment, défaillant devant la mort, repoussa avec lâcheté le poignard, si bien que son maître des requêtes, Epaphrodite, dut guider sa main tremblante pour l' aider à se trancher la gorge... Croyant priver le monde d' un incomparable auteur-acteur ( " qualis artifex pereo !... " ), il avait repris à son compte le mot favori de Tibère : " Qu' après ma mort, la terre disparaisse dans le feu ! "

      " La première et principale promesse qu' il avait exigée de ses compagnons était de ne laisser personne disposer de sa tête, mais de le brûler tout entier; de quelque manière que ce fût. " 

     BIBLIOGRAPHIE

     1. MONTHERLANT H. ( de ). Le treiziéme César : ( Gallimard, Paris, 1970 ).

     2. RACINE. Britannicus, Acte V, sc. VIII.

     3. SUETONE. Vie des douze Césars ; Livre 6 : ch. LI, Paris, Gallimard, Folio : 1975.

     4. SUETONE, ibid. : ch. XVI.

     5. SUETONE, ibid. : ch. XLIX.

     6. TACITE. Annales, XVI trad. Bornecque Garnier, Paris, 1942.

 

 

Ignatia

 

Généralités

     IGNATIA AMARA, la " Fève de St-Ignace " , graine du Strychnos Ignatia dont les deux alcaloïdes principaux sont la strychnine et la brucine, produit expérimentalement ( HAHNEMANN ) des troubles physiques et psychiques généraux qu' on peut ainsi résumer :

     - à un premier stade d' hyperadaptation ( stade " sthénique " de ZISSU ) :

     . hyperesthésie sensorielle, et émotionnelle,

     . phénomènes spasmodiques divers,

     . excitation psychique avec agitation et anxiété :

     - à un second stade de décompensation, plus ou moins accentué ;

     . réactions d' inhibition sensorielles et motrices ( sensations d' engourdissement et d' algidité, paresthésies, pseudo paralysies ),

     . " dépression " psychique, avec indifférence, apathie, refus du contact, dégoût de la vie.

     Le caractère de ces troubles diphasiques pour lesquels IGNATIA doit être comparé avec PLATINA et LACHESIS est leur extrême variabilité, la possibilité de leur succession rapide et alternante. C' est pourquoi le psychisme d' IGNATIA est généralement qualifié de " paradoxal ".

 

Clinique

     Indications " accidentelles " :

     L' indication d' IGNATIA peut apparaître chez des malades de structures mentales différentes à l' occasion d' un choc émotionnel brutal ( peur, deuil, contrariété ).

     La neurophysiologie en explique les effets sur le système nerveux central et sympathique; la psychologie clinique en. décrit la symptomatologie; par une voie différente, IGNATIA en illustre une certaine forme :

     - anxiété aiguë,

     - sensation congestive de la tête avec extrémités glacées,

     - sensation de " boule à la gorge " , à point de départ épigastrique, avec impression de suffocation,

     - sensations de vide et de défaillance gastrique non améliorées en mangeant, aggravées

     en buvant, avec, parfois, impossibilité de déglutir,

     - tremblements, activité automatique ou agitation stérile,

     - explosions de cris, de larmes et de désespoir.

     Remède d' urgence, le plus tôt possible après une forte émotion, IGNATIA agit comme un régulateur à visée sympathicolytique et comme un sédatif thymique, dans des réactions nullement " névrotiques " et parfaitement légitimes.

     Mais son action n' est pas moins précieuse sur le second temps, rapide ou lointain, d' un choc émotionnel, et ses prolongements, répondant par son aspect de décompensation à l' indication notée dans toutes les matières médicales : " suite de chagrin concentré, de frayeur et de contrariétés " :

     - asthénie physique, rappelant celle d' ARNICA, dont l' indication peut parfois ici être discutée, mais généralement dans ce cas, un traumatisme physique est l' inducteur de la formation dépressive réactionnelle et l' incapacité est à la fois plus globale et moins liée à l' état psychique, laissant émerger, plus ou moins partiellement, l' espoir, l' intérêt et le désir d' agir.

     - tristesse et larmes silencieuses, non améliorées par la consolation, comme dans NATRUM MURIATICUM, mais alors que c' est un signe stable dans la symptomatologie de ce dernier remède, chez IGNATIA le contraire est toujours possible, sous une fouine directe ou travestie, puisqu' elle est " améliorée par la distraction ".

     - état véritablement dépressif, avec abattement, rumination taciturne, crises de désespoir pouvant aller jusqu' à l' impulsion suicidaire. Cela pourrait rappeler certaines modalités de PLATINA ou d' AURUM, ou, à la rigueur; de SEPIA, voire de PHOSPHORlC ACID, mais nous sommes ici dans un registre plus superficiel, moins structuré du domaine des formations réactionnelles. 

     indications de pratique courante :

     ce sont celles concernant de nombreux, ou plutôt de nombreuses, malades car, il, est vrai, la pathologie d' IGNATIA se rencontre plus souvent chez la femme que chez l' homme, bien que ce soit loin d' être exceptionnel mais avec une coloration généralement moins spectaculaire.

     D' autre part, il convient de ne pas oublier les indications d' IGNATIA chez l' enfant, lorsque les symptômes présentés par le petit malade sont semblables aux signes du remède, en particulier dans le " spasme du sanglot "

     En fait, nous prescrivons le plus souvent IGNATIA dans les troubles du caractère, de la thymie et du comportement non organisés en véritable maladie psychique - ce qui n' enlève rien de sa valeur ( mais alors avec des dilutions plus hautes et plus espacées en surveillant les réactions possibles ) dans la pathologie psychiatrique d' IGNATIA, qu' il s' agisse d' hystérie de conversion, ou plus rarement, d' hystérie d' angoisse.

     Les signes d' appel sont les suivants :

     a ) des troubles neuro-végétatifs, qui n' ont ni la fixité ni la dangereuse tendance à l' altération lésionnelle des troubles psychosomatiques, en particulier des manifestations paroxystiques dont il vaut de faire nettement mention car elles donnent peut-étre la clé de la place d' IGNATIA dans la succession psychogénétique des remèdes que nous avons essayé de faire, et de la manière dont peut se constituer cet aménagement réactionnel :

     - spasme gastro-oesophagien, la " boule à la gorge montant de l' estomac " , entraînant dysphagie, gêne respiratoire, parfois même difficulté à parler, survenant dans en présence d' une situation imprévue habituellement redoutée ou hors de tout élément exogène déclenchant, mais avec une évidente signification de peur, de refus, d' inhibition, renvoyant à un processus défensif de répression ( comparer avec ASA FOETIDA )

     - " crises de nerfs " , où alternent rires et larmes, cris et sanglots avec agitation désordonnée, soubresauts convulsifs, réactions hyperesthésiques et dolentes aux bruits, à la lumière, aux paroles encourageantes, pouvant aller jusqu' à l' évanouissement, le tout se terminant progressivement par des soupirs dolents, des bâillements, des larmes et... " une abondante émission d' urines aqueuses " ( DUPRAT ). Un mauvais contrôle sphinctérien peut faire, à la rigueur, croire à une crise comitiale. Il y a la d' intéressantes comparaisons avec MOSCHUS et VALERIANA,

     - certains cas de " spasmophilie " , sans que le moindre déficit calcique ou magnésien, la moindre élévation significative du métabolisme de base, vienne étayer biologiquement un diagnostic purement symptomatique, établi sur la notion de contractures affectant divers territoires : crampes ou myoclonies dans les bras et les jambes, douleurs Constrictives abdominales ( ombilicales, pelviennes, périnéales, dysménorrhées, tremblements, tressaillements convulsifs par le toucher, manifestations très proches de celles de CUPRUM METALLICUM.

     - Les maux de tête " comme si un clou était enfoncé " généralement au niveau des tempes, avec sensations de plénitude douloureuse du cerveau, parfois " pression crampoïde dans le front et l' occiput, avec obscurcissement de la vue, rougeur de la face et larmoiement " _

 

Modalités.

     b ) Les modalités caractéristiques ;

     - aggravation ( outre les émotions ) par :

     - le grand vent et le froid, , les odeurs violentes ( odeur de tabac ), , après les repas et par les excitants ( alcool, café, tabac )

     - amélioration par :

     . la chaleur,

     . la pression forte,

     . les changements ( de position et de situation ),

     . la distraction.

 

Psychisme.

     Le psychisme particulier d' IGNATIA :

     Il exprime, dans la sphère mentale, ce qu' il convient de retenir de ce remède pour la pratique psychopathologique :

     - l' anxiété et, souvent, l' anxiété sans " raison " apparente ou consciente, sentiment de malaise existentiel qui prend à la gorge, empêche que l' attention se fixe et l' intérêt se dérive sur une action détournant de soi-même, anxiété qui, en s' en différenciant, se rapproche de l' anxiété par anticipation ( CARCINOSINtIM ), par crainte imminente ( ACONIT ), par chagrin ( NATRUM MURIATICUM ), colère ( COLOCYNTHIS, NUX VOMICA ) par jalousie ( LACHESIS, HYOSCYAMUS ), par indignation ( STRAPHYSAGRIA ).

     - la disproportion fréquente entre le motif et l' effet, la cause réelle et les réactions observées : une contrariété futile déclenche une crise de nerfs impressionnante ou une angoisse laryngée intense avec tableau de pseudo détresse respiratoire - alors qu' au moins dans un premier temps, un choc émotionnel dramatique semble à peine affecter le sujet ou ne susciter que des réactions contradictoires avec la situation. 

     - le mode relationnel suggéré par la variabilité de la thymie, les réactions paradoxales et excessives : tristesse concentrée avec tannes et désir de solitude alternant avec certaines manifestations spectaculaires ne se produisant jamais qu' en présence d' un public, ayant donc valeur de démonstration et d' interpellation pour autrui.

     APPROCHE PSYCHOGÉNÉTIQUE :

     Les caractères somatiques et psychiques correspondant aux symptômes pathogénétiques d' IGNATIA peuvent évoquer le " comportement hystérique " , que ce soit incidemment, à titre de réaction épisodique ou de traits de caractère isolés sans en être l' élément essentiel, que ce soit à titre de mode réactionnel habituel auquel cas on peut parler de structure hystérique de conversion " ou même, en pathologie majeure, de névrose hystérique.

     Des observations sérieuses de pseudo-cécité, pseudo paralysies, pseudo-mutité, " résolues " par IGNATIA en très haute dilution, agissant comme " déchoquant - désinhibiteur peuvent être retrouvées dans toute la littérature homéopathique et dans nos fichiers.

     Effet " placebo " du remède ? action psychothérapique du médecin ? Ils existent, c' est évident, ruais pas plus et plutôt moins qu' en ce qui concerne " la piqûre " ou le praticien hospitalier chez ces malades suggestibles.

     Il n' en reste pas moins qu' il convient de ne pas, quand on l' obtient, se contenter d' un résultat aussi spectaculaire que le symptôme d' appel lui-même, qui risque donc d' être ultérieurement " récupéré " par le ( et surtout la ) malade, ouvrant la voie à un transfert " délicat "...

     Allant plus loin dans la psychogenèse de l' état IGNATIA, on est amené à le considérer comme l' expression d' une difficile recherche du contrôle pulsionnel, allant tantôt dans le sens d' une sur-adaptation excessive ( jusqu' à l' inhibition ), souvent " sur la corde raide " , à la limite de l' adaptation et ne se maintenant dans cette fragile instabilité que par le jeu de ses contradictions, tantôt s' effondrant brusquement dans la désadaptation, dans le sens où on dit : " ses nerfs ont craqué ".

     Dans le processus normal de maîtrise des instincts, substratum de la maturité, doit s' instaurer une marge d' équilibre entre les mécanismes défensifs du SUR-MOI - ( et du MOI ) - et le dynamisme libidinal ( pulsions du " Ça " ). Mais la nécessité, pour accepter le principe de réalité, de s' élever au contrôle des pulsions suppose leur acceptation préalable.

     C' est là, semble-t-il, que se situe la faille d' IGNATIA : quand, dans sa luxuriance fantasmatique, surgit, directe ou symbolisée, une image réactivant la dialectique oedipienne ( libido / castration ) l' affolement émotionnel peut entraîner deux types de réactions, bien conformes à la symptomatologie :

     - une réaction de débordement pulsionnel, de type " hystérique " au sens profane du terme, dans laquelle le déroulement de la " crise " , ses symptômes d' accompagnement et de résolution, le caractère ostentatoire, ( exposition... ) spectaculaire, la provocation érotique des attitudes, évoquent une " petite mort " , une extase orgastique aux confins de la syncope,

     - une réaction de refoulement pulsionnel avec inhibitions afin de nier ou de transposer ( " condensation, déplacement, symbolisation " - FREUD ) l' image génératrice de l' acte désiré mais inacceptable, et, pour " s' empêcher de... " : pseudo-cécité pour ne pas voir.., pseudo-paralysie pour ne pas faire.., pseudo-mutité pour ne pas dire... " mise hors d' état de nuire d' une partie du corps symbolisée " ( écrit BERGERET ) mais démonstration tout à la fois satisfaisante et punitive...

     En somme, à sa manière toujours un peu excessive, IGNATIA prend ( presque ) à la lettre la parole de l' Écriture : " Si ton oeil te scandalise, arrache-le... ".

 

 

Kalium Bromatum

 

Psychisme

     L' ANGOISSE

     DE KALI BROMATUM

     Pourquoi l' angoisse ? pourquoi pas, plutôt l' anxiété comme titre d' étude d' un remède assez rarement prescrit dans des états aigus ?

     Non pour tenter une périlleuse confusion de termes, alors que depuis BRISSAUD, en 1890, les conceptions sur l' angoisse et l' anxiété; jusqu' à la surabondante littérature psychiatrique et psychanalytique, se sont différenciées; multipliées et affrontées. Mais, dans une perspective à la fois familière et didactique, tout comme on parle de " l' angoisse de notre temps " , pour souligner la valeur majeure de KALI Br. dans des troubles graves de la sphère psychique ( domaine auquel se limite cette étude ) et le tirer ainsi, sinon d' un oubli, mais peut-être d' une négligence, ne rappelant que trop bien les pertes de mémoire et l' engourdissement qui dominent la pathogénésie mentale de ce remède...

     PLACE DE KALI BROMATUM

     Il est toujours imprudent de tenter des classifications, sinon à titre de repères commodes. Aussi, pour essayer de situer la place de KALI BR. parmi les nombreux remèdes homéopathiques de l' angoisse et des angoisses, peut-on envisager, en suivant au plus près les formes cliniques, des remèdes dont la symptomatologie est à dominante organique, des remèdes dont les modalités affectives sont l' expression spécifique, des remèdes où priment les aspects intellectuels.

     L' angoisse à dominante organique, c' est l' angoisse somatisée. Elle peut être plus ou moins latente ou survenir par crises paroxystiques, mais les phénomènes physiques sont l' essentiel du tableau clinique, avec une constance remarquable, boule à la gorge, étouffements, striction thoracique, torsion épigastrique, sont les plus fréquents ; mais de nombreux autres symptômes peuvent survenir intéressant les différentes fonctions : respiratoires, cardio-vasculaires, digestives, génito-urinaires. Ces phénomènes ( qu' il s' agisse de sueurs, de tremblements, de tachycardie, de rougissement du visage, de sensations lipothymiques, de spasmes laryngés ou intestinaux ) expriment l' angoisse par l' intermédiaire d' une dysrégulation émotive " qui peut être objectivée par un témoin précis et objectif : la douleur à la palpation profonde des vaisseaux iliaques primitifs. voire des vaisseaux jugulocarotidiens et plus rarement des vaisseaux périphériques. Ce signe quasi-constant dans l' angoisse témoigne de la composante végétative probable de ce phénomène ressenti subjectivement par le patient " ( cf. P. MARCHAIS : Les Processus Névrotiques p. 67 : de l' angoisse à l' anxiété ).

     Nous pensons à nos grands remèdes d' angoisse physique aigrie : ACONIT. CACTUS gr., LATRODECTUS, et aux remèdes des angoisses somatisées, que ce soit IGNATIA ARGENTUM NITR., GELSEMIUM, LACHESIS, ARSENICUM ALB, pour ne citer que ceux dont les indications sont les plus fréquentes.

     Quand l' angoisse est à dominante affective et caractérielle, il est bien clair que des symptômes physiques peuvent fort bien être présents. Mais ce ne sont pas eux, d' abord et surtout, dont se plaint le malade dans ce cas. Angoisse de l' abandonnisme affectif..., angoisse du mélancolique en proie à une intense culpabilisation, aux sentiments de réjection de soi-même..., angoisse de la solitude affective, qui peu à peu, par une sorte de réfraction à travers autrui devient sentiment d' hostilité ambiante..., angoisse du délirant qui se craint, qui se sent, qui se croit, qui se sait poursuivi, menacé par d' obscurs ennemis, des forces redoutables. Ce n' est pas seulement l' anxiété flottante, un sentiment pénible et douloureux, c' est bien l' angoisse, cet envahissement de toute la personnalité, avec ou sans larmes, repli douloureux sur soi, peur et désespoir étroitement mêlés, pouvant aller jusqu' à la fuite ultime qui est le suicide, dans un mouvement impulsif, même s' il a été prévu, tour à tour désiré et repoussé.

     A côté des remèdes précédemment cités, notamment LACHESIS, AURUM MÉTAL, le plus important et le plus précieux est certainement KALI BR., objet de ce travail, sans oublier PHOSPHORIC ACID, DROSERA, STRAMONIUM, mais aussi, pourquoi pas ? SILICEA, LYCOPODIUM et même PULSATILLA.

     Moins spectaculaire que l' angoisse somatisée, moins immédiatement pitoyable que l' angoisse affective, l' angoisse intellectuelle n' est ni moins intense, ni moins draina. tique. Essentiellement subjective, expérience individuelle, comparable mais incommunicable, angoisse existentielle ou angoisse métaphysique, elle peut être une étape utile et même nécessaire dans le progrès d' un esprit, le dépouillement d' une âme, à l' image de l' angoisse pascalienne. Mais quand elle n' est plus ni canalisée, ni contrôlée par les instances de la raison ou d' un recours spirituel, elle peut submerger les instincts vitaux et mener à une autodestruction qui n' est plus ici ni fuite, ni appel au secours, mais conclusion, signature au terme d' un bilan. AURUM, certes, LYCOPODIUM, PHOSPHORUS, si nous pouvons les donner à temps, prévoir les décompensations insidieuses, et les faire accepter, nous permettent, nous le croyons, d' éviter certains drames.

     L' originalité de KALI BR. dans ce tableau réside, me semble-t' il, dans son égale valeur comme remède des différentes formes d' angoisse, mais avec prédominance et caractère spécifique aux différents âges de la vie.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     KALI BROMATUM CHEZ L' ENFANT

     L' angoisse n' est pas directement verbalisée par l' enfant ; iI ne s' en plaint pas comme telle mais la manifeste indirectement au niveau de son corps. Plus tard, avec l' acquisition d' un langage élaboré et de schémas intellectuels il la traduit sous formes de peurs plus ou moins rationnelles ou symboliques.

     Deux signes classiques dominent l' angoisse infantile de KALI BR. : l' agitation des mains et les troubles du sommeil.

     Les gestes de torsion, mouvements spastiques des mains, étirement des doigts, sont quelques uns des effets spasmodiques du produit à dilution pondérale pré-toxique. Encore faut-il différencier ce comportement de celui de l' enfant aux mains toujours en action mais en action définie ( le petit SULFUR touche-à-tout ), de celui de l' agité et du remuant ( MEDORRHINUM ), de celui de l' enfant hyperkinétique ( AGARICUS ) ou du débile aux mouvements incoordonnés ( BUFO ).

     Le gestuel des enfants de KALI BR. est accompagné d' une expression du regard et du visage témoignant des sentiments anxieux caractéristiques de leur affectivité.

     Pour les psychanalystes, ces mouvements de crispation et d' étirement des doigts ont une signification précise : ils ne sont pas seulement une décharge somatique d' angoisse, ils expriment aussi une angoisse tactile qui renvoie à l' ambivalence de leurs sentiments vis-à-vis de leur propre corps : crainte et plaisir mêlés. Il n' est pas inutile au clinicien de le savoir et d' en avoir la confirmation éventuelle. Vous connaissez ces petits qu' on ne peut examiner nus sans qu' ils se livrent à des contorsions acrobatiques où le fou-rire se mêle aux larmes, où une panique irrépressible devant la toise. la balance. le stéthoscope, masque mal un étonnant désir de provocation. Ce sont des enfants anxieux pouvant avoir des troubles du sommeil, une excitabilité génitale précoce, pusillanimes dans des situations banales et d' une insensibilité particulière quand ils tombent ou se blessent, très émotifs et répugnant aux échanges affectueux.

     La conjonction de tels traits de comportement doit conduire à une investigation psychologique soigneuse, car elle peut indiquer le début d' une évolution psychotique.

     Les troubles du sommeil de KALI BR. prédominent aussi dans l' enfance : terreurs nocturnes et somnambulisme.

     Il est intéressant d' en souligner les différences de modalités avec STRAMONIUM, si fréquemment indiqué chez les jeunes enfants. Les terreurs nocturnes de STRAM. surviennent aux alentours de 23 h., très brusques, intenses, accompagnées de réactions violentes : faciès rouge, peau chaude, mouvements convulsifs des membres, paroles bafouillées. Le murmure de la voix maternelle, un changement de position donné à l' enfant, entraînent un demi-réveil, des soupirs, et la crise est terminée, ne laissant aucune espèce de souvenir.

     Les terreurs nocturnes de KALI BR. apparaissent plus tardivement, vers 2 h du matin : l' enfant crie et on le trouve contracté dans son lit. comme fasciné par une hallucination terrifiante ( " (  croit voir des démons " ) parfois glacé de peur mais inconscient. La crise peut s' accompagner d' énurésie et induire en erreur. d' autant que KALI BR, est considéré comme un remède de cette variété d' épilepsie dite " à structure morphéique ". Il y a bien oubli de la crise et de l' imagerie effrayante mais il peut persister un souvenir vague de " mauvais rêve " entraînant peur d' aller au lit, peur la nuit, peur d' être seul.

     Le somnambulisme, parfois objet de plaisanteries, est un symptôme qui, dépourvu de toute gravité par lui-même, ne doit jamais être sous-évalué, surtout s' il est fréquent et persistant. Il est signe de fragilité nerveuse sinon signe d' alarme : l' automatisme moteur peut précéder l' automatisme mental.

     KALI BROMATUM CHEZ L' ADOLESCENT ET ADULTE  JEUNE

     C' est à la période de remaniement biopsychologique de la personnalité. que KALI BR. développe au maximum sa symptomatologie psychique. A la vulnérabilité affective de l' adolescent correspondent des états d' angoisse accompagnant un syndrome psychique allant de la simple dépression irritable à l' asthénie intellectuelle majeure et. à la limite, jusqu' au tableau clinique le plus fidèle de l' héhéphrénocatatonie, telle qu' on pouvait encore l' observer, il y a 25 ans, avant la chimiothérapie psychiatrique.

     L' intoxication chronique par ce sel contenant près de 70% de brome pur constitue. en effet. une description saisissante de la maladie : " Le malade devient apathique, sa physionomie perd toute expression. l' élocution est difficile. les mots sont employés le, uns pour les autres. la mémoire s' affaiblit ainsi que la possibilité de concentration intellectuelle. Un état confusionnel souvent. de la fabulation parfois. sont mentionné, dans les observations. Certains sujets sont, au contraire, agités. inquiets. accusent des, hallucinations visuelles et auditives. se montrent agressifs. Ainsi se trouvent réalisés des, états de psychose, paranoïde le plus communément. qui peuvent au premier abord, en imposer pour des troubles mentaux justifiant l' internement. Les extrémités sont animées de tremblements. les réflexes tendineux faibles, les pupilles paresseuses. L' association de ces symptômes à la dysarthrie et aux troubles psychiques fait comprendre l' expression de " pseudo-paralysie générale bromique ". La marche, simplement hésitante, ou. plus souvent ataxique, se fait jambes écartées pour remédier au déséquilibre. ( MAZEL. et BOURRET in E.M.C.. INTOXICATIONS1'.1. 16023. A ).

     Effectivement : " Syndrome d' asthénie intellectuelle avec tendance aux délires, Chroniques ". dit la Matière Médicale. avec lenteur de l' idéation. perte de la mémoire, de l' initiative et de tout intérêt actif. troubles de l' élocution et. plus tardivement, trouble de l' élaboration des idées. hallucinations et interprétations délirantes avec parfois thème mystique ( " se croit un démon " ), puis indifférence progressive au monde extérieur.. asthénie, analgésie particulières. pseudo-pararalysies sensorielle: " les yeux, ne voient plus, les oreilles n' entendent plus, la langue ne goûte plus: expression d' hébétude d' abord, devenant celle de l' imbécillité puis de l' idiotie... Accès de délire mélancolique incontrôlable.., se croit choisi pour être l' objet d' une vengeance divine ce qui l' épouvante... ".

     Le " délire démoniaque " , entretenu par des sentiments de culpabilité dus, notamment, à l' éréthisme sexuel, n' est pas une curiosité de Matière Médicale et, j' ai un jour examiné un jeune schizophrène qui. à différentes modalités de KALI BR.. ajoutait celle d' être tourmenté par la peur... d' être l' Antéchrist.

     Quant au symptôme : " impulsions suicidaires pour échapper à un danger imaginaire " ( DUPRAT. il n' est pas non plus, hélas. théorique. et il faut garder à l' esprit qu' en dehors de la période d' angoisse aiguë, un raptus tragique peut toujours se produire à l' occasion d' une brève décompensation alors qu' après 2, 3 ou même 4 ans. une récupération intellectuelle honorable et une réintégration sociale correcte pouvaient laisser espérer une évolution favorable...

     Il n' en reste pas moins que KALI BR. permet de véritables et durables stabilisations dans des troubles psychiques de l' adolescence. que la puissance d' action bien connue de PHOSPHORUS, dans ce domaine. ne doit pas faire oublier. Certes, ni l' un ni l' autre ne modifie une structure de base, névrotique ou à plus forte raison psychotique, mais la thérapeutique du semblable peut restaurer un " aménagement-limite ". évitant si les conditions de vie ne sont pas trop agressantes, une décompensation psychotique irréversible.

     Enfin. KALI BR. trouve son indication dans certaines " névroses d' angoisse " de l' adulte que  caractérisent : asthénie intellectuelle intense, lenteur du cours de la pensée, angoisses nocturnes, émotivité puérile, immaturité affective, impuissance sexuelle ou homosexualité.

     KALI BROMATUM DANS LA SÉNESCENCE

     On néglige peut-étre de l' utiliser, on est tenté chez le vieillard à la symptomatologie réduite ou atténuée de penser plus volontiers à SILICEA, LYCOPODIUM, aux dérivés d' ARSENICUM, mais est-ce la faute du médecin ou d' un malade qui se fait si discret qu' on en vient à l' oublier ?

     On retrouve à cet âge chez KALI BROM., certaines des modalités de l' enfance, en particulier l' agitation incessante des mains, accrue par la maladresse, le manque de coordination et l' inquiétude : le malade touche sans cesse ses vêtements, tâte poche et boutons, tapote les bras du fauteuil, frotte la crosse ou le pommeau de sa canne ; la vieille dame ouvre et ferme sans cesse son sac, à la recherche d' un objet... mais elle serait bien en peine de dire lequel !

     Les troubles laryngés, spasme ou engouement, la faiblesse vocale, ne sont pas seulement le fait de l' âge, mais d' un état justiciable de KALI BR.

     Quant aux modalités de la sphère psychique et tout particulièrement l' angoisse, elles sont bien présentes : " engourdissement cérébral, lenteur et torpeur mentale, perte de la mémoire, affaiblissement de l' intelligence et conscience douloureuse de la diminution de ses facultés " sont des symptômes expérimentaux ( ALLEN ). Leur correspondance clinique dans la sénescence est une des formes de la cérébro-sclérose par insuffisance circulatoire et hypo-oxygénation cellulaire. Remède d' anémie cérébrale ( qu' il provoque à dose toxique ), KALI BR. peut être d' un grand secours dans de telles indications, ce qui n' empêchera pas de donner aussi, en basse dilution VINCA MINOR pour son action mnémo-stimulante que l' allopathie n' a eu garde de négliger.

     Mais KALI BR. peut aussi soulager la détresse devant son destin d' un malade lassé, usé, affaibli, qui parfois pleure et se lamente, d' autres fois insensible, absent, indifférent, peut être aussi tenté de hâter les choses, de mettre un terme à une histoire qui finit dans la tristesse, la solitude et la peur, car il a peur de tout, peur des choses familières qu' il reconnaît mal, peur des personnes de son entourage ( " il croit que sa vie est menacée par les membres de sa famille, qu' il est poursuivi, qu' il est empoisonné " ( TYLER ) d' autant qu' une lente paralysie avec hypo-réflexie le gagne par progression ascendante...

     Remède de désespoir, de délire de préjudice ( si fréquent chez le vieillard qui se sent rejeté, inutile, inadapté ), KALI BR. peut enfin apaiser la terreur humaine la plus indicible exprimée par la définition de HEIDEGGER : " L' angoisse est la disposition fondamentale qui nous place face au néant ".

 

Cas.

     Roger F...19 ans, a été un enfant doux et timide, sujet aux insomnies et aux maux de tête aggravés par le travail intellectuel. Depuis 18 mois il a du interrompre Ses études : incapacité de se concentrer, d' écouter, d' apprendre, perte de mémoire, indifférence, désintérêt pour Ses activités antérieures. Cet adolescent au teint pâle mais au visage couvert d' acné, comme le sont son dos et ses épaules, se présente avec. une attitude accablée, une expression triste et lointaine. Le regard morne, sous des paupières lourdes " il a le regard mort " , dit sa mère, son comportement est d' abord indifférent, absent. puis il se lève brusquement, traverse le bureau, saisit quelques objets qu' il déplace nerveusement, se rassied et redevient passif.

     La parole est chuchotée, à peine articulée, les réponses sont longuement différées : il y a des phénomènes de barrage et de fading, avec expression d' angoisse si grande de détresse telle que, malgré le désir de faire exprimer au malade ses craintes pour mieux le comprendre et l' aider, on ose à peine insister encore. Enfin il murmure difficilement qu' il est doué d' un pouvoir maléfique, que sa pensée est empoisonnée, contaminée. Toute la réalité ambiante a perdu son relief  et sa couleur, il n éprouve plus aucune envie de vivre:  il se sent détruit et glacé.

 

 

Lachesis

 

Généralités.

     RADIOSCOPIE DE LACHESIS

     C' est pour tenter de " voir à travers " la personnalité de LACHESIS qu' a été écrit cet essai. Peut-étre aussi dans le désir personnel d' essayer de prendre distance avec l' énorme bibliographie que la psychologie et la psycho-pathologie attachée à ce remède ont suscitée chez les Homéopathes, depuis l' expérimentation par HERING du venin d' un ophidien, le LACHESIS TRIGONOCEPHALUS, serpent d' Amérique du Sud.

     Afin de ne pas se laisser tenter par des interprétations trop " fantasmatiques " , trop littéraires voire même anthroposophiques qui ne sont pas nécessairement dépourvues d' intérêt, artistique ou spéculatif, mais sont d' un autre domaine que celui de la Médecine, il convient de faire un rappel schématique de la physiopathologie de ce venin.

     C' est sur cette base expérimentale et reproductible, que des biologistes homéopathes continuent à étudier scientifiquement avec les moyens actuels de la Recherche, qu' a pu être reconnue et définie une symptomatologie spécifique de LACHESIS.

     L' action générale de ce venin, comme celle de la plupart des substances animales de même genre est celle d' une intoxication en deux temps.

     l ) augmentation de la pression de la coagulabilité du sang, avec tachycardie, bouffées vasomotrices, battements artériels, symptômes congestifs, cérébraux et cardiaques, en particulier, en rapport avec le premier stade d' invasion ou une intoxication massive pouvant se terminer brutalement par un accident thromboembolique aigu.

     Secondairement et plus longtemps, phase de ralentissement circulatoire et d' hypocoagulabilité, entraînant des hémorragies passives ( que ce soit écoulement, suffusions sanguines ou taches ecchymotiques ) et soulageant l' hyperpression brutale de la première période mais avec l' apparition de troubles lésionnels ;

     2 ) action diphasique comparable sur le système nerveux central et, par l' intermédiaire des médiateurs chimiques, sur le couple sympathique-parasympathique :

     - dans un premier temps, l' action toxique propre au poison s' ajoutant à l' hyperhémie cérébrale et bulbaire est responsable de phénomènes d' hyperexcitabilité psychique et neurologique, violents et spasmodiques, au niveau central comme au niveau des extrémités : hyper-réflexie, contractures, mouvements convulsifs déclenchés par le moindre attouchement;

     - dans un second temps apparaissent les symptômes d' atteinte dépressive des fonctions bulbaires : bradycardie avec possibilité de syncopes, irrégularité et ralentissement respiratoire, dyspnée suffocante, menace de paralysie mortelle du pneumogastrique.

     - Enfin on retiendra l' action moins immédiatement dramatique de LACHESIS sur les tissus internes et de revêtement en particulier sa tendance ulcérative et gangréneuse, sans doute en rapport avec " la glycosurie toxique que déjà les Grecs avaient observée à la suite de la morsure de la vipère dipsade, " ( LATHOUD, t. Il p. 73J ), ce qui peut faire de ce remède un de ceux du diabète.

     Un tel schéma rappelle, évidemment, ce qui vient d' être dit d' IGNATIA mais on a, ici, affaire à un vécu beaucoup plus aigu, beaucoup plus intense.

     Par ailleurs, malgré les crises manifestes, le versant dépressif domine chez IGNATIA, alors que le versant sthénique marque de façon pathognomonique la personnalité de LACHESIS.

     D' autre part, on peut aussi avoir à faire un diagnostic différentiel avec l' aspect voyant et caricatural de PLATINA, mari chez celle-ci la complaisance à l' égard de soi-même et la quête constante de louanges et d' adulation ( reliquats d' une fixation phallique narcissique mal résolue ), confèrent à la personnalité une tonalité " froide " , très différente de la chaleur passionnelle de LACHESIS, donnant le sentiment d' une conviction souvent naïve et déraisonnable, mais sincère.

 

Psychisme.

     MODE DE FONCTIONNEMENT MENTAL DE LACHESIS

     Adaptation à la réalité :

     a ) LACHESIS, dans son mode habituel de comportement est active mais agitée, hâtive et inquiète, elle ne suffit pas à sa tâche ce qui l' amène à requérir, sinon à réquisitionner, la participation d' autrui et à s' irriter et se scandaliser quand celle-ci se dérobe. Elle mesure donc mal ses capacités en fonction de l' importance de son projet.

     Il existe, en effet, un manque de coordination entre la rapidité, souvent désordonnée de ses représentations idéatives et la lenteur de ses réalisations, d' où ses maladresses gestuelles par mauvaise appréciation sensorielle, ses oublis que ce soit dans les activités pratiques ou dans le domaine intellectuel.

     Commençant tout et ne finissant rien par " nécessité " de passer à une autre occupation ressentie comme urgente, elle se livre à une poursuite conjointe du temps et du désir de bien faire se soldant par un double échec, dont la signification d' inadaptation au réel est évidente.

     b ) LACHESIS parle, parle énormément. Sa logorrhée est célèbre. C' est le remède le plus bavard de la MATIERE MÉDICALE, devant VERATRUM ALBUM, HYOSCYAMUS et ACTEA RACEMOSA. Non seulement elle déverse des " torrents " de paroles mais ce qu' elle dit, dans la forme et dans le contenu, est marqué d' excès : hyperverbalisme et hyperbolisation du discours. C' est la malade qui décrit ses maux à grand renfort de superlatifs ajoutant des commentaires sans fin à un exposé déjà surabondant, entrecoupé de soupirs, d' agitation et de remue-ménage divers... celle dont les maux de tête pressifs sont toujours " épouvantables " , les douleurs ( évoluant classiquement de gauche à droite ) " atroces " , les bouffées de chaleur " terribles " , et qui, parlant de ses insomnies déclare " ne pas avoir dormi depuis six mois " quand ce n' est pas plusieurs années...

     c ) La déformation du réel est patente mais on sent bien que LACHESIS " y croît " , sûre, du reste, que son état est tout à fait exceptionnel, donc désireuse de bien s' expliquer et de convaincre. Elle ne travestit pas la vérité pour s' en faire un piédestal comme PLATINA dont la mythomanie est au service de l' image du Moi ( et non du SURMOI ) idéalisé et idolâtré ; elle exprime, par la parole, l' hyperesthésie intolérante dont elle est affligée dans son corps et l' intensité de sa fantasmatique, mais, comme au niveau de l' activité, en manifestant une impossibilité à s' insérer dans la réalité et à la vivre autre. ment que dans une relation dramatisée.

     Thymie:

     L' instabilité de humeur de LACHESIS et les avatars de ses comportements relationnels sont un des aspects classiques de sa pathogénésie.

     Si l' observation la plus superficielle montre sa difficulté à s' adapter à la réalité sans avoir " besoin " de la déformer, l' importance de l' angoisse, ressort pleinement de l' étude de ses réactions émotionnelles et caractérielles.

     La symptomatologie de l' angoisse aiguë de LACHESIS est à la fois concrète et symbolique

     - sensation d' étouffement, de suffocation,

     - ne supporte aucun vêtement serré au cou, autour de la poitrine ou de la taille, ni col, ni cravate, ni ceinture,

     - a besoin d' air et d' agitation ; en pleine crise peut vouloir fuir ( même en sautant par la fenêtre ) quand ses trop vives représentations mentales s' ajoutant à son hyperesthésie sont projetées en interprétation délirante avec ou sans hallucinations.

     Mais elle n' a jamais les réactions d' inhibition ou de sidération qu' on rencontre chez IGNATIA ( sauf en cas d' accident vasculaire cérébral mais avec une toute autre allure et un tout autre pronostic ).

     - sujette aux impulsions gestuelles ( sur les objets et personnes ) et verbales, elle peut manifester une intense agressivité dont la plus simple analyse montre la nature réactionnelle de défense.

     Même dans les moments de calme ou dans les périodes dépressive, l' angoisse de LACHESIS reste " tapie " ( comme le serpent sous la pierre ); prête à jaillir et à mordre dès qu' un stimulus spécifique vient l' éveiller, qu' il soit interne ou exogène sous forme d' une anxiété latente.

     Sa pathogénésie indique l' aggravation de l' état anxieux au réveil et au moment de s' endormir :

     LACHESIS livre ainsi le sens de son angoisse qui doit être comprise comme une mobilisation émotionnelle défensive contre ses pulsions inconscientes et en particulier ses pulsions sexuelles.

     Ce n' est pas, à notre tour, déformer la vérité que de le dire, car toute la symptomatologie de LACHESIS corrobore cette signification : on a parlé de l' excessivité du discours, dont l' érotisation est à peine masquée, du comportement exagérément " interpellant " par la parole, les attitudes et les gestes. Mais il faut se souvenir aussi que LACHESIS, avec son aggravation par tout ce qui entrave son corps, son amélioration " par un écoulement " ( en particulier par le flux menstruel qui soulage l' état vasculaire congestif mais aussi la pesanteur pelvienne ) exprime à sa manière la lutte qu' elle poursuit contre elle-même.

     C' est un caractère fortement émotif et refoulé, comme en témoigne un de ses Keynote : la sensation de gorge serrée, de constriction du cou.

     A la " montée " de ses désirs ( de séduction, de succès, d' autorité ), à la pulsion de sa libido, LACHESIS ( par impossibilité matérielle de réalisation ou parce que son SUR. MOI l' exige ) oppose un tel refus de laisser envahir son conscient, un tel barrage, qu' au niveau du plus représentatif " goulot d' étranglement " , effectivement, elle suffoque...

     La voilà prise entre la tentation de s' abandonner à l' afflux déferlant de son tumulte émotionnel et l' obligation de veiller à ce que les contrôles conscients ne se relâchent pas. C' est, très exactement, le conflit entre le " SUR MOI " et le " Ça " , nous sommes en pleine économie hystérique.

     Il est donc normal qu' à l' approche de la nuit elle soit assaillie de crainte. Elle rationalisera cet état en se plaignant tantôt de peur de ne pas dormir, tantôt de ses rêves effrayants.  

     LACHESIS, ( nous l' avons tous vérifié chez nos malades femmes dans la période prémenstruelle ) rêve, ( comme NAJA et LAC CANINUM ) de serpents... Or on connaît assez la signification donnée au symbolisme du serpent. " Le serpent " , écrit ERNEST JONES, qui établit le premier recensement des idées symbolisées, " constitue un des symboles les plus constants du phallus et de la sexualité qui découle en partie des expériences et des idées s' y rapportant. ".

     D' après l' école représentée par JUNG et SILBEREK, un serpent symbolisât dans le rêve l' idée  abstraite de la sexualité plutôt que l' idée concrète du phallus, tandis que, dans l' école psychanalytique l' image d' un serpent symbolise seulement le phallus tout en étant généralement associé à l' idée abstraite de sexualité.

     Quoi qu' il en soit, l' approche psychothérapique de LACHESIS, qui se livre avec tant de surabondance la plupart du temps, peut tout de même apporter non pas des certitudes mais d' intéressantes constatations. La relation entre angoisse et mort y prend une toute autre résonance que celle observée chez ACONIT. A la terreur glacée de l' un, s' oppose l' acmé congestive de l' autre... Derrière une apparence comparable, ce n' est plus la peur d' être agressée qui se dévoile mais le désir de l' être... Toute l' accumulation laborieuse des peurs de LACHESIS prend alors valeur de mécanismes de défense... car on n' a jamais peur que de soi-même...

     Quand, rêvant de " mort " et de " serpents " , ( ou de ce qu' à l' état de veille elle se remémorera sous ces vocables ) LACHESIS s' éveille en pleine bouffée vasomotrice, coeur et tempes battants, moite, rejetant ses couvertures, de quoi a-t-elle peur ? Peur de la mort, dont on a dit qu' elle est " le paroxysme de la vie " ( DACO ) ou peur - ( et ) - désir du paroxysme orgastique, des fantasmes érotiques, des pulsions sexuelles, échappés en rêve à la vigilance de la censure, gardien de nuit parfois négligent...

     Culpabilité et besoin d' autopunition s' en suivent, partiellement bloqués par le refus de se reconnaître à la source de " ça " , d' où le renvoi ( la projection ) vers autrui de l' agressivité ( despotisme, autoritarisme brouillon et inquiet ), enfin, en bonne " logique de l' in conscient " , attribution à l' autre des maléfiques influences.

     Ainsi peut se structurer et se clore un système délirant où des thèmes de persécution et de jalousie visent à éliminer du conscient tout souvenir voué à la répression. Et, de la connaissance de ses mécanismes, doit résulter une grande prudence dans le maniement du simillimum du symptôme...

     L' angoisse du réveil signe en même temps la nostalgie de l' abandon ( coupable mais involontaire ) à, des fantasmes refoulés et le morne ennui à reprendre le fardeau de la réalité quotidienne.

     Dans sa phase asthénique, la malade traîne cet état toute la matinée - mais dans sa forme compensée, de difficile équilibre, le fuit Dans l' agitation inquiète et brouillonne et l' exaltation des sentiments à l' égard de l' entourage qui, s' il ne se montre pas réceptif, éveille l' humeur méfiante et soupçonneuse.

     Ainsi, par ses modalités, LACHESIS donne une représentation en même temps vivante ( puisque d' origine " clinique " et d' application " clinique " ) et symbolique de l' hystéro-phobie d' angoisse, avec ces caractères bien particuliers :

     - variabilité de la distance relationnelle : pour LACHESIS dans sa forme la plus représentative, pas de milieu, c' est l' amour le plus envahissant ou la haine jalouse ;

     - évitements et déplacements dans le comportement extérieur : la constriction laryngée et la claustrophobie de LACHESIS, renvoient à la symbolique sexuelle des lieux clos et du refoulement ;

     - latence érotique mal déguisée par la recherche de justifications gratifiantes, de protestations morales, de motivations altruistes.

     La faille de la personnalité LACHESIS se situe ( comme pour IGNATIA ) au niveau d' une intégration de la sexualité imparfaitement réussie dans la plupart des cas, plus ou moins masquée par des circonstances existentielles qui ont permis un aménagement non exempt d' incidents psychiques et, surtout, en grand danger de décompensation lorsque se conjuguent causalité physique et causalité psychique, ainsi qu' il en est au " climatére " _

     Mais, pour d' autres personnalités, l' échec de l' investissement libidinal a été si profond qu' il peut évoluer vers une véritable structure pathologique.

 

Clinique.

     INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DE LACHESIS

     Il n' y a pas, en Homéopathie, de remède de maladie mais l' expérience montre, par la

     similitude symptomatique et l' habituelle efficacité thérapeutique, que certains remèdes correspondent avec une fréquence significative, à telle ou telle entité nosologique.

     Pratiquement, on retiendra donc, dans le domaine de la pathologie psychique, pour prescrire LACHESIS, à trois niveaux de gravité et en schématisant :

     - le " syndrome psychique " de la ménopause,

     - une certaine organisation caractérielle morbide,

     - certains délires.

     Le " syndrome psychique " de la ménopause

     LACHESIS a fini, ce qui est peut-étre le comble de son infortune, par devenir le portrait-robot, caricatural, de la " grosse dame " sur le déclin, contre-image et contrefaçon assez monstrueuse de féminité, ridicule pour cesser d' effrayer, obèse et moustachue, le visage cyanotique ou ruisselant de sueur sous l' effet des " bouffées de chaleur " , d' une loquacité exceptionnelle, flanquée d' un " homoncule " conjugal... On en a fait le type même de la ferrure à la ménopause, " Mme LACHESIS, application anthropomorphique assez excessive de ce que l' intuition géniale d' Hahneman a créé et appelé " Arznei Mittel Bilden " , les images de remèdes, en personnalisant ceux-ci.

     Il faut, ici, relire dans " Aspects de l' homéopathie " ce qu' a écrit le Dr LEFORT sur LACHESIS, non seulement sa " leçon clinique " mais ses commentaires : " On dit que toutes les femmes sont, à la ménopause, LACHESIS. C' est faire preuve d' une grande légèreté et d' une connaissance bien superficielle de sa Matière Médicale. Il faut se souvenir, dans ce cas, que LACHESIS, - comme beaucoup de médicaments mais plus encore que les autres, - à la fois un remède de fond pour certaines et un remède de circonstance pour d' autres... Distinguons, pour résumer, qu' il y a un " tempérament " LACHESIS et que, par ailleurs, il y a un " moment " LACHESIS. Ce moment, c' est la ménopause ". ( E. LEFORT, op. cit. ).

     Il n' est pas besoin de souligner davantage la correspondance entre une symptomatologie  climatérique d' une extrême fréquence et celle de LACHESIS, qui exerce une action non seulement sédative mais bien réellement curative :

     _ au niveau des troubles de pléthore sanguine, sur l' hyper-coagulabilité et l' hypertension artérielle menaçante par son action dépressive :

          _ directement sur les phénomènes vasomoteurs,

          _ indirectement sur l' emballement hypophysaire en régularisant l' hyperhémie cérébrale,

     - au niveau des troubles psychiques : pour lesquels son efficacité n' est plus à démontrer.

     Compte tenu de l' état vasculaire, toujours soigneusement Inventorié ( T. A., taux de prothrombine, taux de résistance à l' héparine, entre autres examens biologiques ), afin de ne pas provoquer une si forte réaction - et une telle levée d' inhibition - qu' en retour l' hyper-contrôle n' amène une hémorragie, ( cérébrale en particulier ), les dilutions moyennes ( 15 CH ), sont les plus utiles, la fréquence de leur répétition étant à ajuster à la courbe d' amélioration de la malade.

     Par ailleurs, le mode d' action propre au remède homéopathique n' étant pas de refuser le symptôme, ce qui ne ferait que renforcer le refoulement, donc, en somme, de le bâillonner pour le faire taire ( entreprise particulièrement difficile avec LACHESIS ! ) mais de l' utiliser pour le régulariser en faisant réintégrer son lit à ce flot envahissant, procure, consciemment et inconsciemment, à la malade le sentiment d' une compréhension et d' une réconciliation de sa personne, physique et mentale, et s' accorde harmonieusement à l' aide psychothérapique.

     Une organisation caractérielle morbide :

     La pathogénésie restant notre guide, il n' est que de regrouper les symptômes mentaux les plus marqués de LACHESIS pour en composer le tableau : il existe ici une majoration de certains traits électifs, apparemment plus dégagés de leur substratum organique, conférant à la personnalité une identité particulière et reconnaissable :

     L' émotivité, vive mais hypercontrôlée donne l' apparence d' une froideur rigide,   rappelant celle de PLATINA dont, nous savons qu' elle éclôt et se fixe plus ou moins profondément au même niveau évolutif que LACHESIS. Mais il y a ici, moins de narcissisme évident et plus d' investissement passionnel sur son objet souvent représentatif mais qui n' est pas immédiatement le MOI.

     Toute la dynamique psychique est mise à ce service, avec l' excès et les dangers que cela comporte, car il s' agit pour LACHESIS d' investir, au sens le plus étymologique et même militaire du terme, c' est-à-dire " prendre possession en cernant de toutes parts pour empêcher toute sortie et toute communication " ( LITTRE ).

     Cela peut concerner la carrière d' un fils, qu' elle " prend en train " , plus souvent que celle d' un époux, car LACHESIS, pour mieux résoudre son conflit pulsionnel, tend à rejeter sa propre féminité et à prendre elle-même en charge la virilité qu' elle refuse ou détruit chez l' homme, illustrant une forme connue de " protestation virile ".

     Il peut s' agir d' une passion idéaliste, ( socio-politique, par exemple ), avec la possibilité d' exprimer et d' expulser ses " ardeurs " sous couvert de générosité et de désintéressement.

     Il peut s' agir d' une passion amoureuse où l' exaltation de l' imagination et des sentiments tient encore plus de place que l' excitation sensuelle mais au point que la déformation du réel, précédemment soulignée comme caractéristique de LACHESIS, risque de la conduire à la certitude de la réciprocité amoureuse, c' est-à-dire à l' érotomanie...

     On ne saura jamais le nombre réel de femmes ( souvent seules, il est vrai ) qui entretiennent plus ou moins clairement la réconfortante illusion d' une tendre complicité avec tel ou tel présentateur ou acteur de la Télévision, exprimée par la voix, le regard et les gestes...

     Tant que, même contre toute logique, l' assurance de LACHESIS n' est contredite ni par les faits ni par l' objet lui-même, ce n' est pas trop grave...

     Mais nous savons son intolérance à la contradiction et à la rivalité, qui mettent en danger la périlleuse édification de son MOI. Aussi quand " l' objet investi " se dérobe à l' emprise possessive et réifiante, la repousse et, un degré de plus, lui préfère une autre ( a fortiori de même sexe, jeune et jolie ) la méfiance s' éveille, la jalousie se déchaîne, les conduites agressives et persécutives se multiplient.

     Cela peut être une " névrose actuelle " , crise passionnelle évoluant, bien entendu, sur une organisation mentale du type ici décrit, mais seule défaillance d' une personnalité habituellement bien contrôlée, qu' un traumatisme émotionnel a brusquement " révélé " , à elle-même sinon à un entourage depuis longtemps mis en garde par une " aura " étouffante. Car LACHESIS ne fait pas que " s' étouffer " , elle étouffe autrui...

     Sur une structure plus profonde, cela peut aller vers la destruction de " l' objet " ou " des objets " ( familiaux en particulier ), meurtre symbolique, plus ou moins volontaire, dont LACHESIS se cache à elle-même les possibles et dramatiques conséquences, entreprise sournoise d' une personnalité vindicative à mi-chemin de la déception de PLATINA et de la méchanceté perverse, non parfois sans une potentialité homosexuelle latente... Tuer ce qu' on ne peut pas ou plus posséder... Donner l' amour ou la haine...

     Les crimes passionnels féminins sont le fait de personnalité de ce genre... ce qui n' exclut nullement que, de dépit, " retournant le glaive contre elle-même " , LACHESIS ne puisse céder à une impulsion suicidaire.

     Certains délires :

     Si, se reportant toujours à la Matière Médicale et à l' enseignement de la clinique on regroupe des symptômes tels que :

     - hyperémotivité et violence réactionnelle,

     - déformation passionnelle de la réalité et tendance au remaniement de la vérité,

     - méfiance et jalousie,

     - refoulement des pulsions,

     on est en présence des éléments constitutifs d' un délire d' interprétation, de jalousie ou de persécution.

     Ajoutons-y l' hyperesthésie au toucher et surtout aux bruits, d' où les informations sensorielles erronées qui peuvent en résulter, et les conditions d' un délire hallucinatoire se trouvent réunies dans le sens des délires de structure fantastique ( EY et PUJOL ).

     LACHESIS peut avoir une utilité éprouvée dans de tels états ( à condition qu' ils répondent à sa symptomatologie ), qu' il s' agisse d' un sub-délire annonciateur d' un accident vasculaire cérébral, d' un délire subaigu, dans un contexte pseudo-maniaque mais que la sensation de striction du cou avec pieds glacés, l' intense claustrophobie, la loquacité incohérente laissant filtrer des idées de jalousie, permettent d' identifier, ou d' un délire aigu ( cf H. BERNARD, cité par E. LEFORT, ouvrage cité p. 97 ).

     L' expérience apprend la fréquence de l' alcoolisme comme genèse d' un délire de jalousie, comme révélateur d' une structure caractérielle morbide ou comme moyen de fuite et de dénégation d' un vécu impossible à assumer.

     STRAMONIUM est généralement le remède " simillimum " du " delirium tremens " , donnant ainsi confirmation de l' interprétation de la thèse de LASSEGUE, écrivant en J881 : " le délire alcoolique n' est pas un délire mais un rêve " - et de l' interprétation électro-encéphalo-graphique de son onirisme : cauchemar et non délire, puisque STRAMONIUM illustre presque parfaitement dans sa pathogénésie l' accès de terreur nocturne ou la crise de cauchemars. Mais LACHESIS est d' une remarquable efficacité ( en très haute dilution en particulier  ) et on n' en sera pas étonné au terme de cette étude, dans une pathologie de fréquence croissante : l' alcoolisme féminin de la cinquantaine.

 

 

Lycopodium

 

Introduction.

     Décrire un psychotype ayant une certaine constance, en suivre l' évolution et les variétés à travers les étapes de la maturation psychologique, peut apparaître comme une entreprise chimérique, voire indéfendable.

     Mais rapporter cette description aux effets produits par des dilutions infinitésimales et dynamisées de la poudre dite inerte du " Lycopodium clavatum " ou " pied-de-loup " , serait encore plus étrange et suspect s' il n' y avait, d' une part, la caution des devanciers :

     les expérimentations de HAHNEMANN, les travaux de KENT,

     les études cliniques de GAILHARD et de MOUEZY-EON, les matières médicales de DUPRAT, de LATHOUD, etc...

     d' autre part la preuve la plus réconfortante : la sanction de l' efficacité thérapeutique.

     Il convient également, ici, de citer parmi les travaux modernes : l' étude psychologique exhaustive de Claude MOURLAN ( t ) : " LYCOPODIUM " ( 1952 ), reproduite dans les ANNALES HOMÉOPATHIQUES FRANÇAISES ( 1974. No. 8 ), dans un fascicule consacré à " ce grand polychreste " , où on peut aussi trouver : LYCOPODIUM, esquisse d' un portrait " , de Pierre JOLY, - " LYCOPODIUM et l' enfant " , de Françoise GARANTO,. " LYCOPODIUM, étude comparative des difficultés scolaires " , de Claire GAGNAIRE.

 

Généralités.

     DE L' ENFANCE A L' ADOLESCENCE :

     Parce qu' il est beaucoup moins courant que le type CALCAREA CARBONICA ou que le type SULFUR, le bébé de LYCOPODIUM retient l' attention de l' observateur : c' est un petit enfant qui a ceci de particulier que son développement psychique prend généralement très vite le pas sur son développement physique.

     Alors que les poupons blonds et roses, dodus et joufflus, font l' orgueil de leurs mères, celles de ces petits, d' aspect chétif à la peau sèche, au teint blafard, essaient, à grand renfort de bains moussants et d' eau de Cologne, de leur donner une apparence un peu plus plaisante... Ce qui frappe chez ces nourrissons : dans un visage grave, deux yeux sombres au regard vif et pénétrant.

     Le pédo-psychologue n' a guère l' occasion de l' examiner avant sa première année, mais s' il interroge les parents, il apprendra que la personnalité de cet enfant s' est manifestée précocement. Contrairement à la majorité des bébés chez lesquels ne se dégagent que peu à peu des traits psychologiques dont beaucoup disparaîtront ou se modifieront par la suite, le petit LYCOPODIUM adopte très tôt des modes réactionnels qui seront les siens toute sa vie.

     Nous voyons en cela un des caractères spécifiques de ce psychotype, et, peut-être, est-ce une des raisons pour lesquelles ce petit enfant donne l' impression, partout mentionnée, qu' il fait " plus vieux que son âge ". Ce n' est pas qu' il ressemble tellement à l' enfant ARGENTUM NITRICUM qui est un petit malade amaigri, ridé, au faciès douloureux - c' est surtout son expression " sérieuse " qui lui confère cet aspect.

     En effet, l' intelligence s' éveillant tôt, l' enfant LYCOPODIUM reconnaît de bonne heure un entourage dont il apprend à se différencier et montre, par conséquent, une réserve parfois méfiante envers les figures étrangères. A l' approcher, on se rend bien compte, effectivement, que ce n' est pas le " bébé-rit-toujours " , qu' on se passe de main en main sans que rien n' altère son amabilité.

     Grognon, surtout au réveil, peu souriant habituellement, il n' a cependant ni l' inexpressivité du petit BARYTA CARBONICA, ni la hargne de CHAMOMILLA, ni la détresse souffreteuse d' ABROTANUM. Il y a, dans le regard de ces petits LYCOPODIUM, une précoce dignité qui arrête net les " guili-guili " bêtifiants des adultes et leur rappelle qu' ils ont en face d' eux, non un " objet " , mais une " personne " , et cela met, parfois, une curieuse gêne autour d' un berceau.

     L' acuité sensorielle ( qui, plus tard, sera hyperesthésie ) étant rapidement marquée, l' enfant voit, entend, élargit ses connaissances et ses relations extérieures. Pour peu que ses aptitudes naturelles soient favorables, l' apparition de la parole est précoce et, si on y porte quelque attention, on constatera une mémoire verbale qui, chez les sujets bien doués, sera souvent un trait remarquable.

     Pendant ce temps, les acquisitions motrices suivent leur cours, sans précocité ni tapage, sauf incident imprévu. L' apprentissage de la propreté et surtout le contrôle du sphincter anal méritent cependant une mention spéciale car il s' agit d' une étape décisive pour LYCOPODIUM.

     A l' impact somatique du remède, se développant électivement sur l' appareil digestif et le fonctionnement intestinal, correspond une sensibilisation psychologique particulière ; toute difficulté liée, logiquement ou non, à la fonction excrémentielle et à son contrôle, se manifestera sous des formes variables mais analytiquement reconnaissables tout au long de la vie du sujet.

     C' est assez indiquer que l' éducation de la propreté chez ce type d' enfant plus que chez n' importe quel autre, doit se faire discrètement, sans chantage ni contrainte de peur de susciter une " fixation " que les psychanalystes ont eu le mérite de bien étudier et que l' Homéopathie peut spécifiquement traiter.

     Parallèlement, les réactions caractérielles se précisent et s' installent : le petit LYCOPODIUM a horreur qu' on lui impose un changement d' habitudes ou une action nouvelle sans qu' on les lui explique : il a besoin de comprendre et d' avoir des " raisons " , sous la forme et au niveau convenant à son âge, mais, là encore, nous constaterons la persistance de cette disposition.

     Arrivé au premier degré de sa vie scolaire, Jardin d' Enfant ou classe maternelle, notre sujet va faire l' apprentissage de la sociabilité. Le grand souci d' un tel enfant est d' observer ce qui se fait, afin de n' être ni étonné, ni ridicule, mais il n' a ni l' obéissance soumise des petits carboniques, ni la docilité rêveuse des petits phosphoriques ou l' espièglerie de SULFUR. Il admet la discipline ( car il a, d' instinct, un certain goût de l' ordre et de l' autorité ) mais pour autant qu' il l' estime ( ou la sente ) juste et logique. C' est dire que les occasions de conflit seront fréquentes au cours de la vie scolaire du jeune LYCOPODIUM : opposant, entêté, dans sa petite enfance ou si ses facilités intellectuelles ne le servent mal, il sera, plus tard ergoteur, insolent parfois, la terreur des surveillants maladroits, ne tolérant pas l' injustice tant pour autrui que pour lui-même.

     Ses relations avec les enfants de son âge ne sont pas plus faciles car ses contradictions caractérielles ont tôt fait d' y apparaître : susceptibilité qui fait de lui un mauvais joueur, détestant perdre, alors qu' il a souvent le goût d' organiser, voire de commander - besoin d' isolement fréquent qui lui fait parfois rompre brusquement, sans souci d' autrui, une activité de groupe dont il est las.

     Par contre et, évidemment, dans la mesure où il est bien doué intellectuellement, l' étude est pour lui l' occasion de satisfaire ses curiosités, d' exercer son esprit logique. Aussi les Mathématiques le séduisent-elles presque toujours, parfois aussi l' Histoire. Quand ses capacités le lui permettent, c' est un élève brûlant, surtout s' il est ambitieux, ce qui n' est pas rare ; alors les plus beaux espoirs lui sont permis. Moins régulièrement doué, ou assez instable, à moins qu' il ne soit buté ou révolté, il est capable de refuser tout effort, de s' installer bon dernier, quitte à narguer parents et maîtres, découragés, en décrochant, quand il s' y décide, une première place.

     Les débuts de l' adolescence ne vont rien arranger car chez le jeune LYCOPODIUM toute crise d' affirmation est virulente.

     Il supporte plus mal que jamais d' être trop " entouré " ce qu' il ressent comme injurieux et infériorisant ( il a toujours, petit garçon assez mal accepté les professeurs femmes ), il regimbe contre une règle sévère et se moque d' une tolérance libérale. Que veut-il donc ?

     De l' intérêt mais de la discrétion, une autorité qui sache se faire apprécier pour mieux s' imposer, une ligne pédagogique cohérente. Il n' aime ni les attitudes conventionnelles qu' il raille, ni les principes vidés de sens qu' il s' amuse à retourner pour mieux en souligner l' absurdité...

     Son comportement peut donner à croire qu' il cherche l' épreuve de force ( à ne jamais engager avec lui ) ; il veut seulement sonder la résistance de qui se fait son maître car le titre ne lui suffit pas : une fois sa confiance gagnée, si on ne le trompe pas, il est loyal.

     Plus tard, dans les grandes classes, au début d' études supérieures ou de formation professionnelle, son esprit d' argutie, son parti-pris de logique pourront le rendre agaçant, irritant surtout s' il a quelque hauteur ou quelque vanité ; mais il y a chez lui un désir de certitude et de vérité qui ne se satisfait pas aisément. La tendance au doute, à l' insatisfaction intellectuelle s' annonce de bonne heure et s' accentuera avec les années, amenant LYCOPODIUM à un scepticisme souvent amer. Ses maîtres gardent générale. ment de lui le souvenir d' un élève difficile mais intéressant, parfois passionnant.

 

Psychisme

     SEXUALITÉ :

     L' apogée des moyens instrumentaux sensori-verbaux et intellectuels, l' accession à l' oblativité des sentiments amoureux et sociaux, signent, avec le " maîtrise des instincts " c' est-à-dire le bon contrôle pulsionnel, l' entrée dans la maturité.

     De même qu' on peut trouver l' illustration d' une certaine normalité de la pré-adolescence dans le psychotype SULFUR " neutre " : extraverti mais sociable et généreux, en prise sur le réel mais actif, autonome mais adapté, - de même le jeune LYCOPODIUM vers sa 20ème année, peut représenter un modèle possible et honorable de fin d' adolescence, peut-être aussi fugace que cette période elle-même... " En tout adolescent sommeille un Lycopode " écrit Pierre JOLY ( article cité ).

     Épris de sociologie et de morale, plus rarement ou plus secrètement de métaphysique ( KENT parle même de " manie religieuse " ) la psychologie et surtout celle des profondeurs !- suscite trop ses ironies et sa méfiance pour ne pas donner à réfléchir...

     Même dans sa meilleure forme, il conserve sa spécificité : hypersensibilité, susceptibilité, affectivité exigeante, dissimulées derrière le masque protecteur de l' intellectualisme dédaigneux ou du scepticisme distant et, plus rarement, de la fausse indulgence. Cet introverti sensible a des mécanismes de défense, mais qui sont fragiles.

     Aux abords de l' entrée dans la vie socioprofessionnelle, s' il a appris à tenir compte de ses moyens : utiliser les ressources de son intelligence et de sa logique, ne pas trop céder aux irritations de l' orgueil déçu ni aux réactions de mépris dues à sa misanthropie naturelle, composer avec une asthénie latente et ne pas malmener son appareil digestif, il a de bons atouts.

     Mais encore faut-il qu' il trouve un niveau et un rythme d' activité conformes, si possible, à sa nature et qu' il ait, aussi, rencontré la tendresse dont il a tant besoin. LYCOPODIUM masculin a un idéal féminin tout en douceur, en discrétion et en rondeurs évocatrices de giron maternel. Sans doute par distraction, quelque masochisme aussi le poussant, il risque fort de regrettables erreurs de choix : toute sécurisation n' est pas douceur...

     Le type LYCOPODIUM féminin, qui, dit JAHR, est celui de " femmes d' un caractère doux, portées à la mélancolie " est, sinon moins fréquent du moins distinct et reconnaissable. Et de même que son partenaire viril peut se surcompenser en un personnage dominateur, - quand ses capacités et les circonstances le lui permettent - de même il y a " une LYCOPODIUM " assez voisine de PLATINA par son orgueil, son ambition, voire sa sexualité.

     LYCOPODIUM au masculin et dans ses premières expériences sexuelles est souvent moins assuré : passer du projet fantasmé à la réalité chamelle vécue, si vifs soient ses désirs et prometteuses ses imaginations, ne va pas sans une certaine angoisse :

     - sa virilité a été longtemps sinon indécise tout au mois atténuée, mise en arrière plan ( on voit cela chez un garçon perdu dans une fratrie de soeurs ) ;

     - il a parfois eu des " amitiés particulières " platoniques, plus rarement des relations homosexuelles, 

     - ses aptitudes pratiques lui causent des inquiétudes trop justifiées : émotif, très désireux de prouver et de se prouver ses capacités, il ne connaît pas toujours d' emblée - et parfois rarement - la victoire... Il n' ose consulter, humilié d' avoir à faire un tel aveu, mais la peur d' une impuissance totale et définitive le harcèle. Il a le plus grand besoin d' être rassuré.

     Il faut, alors, non seulement écouter, mais " entendre " : l' obstacle des interdits éducatifs moraux ( même dans les conditions les plus traditionnellement légitimes ) est d' a. bord évoqué.

     Se dégage, en corollaire, une sorte de nostalgie d' un MOI idéalisé et incorporel, que la sexualité - et surtout l' hétérosexualité - ramène au niveau de l' instinct qui régit les " espèces " vivantes...

     Enfin, le plus profond, cette dérobade qu' expriment les symptômes d' inhibition sexuelle ( absence d' érection, éjaculation précoce ) et les fantasmes d' accompagnement : peur et désir de l' intromission, image d' une fusion qui est à la fois accomplissement et retour au sein maternel, mais au prix d' une " disparition " du pénis ( si temporaire soit-elle ) vécue comme angoisse de perte du MOI... et donc abrégée le plus possible.

     Ce n' est pas de l' interprétation systématique :

     - R. Jacques, 29 ans, maçon : Il me semble que j ai hâte d' en finir comme si je m' enfuyais d' un endroit dangereux.

     - L. Pierre, 22 ans, coiffeur : ( C' est pas normal ! j ai comme peur d' être pris au piège ).

     - B. Alain, 24 ans, étudiant : ( C' est moi qui me sens possédé ).

     Ce dernier, plus intellectuel, est allé plus loin dans l' interprétation. Aucun des trois n' a eu une mère particulièrement autoritaire ou castratrice ; le second seul a eu des relations homosexuelles passagères à 19 ans.

     Il faut, s' il y a lieu, faire d' abord exprimer tout cela dans le calme, en banalisant ces impressions ( très fréquentes si elles ne sont pas volontiers formulées ) sans se hâter de donner LYCOPODIUM à son " semblable " , bien que cela guérisse impuissance-symptôme et réconforte le malade : la signification en serait intériorisée et pourrait resurgir autrement.

     Et cela nous renvoie à cette " distance " si spécifique qu' interpose le sujet LYCOPODIUM entre autrui et lui-même, à sa méfiance, à son souci d' indépendance... mais aussi à une certaine fragilité du MOI et à la possibilité de le voir se perdre dans la somatisation.

     VARIATIONS CARACTÉROLOGIQUES :

     Au cours de ces années où tout évolue sous le couvert d' une intégration plus ou moins réussie à la vie familiale et scolaire, certains traits s' étant manifesté de bonne heure restent particulièrement stables chez de tels sujets : sensibilité ombrageuse, goût de l' indépendance, souci de sa dignité, distance méfiante envers les êtres et les choses.

     Mais en fonction des composantes personnelles originaires et des influences extérieures, se constituent des variétés quelque peu différentes à partir desquelles s' individualisent les personnalités :

     . Avec une émotivité modérée et généralement focalisée sur un nombre restreint de valeurs, avec de forts besoins d' action et de domination, une réactivité différée et contrôlée, c' est le type LYCOPODIUM passionné, peut-être l' expression la meilleure du psychotype général : intelligence synthétique, conceptuelle et abstraite, capable de se concrétiser dans l' action, constance dans l' effort vers un but défini, sentiment élevé de sa valeur qui fait choisir les voies difficiles, identification à l' idéal...

     Il ressemble, par certains aspects à NUX VOMICA, mais avec plus de hauteur de vues. Tous les deux sont des réalisateurs, mais pas au même niveau : NUX VOMICA agit par lui-même ( ou sous son contrôle ) en fonction du présent ; LYCOPODIUM conçoit et réalise si possible par personne interposée, en fonction du futur...

     . Émotif mal contrôlé, actif mais avec des alternances d' excitation constructive et de paresse, c' est un LYCOPODIUM nerveux qui se voudrait supérieur à ce qu' il est et s' irrite de ses limitations. Il a bien des traits communs avec STAPHYSAGRIA. D' où ses tâtonnements, sa dispersion, qui le laissent insatisfait, avec des enthousiasmes aussi soudains qu' éphémères. L' enfant a des tics.

     Ses colères sont violentes, presque toujours dues à une blessure d' amour-propre. Sa sociabilité est médiocre car il supporte mal toute rivalité, même la plus loyale ou la plus anodine, et ses rancunes sont tenaces.

     . Si les besoins et les capacités d' action restent possibles mais sont gênés par la fatigabilité et une sensibilité excessive, la tendance psychasthénique de LYCOPODIUM est mise en évidence. C' est alors le sujet vulnérable, exigeant, dépendant, méfiant, exclusif. Trop digne pour solliciter la compassion, trop orgueilleux pour la supporter, trop faible pour s' en passer, c' est celui qui, enfant, adulte ou vieillard, se plaît dans la solitude, à condition d' avoir un témoin muet, discret, prêt à répondre au moindre appel et à deviner un désir sans qu' il ait à être exprimé..., tyrannisant un entourage dont il guette la moindre lassitude pour la stigmatiser...

     Capable, s' il est soigné ou s' il est stimulé par l' ambiance, de faire preuve de brio intellectuel, il manque de résistance physique comme il manque de résistance psychique ; le rétrécissement des intérêts, la manie analytique qui le pousse à se perdre dans de petits détails ( trait frappant et typique dans la passation du test de RORSCHACH ) témoignent d' une fragilité non seulement physique et émotionnelle, mais, en profondeur de toute la personnalité.

     . Que l' émotivité soit très développée, médiocre l' activité en raison de cette fatigabilité qui grève sournoisement sa vie, profondes et durables les réactions, nous avons affaire à cet enfant, à cet adolescent inquiet, toujours sur le qui-vive, sujet à des peurs nocturnes, tourmenté par toutes sortes de soucis précoces, qu' il s' agisse de sa propre santé, de celle des siens, de la sécurité matérielle de la famille, de ses résultats scolaires, de son avenir ; il doute, perpétuellement, des autres et de lui-même.

     C' est le LYCOPODIUM anxieux qui risque, adulte, d' être un perpétuel insatisfait, un nosophobe, affligé de multiples dysfonctionnements, celui qui, s' efforçant de nier ses faiblesses et de refouler une angoisse existentielle venant du fond de son enfance, va transposer son discours d' enfant craintif en somatisation, criant à travers son asthme ou offrant comme lieu d' échange au médecin, un gros intestin devenu le lieu géométrique de ses préoccupations les plus obsédantes. Il évoque, déjà ! ARSENICUM ALBUM...

     C' est le psychotype dont la structure de personnalité est la plus menacée, analogue à celle de ces sujets qui restent, certes, en deçà ou à la limite de la structure psychotique mais dans ses parages, cachant leur délabrement intérieur derrière un organe-écran, substitut du MOI, dans lequel À s' identifie et se rétrécit, et par lequel il peut seulement s' exprimer...

     Tels sont quelques " possibles " de LYCOPODIUM, remède-carrefour dont la complexité et les nuances ne sauraient être épuisées ni par des découpages caractérologiques n' indiquant que des pistes schématiques ni par des interprétations générales.

 

Clinique.

     INDICATIONS PSYCHO-PATHOLOGIQUES

     Le polymorphisme d' expression à travers lequel on découvre LYCOPODIUM et, il ne faut pas se lasser de le redire pour éviter toute confusion, le fait que les remèdes homéopathiques ne sont pas des remèdes de maladie spécifique, justifient le caractère nécessairement imprécis de ces indications.

     Les signes de LYCOPODIUM peuvent donc se retrouver dans bien des états psycho-pathologiques ; pratiquement on s' en souviendra en particulier dans :

     - des troubles caractériels et " nerveux " de l' enfance ;

     Non seulement ceux qui ont été décrits et qui témoignent de son hypersensibilité surcompensée en agressivité, décompensée en anxiété, mais aussi dans les tics, plus fréquents chez le garçon que chez la fuie et dans ces gastropathies matinales, chez l' enfant d' âge scolaire, authentiquement douloureuses et purement fonctionnelles, tentative inconsciente d' évitement d' une situation angoissante. Notons aussi la fréquence des crises d' acétonémie. Ce petit syndrome, si fréquent, bénin s' il est passager et lié à une situation particulière, a valeur pronostique et indicatrice s' il dure, indiquant une voie possible de décompensation.

     - l' asthénie irritable des adolescents :

     Elle rappelle celle du type " nerveux " , chez un sujet qui doute de lui-même, cherche sa véritable personnalité, a une sexualité mal assurée, avec une sorte d' ambivalence très finement décrite par Pierre JOLY dans la perspective jungienne, ( cf, article cité ). Il faut ici différencier LYCOPODIUM d' avec SULFUR IODATUM, qui a plus de réactivité et un foie plus tolérant - et de SILICEA, dont les signes de déminéralisation sont évidents.

     Il faut, aussi, se méfier, à cet âge, des raptus anxieux et même des suicides à la suite d' un échec ( intellectuel, sexuel, professionnel ) par sentiment aigu de dévalorisation...

     - les tendances et manifestations psychasthéniques :

     Déjà évidentes chez le jeune adulte si on va un peu au-delà des explications trop faciles quand il s' agit d' un mode habituel d' être ( invoquer le surmenage..., la fatigue..., le travail... ), les signes qui les accompagnent ( vérifications, ritualisations ) indiquent une structure obsessionnelle de la personnalité.

     - plus rarement, la symptomatologie de LYCOPODIUM peut être annonciatrice de la désorganisation psychotique de type schizophrénique : mais ce n' est pas exceptionnel et on peut la trouver : soit quand domine l' aspect désadaptatif : asthénie, perte de l' activité, mise à distance, anxiété, doute de soi, scepticisme intellectuel allant jusqu' au doute existentiel et métaphysique, sentiments d' incapacité et de non-valeur.,.

     . exceptionnellement par l' entrée ( apparente ) dans cette pathologie par une bouffée délirante ayant tôt fait de montrer les caractères du délire paranoïde. Les comparaisons avec PHOSPHORUS sont extrêmement intéressantes.

     - Dans une autre lignée, celle du type caractériel passionné, LYCOPODIUM, avec son orgueil, la survalorisation compensatrice de soi-même, l' accentuation des besoins de domination et de la susceptibilité, peut correspondre à une structure psychotique de type paranoïaque, lorsque la personnalité se fige sur des modes défensifs extrêmement rigides, rappelant certains aspects de même ordre que peut avoir ARSENICUM ALBUM.

     - Enfin LYCOPODIUM est, également avec ARSENICUM ALBUM, un des remèdes les plus fréquents dans les troubles de nature psychosomatique, qui, s' ils n' ont pas la gravité des précédents, comportent des risques d' évolution très invalidante et ont une tonalité " régressive " certaine.

     LYCOPODIUM est le premier des remèdes qui vont être ensuite exposés à lustrer une autre manière d' entrer dans la pathologie psychiatrique.

     Ce n' est plus celle de l' enfance ( pathologie du développement ) ce n' est pas non plus celle de la maturité , pathologie de la vie journalière ).

     Par certains de ses aspects ( mais il y en a tant ! ) LYCOPODIUM peut correspondre à cette psycho-pathologie qui se manifeste spécifiquement à partir de l' adolescence, au moment de la confrontation entre une personnalité juvénile ( qui devrait être à l' apogée de ses moyens ) et de son entrée dans la période réalisatrice de sa vie.

     La problématique de l' " être " et du " faire " est le trait commun de cet âge et du psychisme de cette suite de remèdes.

     LYCOPODIUM est aussi le premier à montrer comment une personnalité peut, dès ce stade, " régresser "

     Terme qui reflète une réalité clinique, dans l' ordre du psychisme ( " réactions infantiles " , " puérilisme " , " retomber en enfance "... ) mais terme qui paraît, biologiquement, erroné : la vie ne régresse pas.

     Rien ne ressemble plus à la régression que le vieillissement : l' un et l' autre tendent à revenir à l' indifférenciation somato-psychique prénatale...

     Et de nous demander si, en marge de la sénescence physiologique, certaines décompensations, désadaptations, désorganisations, ne sont pas des modes déviants, physiques et psychiques, de vieillissement :

     - plus ou moins enkystés : je pense à THUYA et à la " sycose " ,

     - plus ou moins accélérés et anarchiques : de NATRUM MURIATICUM à PHOSPHORIC ACID,

     - plus ou moins symboliques : LYCOPODIUM, ARGENTUM NITRICUM, ARSENICUM ALBUM, par la voie psychosomatique...

 

Stades de la Vie et Constitution.

     ENFANCE

     Nourrisson :

     - coléreux, impatient;

     - vorace mais gêné par spasmes ( gaz, vomissements qui le rebutent ) ;

     1° Enfance :

     - même ce qu' il désire n' est accepté qu' après un temps d' observation ;

     2° Enfance :

     - observateur lent ( fausse impression d' indécision ), choisit ce qu' il sent lui convenir et lui plaire, vraiment ;

     - longuement fidèle à ses jouets ;

     - acquisitions sensorielles moins rapides ( fausse impression de lenteur ) qui se manifestent par paliers ;

     - acquisitions motrices parfois lentes et irrégulières ;

     - acquisitions intellectuelles rapides :

     . langage précoce ;

     . intérêts vifs, sélectifs, souvent sou.

     tenus;

     - relations plus ou moins distantes avec l' entourage :

     . recherche l' intérêt et la participation d' autrui, se referme s' il ne l' a pas  )

     . tend à se replier en silence si on le laisse seul, mais sait jouer seul ;

     . attentif aux explications, accepte plus ou moins facilement les inter. dits, se renfrogne, boude en silence ;

     - affectivité RÉSERVÉE :

     élans affectueux rares et peu bruyants;

     . doit être sollicité tendrement comme pour être mis en confiance;

     . recherche nettement plus mère et personnages maternels ;

     . méfiance des personnes nouvelles ;

     . horreur des gens bruyants ;

     . refus tenace de se montrer ( ni supplications ni menaces ne le font céder ).

     SCOLARITÉ

     - s' intègre lentement ;

     - observe et attend qu' on vienne vers lui ;

     - se défend mais n' attaque pas ( ou pour se faire justice );

     - rancunier à long terme ;

     - rares copains ayant ( déjà ) valeur d' amis;

     - docilité apparente ( n' en pense pas moins ) ; participe peu ;

     - rêve et s' évade quand il n' est pas intéressé;

     - intéressé par la finalité de l' objet d' études, les explications logiques, plus par les principes et le " pourquoi " ;

     - très rarement tricheur ;

     - application généralement régulière ;

     - ne fait jamais étalage de ses succès, attend qu' on les découvre. Astucieux, parle d' abord des mauvaises notes! mais reconnaît la responsabilité de ses insuccès ;

     - susceptible, indigné s' il est victime d' injustice ( réelle ou ressentie ) : colères PALES.

     PRÉPUBERTÉ

     - curiosité intense :

     . essaie de deviner ;

     . intéressé mais réservé à l' égard de l' autre sexe ;

     - éveil sexuel vécu autant au niveau sensuel qu' au niveau des fantasmes, d' où possibilités d' inhibitions ;

     - masturbation vécue avec inquiétude;

     sentiment d' inadéquation de l' acte, qui peut être " rationalisé " :

     . en remords moral ;

     . en crainte pour sa santé.

     ADOLESCENCE

     - intérêts très sélectifs ;

     - satisfait de comprendre ( plus que de mémoriser ) ;

     - content de réussir = preuve qu' il a bien travaillé ;

     - désir de supériorité ( pour mieux faire ).

     - introversion plus marquée que l' extraversion ;

     - fantasmes très riches, très développés;

     - tendresse imprégnant toute l' affectivité;

     - pulsions fortes, attirances peu fréquentes, goûts souvent contradictoires ( entre traits physiques et traits de personnalité );

     - désirs et réticences de réalisations ;

     - premières réalisations souvent décevantes et sans gloire ( éjaculation précoce ) ( érection insuffisante );

     - tendance à se croire: Anormal, MALADE, ou PUNI ( de ses fautes ) ;

     - types féminins correspondants :

     . il a besoin ( simplement ! ) pour ne pas être déçu :

     - d' harmonie,

     - de tendresse,

     - de douceur,

     - de courage,

     - de discrétion,

     - de charme esthétique,

     - de sensualité retenue,

     - de loyauté,

     - de fidélité,

     - et d' intelligence...

     PULSATILLA a bien des atouts mais son manque d' autonomie agace LYCOPODIUM qui finit par se faire " piéger " par... PLATINA !

     ADULTE

     Il a un besoin de vie conforme à :

     - sa SENSIBILITÉ ;

     - son IDÉAL politique, scientifique, social, MORAL ( cf. PHOSPHORUS ) ;

     - Traits caractéristiques :

     ( A ) Si l' ACTIVITÉ est forte, c' est le type passionné: l' ambition est au service de l' idéal.

     - autoritaire mais pas tatillon, certitude calme d' avoir raison ;

     - contacts distants avec autrui;

     - patient par maîtrise de soi, mais facilement méprisant pour qui n' admet pas son opinion ;

     - colères blêmes, livides, d' indignation rentrée.

     ( B ) Si l' ACTIVITÉ est faible, c' est le type sentimental : la qualité de vie prime l' ambition.

     - horreur de contraindre ;

     - encore plus attristé que méprisant ;

     - dédain pour les bilans ;

     - intérêts philosophiques et angoisse métaphysique ;

     - scepticisme à l' égard des succès.

     MAIS :

     - décompensations possibles ( par déception existentielle :

     . pathologie psychosomatique ; ( gastro-duodénite, recto-colite, etc. )

     . dépressions masquées ; ( asthénie rebelle );

     . psychasthénie avec épisodes anxio-dépressifs ;

     . état mélancolique camouflé ( RAPTUS SUICIDAIRE possible ) ;

     - surcompensations possibles :

     . délire paranoïaque, quérulent, procédurier ( cf. ARSENICUM ALBUM );

     . délire mystique ( cf. PHOSPHORUS ).

 

 

Medorrhinum

 

Généralités

     Est-ce la faute de ce bouc émissaire qu' est devenue notre civilisation ? Est-ce le résultat de la libération sexuelle et de la prolifération du diplocoque de Neisser? Le fait est que le nombre de patients jeunes en particulier ) tributaires de MEDORRHINUM va chaque année, croissant dans nos consultations: bébés agités, écoliers instables, adolescents déséquilibrés justiciables de ce remède ne nous manquent pas, avec tous les problèmes de santé physique et mentale qu' ils posent au médecin.

     Quant aux adultes, ils ne sont pas toujours aisément identifiables dans leur complexe plurisymptomatologique.

     Encore faut-il individualiser le remède, en découvrir les signes majeurs ou, du moins, les signes prédominants aux différentes tranches d' âge, et qui ne sont pas nécessairement les mêmes.

     Privés, quand il s' agit d' un nourrisson, de l' abondante symptomatologie psychique dont nous n' avons qu' une image partielle, encore nous faut-il la déchiffrer à travers un comportement aux manifestations limitées... Celles-ci apportent cependant très tôt une note particulière qui peut être mise en mémoire par l' observateur médical.

     C' est plus tard, avec le développement de la personnalité, que s' affirmeront les traits distinctifs du " type sensible " MEDORRHINUM au niveau psychopathologique, dont il faut notamment retenir :

     - instabilité de la pensée, de l' humeur et des comportements, avec tendance à devancer le temps et fuite en avant ;

     - agitation précipitée et impatiente, fausse activité avec troubles évidents de l' attention, de la concentration et de la mémoire d' acquisition ;

     - excitabilité anxieuse, se déployant au cours de la journée : asthénie et tristesse irritable au réveil, amélioration en fin de journée jusqu' à la surexcitation avec perturbations spécifiques de la première partie du sommeil.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     l. LE NOURRISSON

     Ce n' est pas l' image traditionnelle du bébé potelé, joufflu, au teint de rose que nous offre MEDORRHINUM dans sa prime enfance ! Réduit en taille et en volume, un reflet légèrement jaune sur une peau qui, même toute neuve, manque de netteté, cet enfant hypotrophique fait un curieux effet dans les bras d' une mère souvent de forte corpulence. Malgré les kilos accumulés par celle-ci au cours de la grossesse, et conservés depuis, bébé est né chétif et son poids reste faible. Mais si la fierté maternelle ne peut faire admirer joues rebondies et peau satinée, elle s' exerce quand même, bien sûr, tantôt en se louant d' une voracité impatiente, meilleure réponse au premier dialogue mère-enfant, tantôt en faisant valoir l' éveil et la vivacité de ses réactions.

     Vivacité est un euphémisme car, bien souvent, le petit MEDORRHINUM est surtout un agité, sursautant au moindre bruit, chant, pédalant dans son berceau jusqu' à ce que, attendrissement ou lassitude, sa mère s' en empare, ce qui du reste ne le calme qu' un instant. Car, aussi avide que le petit SULFUR, aussi impatient que le petit LYCOPODIUM, ce marmot rend des points au petit CHAMOMILLA sous le rapport de l' agitation.

     Telle était Christine G..., 13 mois, que me présentaient ses parents. J' avais soigné, trois ans plus tôt, le père ( 30 ans ) phosphorique longiligne d' allure un peu précieuse et distante, pour un épisode psychotique interprétatif important, apparemment guéri, et la mère, 29 ans, pour une courte dépression réactionnelle de deuil.

     Je retrouve le couple : lui, d' un abord toujours flou et lointain, elle, hydrogénoïde déjà " enveloppée " de cellulite, grossie de dix kilos depuis son accouchement, émotive soupirante, se plaignant de fatigue matinale, de manque de mémoire, mentionnant au passage une salpingite traînante antérieure à son mariage... Dans le couffin posé près d' elle, gigote une petite fille aux proportions réduites. Le visage est blême, auréolé de cheveux bruns, l' expression assez éveillée mais un peu vieillotte. Les parents s' inquiètent de la nervosité de Christine dont elle ne tarde pas à donner un échantillon : elle crie, elle hurle, se débat, se projette en avant. Même les plus tendres incitations dans les bras de sa mère ne la calment pas et l' excitation s' accompagne d' une abondante sudation.

     L' observation de ce bébé dévêtu est pleine d' enseignement : posée sur une couverture et libérée de toute entrave, elle s' est mise aussitôt sur le ventre et ses cris se sont d' autant mieux apaisés qu' elle s' est fourré deux doigts dans la bouche,

     exposant sur sa face dorsale une zone transscapulaire de productions cutanées ( rubi noevi, microverrues pointues ) et un érythème fessier et péri-anal indiscutable.

     Si on ajoute à ces constatations des rhinopharyngites successives, surtout depuis une vaccination antivariolique, on a un tableau à peu près complet de MEDORRHINUM à l' âge du nourrisson, tout au moins dans son aspect le plus normal et le plus équilibré. La prescription de ce nosode à dilution croissante a, effectivement, calmé l' excitabilité de cette enfant.

     Chez beaucoup de ces petits, les réactions psychologiques spécifiques du remède ne peuvent être isolées d' un contexte de pathologie somatique marqué par des troubles digestifs parfois brutaux ou une sensibilisation des voies respiratoires hautes entraînant une alternance de rhinopharyngites, d' otites ou même d' asthme.

     Cependant, quelques-uns peuvent déjà, vers dix-huit mois, manifester l' ébauche de tendances névrotiques qui ne seront repérables que plus tard : agitation et expression anxieuse au réveil, rappelant la mauvaise humeur de LYCOPODIUM à la même heure, hypersensibilité craintive à la présence de personnes inconnues, surtout si elles veulent le toucher, le prendre dans leur bras, peur de l' obscurité, comme CAUSTICUM, et difficultés d' endormissement avec besoin de " tapping " la tête la première, d' arrière en avant en position génupectorale.

     2. L' ENFANT

     Garçonnet ou fillette, il s' exprime, chez le médecin, dès le salon d' attente : il va, vient, s' assied, se lève, réclame à goûter, froisse les revues, frotte ses pieds rythmiquement sur le tapis, manque choir de sa chaise, demande les toilettes, tousse de façon déchirante, bref, essaie de meubler à son gré un temps qui lui dure...

     Or c' est justement ce comportement que signalent ses parents : l' enfant ne tient pas en place, il est toujours pressé de passer à un autre jeu, une autre activité. " Et après ? " pourrait être sa devise comme : " Déjà ! " pourrait être celle d' ARGENTUM NITRICUM.

     L' un et l' autre ont ce qu' on pourrait appeler des difficultés - nous l' avons déjà vu - avec la notion de temps : MEDORRHINUM, vite lassé de toute action, est impatient de passer à une autre; ARGENTUM NITRICUM, submergé par une occupation faite avec minutie, n' en a jamais terminé... Le temps réel, pour l' un et l' autre, n' est pas à la mesure exacte de leur rythme intérieur. Pâlot, avec une peau un peu malsaine, un visage un peu fripé, il a très souvent un drôle de petit bout de nez court, rougi par les grattages et les rhumes fréquents. Il est à la fois, disent ses éducateurs, " nerveux et mou " , " agité et indolent " , " impatient et lambin ".

     Il s' éveille peu dispos, maussade, respirant mal, les narines encombrées, le cerveau mal oxygéné, les pensées encore diffuses, pour constater qu' il a mouillé son lit... A peine rassasié, il joue, mais s' ennuie vite, vient s' informer si l' heure du repas approche, tantôt dispersant ses jouets, tantôt grognant et impatient. Avec d' autres enfants, il déploie la même agitation, le même manque de persévérance, comme s' il épuisait très vite l' agrément de toute activité. Apaisé à l' heure du coucher, tout irait bien s' il n' était sujet à des peurs qui le font crier. Il ne s' agit pas ici de " terreurs nocturnes " , se produisant en général en fin de première heure de sommeil ( en stade IV de sommeil lent ) sans réveil vrai et ne laissant aucun souvenir.

     Les peurs de MEDORRHINUM se produisent lors du début de l' endormissement ( en stade I de sommeil lent ) du fait de représentations visuelles bizarres, effrayantes, déformées, dites images hypnagogiques, tout à fait caractéristiques de ce remède et de son mode de fonctionnement mental.

     A l' âge scolaire, l' enfant de ce type, s' il jouit de moyens instrumentaux suffisants et ne manque pas trop souvent la classe en collectionnant toutes les affections hivernales, peut être bon élève, mais toujours handicapé par sa caractéristique instabilité :

     - instabilité physique : il est toujours aussi agité, perpétuellement mal assis ou, debout, circulant dans la classe avec ou sans prétexte, quand il n' est pas carrément sous son bureau ;

     - instabilité intellectuelle : c' est l' enfant qui, disent ses maîtres, ne " fixe " pas son attention. Aussi est-il le champion des fautes d' orthographe, toujours précipité, pressé d' arriver au bout de son travail, au point de sauter les premières lettres ou premières syllabes des mots, tout comme il les " avale " en parlant trop vite ;

     - agitation, chez d' autres, qui n' est ni le besoin de mouvement de SULFUR, ni l' excitation motrice de ZINCUM, ni l' hyperkinésie d' AGARICUS, ni l' anxiété compulsive de TARENTULA HISPANICA, ni ( on vient de le signaler ) la précipitation anxieuse d' ARGENTUM NITRICUM. C' est autre chose : un besoin intérieur de dévorer le temps, d' être " à plus tard " , qui évoque irrésistiblement ce conte de Grimm où un enfant, piqué de curiosité, déroulait si vite le fil d' or de la bobine de la vie, à lui confiée par un magicien, que dans sa satiété du vécu et son impatience du futur il arrivait promptement à la vieillesse. Cet enfant devait être de psychotype MEDORRHINUM...

     - quelques-uns, enfin, sont tout aussi hâtifs, mais avec plus d' inquiétude et on voit poindre chez eux les prémices du fonctionnement obsessionnel.

     pascale, 11 ans, était ainsi : " Quelle heure est-il ? " demande-t-elle, dix fois par jour, malgré montre au poignet, réveil sur sa table, pendule au mur. Prétextant le besoin de savoir l' heure exacte pour avoir le temps de faire un devoir ou ne pas être en retard à l' école, une réponse ne la satisfait pas pour autant. Soit pour contrôler, soit parce que ce nouveau renseignement n' est pas toujours rigoureusement semblable aux autres données horlogères, elle va s' informer auprès de tous les membres de sa famille ( sauf de ses frères qui lui donnent, par taquinerie, des informations fantaisistes ). Quand ce n' est pas le temps horaire, c' est le temps climatique qui est l' objet de ses préoccupations. " Quel temps va t-il faire ? "...

     L' expérience montre que MEDORRHINUM, à condition d' être bien indiqué ( non seulement sur cette symptomatologie mentale, mais sur les signes somatiques précis du remède ), apporte une régulation bénéfique à de tels enfants. Mais il ne dispense pas pour autant d' essayer de comprendre ce que peut signifier au niveau de l' inconscient d' un enfant cette fuite en avant dans le temps.

     3. L' ADOLESCENT MEDORRHINUM

     Ce n' est pas à l' âge des incertitudes et des contradictions que les tendances morbides de notre sujet risquent de s' atténuer... La puberté, en effet, ne tarde pas à lui poser de multiples difficultés.

     Au plan physique, tout d' abord, la fille voit succéder à ses troubles antérieurs ( souvent une énurésie rebelle, avec des urines foncées et ammcniacales ), des règles douloureuses, abondantes, foncées, avec caillots, pendant lesquelles, en particulier, elle se plaint de nervosité, de prurit vulvaire et de froideur des seins avec névralgies du mamelon.

     Quant au garçon, l' adolescence lui vaut bien des soucis : il s' inquiète de sa normalité sexuelle, l' acné juvénile accroît l' aspect malsain et sale de son visage, enfin sa taille lui paraît très insuffisante ; il en est humilié et en ressasse les conséquences déplorables pour son avenir. Aussi répond-il aux annonces promettant de grandir de cinq centimètres en quelques semaines, mais il est trop impatient, trop peu persévérant pour obtenir quelque gain, car, très vite, il abandonne une pratique régulière.

     Psychiquement, l' anxiété sous-jacente depuis son enfance s' accroît de préoccupations de toutes sortes, toujours centrées sur le souci d' aller vite, de faire autre chose, avec incapacité à demeurer dans la solitude. C' est un " fan " de la moto, du motocross, celui qui se faufile au plus juste entre voitures et camions, double en troisième position pour arriver plus vite... parfois dans un arbre ou un mur...

     Mais ce qui se manifeste surtout comme un " key-note " de cette psychologie juvénile, c' est l' absence de motivation concrète à sa précipitation et, plus encore, de désir de réalisation. Aller si vite, tant s' agiter, pourquoi donc ?

     C' est que toute pause, toute solitude, toute attente l' angoisse, parce qu' elle est vécue comme un temps mort... qu' il lui faut obligatoirement meubler de mouvement pour être apaisé. Sinon c' est un insupportable sentiment de vide intérieur... pouvant aller jusqu' à une forme d' angoisse de dépersonnalisation :

     - impression d' irréalité de son existence ;

     - sentiment d' être coupé du monde, sont des symptômes d' appel du remède.

     Ce ne sont, bien sûr, ni les soirées prolongées en night-clubs ( où dissonances et stimulations lumineuses intermittentes et violentes accroissent son excitabilité sensorielle ), ni la consommation éventuelle d' alcool ( à laquelle il est porté mais peut réagir par une brève syncope vagale ), ni un dernier " rodéo " avec des copains ( dont il a tant de mal à se séparer ) qui facilitent son entrée dans le sommeil... Ce sont, au contraire, des facteurs favorisant ces phénomènes hypnagogiques angoissants, susceptibles d' être ressentis de manière obsédante ( même de jour ) comme de véritables hallucinations ( sensation de i présences " invisibles et agressives ).

     Certains de ces adolescents, du fait de leur immaturité liée à leur instabilité, sont aisément influençables et dans leur mouvement de fuite en avant font des coups de tête, des fugues, entamant ainsi une carrière de psychopathes déséquilibrés.

     Enfin, bien des jeunes gens homosexuels ( qui d' autre part, on le sait, véhiculent plus que d' autres la contagion blennorragique ) correspondent au tableau psychopathologique de MEDORRHINUM.

     C' est à l' occasion d' entretiens psychothérapiques avec de tels adolescents qu' on peut essayer de comprendre leur dynamique inconsciente. Leur biographie ( qui est à la psychologie d' un sujet, ce que ses antécédents somatiques, personnels et héréditaires, sont à sa santé ) montre l' extrême fréquence chez eux, pour des raisons diverses ( faible équilibre psychique des parents, mésentente conjugale, précarité socio-économique, transplantation culturelle ), d' une ambivalence éducative sans référence stable ayant eu pour conséquences :

     - un sentiment précoce de mal-être ;

     - la conviction d' être " gênant " , crainte d' être rejeté, parfois suite à des menaces paternelles d' être " mis dehors " ( d' où les troubles du sommeil et les hallucinoses ) ;

     - un sentiment " d' être de trop, ici et maintenant " ( m' a dit, textuellement un garçon de dix-neuf ans ), d' où la fuite en avant ;

     - une difficulté à construire son identité ( d' où les angoisses de dépersonnalisation ).

     Effectivement, les " images parentales " , tantôt redoutables, tantôt inconsistantes, n' ont apporté ni sécurité affective ni modèle identificatoire permettant l' accès à l' autonomie... Le refus de mettre des limites, par idéologie ou insouciance, aboutit ainsi à l' absence de repères...

     Curieusement, la pathogénésie de MEDORRHINUM reflète la psychopathologie de cette déviance juvénile actuellement très fréquente.

     4. L' ADULTE

     L' indication du remède, à ce stade, se fait le plus souvent :

     - sur les symptômes physiques : cutanés, digestifs, gynécologiques ;

     - sur des modalités spécifiques : fatigue plus grande au réveil qu' en fin de journée, amélioration au bord de la mer ( mais pas en climat méditerranéen chaud et sec ), agitation irritable, difficultés de mémoire, troubles du sommeil ;

     - sur une notion étiologique.

     Mais au risque de passer à côté de son utile prescription à propos de symptômes psychiques, sans doute plus rares ( ou plus rarement exprimés par le patient ) :

     - cette fascination, à la fois peur et attirance, pour un " après " qui n' est cependant pas lié à une attente structurante ( politique, sociale, morale, religieuse ), mais dont le " charme " ( au sens magique du terme ) est d' être ressenti comme informe, inconnu, indéterminé...

     - cette anticipation impatiente et anxieuse de l' à-venir du sujet MEDORRHINUM, avide du temps futur et gaspilleur du temps présent, pouvant s' exprimer par une projection inconsciente : rêves prémonitoires ou pressentiments soudains ( il y a là tout un champ de recherche psychologique à explorer ) ;

     - ces perturbations des fonctions cognitives signalées à tous les âges de sa vie, troubles du langage et atteinte de la mémoire d' acquisition, celle-ci se détériorant d' autant plus avec les années ;

     - enfin, cette effusion de signes contradictoires et changeants ( agitation, instabilité, versatilité, mais aussi asthénie, aboulie, angoisse, dégoût de vivre ) signant un radical malaise existentiel dans certaines organisations mentales obsessionnelles où se retrouvent la notion de difficultés identificatoires et la problématique du temps.

     C' est le " syndrome du VIDE D' ÊTRE " par absence de SENS donné à la vie...

     De ce nosode, cependant, il ne s' agit pas d' attendre un changement miraculeux du " mode d' être " du patient, mais :

     - un meilleur contrôle de ses pulsions de fuite en avant ;

     - un desserrement progressif de ses craintes obsédantes ;

     - la possibilité de " patienter " au long d' une psychothérapie pouvant l' amener à des prises de conscience aussi utiles qu' inattendues...

 

 

Mercurius Solubilis

 

Généralités

     Mercure, la planète la plus rapprochée du soleil...

     Mercure, aux pieds légers, messager des dieux, dieu des voleurs, des voyageurs, du commerce et... ( par analogie avec le fils de Zeus et de Maia, Hermès ) dieu de la médecine.

     Mercurius vivus, le vif-argent, l' hydrargyre...

     C' est ce dernier seul qui ici nous concerne : le MERCURE métallique ( numéro atomique : 80 ), présent dans la nature sous forme de cinabre ( mais nullement dans l' organisme ), dont l' action toxicologique, lente, progressive et largement diversifiée et l' expérimentation spécifique ont fourni le tableau clinique de référence homéopathique.

     Grand remède d' affections aiguës et chroniques, somatiques et psychiques, il correspond aussi à un morphopsychotype original, dont le développement psychologique, les traits de personnalité et la psychopathologie sont identifiables et dont le cursus existentiel est souvent. mouvementé.

 

Psychisme

     l. DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE

     a. Aptitudes intellectuelles

     . Les acquisitions sont le plus souvent lentes et irrégulières, soit par lenteur d' assimilation, soit que l' enfant - plus que tout autre sujet aux  angines, sinusites, rhinopharyngites et infections respiratoires - se révèle trop souvent malade ou fatigué, avec des maux de tête qui gênent son attention.

     . De ce fait, il ne manifeste qu' une courte capacité de concentration entraînant des difficultés de mémoire qui, dès le début de la scolarité, sont un handicap lui demandant beaucoup d' efforts pour réussir.

     . Ses difficultés de langage apparaissent de bonne heure, les premiers mots sont un peu tardifs, les phrases restent longtemps fragmentaires et mal formées. Ses difficultés respiratoires ( et parfois auditives ) donnent parfois l' impression qu' il entend mal ou qu' il a une anomalie laryngée. C' est le client habituel des consultations O.R.L. et bientôt de l' orthophoniste, car son expression verbale est souvent peu satisfaisante : gêne et lenteur ( parole " mâchée " ) alternent, avec précipitation du débit jusqu' au bégaiement tonique, traduisant une dysharmonie de la communication que les orthophonistes savent parfaitement, du reste, discerner derrière le trouble mécanique.

     . Plus tard, si les moyens instrumentaux sont médiocres, on constatera les échecs du fait de l' accession difficile à l' abstraction, verbale et mathématique. En conséquence, l' écolier est peu motivé : ses intérêts, vifs au niveau pratique et concret, et sa lenteur d' idéation sont desservis par des méthodes d' apprentissage qui ne favorisent que les bien doués.

     b. Caractère et comportement

     Correspondant à l' action diphasique développée par l' expérimentation, deux structures, assez tôt, se différencient :

     . L' enfant timide, craintif qui redoute les jeux violents et les bagarres avec les autres enfants ( MERCURIUS, type sensible, est presque toujours un garçon ) ; souvent mou et lent, il est l' objet de moqueries et devient vite solitaire et méfiant.

     En famille, il est plutôt doux et docile, mais sans beaucoup de dynamisme.

     En classe, il est ( souvent à tort ) considéré comme paresseux du fait de sa lenteur à répondre aux questions, de son esprit confus et de son apparence somnolente, les yeux mi-clos dans un visage déformé par une congestion rhino-pharyngée...

     C' est un anxieux qui ne verbalise pas ( autant par maladresse langagière que par introversion ) ses peurs multiples, qu' il faudrait cependant déceler à temps...

     . L' autre type, plus sthénique et même hyper-excitable, est un enfant très tôt réputé hyperkinétique, voire caractériel.

     Très irritable, il ne supporte aucun refus, aucune contradiction, aucune limite, sans y répondre par des paroles et des gestes violents : coups de pieds dans les portes et les meubles, bris d' objets, parfois même coups portés aux personnes de son entourage.

     Échappant avec adresse aux plus forts, il est violent avec les autres enfants dont il terrifie les plus faibles ( coupant leurs vêtements au cutter ou leur faisant du " racket " ). Querelleur et susceptible, c' est, en dépit de ses apparences fanfaronnes et de ses mensonges ( de disculpation ou de vantardise ), un anxieux révolté, qui manifeste une dangerosité latente.

     2. TRAITS DE PERSONNALITÉ

     On retrouve à l' âge adulte, chez des personnes ayant présenté dans leur enfance les particularités décrites, un mode de fonctionnement mental caractéristique de MERCURIUS, avec ses deux tendances, dépressive et hyperréactive.

     . C' est souvent l' égocentrique angoissé, recherchant la protection, grand émotif au moi faible qui n' a jamais atteint l' autonomie affective.

     Avide de réassurance ( mais sans qu' il devienne plus courageux pour autant ), incapable d' oblativité ( il ne sait que recevoir et n' a rien à donner ), " plein de méfiance et sans volonté " ( Boericke ), sa sexualité est aussi peu évoluée que son affectivité...

     Soumis jusqu' à la dépendance ( parfois la plus dégradante : on connaît cela chez de petits alcooliques réduits à des expédients pour survivre ou chez certains clients de prostituées ), beaucoup trop souvent sa personnalité a été précocement étouffée par une éducation autoritaire et rigide dont il n' était pas congénitalement équipé pour se défendre.

     Impressionnable et suggestible, parfois phobique, il peut évoquer CALCAREA CARBONICA ou SILICEA par sa morosité, son aboulie, son apathie, ses peurs et ses découragements, mais il y a chez MERCURIUS une composante masochiste qui n' existe pas ailleurs et des fantasmes de revanche ou de violence que seuls trahissent de brusques accès de colère.

     . MERCURIUS peut correspondre à ces personnages dévoués à une administration, à une association ou à une cause à laquelle ils s' identifient ( ce qui donne un sens à leur vie ) et qu' ils servent dans le cadre d' une hiérarchie : ils y trouvent l' armature protectrice qui leur est moralement nécessaire et la stimulation indispensable pour lutter contre leur indolence, sous peine de perdre leur fonction et leur " rang ". Mais non sans que les inévitables vexations, frustrations et humiliations n' alimentent des sentiments douloureux de morosité avec réactions psychosomatiques ( il est intéressant de le comparer avec KALI CARBONICUM ) ou des pensées vengeresses, en raison des injustices subies, qu' il n' est pas permis d' exprimer ( MERCURIUS est ici très proche de STAPHYSAGRIA ).

     . Mais il peut être aussi le psychopathe pervers, en révolte active contre la société : vandalisme, délinquance de tout niveau, du vol crapuleux à l' acte criminel ( " désire tuer qui le contrarie " , Kent ), chef de bande dangereux ou petit " malfrat " signant toujours ses actes d' une note caractéristique de sadisme...

      C' est bien souvent, la pathologie ( psychiatrique dans le cas particulier ) qui permet de comprendre le tableau clinique.

 

Clinique.

     3. PSYCHOPATHOLOGIE

     En effet, à partir de la Matière médicale qui nous apprend :

     - son évolution dans le temps,

     - ses formes cliniques d' équilibre et de décompensation,

     - ses avatars pathologiques,

     on peut essayer de définir MERCURIUS comme : un intoxiqué, qui parfois s' étouffe ou est d' emblée étouffé, ou bien se débat vigoureusement, dysharmonieusement, irrationnellement, mais peut toujours finir par un désinvestissement et un renoncement.

     . Un intoxiqué :

     - au niveau du réel :

     . intoxications vraies :

     - classiquement, " fluoroluétisme " ;

     - plus souvent, alcoolisme maternel ;

     . par analogie :

     - petits handicapés morphologiques ;

     - micro-anomalies génétiques dystrophiantes favorisant le " type sensible MERCURIUS " ;

     - au niveau symbolique :

     . par son environnement :

     - familial ; surprotecteur, castrateur, privatif d' autonomie ;

     - professionnel : routinier, humiliant, frustrant de créativité ;

     . par ses fantasmes :

     - dérisoires : de réussite, de puissance ;

     - vengeurs : de cruauté mentale, de violences physiques.

     . Qui s' étouffe  /  est étouffé :

     Jean-Michel, 12 ans, évoque au premier abord BARYTA CARBONICA par sa lenteur psychique, CALCAREA CARBONICA par sa grosse tête et ses sueurs, SILICEA par ses suppurations cutanées. Affublé de cache-nez et de tricots. Refus maternel de l' envoyer en colonie de vacances ( c' est bien trop dangereux ! ) et de pratiquer un quelconque sport. Visiblement soumis à sa mère, mais hargneux. Difficultés d' élocution et bégaiement tonique, accidents laryngo-pharyngiens traduisent le blocage et la répression. MERCURIUS le " dénoue " , il évolue mais reste dépendant.

     A 15 ans, il rêve de mécanique, d' autos, de motos, mais les apprentissages échouent : absentéisme pour le moindre rhume, conflits entre sa mère ( LACHESIS ) et ses employeurs. Placé comme " magasinier " ( manutentionnaire ) chez l' oncle quincaillier, il fait, à 18 ans, une bouffée délirante qui seule lui permet, par le biais humiliant de l' hospitalisation psychiatrique, de quitter ( pour la première fois ) le logis familial et même d' être " sevré " des visites de sa mère !

     Évolution lente vers un état d' apparence psychotique avec asthénie-aboulie, échec de toute activité professionnelle, parasitisme familial, périodes de mutisme alternant avec des phases d' exaltation.

     MERCURIUS ( 5 000 K ) apporte une amélioration nette du comportement avec désir de réinsertion en milieu spécialisé, mais on se heurte au refus parental et à la capitulation démissionnaire du jeune homme, devant une séparation " inacceptable ".

     . Qui se débat

     - vigoureusement ;

     - dysharmonieusement;

     - irrationnellement...

     C' est le mécanisme de défense contre " l' intoxication " vécue comme angoisse, asphyxie existentielle, d' où des réactions " en sursaut " caractéristiques de MERCURIUS. Au mieux, c' est un instable, souvent insatisfait, ayant besoin de se prouver qu' il est capable de réussir ( comme tous les " fluoriques " et les " sulfuriques " ), remettant en jeu ce qu' il a déjà réalisé pour faire encore plus, mais alors évaluant mal le réel, mesurant mal ses moyens, occultant risques et dangers.

     Tel est bien MERCURIUS :

     - sensible aux changements de temps et de température, comme un thermomètre... à mercure ;

     - à l' identité incertaine, solide et fluide en même temps, comme l' hydrargyre, l' argent liquide qui en tapissant une vitre ( transparente ) en fait un miroir ( qui ne lui renvoie que sa propre image )...

     - mobile et frayant, quand on veut l' approcher et le toucher, comme le mercure sous le doigt.

     c' était un enfant malingre, un garçon de 8 ans et demi, revêtu comme d' une armure du prénom conquérant d' Alexandre, conduit non sans réticence par sa mère, à la demande de l' institutrice, pour troubles du comportement et retard scolaire.

     ce qui frappait dans la présentation de cet enfant, c' était le regard immédiatement porté vers sa mère dès qu' une question lui était posée... Ne faisant qu' à peine attention, ne cherchant ni à comprendre, ni à réfléchir, ni à répondre, il attendait que ce qu' il avait à dire tombe des lèvres maternelles... et, par ailleurs, je notais l' agitation stérile, les gestes mal adaptés, le comportement maladroit rappelant celui du petit MEDORRHINUM. L' institutrice signalait ce même comportement en classe.

     Alexandre, à la fois passif, indifférent, paresseux, ne faisait que difficilement des acquisitions, ayant souvent l' air fiévreux, visage rouge, nez coulant, bouche entrouverte, reniflant, semblant mal entendre et agité, remuant, taquinant ses voisins, les harcelant ou les faisant rire, c' est-à-dire développant à l' aide d' une fausse sociabilité une non moins fausse recherche de valorisation, faute de succès scolaire. Ne pouvant " être " le crack, il " faisait " le clown... conduite très caractéristique du fluorique, si souvent à côté de l' authenticité., ne sachant pas être mais faire.

     MERCURIUS et rééducation psychomotrice permirent d' imprévisibles progrès.

     Il faut ici insister sur l' importance de la rééducation psychomotrice chez tous les enfants fluoriques, en raison :

     - de leur dysharmonie gestuelle, à travers laquelle se noue la relation duelle ou collective et qui n' est donc pas rejetée ou niée ;

     - de leur malaise verbal dans les autres psychothérapies qu' ils refusent rapidement.

     Certes, le psychotype MERCURIUS peut bien évoluer: commençant astucieux et actif, ayant le contact facile et le sens de la réclame. Il risque cependant toujours de manquer de prévoyance : partageant avec d' autres personnalités de la série fluoroluétique ( AURUM METALLICUM, CALCAREA FLUORICA, PLATINA ) le goût du profit - concrétisation du succès valorisant -, son instabilité lui vaut des mécomptes : il n' a ni la persévérance laborieuse d' AURUM, ni la hauteur de vues parfois coûteuse de PLATINA, ni la prudence thésaurisante de CALCAREA FLUORICA.

     Mais il peut y avoir pire. L' anxiété et l' agitation stérile peuvent aboutir :

     - soit à des impulsions agressives ayant valeur de tendances libératoires, mais grevées de culpabilité entraînant l' échec punitif;

     - soit au renoncement, au désespoir, au désir de mort.

     Jean-Noël, 34 ans. Enfance triste : père tuberculeux, toujours entre deux séjours hospitaliers, n' apportant ni joie, ni sécurité, ni modèle stimulant à un fils unique, " poussant " mal, aux angines et otites multiples, tendrement couvé par sa mère.

     Scolarité médiocre et cependant il ne se décourage pas : il veut arriver et vise même plus haut qu il n' en a les moyens ( MERCURIUS se débat vigoureusement, dysharmoniquement, irrationnellement ). Il faut des échecs cuisants pour l' en convaincre.

     Du coup, abandonnant toute ambition intellectuelle, il se lance, avec les mêmes excessifs espoirs dans le cyclisme de compétition... Mais n' est pas champion qui veut : il en a, à la rigueur, les jambes, certainement pas la tête... Pris en charge par une oeuvre privée, il se met à y collaborer avec zèle, y rencontre sa femme et y obtient un emploi stable mais faiblement rémunéré, nécessitant des déplacements. Ceux-ci deviennent de plus en plus nombreux. De ces absences, qui ne sont pas tout à fait des fuites puisque annoncées à sa compagne, il revient stimulé tout fier de lui remettre des liasses de billet: il raconte " avoir gagné aux courses ". L' épouse s' étonne, s' inquiète, surtout quand, d' une nouvelle absence, Jean-Noël revient cette fois sans argent, très abattu : " J' avais gagné gros et j' ai tout perdu... "

     C' est alors que je le vois à deux reprises : il est en un état de décompensation sur un mode évoquant SILICEA, bien que sa structure soit indiscutablement celle de MERCURIUS.

     Mais peu de temps après, la vérité éclate : Jean-Noël, avec l' aide de deux complices dont il était le chef ( le chef, enfin ! ), a attaqué à trois reprises une agence bancaire ( et la même ! ) après s' être " fait la main " sur de petits fric-frac de débutant. Seulement, la troisième fois, ses complices ont été arrêtés : ils ignoraient totalement l' identité réelle de Jean-Noël et son autre existence de démarcheur minable.

     Au cours de l' instruction et de l' incarcération préventive, bien encadré, il se montre repentant, actif, passe des examens, fait des projets raisonnables. Mais, à l' audience de la cour d' assises, surexcité par une situation exceptionnelle qui lui donne un rôle et un public, c' est MERCURIUS agressif tremblant de colère, qui, devant les jurés, joue les cyniques et clame qu' il a voulu se venger de la société, obtenant ainsi la sanction que son inconscient réclamait...

     En dépit de son triple et glorieux parrainage, astronomique, mythologique et alchimique, MERCURIUS reste profondément représentatif d' un mode réactionnel dysharmonique et malsain, au niveau psychique comme au niveau physique, ne maintenant son précaire équilibre que par des tentatives de " rétablissement " inégalement réussies.

 

 

Natrum Muriaticum

 

Psychisme.

     LA SEXUALITÉ DE NATRUM MURIATICUM

     Si N.M. doit être considéré comme ( remède de notre époque, c' est-à-dire à la fois fréquent et représentatif, on pourrait, à lire les matières médicales, être tout de suite découragé d' étudier sa sexualité : tout y est tristement négatif, chez l' homme aussi bien que chez la femme, et cela ne va guère avec l' érotisme qui semble caractériser l' époque contemporaine.

     Mais, après tout, y a-t-il là contradiction ou conséquence ? C' est ce que l' étude psychologique de la sexualité de N.M. va essayer de montrer, étant bien entendu que ce terme doit être compris dans le sens extensif que FREUD et les psychanalystes lui ont donné.

     STADE PRE-GENITAL.

     L' enfant de NM., nous enseignent les matières médicales, est un sujet " lent à parler et à marcher ", au-dessous de la taille et du poids normaux, plus calmé par la fermeté que par la douceur, repoussant les caresses " ( H. DUPRAT ).

     Les traits distinctifs de son psychisme :

     - forte réactivité sensorielle,

     - impressionnabilité émotionnelle,

     - hypersensibilité affective,

     - difficulté d' extériorisation,

     sont le fond sur lequel se constitue et s' exprime une sexualité encore indifférenciée.

     Plus précoce dans ce développement que l' enfant CALC. CARS., moins excitable que l' enfant SULFUR, le petit N. M. vit, avec ses particularités mentales, ses expériences de plaisir et de déplaisir dans ses relations avec sa mère et au niveau de son propre corps, ces deux aspects, d' abord étroitement mêlés, ne se différenciant que progressivement.

     Parce que sa forte réactivité sensorielle est indissociable de son hyper-impressionnabilité émotionnelle et de son hypersensibilité affective, les satisfactions corporelles ne demeurent ni longtemps ni principalement, pour lui, un plaisir en soi suffisant et même, ne peuvent être éprouvées qu' à travers un confort sécurisant, excluant tout excès ou brusques changements de l' ambiance, car il y a des marges de luminosité, de sonorité et de mouvement en deçà et au-delà desquelles l' adaptation se fait de plus en plus mal jusqu' à ce que survienne la peur. Parce qu' il n' extériorise pas facilement ses émotions cet enfant exprime cette peur non par des cris et une vigoureuse protestation, mais par des troubles symboliques.

     On sait tout ce qu' ont appris les travaux de SPITZ et de Mélanie KLEIN sur l' hospitalisme des nourrissons avec ses signes désormais classiques d' hypotrophie et de retard psychomoteur, chez des enfants bénéficiant de soins physiquement excellents mais longtemps privés d' une présence maternelle et de vie en milieu familial. Il est certain que si tous les enfants réagissent négativement à ces conditions anormales, les modalités de leurs réactions sont variables suivant leur tempérament profond. L' enfant N.M ne présente ni les réactions violentes d' un CHAMOMILLA ou d' un STRAMONIUM, ni la régression passive d' un CALC. CARS., ni comme PULSATILLA le besoin, à défaut de pouvoir le faire avec sa mère, de satisfaire ses intenses besoins de tendresse avec une personne substituée, ni l' adaptation réaliste de SULFUR.

     L' enfant NM., placé dans une situation de frustration, même s' il ne s' agit pas de frustration importante, l' intériorise. Il semble parfois la supporter sans effort mais, en fait, il se console en la niant en imagination, sans, pour autant, l' accepter ; ou bien, il déclenche une conduite d' opposition dont le refus de caresse est un exemple. La fonction digestive étant, d' autre part, à cet âge, prévalante, le refus alimentaire peut ainsi exprimer sa souffrance et sa protestation.

     Alors qu' il a faim de tendresse et de nourriture ainsi commence-t-il à élaborer un mode relationnel alogique, revendicatif et autopunitif qui sera d' autant plus accentué au cours de l' existence que le type N.M, est plus pur.

     C' est sur ce fond psychologique, où la peur et l' angoisse indiquent la grande fragilité du Moi, que se déroule l' évolution présexuelle, la prise de conscience des notions de plaisir et de souffrance, d' abord au niveau sensoriel global, pull, d' une manière plus différenciée, au niveau oral, enfin au niveau des zones sensibles, préérogènes du corps.

     C' est pourquoi, s' il survient une souffrance affective profonde pendant la période où les contrôles sphinctériens s' établissent, il se produit inconsciemment une relation anormale entre ces deux séries d' expériences, avec intériorisation du conflit. En général, le contrôle est très vite acquis, même si l' enfant a quelques rares accidents d' incontinence presque exclusivement urinaire. On doit, du reste, noter qu' il est soucieux de propreté

     et qu' il montre une pudeur spontanée plus précoce que celle des autres enfants, ceci pouvant indiquer un manque d' aisance au niveau de ses fonctions uro-anales et pouvant, en partie, expliquer le signe bien connu de NM. : " Ne peut uriner en présence de quelqu' un ".

     Ces traits de personnalité s' accentuent, tout en s' individualisant, suivant " l' équation personnelle " de chaque sujet au cours des années d' enfance.

     STADE PUBERTAIRE :

     Les modifications morphologiques et psychologiques qui annoncent et accompagnent la puberté sont vécues par l' adolescent NM. avec ses dispositions particulières, accentuées par l' instabilité endocrinienne, mentale et affective qui caractérise généralement cette période.

     Les premières pulsions sexuelles, chez la fille comme chez le garçon, sont très souvent ressenties avec inquiétude et, dans de nombreux cas, que ce soit consciemment ou non, refusées. Cette mauvaise intégration ( quand ce n' est pas un véritable refus ) de la sexualité entraîne des troubles physiopathologiques et des syndromes psychiques très spéciaux.

     Troubles physiopathologiques :

     Le retard pubertaire est un syndrome paradoxal car le type N.M., apparenté au type phosphorique, est un hypercrinique, qui tend à un développement morphologique longiligne, avec précocité de la maturation gonadique. Mais, comme il est constant chez ces sujets, le négativisme des réactions, même organiques, vont perturber l' harmonie évolutive. Ce sont des adolescents maigres, à la peau malsaine, frileux, mais supportant mal la chaleur de l' été, attirés par le séjour au bord de la mer qui d' abord les stimule, puis augmente leur nervosité et la fragilité de leur sommeil, alors que leur peau en tire quelque bénéfice.

     - Chez le garçon, la tension sexuelle, l' émotivité et l' imagination font naître des fantasmes érotiques qui, alternativement, l' excitent et l' inquiètent, le poussent à la masturbation qui le culpabilise. C' est bien pis, quand surviennent quelques pollutions nocturnes, d' autant que, d' autre part, le contrôle urinaire n' est pas toujours excellent; de là à se croire frappé d' une infirmité consécutive à ses " mauvaises habitudes " , le jeune NM. en est trop facilement convaincu.

     Grand adolescent, ses premières relations sexuelles sont rarement satisfaisantes. Anxieux, il est victime, par excès d' émotivité, d' impuissance, ou bien, atteint d' éjaculation tardive, il se retrouve flageolant, asthénique, déprimé...

     - Chez la fille, les réactions ne sont guère meilleures : règles tardives, rares et lentes à s' établir, avec une grande fatigue, cycles irréguliers sont d' une extrême fréquence. Les matières médicales signalent, ce qui pourrait apparaître comme une contradiction enlevant toute valeur à cette indication, qu' il y a tantôt aménorrhée, tantôt règles trop fréquentes et trop abondantes, mais on sait maintenant, qu' il s' agit, en fait, dans ce cas, de cycles anovulatoires et non de véritables règles, avec ponte ovulaire. Il y a donc bien retard de maturation pubertaire. Cela survient, dit KENT, chez " ces jeunes filles chlorotiques qui ont la peau grasse, le teint verdâtre, une seule période menstruelle en deux ou trois mois. " Effectivement, si a disparu l' ancienne " chlorose de la puberté " ( qui correspondait à des syndromes très divers ), bien de nos jeunes malades NM. qui sont affligées d' une leucorrhée muqueuse claire ont cet aspect anémique, épuisé, et on peut retrouver chez elles des antécédents d' albuminurie orthostatique. 

     Chez la grande adolescente pré-adulte, ce ne sont pas des dispositions bien favorables, malgré la liberté des moeurs actuelles, pour les premiers rapports sexuels. Certaines font quelque expérience de ce genre, sans grand attrait, par dépit ou par idéologie intellectuelle ou pour ne pas se sentir différente de leurs camarades, parfois dans l' espoir de se sentir ensuite plus épanouies, plus sûres d' elles ; d' autres ( et c' est souvent le cas de ces trop jeunes épouses de 18 ou 19 ans ), bien qu' amoureuses, éprouvent une réelle difficulté à accepter la sexualité conjugale.

     Les unes et les autres s' avouent souvent déçues, ressentant peu de plaisir du fait de leur sécheresse vaginale, pouvant aller jusqu' au vaginisme ; elles redoutent d' être et de rester frigides.

     Il est bien évident, chez tous ces sujets, que les aspects organiques et les aspects psychologiques sont étroitement mêlés.

     Troubles psycho-sexuels pubertaires de NATRUM MUR. :

     Ils sont le plus souvent temporaires et accidentels, mais peuvent évoluer vers des déviations du comportement ou une pathologie psychiatrique grave.

     - La dysmorphophobie : C' est une préoccupation obsédante concernant l' apparence et les formes du corps, la hantise de ses défauts, spéciale à l' adolescence. Elle témoigne de la mauvaise intégration des modifications morphologiques pubertaires et relève de différentes causes : biologiques ( transformation rapide de là morphologie qui perturbe l' identité corporelle et provoque un doute douloureux quant à l' image d' adulte qui en sera le résultat final ) ; sociales ( fausses connaissances anatomiques, rôle éminent de la mode qui prévaut au même moment, suites de moqueries, de quolibets ou de surnoms ) : affectives, surtout, car lorsque le syndrome dysmorphophobique de l' adolescent est réellement constitué, il existe toujours des antécédents de troubles affectifs.

     Ce syndrome se manifeste chez la fille, principalement par des troubles névrotiques ( timidité, isolement, crises de larmes ) qui reproduisent fidèlement des aspects connus de la mentalité de N. M. La crainte de l' obésité ( même chez une fille mince ) est son souci majeur, pouvant la pousser à des désordres alimentaires et à l' anorexie, ainsi que les insatisfactions concernant la forme et le volume des seins, jugés trop gros ou pas assez, la pilosité excessive et l' aspect des jambes.

     Chez le garçon, la dysmorphophobie s' accompagne surtout de manifestations caractérielles et l' obsession corporelle porte surtout sur la maigreur qui est ressentie comme humiliante, notamment le faible développement des pectoraux et des biceps, l' étroitesse du thorax.

     Les préoccupations quant à l' intégrité et la normalité anatomique et physiologique des organes génitaux sont également excessives, anxiogènes, ainsi que celles, bien connues, concernant la peau, l' acné, ces éruptions eczémateuses qui siègent chez N-M. à la lisière des cheveux.

     - La réactivation des perturbations orales de l' enfance est également spécifique de la puberté; anorexie et boulimie sont des symptômes qui peuvent être passagers, presque physiologiques, ou prendre un développement tout à fait anormal. Si ces deux perturbations contraires de la faim et de la soif peuvent en grande partie s' expliquer par le déséquilibre diencéphalique qui accompagne l' excitation hypophysaire de la puberté, il faut savoir aussi en reconnaître la transposition symbolique d' acceptation ou de refus de l' instinct sexuel et, à la limite, de l' instinct de vie. la faim avide de N.M. qui, cependant, ne l' empêche pas de maigrir, illustre l' ambiguïté de ses réactions à cet égard, puisqu' elle est à la fois construction et destruction corporelle et nous savons du reste, que cette modalité peut parfois s' inverser- C' est ainsi que si les premières relations maternelles, la relation triangulaire Mère-Enfant-Père, la situation oedipienne, enfin la rivalité, puis l' identification au parent de même sexe ont été vécues de manière imparfaite ou du fait de circonstances extérieures, telles que rivalité fraternelle excessive, absence réelle ou virtuelle du père, mauvaise entente conjugale, l' adolescent, ou plutôt, à 90 %, l' adolescente peut exprimer son refus d' évolution, sexuelle en particulier, par une perturbation grave : l' anorexie mentale, pour laquelle N.M. sera souvent nécessaire, non seulement en raison de ses troubles de l' appétit, mais aussi des modalités caractéristiques du remède :

     - tristesse mélancolique jusqu' au désespoir, avec fréquentes crises de larmes,

     - aggravation paradoxale de l' état mental par toute consolation, non que le sujet y soit insensible, mais par extrême pudeur de sentiments, dignité, orgueil blessé, humiliation de se sentir faible et déprimé,

     - fuite dans la solitude, pour dissimuler son désespoir et par sentiment d' être incompris, avec dégoût de la vie et idées de suicide,

     - comportement irritable, agressif, susceptible avec l' entourage,

     -conservation d' une activité mentale, intellectuelle et même physique paradoxales jusqu' à l' extrême épuisement des forces.

     La signification de refus du corps, d' aspiration à un refuge idéaliste dans des fantasmes de pureté, l' attitude quasi-délirante à l' égard de la nourriture, indiquent une atteinte grave non seulement de la sexualité impossible à accepter de manière positive, mais parfois même, dans les cas rebelles, une atteinte profonde de la personnalité pouvant conduire à une psychose dont elle est le Ier incident visible.

     - L' homosexualité peut représenter un des échecs de l' évolution psycho-sexuelle de N. M. et orienter tout son comportement ultérieur. Les signes en sont le plus souvent discrets : homosexualité passive chez le garçon, qui fait peu de prosélytisme et s' installe volontiers dans un rôle de dépendance matérielle et affective, auprès d' un partenaire qui parfois l' exploite ; homosexualité ( surtout affective ) chez la fille, mais qui est le plus souvent dominatrice, jalouse, exclusive.

     Dans les deux cas, le refus de la réalité sexuelle est évident et le blocage de la maturité psychologique certain.

     - On ne peut indiquer que pour mémoire les autres déviations du comportement sexuel de N.M. adolescent, lorsqu' elles ne sont qu' un aspect d' un syndrome psychotique. En effet, de l' ancienne " mélancolie de la puberté " aux modernes " syndrome de morosité " et " border-line syndrom " , les symptômes sont très voisins, et N.M. dans certaines formes et à certains stades de la schizophrénie peut avoir une action remarquable, atténuante ou même " guérissante ".

     Des anomalies sexuelles peuvent s' y rencontrer, notamment masochisme, gérontophilie ; on cite des amputations péniennes ou clitoridiennes ; la prostitution dans le cadre d' un vagabondage ou d' une fugue en état de confusion mentale ou de désorientation n' est pas exceptionnelle.

     STADE ADULTE :

     La sexualité de NATRUM MURIATICUM, parvenu à l' âge adulte, prend en général cet aspect négatif que décrivent tous les expérimentateurs : faiblesse sexuelle et inappétence génésique chez l' homme, manque de désir et de plaisir chez la femme, frigidité...

     On pourrait se borner à ce constat d' échec sans se demander pour quelle raison N. M. frappe de telle manière les fonctions sexuelles. Mais une fois encore, nous pourrons constater qu' une de nos pathogénésies, et celle-ci établie par notre Maître HAHNEMANN lui-même, a précédé, dans ses relations cliniques, l' explication biologique. Il y a en effet, dans NM, l' indication : " anosmie " , perte de l' odorat. Or de récents travaux de psycho-pharmacologie montrent l' importance de l' intégralité du rhinencéphale. du bulbe olfactif et de la circonvolution de l' hippocampe dans la conservation du comportement sexuel normal. Chez l' animal de laboratoire, la privation sensorielle de l' odorant inhibe la période de rut et bien que le conditionnement socioculturel modifie les réactions humaines, on connaît l' existence de lésions bien focalisées dont l' anosmie et l' hypogénitalité sont les signes cliniques. Aussi est-il intéressant d' évaluer le coefficient olfactif dans toutes les asthénies sexuelles.

     N. M. nous apparaît, en définitive, comme un remède réellement central, le régulateur vital par excellence, que ce soit au niveau de l' instinct de conservation, par son action sur l' homéostasie hydrominérale, la faim, la soif, la vigilance sensorielle, ou au niveau de l' instinct de reproduction, avec une action particulièrement précieuse dans la période où s' élabore, se différencie et se mûrit la psychophysiologie sexuelle.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     NATRUM MURIATICUM

     OU L' ÉTERNELLE ADOLESCENCE

     Constituant indispensable de l' organisme, élément simple mais remède homéopathique majeur, NATRUM MURIATICUM est à la fois l' une des plus fréquentes expressions d' une période transitoire de l' existence et représentatif d' un " mode réactionnel spécifique " bien défini, somatique et psychique.

     Hahnemann, Hering, Jahr, Kent, pour ne citer d' eux, ont très tôt dégagé les caractères psychologiques développés par l' expérimentation de NATRUM MURIATICUM. Ceux-ci se sont donc imposés à eux bien avant toute expérience clinique psychiatrique. Cette dernière, récente, n' a fait qu' en constater l' extraordinaire et persistante véracité, ainsi que l' impact favorable du simillimum sur la pathologie correspondante.

     Qu' apporter de plus à toutes les descriptions sémiologiques faisant preuve de la plus totale unanimité dans l' énumération des signes fiables du remède ? Seulement d' essayer de montrer la continuité, au cours de la vie, d' un ensemble de réactions qui ne sont pas seulement concomitantes, mais qui s' étayent mutuellement et renvoient à une certaine " organisation de Personnalité " repérable et sensible à l' action du chlorure de sodium hautement dilué et dynamisé.

     l. ENFANCE

     Le petit NATRUM MURIATICUM s' est, bien involontairement, acquis la réputation d' un enfant difficile à élever; posant problèmes, donnant soucis...

     Le plus souvent affamé et vorace, ce nourrisson " profite " peu et lente, ment. Sujet à des pleurs désespérés ou faisant triste mine, parce qu' il a faim ou soif, mal au ventre ou aux yeux, peur d' un bruit intempestif, il déconcerte sa mère.

     Mais qui dira par quoi tout peut commencer? L' inquiétude provoquée chez une jeune femme inexpérimentée par de tels symptômes, si précoces qu' ils semblent innés, d' autant qu' ils perdurent toute l' enfance ? Ou le malaise que suscite, chez un enfant, le contact d' une mère nerveuse et perfectionniste plus que sereine et tendre ?... Pour un sujet hyperesthésique sensoriellement, émotionnellement et affectivement, il faudrait, idéalement, tant de conditions à son épanouissement.., mais serait-il pour autant mieux armé pour la vie ?

     On constate qu' il marche et parle plus tardivement que beaucoup d' autres : encore faut-il préciser la nature de cette lenteur d' apparition. Ce ne sont ni la difficulté de coordination motrice et la parcimonie des aptitudes cognitives, comme cela peut être le cas de BARYTA CARBONICA, ni la dysharmonie neurologique que peut présenter AGARICUS. Il s' agit plutôt ici d' une sorte d' hésitation à user des fonctions de relations.

     Manque de dynamisme vital? ou subtil souvenir d' une expérience préalable incompréhensible et douloureuse ?... L' enfant NATRUM MURIATICUM, capable de se déplacer seul, garde longtemps ses attitudes sécurisantes d' appui.

     Capable de parler ( il comprend son entourage et acquiert un vocabulaire qui surprendra, le moment venu, par son ampleur et son exactitude ), il ne se décide pas à communiquer, comme si c' était un risque à prendre, un danger à courir... On est tout près de l' inhibition de cet autre enfant vulnérable qu' est CAUSTICUM, auquel Dufilho et Guermonprez le comparent si justement.

     Déconcertant, il l' est aussi pour son entourage : cet enfant qui, en plus harmonieux, a l' apparence fragile et délicate de SILICEA, attire les gestes affectueux mais s' y dérobe. Non pas avec le regard de dignité distante du petit LYCOPODIUM, ou le brusque retrait effrayé de PHOSPHORUS, ou le refus hargneux du grognon ANTIMONIUM CRUDUM. C' est une sorte de repli fluide, celui de l' escargot que le moindre toucher fait rentrer dans sa coquille.

     Il faut apprivoiser NATRUM MURIATICUM qui possède ( tout au moins à cet âge ) un code inné pour savoir de qui il peut accepter le contact. Il faut pour le comprendre, avoir vu un tel enfant, impeccablement vêtu, paré pour la fierté de sa mère, se laisser embrasser et dorloter par une vieille femme inconnue, ridée, peu soignée, qui, émue, lui tend les bras - et refuser avec une expression de crainte les avances d' une jeune femme élégante, parfumée, maquillée, volubile, dont à l' évidence il ressent la faible motivation affective.

     plus que la plupart des enfants, NATRUM MURIATICUM est un observateur silencieux, sagace et intuitif.

     Si le contact physique peut lui être difficile, que dire du contact humain ? c' est un client précoce du psychologue scolaire... en attendant le pédopsychiatre_ La rivalité fraternelle, surtout dans le cas où il est l' aîné de la fratrie, pose à NATRUM MURIATICUM le problème de son statut personnel, on pourrait même dire de son " territoire ".

     Est-ce évidence intérieure de sa faible capacité à s' affirmer et à se défendre ? Est-ce peur d' être lésé, trompé, et pourquoi ? Est-ce, hypothèse latente qu' on ne peut jamais ni affirmer ni récuser, obscure réminiscence d' un " vécu d' abandon " ( réel ou symbolique ), d' une frustration primaire sinon prénatale, quand ce ne serait que l' obligatoire abandon du nid maternel et de ses calmes eaux ?...

     Quoi qu' il en soit, NATRUM MURIATICUM a besoin de s' assurer, d' abord, qu' il a bien sa part ( de mère, de nourriture, de jeux ), après quoi il consent au partage, car il est facilement généreux. Mais s' il constate ou se persuade être victime, il en gardera la cicatrice indélébile et le souvenir indéracinable. Sans pouvoir s' en libérer par une violente colère de style NUX VOMICA ( ses colères sont plutôt des moments de rage désolée ), sans exprimer une revendication bruyante, comme peuvent, en pareil cas, le faire AURUM, SULFUR ou LACHESIS, sans montrer l' indignation pâle et contenue de LYCOPODIUM, imaginant avec complaisance de subtiles vengeances...

     Pour ne pas être submergé d' angoisse et de désespoir ( s' il l' est, un jour, il sera en danger d' autolyse ), NATRUM MURIATICUM use d' un double verrouillage : il intériorise sa souffrance ( déception, frustration, blessure affective ), il n' en dit rien ( il ne peut rien en dire ) et, de plus, il la nie dans ses pensées et il peut même la transformer dans ses fantasmes... C' est assez indiquer qu' on est ici à la racine du processus mental psychotique de dénégation de la réalité par impossibilité de supporter les traumatismes de l' existence.

     Comme il a été écrit ailleurs ( tome 1 p. 122 ) : " L' enfant NATRUM MURIATICUM, Placé dans une situation de frustration, même s' il ne s' agit pas de frustration importante, l' intériorise. Il semble parfois la supporter sans effort mais en fait, il se console en la niant en imagination, sans, pour autant, l' accepter ; ou bien il déclenche une conduite d' opposition dont le refus de caresse est un exemple. La fonction digestive étant, d' autre part, à cet âge, prévalente, le refus alimentaire peut ainsi exprimer sa souffrance et sa protestation.

      " Alors qu' il a faim de tendresse et de nourriture, ainsi commence-t-il à élaborer

     un mode relationnel alogique, revendicatif et autopunitif qui sera d' autant plus accentué au cours de l' existence que le type NATRUM MURIATICUM est plus pur;

      " C' est sur ce fond psychologique, où la peur et l' angoisse indiquent la grande fragilité du moi, que se déroule l' évolution présexuelle, la prise de conscience des notions de plaisir et de souffrance, d' abord au niveau sensoriel global, puis, d' une manière plus différenciée, au niveau oral, enfin au niveau des zones sensibles, pré-érotogénes du corps. "

     L' adaptation scolaire pose généralement peu de problèmes à NATRUM MURIATICUM, une fois acceptée ( mais cela peut être dramatique ) la séparation de la première rentrée scolaire, s' il y trouve un climat bienveillant ou neutre. Certains enseignants, par intuition ou culture psychologique personnelle ( qui ne fait aucunement partie de leur formation ! ), distinguent chez ce type d' enfant, au-delà de la timidité et de l' expression indifférente ou absente, la sensibilité et une créativité originale. Heureux élèves dont les professeurs - il y en a ! - savent tirer profit, dans leur métier, de quelques connaissances en Matière médicale homéopathique.

     Pour beaucoup d' autres, malheureusement, le petit NATRUM MURIATICUM n' est qu' un enfant lent, rêveur, paresseux, semblant peu intéressé en classe et, surtout - faute majeure! - qui NE PARTICIPE PAS ! Cette mention, qui a valeur de réjection sans appel, figure immanquablement sur le bulletin scolaire...

     Participer, on sait ce que cela signifie trop souvent : intervenir à tout propos et hors de propos, se faire voir et valoir à défaut de savoir, faire rire toute la classe, bref, faire du spectacle et de l' animation, ce qui occupe le temps et soulage l' enseignant.

     SULFUR, FLUORIC ACID, AURUM, LACHESIS et CINA y excellent, PLATINA s' y risque en calculant et ménageant ses effets et LYCOPODIUM, parfois, à condition que la flèche atteigne le but qu' il souhaite, généralement le professeur. Occasionnellement et comme par étourderie, PHOSPHORUS, émergeant soudain de son nuage, peut lancer une réflexion à la fois charmante et saugrenue... Mais pas CALCAREA CARBONICA : non qu' il manque de finesse mais seulement de rapidité d' esprit et, de plus, il aurait peur qu' on se moque ou qu' on le gronde, car son jugement droit lui suggère que ce sont des comportements déplacés. Et pas NATRUM MURIATICUM, évidemment, ni moins encore SEPIA.

     On peut ainsi apprécier à sa juste valeur la cohérence d' une doctrine politico- pédagogique qui se targue de bannir les préjugés sociaux et l' élitisme, surtout quand on connaît la proportion élevée d' enfants CALCAREA CARBONICA, NATRUM MURIATICUM et SEPIA parmi les jeunes immigrés dont les difficultés verbales sont décuplées, pour la plupart, par l' absence de langage structuré dans leur environnement...

     NATRUM MURIATICUM, qui en classe préfère l' anonymat, a horreur des copains violents et bruyants. parfois maladroit et souvent fatigable, il est tout à fait capable, par bravade ( c' est une des facettes de sa personnalité ), de s' acharner à rivaliser avec les plus habiles et les plus forts. Rapide mais peu endurant, c' est un sprinter pas un coureur de fond. Même épuisé et ruisselant de sueur ( en danger, le soir même, de coryza ou de crise d' asthme ), les succès qu' il peut y obtenir et dont il est si heureux sont une valorisation précieuse pour l' image qu' il se construit difficilement de lui-même.

     Quant à ses succès scolaires, même brillants, NATRUM MURIATICUM a peu tendance à s' en glorifier. iI en attend plutôt une garantie, car il est toujours en crainte d' être le moins aimé, le moins apprécié, pour avoir commis quelque faute ignorée dont il se croit coupable et qu' il se sent dans l' obligation de réparer.

      " Lorsque des parents ou des professeurs décrivent un enfant extra-consciencieux afin d' éviter de donner du souci à ses parents en se conduisant " trop bien " , d' une manière peu naturelle, le premier remède à considérer est NATRUM MURIATICUM " , écrit Catherine Coulter dans une remarquable étude de psychologie analytique-

     Plus que pour tout autre, sa sécurité est liée à l' unité et à la cohésion de son foyer. Aussi tout conflit, toute discorde et, bien sûr, la séparation du couple parental, sont-ils une atroce souffrance, un drame qui peut blesser à jamais NATRUM MURIATICUM ; rien n' est exprimé, rien n' est verbalisé, mais la régression dépressive s' installe :

     - évidente: énurésie, parfois encoprésie ( cf. CAUSTICUM mais aussi PHOSPHORUS ), mutisme ( cf. SEPIA, IGNATIA ), stagnation, ou échec et désintérêt scolaire ( cf. PHOSPHORIC ACID ) ;

     - ou bien masquée par des troubles psychosomatiques : fatigue inexplicable, perte d' appétit ( cf. KALI PHOSPHORICUM ), crises d' asthme, d' eczéma ou de psoriasis ( cf. ARSENICUM ), verrues palmaires, troubles digestifs, appendicite aiguë inopinée ( cf. KALI CARBONICUM ).

     Ce n' est pas seulement le couple qui est cassé en deux parties adverses, C' est l' enfant qui se vit partagé, écartelé.

     De même, toute perte, toute déception est vécue comme un deuil douloureux. A plus forte raison le décès d' un proche, pour un enfant qui, Précocement, pose des questions sur la vie et la mort. " Pourquoi vit-on ?... C' est obligé de vivre ?... " sont des interrogations qui surprennent et serrent le Coeur quand elles émanent d' un enfant de 7 ans.

     NATRUM MURIATICUM, enfin, n' apprécie guère les sorties, réunions et groupes d' enfants, car il s' y sent mal inséré, mal informé et tend à s' y isoler.

     N' ayant que peu d' amis, souvent un seul, " l' élu " , et s' il est trahi par lui, ce sera pour lui un désespoir inoubliable, dont il pourra reparler, vingt ans plus tard, avec une profonde émotion.

     En vacances, il préfère, outre quelques séries télévisées, les distractions individuelles ( " Mécano " , " Lego " , constructions, jeux électroniques ), aller chez une grand-mère pourvue d' un stock d' histoires inédites, ou bien rêver et jouer en compagnie d' un animal favori auquel, lui, toujours si réservé, il, voue toutes ses caresses. Ce sera son confident, son unique consolateur, le seul qu' il supporte et, si on l' y autorise, l' être qu' il souhaite quand il aborde la nuit, chargée pour lui de peurs préalables ( de voleurs, de personnes malfaisantes dans sa chambre et même dans son lit ), de rêves angoissants ( d' agression ou d' abandon, parfois de la mort de ses proches ), car il n' ose pas réclamer une veilleuse ( cf. CAUSTICUM ).

     Parfois, le jeune NATRUM MURIATICUM se récitant tristement tous les chagrins, toutes les déceptions, toutes les blessures dont il se sent porter les cicatrices douloureuses, si loin qu' il s' en souvienne, ne peut plus trouver le sommeil, et l' obscurité se peuple alors de " présences " étranges qui le terrifient au point de l' empêcher d' allumer une lampe et, plus encore, d' appeler... ( cf. SILICEA, GELSEMIUM ).

     Ainsi, au long de ses années d' enfance, NATRUM MURIATICUM s' achemine-t-il, parfois brusquement, le plus souvent silencieusement, vers l' adolescence.

     2. ADOLESCENCE

     En fait, ce mangeur de mets salés dont l' air marin stimule l' appétit et le sommeil le temps d' une quinzaine mais, au-delà, fatigue et énerve en aggravant tous ses troubles, semble avoir, depuis longtemps déjà, les traits psychiques distinctifs de l' adolescence :

     - fatigabilité avec des sursauts d' excitation ;

     - hyperémotivité avec tendance au repli silencieux sur soi, par sentiment douloureux d' être isolé et incompris, qu' émaillent des accès imprévisibles d' irritabilité par anxiété et indignation.

     La composition de son simillimum reflète et rend compte de sa symptomatologie :

     - NATRUM : le sodium, c' est l' anabolisme, l' asthénie, d' où la potentialité dépressive ;

     _ MURIATICUM : le chlore, c' est le catabolisme, l' excitabilité, l' hyperesthésie,

     l' irritabilité.

      " On pourrait lui appliquer le qualificatif de faiblesse irritable " ( Henri Bernard ).

     Dés les prémices de l' adolescence, NATRUM MURIATICUM s' allonge, s' étire, en particulier du cou, du thorax et des membres supérieurs, surtout le garçon. La fille, qui s' affirme " muriatique " dés sa douzième année, peut manifester un relatif embonpoint, généralement temporaire, de la partie inférieure du corps. Cela n' est pas sans signification.

     Tout semble, chez ces sujets en transition morphologique, biologique et psychologique, s' articuler autour de l' axe diaphragmatique, lieu de passage, de contrôle et de répression des pulsions.

     Dans cette perspective, on peut considérer l' étirement du thorax et le port élevé de la tête sur la colonne cervicale comme symboliques d' un élan vers l' idéal.., et l' élargissement au-dessous de la taille comme signe d' enracinement dans le réel, une manière de garder " les pieds sur terre ".

     Curieusement, l' expérience psychiatrique va dans le même sens : quand disparaît ce " contrepoids " au niveau de la ceinture lombaire, lorsque l' amaigrissement atteint la moitié inférieure du corps jusqu' aux membres inférieurs ), on constate, parallèlement, des symptômes objectifs de perte de contact avec la réalité...

     De plus, autre constat clinique, les adolescents NATRUM MURIATICUM font, plus que les adolescentes, des décompensations psychiques. Il peut ne s' agir que d' une pathologie mineure et transitoire où dominent fatigabilité et sueurs profuses chez un jeune homme longiligne, d' aspect frêle, aux cheveux fins et gras, sujet à des poussées d' herpès labial, pas frileux mais souvent atteint de rhinorrhée, émotif introverti pouvant développer des troubles somatiques divers, après un deuil familial ou une déception sentimentale, dont le souvenir lui reste présent. On notera la tendance au décalage horaire du sommeil ( volontiers entre 2 h et 11 h du matin ), les rêves angoissants et la Possibilité de somnambulisme.

     Il faut savoir, quand on voit ces jeunes gens à ce stade, les traiter longtemps ( NATRUM MURIATICUM est un remède d' action lente et profonde ) par leur simillimum dont il est utile de compléter ultérieurement les effets par ceux du nosode TUBERCULINUM, tous deux en très haute dilution.

     Mais il peut aussi s' agir de ces troubles plus graves de l' adolescence tels qu' ils ont été déjà longuement décrits, en particulier :

     - fléchissement scolaire de la 16° année, avec fatigue à l' effort intellectuel, céphalées martelantes du réveil s' aggravant suivant la courbe

     solaire, difficultés de concentration, asthénopie accommodative, baisse des intérêts ;

     - dysmorphophobie dont NATRUM MURIATICUM est le remède le plus fréquemment signifié. C' est le jeune qui, à force de scruter dans une glace une image qui lui paraît de plus en plus désolante ( Kent ), se trouve non seulement laid mais anormal et veut consulter à ce sujet médecins et chirurgiens esthétiques. On en a dit la signification de mauvaise ou d' impossible intégration de la sexualité ;

     - Syndrome de morosité et asthénie dépressive pour lesquels on peut comparer NATRUM MURIATICUM à SILICEA et KALI PHOSPHORICUM. Comme eux, il est attristé et révolté par la misère et les injustices du monde qu' il souhaiterait réformer ;

     - Bouffée d' excitation ( sans délire apparent ) auquel peut succéder un tableau de sémiologie schizophrénique ; on pourra alors voir NATRUM MURIATICUM tendu, angoissé, figé dans une attitude stéréotypée de défense, ou agité, impatient, secoué de tics ( cf. ARGENTUM NITRICUM ), silencieux car dans l' impossibilité de communiquer, mais néanmoins hyperréceptif à la parole du médecin ( le rassurer sans le plaindre ), parfois réprimant des sourires bizarres ou des fous rires inappropriés à la situation objective;

     - Dépression nostalgique du service militaire et ses dangers suicidaires ( cf. CAUSTICUM ) ;

     - Enfin, favorisées par le désarroi affectif, le ressentiment ( séquelles possibles d' un vécu d' abandonnisme infantile ) et la faible résistance de tels sujets aux influences de l' environnement, toutes les déviances : instabilité des projets, abandon brutal des études, fugue et toxicomanie, passage possible à la délinquance et à une évolution dramatique qui font l' objet d' un précédent chapitre.

     L' adolescente NATRUM MURIATICUM peut, certes, présenter une pathologie analogue, mais les risques, dans l' ensemble, paraissent moins élevés :

     - l' entrée dans la psychose ( déficitaire ou dysthymique ) est nettement plus rare ;

     - les formes les plus graves et les plus rebelles d' anorexie mentale sont surtout du registre de SEPIA, alors que NATRUM MURIATICUM présente plutôt des épisodes anorexiques réactionnels alternant avec des épisodes boulimiques ( sans grands excès de poids ), suite à des contrariétés, des déceptions, une mésentente sentimentale ;

     - l' évolution vers une névrose phobo-obsessionnelle n' est pas exceptionnelle. Rendant la vie de ces patientes compliquée, elle nécessite une

     prise en charge psychothérapique difficile à faire accepter et plus encore à continuer, sous une forme à négocier dans chaque cas ;

     - assez souvent s' installe une symptomatologie d' instabilité thymique au long cours signant la lenteur à sortir du narcissisme juvénile pour accéder à un contrôle émotionnel suffisant et évoluer vers une progressive maturité affective :

     , alternance d' élans et de retraits, de sociabilité et d' isolement ;

     , accès d' hilarité puérile et de crises de larmes mal motivées ;

     , crises de nerfs tétaniformes ;

     , irrégularité des intérêts, des activités et des comportements, distraction, indolence ;

     Au mieux, c' est la grande fille longue, à la poitrine peu développée, soucieuse de " sa cellulite " , de sa peau grasse et d' un teint pâle, parfois brouillé, qui souffre d' hypersensibilité de la colonne vertébrale. Facilement hargneuse, quand on veut la consoler et que, pour cela, on avance un geste familier, comme de poser la main sur son bras ou sur son épaule, elle a un mouvement de recul tout à fait caractéristique.

     Réservée et pudique, on sait qu' elle " ne peut uriner en présence de quelqu' un " et même difficilement dans des toilettes publiques. On la connaît, depuis sa puberté, mal réglée, ayant des cycles anovulatoires puis irrégulièrement espacés. Hyperesthésique et irritable dans la période prémenstruelle, elle en devient mal coordonnée, maladroite : c' est le moment où la jeune fille / jeune femme NATRUM MURIATICUM casse vaisselle et verrerie, avec le sentiment que la malchance s' acharne contre elle! ce qui l' exaspère, la culpabilise et la convainc d' être incapable de quoi que ce soit de bien.

     Ensuite, ce sera une période de tristesse, de retour nostalgique à un passé toujours décevant mais sur lequel elle s' interroge sans cesse, qui ne l' incitent guère à concevoir et se préparer un avenir réparateur et valorisant... Mais le désire-t-elle réellement ?

     NATRUM MURIATICUM est vraiment le remède central, le remède-clé de l' adolescence, remède d' étape, de la transition et du " passage initiatique " entre la sortie indistincte de l' enfance et l' abord de la maturité.

     Mais c' est aussi le remède de tous ceux qui n' en peuvent trouver l' accès.

     3. LE DIFFICILE ADIEU A L' ADOLESCENCE

     On sait que plusieurs des remèdes homéopathiques d' action générale développent, tant au niveau de leur pathogénésie qu' au niveau clinique, un ensemble symptomatique correspondant à un état d' équilibre reconnaissable, plus ou moins stable, susceptible, dans le même registre sémiologique :

     - de décompensation ( stade d' hyposthénicité ) ;

     - ou de surcompensation ( stade d' hypersthénicité ).

     Ainsi en est-il de CALCAREA CARBONICA, de SULFUR, d' AURUM METALLICUM, de LYCOPODIUM, et même de PHOSPHORUS ou d' ARSENICUM ALBUM.

     Cela est beaucoup moins évident pour NATRUM MURIATICUM.

     Il n' existe pas vraiment, dans ce mode d' organisation somato-psychique, une telle alternance nettement diphasique mais plutôt, survenant sur un fond de latence dépressive, des manifestations irrégulières d' excitabilité ayant valeur de réaction de défense ou de signal d' alarme. On l' a vu chez l' enfant et, plus encore, chez l' adolescent. On peut le constater chez le jeune adulte, en particulier chez la jeune femme.

     a ) La " spasmophilie " , réaction de défense

     Successivement " découverte " ( comme on exhume un trésor oublié au cours de la dernière décennie, star éphémère de l' actualité médico-médiatique, puis " dévoilée " , comme on ôte son masque à un faussaire et dédaigneusement rejetée du champ de la pathologie authentique ( avec autant d' empressement qu' on en avait mis à la promouvoir ! ), la spasmophilie ne méritait " ni cet excès d' honneur ni cette indignité ". Mais de tels avatars peuvent donner des indications sur sa nature...

     L' erreur fut, sans doute ( mais il est facile de la comprendre a posteriori ), d' avoir voulu justifier sa réalité par des étayages biophysiopathologiques incertains et, plus encore, d' avoir voulu faire, d' un ensemble symptomatique particulièrement mouvant, une unité nosologique. 

     Certes, on sait, depuis Hans Selye et Henri Laborit, que tout stress engendre, d' une manière plus ou moins durable et intense :

     - une hyperexcitabilité neuromusculaire ;

     - une hypersécrétion des catécholamines qui, à son tour, entraîne une dépression magnésique.

     phénomènes qui peuvent générer des troubles tétaniques et des symptômes dits de " spasmophilie ".

      La spasmophilie : attaque de panique, anxiété généralisée ou hystérie ? " A cette question ( Entretiens de Bichât, 1986 ), l' expérience homéopathique peut légitimement apporter sa réponse : le syndrome spasmophilique n' a pas une signification univoque mais différente suivant ce qu' il traduit des divers modes spécifiques :

     - réaction de défense chez des sujets dystoniques, anxieux, au fragile équilibre, ayant le sens d' un essai maladroit pour rétablir une problématique sthénicité, telle qu' on peut le voir dans le cas de NATRUM MURIATICUM, CALCAREA PHOSPHORICA, PHOSPHORUS, GELSEMIUM, mais aussi SEPIA, pouvant avoir une calcémie et une magnésémie un peu faibles et souvent une hypotension orthostatique ;

     - symptomatologie " raccrocheuse " , excessive, jusqu' à être, parfois, caricaturale, signant l' organisation hystérique chez des malades aux bilans sanguins désespérément normaux, le plus souvent ( mais non exclusivement ) féminins, majorant involontairement leurs symptômes pour se rendre plus crédibles, captifs de leur propre image : IGNATIA, ACTEA RACEMOSA, LACHESIS, et bien sûr MOSCHUS, VALERIANA, PALLADIUM, pour ne citer que les plus souvent identifiés ;

     - signal de détresse ( et de panique ) chez des " sthéniques irritables " ( masculins ou psychiquement virils ), souvent hypertendus et hypercholestérolémiques, voués à l' escalade de la survalorisation par peur morbide de l' échec, comme on peut le constater chez des personnalités PLATINA, NUX VOMICA et même parfois AURUM METALLICUM.

     Émotive, capable par à-coups de résistance physique mais aussi de décompensations imprévues, la jeune femme NATRUM MURIATICUM peut Offrir un tableau caractéristique du syndrome spasmophilique.

     Mme Corinne D..., 29 ans, consulte pour ce motif, ayant reconnu tous ses troubles dans des descriptions complaisantes de, vulgarisation médicale. Elle se désole, malgré toutes ses recherches, d' avoir été mal soignée: strictions pharyngées, spasmes diaphragmatiques, contractures imprévues des mollets, des chevilles, des pieds, engourdissements persistants des mains après avoir porté un sac ou soulevé un poids ou même écrit, mais aussi soudaines crises de picotements, aux joues, aux membres, à la Poitrine, sensations de perte d' équilibre et craintes d' évanouissement. Malgré la fraîcheur de la température, elle est très légèrement vêtue et le chemisier entrouvert laisse voir de larges plaques rose-vif qui se dessinent, pendant qu' elle parle, sur son thorax et Son cou maigres...

     Antécédents peu notables, si ce n' est une absence de structure familiale : fille unique Père très souvent absent et ressenti comme plutôt indifférent; mère asthénique et pessimiste supportant difficilement les contraintes d' un métier sans autre intérêt que pécunier. Corinne était très souvent seule dans l' appartement familial et garde des souvenirs désolants des jours de congé et des vacances de Noé] en particulier.

     Mariée depuis trois ans ( entente conjugale moyenne ), elle a une petite fille de 10 mois et c' est peu après son accouchement que les troubles dont elle se plaint ont débuté : obsédée par la peur que le bébé ne meure soudainement, elle a perdu le sommeil, se réveillant sans cesse pour l' observer mais ayant, de ce fait, des comportements anxieux et des gestes brusques : l' enfant pleure beaucoup et a peu d' appétit.

     En fait, Mme D.., a déjà éprouvé ces mêmes symptômes : vers 17 / 18 ans, parfois au moment de ses règles, ou avant de se présenter à un CAP de comptabilité auquel elle a fini par renoncer, enfin, il y a deux ans, après une IVG à laquelle son mari ( chômeur à l' époque ) l' a beaucoup incitée.

     C' est une jeune femme qui cherche sincèrement à guérir, qui s' occupe consciencieusement de sa fille et de son foyer, mais avec plus d' attention scrupuleuse que de joie et plus de perfectionnisme que de dynamisme...

     Anxiété, regret d' une vitalité adolescente qu' elle n' a pas connue, deuil d' une première " maternité avortée " dont la culpabilité lui fait craindre pour la vie de sa fille, tentatives courageuses de réagir mais au prix d' efforts excessifs et mal appropriés ( aerobic ).

     Il fallut des entretiens explicatifs patients, la prise de NATRUM MURIATICUM 30 CH, d' ARNICA 30 CH et de MAGNESIA PHOSPHORICA 7 CH et des séances de relaxation pour qu' avec une meilleure compréhension de son fonctionnement psychologique et de ses symptômes, ceux-ci disparaissent progressivement, n' ayant, peut-on dire, plus d' utilité.

     NATRUM MURIATICUM, asthénique et réservée, peut donc à sa manière tenter de réagir contre ses faiblesses par " ce signe de désarroi tapissé de peurs incontrôlées qu' on appelle spasmophilie " ( R. Sananes ).

     b ) La céphalée migraineuse : signal d' alarme

     Ses modalités, pour être pathogénétiques et bien connues, n' en sont pas pour autant dépourvues de signification :

     - battante, martelante, comme le rappel régulier et implacable d' une préoccupation lancinante ;

     - diurne, latente dés le réveil, douloureuse dés 10 h du matin, s' aggravant avec " la courbe solaire " , disparaissant progressivement le soir ;

     - aggravée par une luminosité trop forte ( cf. PHOSPHORUS ) ;

     - très cyclique dans sa survenue :

     - parfois dominicale, par rupture du rythme hebdomadaire ( cf. IRIS VERSICOLOR ) ;

     - parfois cataméniale avec ses deux moments sensibles :

     - à l' ovulation ( améliorée par la prise de FOLLICULINUM ) ;

     - dans l' espace prémenstruel où peuvent survenir d' angoissantes impressions de perte de contact avec la réalité ( cf, ACTEA RACEMOSA );

     - souvent déclenchée par une obligation sociale ou professionnelle de paraître en public, de participer à une réunion, de communiquer avec des inconnus...

     C' est une très pénible épreuve pour Marie-claire E..., épouse d' un " haut fonctionnajre " , de se rendre aux réceptions officielles. ( Ah ! que n' est-elle PLATINA ! ) Elle qui a, déjà, horreur de téléphoner ( " Je ne sais que dire à cet appareil ! " ) était régulièrement prise de migraine avant même d' arriver dans un de ces vastes salons ministériels, largement illuminés, où se presse une foule " brillante " et bruyante - ou dans quelque restaurant de grande classe... Incapable de dire un mot ou d' avaler quoi que ce soit, combien de fois n' avait-elle pas dû partir en hâte, sanglotant en arrivant chez elle, mais malgré toute sa bonne volonté, incapable de dominer de telles réactions.

      " Jean-Paul ne comprend pas que je n' en peux plus et que je vais craquer, parce que je n' ai jamais la migraine quand on va tous les deux, ou avec de bons amis, dîner dans un petit bistrot sympa. "

     APIS a fait disparaître lune prise en 15 cH avant une sortie ) les plaques d' érythème subit au décolleté et le prurit de la nuque qui la mettaient au supplice dés qu' elle devait affronter les regards ; HISTAMINUM a rendu tolérables ses " céphalées mondaines " ( elle a même fini par rire de ce terme inventé à son usage ) mais NATRUM MURIATICUM reste son indispensable régulateur.

     Céphalée-symptôme, certes, mais aussi céphalée-message, témoin d' un refus inconscient d' intégrer des réalités qui, pour NATRUM MURIATICUM, Sont en contradiction avec les tendances essentielles de son être. Et enfin, signal d' alarme indiquant qu' un seuil de saturation est atteint au-delà duquel Peut se produire la faille, la décompensation dépressive.

     ÉVITEMENTS ET ÉCHECS

     Quand on écoute et qu' on entend beaucoup d' hommes et de femmes correspondant au biotype NATRUM MURIATICUM, on a le sentiment qu' ils se laissent emporter par l' inexorable déroulement du temps, presque à leur

     insu, comme s' ils ne voulaient pas le savoir, sans presque rien en " retenir " ( souvenirs et acquisitions ), et sans y prêter beaucoup d' intérêt. Du reste, ils peuvent exprimer l' opinion que la vie leur est, depuis longtemps, à charge, qu' ils y sont peu attachés, et s' étonner sincèrement que des gens puissent éprouver du plaisir à vivre...

     On est loin de SULFUR !

     L' anamnèse de ce vécu montre que s' il est, bien évidemment, enraciné aux plus lointains de leurs commencements et à un état de " manque " probablement polyvalent, biologique et psychologique, manque de vitalité et manque d' amour ( celui-ci nourrissant celui-là ), les prises de conscience de leur déception existentielle datent de leur adolescence. Leurs espoirs de paradis terrestre et leurs illusions de justice et de fraternité universelles se sont brisés sur les contraintes des réalités et, pour eux, vivre dans un monde perçu comme trop difficile, trop compliqué, plein d' incertitudes, où tout blesse leur sensibilité et leur idéalisme, n' offre que peu d' attrait.

     a ) Inhibition et répression

     Devant ce conflit, NATRUM MURIATICUM, pour éviter de succomber au désespoir, peut se figer ( en statue de sel ! ), vivant au plus juste, c' est-à-dire en censurant au maximum les deux formes de l' instinct de conservation : oralité et sexualité.

     Oralité

     On en a longuement parlé à propos des adolescents anorectiques. La jeune femme NATRUM MURIATICUM reste, en ce domaine, dans la même ligne : préoccupée ( parfois obsessionnellement ) de nourriture " saine " , cliente assidue des magasins de produits diététiques et grande lectrice de revues écologiques, elle n' aime guère faire la cuisine, ayant le sentiment de perdre son temps pour une activité aussi " matérielle " et, en arrière-plan, presque coupable. Elle préfère se nourrir vite, en grignotant ( cf. SEPIA ), c' est-à-dire sans en avoir l' air, sans s' en rendre compte, quitte à faire une " descente " dans le réfrigérateur à 3 h du matin, en crise de boulimie génératrice, quelques heures plus tard, de céphalée migraineuse.

     Ses intérêts sont ailleurs : la musique, les arts - mais avec un goût marqué pour le dépouillement ou l' an abstrait. Ainsi, dans la foulée de " mai 68 " , des couples NATRUM MURIATICUM-PHOSPHORUS ou NATRUM MURIATICUM-SILICEA ont-ils abandonné université et confort citadin pour se consacrer à l' élevage des chèvres et des moutons sur les âpres plateaux des Causses ou des Pyrénées, dans des fermes exposées à tout vent, parfois même en communautés dont on sait ce qu' il advint...

     Sexualité

     La répression sexuelle, frigidité chez la femme, impuissance ou échec chez l' homme, est l' autre aspect de cette censure vitale.

     La jeune femme ne s' en plaint pas toujours, dans le contexte d' une attitude "  puritaine " , la mentionnant souvent comme une fatalité supplémentaire s' ajoutant aux autres maux qui lui rendent l' existence pénible : sécheresse intense du vagin ou leucorrhée irritante s' ajoutant à l' attitude psychologique de réserve et d' attente... déçue, avec la rançon d' une dorsolombalgie ( tant elle est crispée, tendue et peu abandonnée, ne facilitent évidemment rien.

     Dans ce domaine, il existe, chez l' homme, un aspect particulier de NATRUM MURIATICUM qui peut être oublié.

     Il peut s' agir d' un adulte, un peu caricatural, à la limite de l' hystérie avec son désir de séduire, fusse au prix d' une "  castration symbolique " , répondant à la première angoisse du sujet. Toujours gentil, cherchant à plaire pour ne pas être abandonné et renvoyé à l' insupportable solitude.

     C' est le faux adolescent qui n' arrive pas à " s' engager " , au propre, au figuré et au niveau symbolique, dans ses options professionnelles, dans ses amours qu' il déserte sitôt réussies, pas davantage dans ses réalisations sexuelles. L' ambiguïté de son ou de ses orientations psychologiques, et l' incertitude de ses identités, ne le lui permettent pas. Parfois homosexuel, c' est celui qui a toujours " hâte d' en finir " ( cf. LYCOPODIUM, l' éjaculation précoce, angoissante et mortifiante, accomplissant les menaces maternelles jadis entendues à propos de la masturbation.

     Il y a chez de tels sujets des désirs mis en évidence mais qui sont, en réalité, faibles et incertains. Ce qui, en revanche, est certain, c' est sa hantise de vieillir, de perdre son aspect de jeunesse, la peur de la déchéance physique et de la mort,

     Mais voici beaucoup plus subtil :

     M. Roger P..., 48 ans. Cadre supérieur. Taille moyenne, mince, cheveux châtains Commençant à s' éclaircir, visage expressif, traits fins, sourire presque juvénile, Politesse délicate.

     Consultait pour " fatigue constante ". Las de bilans nombreux qui ont abouti à des Prescriptions tantôt inoffensives et inefficaces - tantôt majeures mais excessives ( ClonaZépam ), il fait, bon gré mal gré, la demande de consulter un " psy ".

     Lui ne prononce pas le mot " dépression " , si volontiers et si abusivement employé P " beaucoup de patient ( e ) s ( " La semaine dernière, j' ai fait une dépression " !.., mais il rit, d' un rire léger qui sonne faux, qui veut minimiser la souffrance ( peut-être par crainte du diagnostic psychiatrique ) mais où l' on sent la distance et l' extrême pudeur.

     cadet de trois garçons, carence avérée de tendresse parentale et carcan éducatif dans un internat rigoureux ( modèle 1930 ) où la seule compensation possible aux manques affectifs était celle des " amitiés particulières " ou de quelque " filiation élective " par un éducateur " bienveillant "...

     Études supérieures brillantes mais examens réussis de justesse, car plein d' appréhension lors des confrontations auxquelles il arrivait, épuisé par deux ou trois mois d' efforts intellectuels.

      " Attention, fragile! " J' avais envie de coller cette étiquette sur la fiche de " ce garçon "... ce garçon de 48 ans, à l' air de vieil adolescent...

     Mariage de convenance : l' image du couple pourrait être celle d' une couverture de magazine. L' épouse ( sophistiquée, indéchiffrable ) comblée de toilettes et de bijoux, semble être la vitrine de l' entreprise, la démonstration de sa prospérité. Pas d' enfant.

     Ne se fut-il pas dit marié, je l' eusse pensé célibataire et / ou homosexuel, avec son élocution presque trop appliquée, ses gestes un peu trop parfaitement élégants.

     De ce fait, on eût pu penser à PLATINA mais c' était, bien évidemment, l' image-écran, le miroir de NARCISSE retourné, trompeur et protecteur ( piège qu' il faut savoir éventer mais respecter ), car, si la symptomatologie de ce consultant était du registre de LYCOPODIUM, son fonctionnement psychique était bien celui de NATRUM MURIATICUM.

     Décédé accidentellement deux ans plus tard, son émouvante silhouette m' a été évoquée par la lecture d' un texte homéopathique récent dont une phrase lumineuse résume toute cette observation :

      " Nous ne serons pas étonnée que, chez l' homme, PLATINA ne soit que le masque d' un NATRUM MURIATICUM sous-jacent dont il constitue la défense et dont nous savons, à combien, la fragilité autant que les risques et les difficultés. " ( G. Ziegel ) ' 

     En revanche, que de toutes jeunes femmes " BCBG " , spasmophiles et migraineuses, charmantes et réservées, offrant toute la gamme des signes d' un NATRUM MURIATICUM irréprochable, se révèlent-elles, après un ou deux ans de mariage, de vraies PLATINA, égocentriques, exigeantes, séductrices et même nymphomanes !

     On peut, à ce propos, se demander si, dans certaines observations et remarques du genre " La grande dame qui s' éprend de son cocher " , il n' y a pas eu méprise, PLATINA s' étant, une fois de plus, présentée sous un déguisement, celui de NATRUM MURIATICUM en l' occurrence, tout comme, on le sait, elle peut porter le masque de SEPIA...

     b ) Menace dépressive et dépression réactionnelle

     Objet de descriptions cliniques et de recherches théoriques le " syndrome de menace dépressive " est d' actualité :

     _ Symptomatologie mixte, anxieuse et dépressive ;

     _ possibilité d' attaques de panique ;

     _ risques d' évolution spontanée vers un état dépressif réactionnel.

     En fait, rien ne ressemble davantage aux avatars malheureux de NATRUM MURIATICUM en voie de décompensation. Pathologie habituellement moins aiguë et moins immédiatement alarmante que chez l' adolescent, elle n' en demeure pas moins douloureuse pour le malade, perturbante pour son entourage, et n' est pas dépourvue de dangers. ce n' est pas pour surprendre si on se réfère au rôle régulateur du chlorure de sodium dans les troubles métaboliques et dans l' équilibre humoral ainsi qu' à son intervention ( à des concentrations parfaitement infinitésimales ) dans l' hypercortisolisme que de récents travaux ont démontré identiquement présent dans l' état dépressif et dans l' anorexie mentale.

     Dans un premier temps, spasmophilie, céphalalgies et, éventuellement, diverses manifestations psychosomatiques ( souvent variables et contradictoires ) :

     - respiratoires : coryza, rhinite, crises asthmatiques ;

     - cardiaques : palpitations et oppression thoracique ;

     - digestifs : sitiomanie, gastrite ulcéreuse, constipation spasmodique et atonique ;

     - rénales : polyurie, incontinence et oligurie et inhibition urinaire ;

     - sensorielles : troubles de la vue ( phosphènes et asthénopie ), anosmie et agueusie transitoires.

     NATRUM MURIATICUM essaye de communiquer par son corps ce qu' elle se révèle incapable de verbaliser: sa détresse et son isolement affectif. Par pudeur, de peur que les mots ne figent et ne trahissent ses sentiments - et, à la ' imite, que ceux-ci ne lui appartiennent plus...

     Ténue est ici la frontière entre l' appréhension névrotique, l' angoisse Phobique et l' interprétation psychotique... Et, une fois encore, on constate à quel point les modalités psychiques de NATRUM MURIATICUM expriment ce que l' On décrit en psychiatrie sous le nom d' état-LIMITE. Plus profondément, la menace dépressive révèle la structure psychasthénique de telles personnalités :

     - fatigabilité sans qu' il y ait encore de retentissement psychomoteur ;

     - rumination mentale où le regret lancinant du passé et des êtres chers disparus alterne douloureusement avec l' espoir d' un futur dont le sujet craint et pressent qu' il ne lui apportera rien de bon ;

     - refuge dans des consolations imaginaires et des rêveries romanesques, mettant à distance une réalité trop blessante ;

     - d' où possibilités de conflits relationnels pouvant déclencher la décompensation.

     Car NATRUM MURIATICUM, le plus souvent honnête et loyal, prenant tout à coeur mais entêté dans ses convictions qu' il ne sait pas dissimuler, peut s' aliéner des sympathies, soit par une franchise trop brutale, soit par des refus mal motivés et blessants pour autrui ( compliments ou cadeaux ), mais ressentis comme immérités par le destinataire!

     NATRUM MURIATICUM, éternel adolescent incompris...

     Au-delà, peut s' ouvrir, en cas de choc émotionnel ou de deuil affectif, la faille de la dépression réactionnelle, avec son inhibition motrice et volitionnelle, sa tristesse muette mais dramatique, la tentation suicidaire.

     Masculin ou ( plus souvent ) féminin, NATRUM MURIATICUM peut, plus qu' un autre, faire un état dépressif par désespoir d' amour,

     "  Elle " qui ne peut jamais dire " je t' aime " , comme si quelque méchante fée allait lui jeter un sort funeste en punition de cet aveu, "  elle " qui ( la vraie NATRUM MURIATICUM ) peut devenir amoureuse d' un homme âgé, d' un homme laid, parce que son imagination en fait un héros protecteur, " elle ". qui a si peur de l' échec sentimental qu' elle est capable de se montrer réticente, voire bourrue, avec celui qu' elle aime, préférant la rupture immédiate à l' espoir suivi de déception, c' est quand elle est au fond de l' étai dépressif qu' enfin elle se libère: elle pleure et peut alors exprimer ses tendres sentiments, et les chimères longtemps entretenues pour se donner envie de vivre, car les risques et les tentatives suicidaires sont encore possibles, comme à 20 ans...

     Il faut toujours beaucoup de chaleur humaine et un peu de taquinerie affectueuse pour accompagner de telles patientes qui semblent toujours jeunes, avec leurs touchantes désillusions, pour les faire persévérer, patiemment, dans la prise de leur simillimum.

     5. UNE VIEILLESSE ESTOMPÉE

     Tellement discret qu' on l' oublie, NATRUM MURIATICUM ne se profile plus qu' en filigrane.

     NATRUM MURIATICUM, femme âgée, peut se rétrécir, se ratatiner, se durcir physiquement et psychiquement et ressembler à SEPIA. Nous avons vu que, constitutionnellement, elle peut être, mieux que son homologue masculin enracinée dans le réel.

     Lui, arrivé à ce moment redouté et honni où son narcissisme qu' on a vu en danger à chaque étape de son évolution est définitivement atteint, peut tendre, comme PHOSPHORUS, à se désincarner. cependant, assez souvent, dans un ultime appel à des recours ( familiaux, médicaux ), il développe une sémiologie hypocondriaque qui peut, avec sa silhouette menue et encore élégante, évoquer celle d' ARSENICUM ALBUM. Mais l' angoisse frénétique de ce dernier, la suspicion agressive qu' il témoigne envers le médecin, la complaisance et la minutie qu' il déploie dans l' exposé de ses maux, montrent avec évidence la satisfaction de parler de soi et de mobiliser à son profit l' intérêt d' autrui...

     Même avec une égale hyperesthésie à la douleur et une comparable angoisse du souffle, notre héros muriatique s' en différencie : triste, abattu, culpabilisé d' avoir besoin d' aide et, plus encore, d' être obligé de parler de lui, il ne tient plus à la vie que par un lien fragile... Mais y a-t-il jamais plus solidement tenu ?...

     Alternance des modalités physiques.

     Polymorphisme des symptômes mentaux.

     Ambivalence des comportements.

     Ces traits somato - psychiques, classiquement attribués à la jeunesse, caractérisent le mode réactionnel NATRUM MURIATICUM.

     Ayant accédé trop précocement aux incertitudes de l' adolescence, le sujet de ce type court le risque de ne pouvoir jamais s' en dégager, quoi qu' il en soit, toute sa vie, il en conserve, avec les charmes et la précarité, une inguérissable nostalgie.

 

 

Nux Vomica

 

Introduction.

     Ce remède végétal ( Strychnos Nux Vomica, arbre d' Extrême-Orient ) développe une pathogénésie dont les rapports avec celle de SULFUR justifient ce voisinage.

     De morphologie le plus souvent pycnique, avec tendance à l' embonpoint, NUX VOMICA, observé au long de la journée poursuit un programme d' activités avec une sorte d' acharnement, " comme s' il voulait éperonner le temps " , selon l' expression de MOUEZY-EON.

 

Caractéristiques.

     On le décrit comme le P.D.G.-type, homme d' autorité et de décisions, menant une vie sédentaire faute de " prendre le temps " pour des exercices physiques suffisants, passant de son domicile dans sa voiture, de celle-ci à son bureau, delà au restaurant pour un " repas d' affaires " ( nourritures trop riches jointes aux excitants : alcools, café, tabac sur fond de compétition masquée ), trop heureux s' il peut s' accorder les dix minutes de somnolence qui l' améliorent, exigeant avec ses collaborateurs, cassant et coléreux derrière les apparences d' une joviale cordialité, hargneux en fin de journée, insatisfait de ce qu' il a fait, mécontent de n' avoir pu faire davantage, irascible et inquiet à l' heure du sommeil.

     Si le conditionnement socioprofessionnel renforce ici les tendances du tempérament, la dynamique personnelle de NUX le pousse, même dans un tout autre contexte, même quand il se plaint d' être " accablé de travail " , à exploiter toutes les circonstances pour justifier son comportement.

     Agriculteur ou médecin, artisan, commerçant, même fonctionnaire, il est également:

     - hyperesthésique : aux courants d' air, au froid sec, aux bruits de l' environnement,

     - insomniaque : long à faire le calme dans son esprit à moins qu' il ne " tombe de fatigue " , réveillé entre 3 h. et 5 h. en pensant à son travail ( dont il a rêvé ), anxieux de l' avenir et de sa santé. S' il n' a pas à portée de main de quoi écrire, il ne se rendort pas de peur d' oublier, au réveil, les vérifications à effectuer, les arguments à développer, les remarques à faire...

     - hyperactif : il est intolérant à la nonchalance d' autrui, impatient et autoritaire,

     - irritable par toute contradiction, minutieux dans le travail qu' il aime " bien fait " ( c' est-à-dire tel qu' il le conçoit ), il ne sait pas se faire aider ce qui ajoute à son surmenage.

     Qu' est-ce qui fait donc courir NUX VOMICA ?

     Le besoin d' EFFICACITÉ, produit souvent fallacieux du temps et de l' action...

     Il entre, dans l' analyse de cette pulsion, des facteurs de niveaux différents qui ne peuvent se laisser réduire de façon trop simplificatrice :

     - besoin biologique d' agir, manifestation d' adaptation au réel et d' instinct de vie,

     - désir narcissique de réussite : de se trouver soi-même dans l' action, de réaliser ses possibilités ( dominance de l' idéal du MOI ) mais aussi, pour certains, assujettissement vaniteux à l' image de soi donnée à soi-même et aux autres, besoin de triompher de l' ambivalence infériorité-supériorité, sentiment éthique de responsabilité : soit, concrètement, par rapport à une rouvre à accomplir - soit, et par rapport à un devoir de " faire valoir les talents reçus en partage " , dans une perspective de jugement ( humain ou divin ),  ( dominance du SUR-MOI ).

     De la combinaison de ces facteurs et de leur degré se dégagent les variations individuelles.

     Lorsque la finesse de l' intelligence, les valeurs affectives bien vécues et une volonté de sagesse ne viennent pas tempérer ces tendances, les risques pathologiques sont réels :

     - qu' ils soient somatiques :

     .

      incidents dus au dysfonctionnement hépatique et à la stase portale progressive :

     ils ajoutent à l' irritabilité par la douleur que NUX tolère mal :

     bouche pâteuse au réveil, nausées, migraines suivant tout écart de régime, ballonnement et flatulences postprandiales, congestion ano-rectale avec crises hémorroïdaires

     . accidents spasmodiques cardio-vasculaires, inscrits dans la pathogénésie du remède :

     infarctus cérébral, infarctus du myocarde, artérite.

     - qu' ils soient psychiques :

     . situations de conflits : L' irritabilité de NUX VOMICA entretenue par des excès faisant trop souvent parti d' un " standing " , enseigne de sa réussite, peut être source de dissentiments conjugaux, parfois de drames familiaux : " Docteur, je crois que je leur fais une vie impossible, à la maison "... Son autoritarisme, en milieu professionnel, et ses colères, troublant son appréciation des réalités, peuvent lui valoir des ruptures et des rancunes dont il devient la victime.

     . des épisodes dépressifs réactionnels, généralement brefs, peuvent suivre les échecs. NUX VOMICA, arrêté dans sa course contre la montre par un accident de santé, un drame familial, une catastrophe professionnelle, rendu à la vraie dimension de son personnage, dépouillé de son décor narcissique, peut s' effondrer et désirer la mort, faute d' accepter la preuve qu' il n' est pas tout à fait celui qu' il voulait paraître. ( Cf. BERGERET, op. Cit. p. 28, observation de Julien ).

     La reconversion de son activité vers des buts plus désintéressés, l' ouverture à une affectivité plus réelle. et la prise de son simillimum pourront l' aider à retrouver, avec la santé, sa vérité.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     Nourrisson

     - coléreux, impatient ;

     - vorace ;

     1° Enfance

     - crie plus qu' il ne pleure ;

     - momentanément calmé par ce qu' il désire, mais désirs renouvelés

     2° Enfance

     - observateur rapide à choix successifs : veut " ça " et " ça " et " ça " , rejette violemment le reste ;

     - infidèle à ses jouets ;

     - acquisitions sensorielles rapides et bien manifestées ;

     - acquisitions motrices rapides : il triomphe ;

     - acquisitions intellectuelles régulièrement progressives :

     . langage souvent plus tardif que sa compréhension ;

      intérêts vifs, variés et successifs ;

     - relations très directes avec l' entourage :

     . exige violemment l' intérêt et la participation d' autrui ;

     . hurle si on le laisse seul, jette ses jouets, les casse ;

     . peu sensible aux explications lors des interdictions et de toute contrariété ; n' écoute rien ! hurle !

     - affectivité MANIFESTÉE :

     . élans affectueux vigoureux et brefs ;

     . se jette au cou spontanément;

     . recherche souvent autant mère que père ;

     . attrait plus fort que peur des personnes nouvelles et des gens bruyants ;

     . se cache pour venir ensuite se montrer;

     . fait le clown pour séduire et dominer sa peur.

     SCOLARITÉ

     - s' intègre vite ;

     - va vers les autres enfants ;

     - bagarreur, peut être violent;

     - rancunier à court terme ;

     - copains successifs et nombreux ;

     - indocile et hardi ;

     - agité, parfois irritable quand il n' est pas intéressé ;

     - intéressé par le concret, les explications, pratiques, les résultats évidents, plus par les mécanismes et le " comment " ;

     - tendance à être tricheur;

     - application irrégulière ;

     - proclame fièrement ses succès, furieux de ses échecs qu' il cherche parfois à dissimuler ou à attribuer à différentes causes extérieures ;

     - susceptible, violent s' il est victime d' injustice : colères ROUGES.

     PRÉPUBERTE

     - curiosité intense :

     . pose des questions directes ;

     . s' intéresse tôt et directement à l' autre sexe ( anatomie et physiologie );

     - éveil sexuel vécu comme les autres acquisitions sensorielles : il est précoce et fonctionnel ;

     - masturbation vécue sans complexe,

     avec sentiment de détente libératrice.

     ADOLESCENCE

     - intérêts larges ;

     - content d' acquérir ( faire provisions de connaissance ) ;

     - besoin de réussir : preuve de l' efficacité de ses acquisitions ;

     - désir de supériorité ( pour avoir bonne image de soi ).

     - extraversion plus marquée que l' introversion;

     - fantasmes peu développés ;

     - tendresse à domaines limités ;

     - pulsions fortes, attirances fréquentes, goûts assez imprécis ;

     - désirs et recherches de réalisations ;

     - premières réalisations e. g. sans difficultés ;

     - besoin de se sentir valorisé par ses conquêtes :

     - types féminins correspondants :

     . le " meilleur " ( peut-être ! ), NATRUM CARBONICUM: elle l' accepte sans se laisser trop faire ni trop impressionner ;

     . possible, SEPIA : elle l' encourage et retient ses impulsions ( mais il y a des éclats! ) ;

     . impossible, NATRUM MURIATICUM : ils se battent ( ou elle part ) ;

     . encore possible, PULSATILLA ( mais elle souffrira ! ).

     ADULTE

     Il a besoin de :

     - ACTIVITÉ ;

     - EFFICACITÉ au service de son AMBITION ( cf. AURUM ) ;

     - Traits caractéristiques :

     - autoritaire, n' admet pas la contradiction, tyrannique et tatillon ;

     - contacts " directs " ( violents ) avec autrui ;

     - impatient et imitable ( tyran domestique ) ;

     - colères brèves et rouges ( orages " présidentiels " ) ;

     - bonnes capacités d' adaptation et de reconversion ;

     - goût des bilans de son action ;

     - anxiété au sujet de son avenir ( matériel et professionnel );

     - stimulation par le succès.

     Mais :

     - décompensations possibles ( en particulier après échecs professionnels ou blessures d' orgueil ) :

     . dépression réactionnelle de type hyperanxieux ;

     . dépression de type mélancolique ( possibilité de suicide préparé );

     - surcompensations possibles ( en particulier si appoint alcoolique ) :

     . états maniaques avec excitation euphorique et agressivité.

 

 

Phosphorus

Introduction.

     INTRODUCTION AU MONDE DE PHOSPHORUS

     Pourquoi le monde de PHOSPHORUS ? Parce que toute la symptomatologie couverte par ce remède a une tonalité si particulière, si originale, qui marque également les remèdes dérivés ou du voisinage, qu' on est tenté de lui donner une place à part dans la Matière Médicale et, ce faisant, on s' aperçoit qu' on indique ainsi, d' emblée, un aspect absolument constant du psychisme qui y répond : " la singularité " , dans le sens étymologique du terme, est cet état de celui qui est seul, isolé, différent, de celui qui justement ( et nous le verrons souvent ) vit " dans son monde " , parfois même, à la limite, jusqu' à être prisonnier de ce monde de PHOSPHORUS que nous essayons de présenter ici.

     Plus exactement, nous essaierons d' en classer d' abord, de façon pratique, logique, et le plus objectivement possible, la pathogénésie, sans nous permettre de l' annexer à telle ou telle théorie, si intéressante puisse-t-elle être. Nous avons déjà suffisamment à faire en essayant de ne pas quitter le guide sûr de la clinique...

     D' autre part, l' énorme importance de ce remède et son immense champ d' action ne permettent pas d' en étudier également tous les aspects, sous peine de se borner à une énumération prolongée de symptômes, du reste bien connus, ou à la compilation des nombreuses publications suscitées, notamment depuis quelques années, par PHOSPHORUS.

     L' affinité éminente de ce remède pour la sphère mentale impose de lui consacrer un chapitre spécial car, peu ou prou, même à l' occasion d' accidents somatiques isolés, les modalités psychiques ne sont jamais négligeables.

     Chemin faisant, les rapprochements ou les synthèses que nous serons amenés à faire s' efforceront de toujours soit se référer à l' expérience acquise, soit d' être présentés à titre d' hypothèse de travail, ouvrant la voie à la confrontation d' autres expériences et à la discussion.

 

Généralités.

     ORIGINE ET TOXICOLOGIE DU PHOSPHORE

     Élément chimique appartenant au Sème groupe de la classification périodique dans laquelle il porte le numéro 15, découvert en 1673 par BRANDT, alchimiste de HAMBOURG, puis par KUNKEL en SAXE, ce " porte-lumière " , étant facilement oxydable, n' existe pas dans la nature à l' état libre, mais il est très répandu sous forme de phosphates naturels ( essentiellement des phosphates tricalciques ). Il se présente sous plusieurs formes allotropiques : phosphore " blanc " , corps solide, blanc-jaunâtre à reflets métalliques, pâteux, d' odeur alliacée, dont l' oxydation lente produit des effets de luminescence dans l' obscurité ; translucide à l' état frais, devenant ensuite vitreux, il fond à 44° C, s' enflamme spontanément à l' air et doit être stocké sous l' eau. Insoluble dans ce liquide, il l' est dans les solvants organiques. Sa toxicité est élevée : la dose létale est de 0,01 g pour un enfant de 35 kgs, de 0,15 à 0J0 pour un adulte. Le phosphore rouge, obtenu en chauffant le phosphore blanc à 400° C, est beaucoup moins toxique et moins oxydable que le précédent. Il est utilisé dans des préparations industrielles et commerciales.

     L' utilisation, depuis 1869, du sesquisulfure de Phosphore, au lieu de phosphore blanc, dans la fabrication des allumettes, a supprimé une cause possible d' intoxications accidentelles ou volontaires. La surveillance des ouvriers qui travaillent à l' épuration du phosphore rouge, à la préparation des composés ( phosphores métalliques  ) ou des bandes à pâte fluorescente, des jouets à détonation et des feux d' artifice est soumise à une réglementation précise : dépistage des dermites professionnelles dans les manufactures d' allumettes, prévention, dosage et détection de l' inhalation de vapeurs phosphorées dans l' industrie. Par contre, le phosphore blanc est délivré, sans nul contrôle, chez les droguistes, à la dose de lg pour 85g de pâte bleuâtre pour la destruction des rongeurs, et ce raticide a parfois servi à des empoisonnements criminels... Ceux-ci par voie de conséquence, ont enrichi la connaissance toxicologique du Phosphore.

     Constituant du corps vivant au niveau des cellules de la moelle osseuse ( en particulier dans la zone pré-diaphysaire des os longs ), sous forme de phosphates acides et alcalins dans le sang, il est en proportion notable dans le tissu nerveux, mais il est certainement bien hasardeux d' en limiter l' importance à celle d' un poids défini, comme s' il s' agissait d' un composé stable. Entrant dans la composition des chaînes latérales des acides ribonucléiques, combiné aux acides gras, son métabolisme est très probablement lié à la régulation du cycle de la sérotonine et des cathécholamines et donc régi par les mécanismes très complexes des médiateurs chimiques.

     Étudiée au laboratoire et en clinique humaine, la toxicologie du PHOSPHORE indique l' ampleur et la spécificité de son action.

     Si l' intoxication aiguë est massive ( supérieure à lg ), la mort survient dans un tableau d' insuffisance cardiaque aiguë, avec collapsus, parfois en quelques heures, au maximum en 48 heures, faisant passer au second plan la symptomatologie annexe.

     L' intoxication aiguë réalise un tableau d' hépato-néphrite toxique évoluant en deux temps ; après plusieurs heures de latence, un syndrome digestif précoce caractérisé par :

     . sensations de brûlure intense le long du pharynx, de l' oesophage, du. pylore, du tractus intestinal ;

     . nausées très violentes, haleine et éructations d' odeur alliacée ;

     . spasmes oesophagiens et épigastriques ;

     . vomissements glaireux, bilieux, puis noirâtres et sanglants, à l' odeur d' ail, luminescents dans l' obscurité ; diarrhée d' abord douloureuse, avec ténesrne et brûlures recto-anales, puis profuse, en jets, involontaire, avec particules riziformes graisseuses, blanchâtres et mucosités sanguinolentes.

     Après une courte rémission apparente des symptômes, vers le 3ème ou 4ème jour se développent :

     . un syndrome d' hépatite toxique, avec subictère, hépato-mégalie modérée, douloureuse, prurit, pétéchies ;

     . un syndrome de néphrite algue avec oligurie, albuminurie, cylindrurie, hématurie, puis anurie ;

     . un syndrome hémorragique où dominent hématémèses, méloena, épistaxis, purpura, ecchymoses sous-cutanés ;

     . un syndrome neuro-toxique central et périphérique comportant d' abord une phase d' excitation motrice et psychique, avec agitation, hyperesthésie, hallucinose, confusion onirique, impulsions à sauter, étrangler, déchirer, au cours de laquelle il existe une hyper-réflexie tendineuse, du myosis, des contractures des mâchoires, des spasmes, puis une phase dépressive avec adynamie, délire marmottant, paraplégie flasque, perte de la sensibilité superficielle, aréflexie tendineuse, mydriase, abolition des réflexes psychomoteurs, relâchement du tonus et du contrôle sphinctérien, coma ;

     . un syndrome d' insuffisance rapide aiguë du coeur droit, avec tachyarythmie, effondrement de la TA., phénomènes d' oedème pulmonaire et d' infarcissement.

     La mort survient entre le 6ème et le 10ème jour par collapsus cardiaque.

     L' intoxication chronique ( décrite par M. SIMONIN et M. RUNACHER ) " tout à fait exceptionnelle de nos jours, se signale par une entérite rebelle associée à l' odeur alliacée de l' haleine, l' inappétence, l' asthénie. Les douleurs hépatiques, le subictère et les hémorragies indiquent l' atteinte du foie. L' anémie et la dégénérescence graisseuse des polynucléaires s' ajoutent aux manifestations nerveuses : insomnie, obnubilation... " La lésion typique du " phosphorisme " est la nécrose partielle du maxillaire inférieur avec élimination de séquestres osseux, pouvant s' étendre à la voûte palatine, à l' orbite,

     même à la base du crâne. La cachexie lente, avec décalcification, conduit à la mort.

     L' atteinte pulmonaire a été accidentellement constatée chez les ouvriers préposés au nettoyage des appareils de distillation du phosphore blanc provenant de phosphates minéraux. L' inhalation de vapeurs phosphorées a produit un syndrome inflammatoire avec manifestations pleuro-congestives, voire pneumoniques.

     Enfin, et cette remarque n' est pas pour nous sans intérêt, les mêmes auteurs ( Traité de Médecine du Travail ) mentionnent que les sujets ayant des antécédents de maladie pulmonaire ou un éthylisme chronique sont beaucoup plus prédisposés que les autres à faire des intoxications au phosphore.

     Action irritative et congestive, dans un Ier temps, action de dégénérescence, de dégénérescence graisseuse ou de nécrose dans un second temps, atteinte élective des parenchymes ( ( nobles " caractérisent le pouvoir toxique du phosphore.

 

Caractéristiques.

     PATHOGÉNÉSIE

     La pathogénésie de PHOSPHORUS ( établie par HAHNEMANN : Traité des Maladies Chroniques - T. III, p. 215, reprise par HERING et ALLEN, rapportée par tous les auteurs ( BOENNINGHAUSEN, JAHR, TESTE, NASH ) et largement décrite dans la Matière Médicale de KENT qui énumère plus de 600 symptômes, illustre et complète, en nous donnant le versant thérapeutique, les données de la toxicologie.

     Si on tente une classification et une synthèse de cette foule de renseignements, PHOSPHORUS apparaît d' abord comme un grand remède diphasique, convenant à des états d' inflammation muqueuse aiguë, de congestion parenchymateuse ou d' excitation neuro-psychique, exceptionnels, isolés ou périodiques, auxquels peuvent succéder des états d' atteinte organique lésionnelle et d' épuisement nerveux.

     Qu' il s' agisse de manifestations épisodiques et discrètes ou d' une évolution morbide spécifique, cette ambivalence de PHOSPHORUS est un aspect pathognomonique qui marque toute son action.

     On connaît sa morphologie la plus fréquente : ( ( remède des sujets ayant fait ou faisant une trop forte croissance en peu de temps " disent tous les auteurs, se présentant comme un longiligne, brun ou roux vénitien (  ( ( personnes à cheveux blonds " dit JAHR ), dolichocéphale, au thorax long, étroit et plat où se repère difficilement un appendice xiphoïde ( parfois absent, dit CARTON ). C' est au niveau de sa jonction avec le sternum que se trouve le point de Weihe de PHOSPHORUS.

     Le dos qui tend à se voûter, le bassin étroit, les membres longs, la statique souple, souvent hanchée, composent une silhouette élégante, parfois équivoque. Il y a, naturellement, chez les sujets de ce type ( tout au moins quand il est en équilibre ) une indiscutable harmonie des mouvements.

     C' est le biotype qui correspond le plus à ces catégories de tempérament qui ont été

     longtemps décrites : le ( ( nerveux-atrabiliaire " d' HIPPOCRATE, le ( ( cérébral " de

     SIGAUD, l' ectomorphe de SHELDON, le ( ( longiligne asthénique " de PENDE, le ( ( leptosome asthénique " de KRETSCHMER. Le Dr. Henri BERNARD en a fait le pivot de sa constitution phosphorique.

     Sujet capable de réactions vives, violentes, mais de courte durée, c' est ce que disent MOUEZY-EON, LATHOUD et DUPRAT : " un mot caractérise la vie psychique de PHOSPHORUS : la flambée ". Mais pas seulement la vie psychique ! aux stress émotionnels comme aux stress physiques, PHOSPHORUS, cet hypercrinique, réagit d' abord par une hyperadaptation aux excitations : hypophysaire, thyroïdienne et diencéphalo-thalamique mais avec, pour sanction, une baisse rapide des cortico-stimulines, entraînant la phase secondaire d' asthénie et d' épuisement.

     Les signes spécifiques du remède, bien connus, doivent cependant être rappelés :

     - Douleurs brûlantes : aux paumes des mains, au dos entre les deux épaules, au larynx ( enrouement vespéral très douloureux ), à l' estomac, dans le pelvis ; chaleur brûlante de la peau ; " une chaleur remontant le long du dos est plus caractéristique de ce remède qu' aucun autre " dit NASH.

     - Sensation de " vide intérieur " vide cérébral, en particulier, de vide gastrique ( comme STANNUM ), de vide thoracique avec sensation générale de faiblesse, de froid, de perte de vitalité...

     - Hyperesthésie sensorielle aux odeurs, aux stimulations lumineuses qui provoquent des réactions démesurées, pouvant aller jusqu' à la lipothymie ( s' évanouit lors d' une prise de sang ) hypersensibilité au contact physique qui, souvent, déplaît ou même répugne, sensibilité dorsale marquée.

     - Boulimie et soif inextinguible de boissons glacées, de crèmes glacées qui, une fois réchauffées dans l' estomac provoquent un état nauséeux et sont souvent rejetées ; vomissements fréquents ; faim vorace, désir anormal de sel, d' épices, d' excitants.

     - Dyspnée, palpitations, vertiges, sueurs, rougeurs ou lividités subites de la face, habituellement pâle, cireuse, parfois bouffie, notamment sous les paupières, avec les pommettes rouges, lors de toute excitation mentale ou d' un effort physique.

     - Fièvre hectique, avec phase d' agitation, pouvant aller jusqu' au délire hallucinatoire, puis phase d' effondrement, adynamique, avec, s' il y a des manifestations neurologiques, délire marmottant et signes habituels des grandes infections générales aiguës.

     - Anxiété, enfin : anxiété habituellement sans grand tapage, visible ou camouflée, reconnue, niée ou surcompensée, verbalisée ou exprimée symboliquement, latente ou soudaine, avec angoisse épigastrique, anxiété pouvant aller jusqu' au raptus imprévisible, anxiété littéralement existentielle, anxiété de l' instant à vivre et d' anticipation, qui accompagne constamment n' importe quel symptôme de PHOSPHORUS.

 

Modalités.

     Les modalités caractéristiques, tout aussi connues, complètent le tableau :

     Aggravations :

     Générales :

     - par la chaleur, seulement en ce qui concerne les céphalées, les douleurs gastriques et les brûlures palmaires ;

     - par le froid pour toutes les autres souffrances, en particulier la toux et l' enroue.

     ment.

     Nerveuses et psychiques :

     - en fin de journée, le soir, au crépuscule ;

     - lors des variations brusques de la pression barométrique et surtout des perturbations orageuses ;

     - par tout exercice physique et mental ;

     - par la solitude ( qui cependant, souvent nécessaire, est même recherchée ).

     Améliorations :

     Classiquement, mais à notre avis, cela vaut beaucoup plus au niveau des troubles organiques qu' au niveau des troubles psychiques, car il faut, nous le verrons plus loin, distinguer entre besoins et améliorations :

     - en étant couché, au repos physique et mental ;

     - en s' allongeant dans l' obscurité ;

     - après avoir mangé.

     Ce n' est évidemment là qu' un schéma tracé à grands traits des " admirables propriétés de ce remède " , pour parler comme NASH. En commençant, j' ai parlé du " monde de PHOSPHORUS ". Peut-étre serait-il plus vrai de dire que PHOSPHORUS correspond à une certaine manière, brillante et vulnérable, d' " être au monde ".

 

Psychisme.

     MENTALITÉ DE PHOSPHORUS

     Parce que cette mentalité est à la base de celle des autres remèdes phosphoriques et que sa pathologie couvre une grande partie de la clinique psychiatrique, elle mérite une étude approfondie.

     Nous en étudierons successivement :

     - les signes psychiques dominants,

     - l' évolution psychologique,

     - la psycho-pathologie.

     Signes psychiques dominants :

     L' intelligence, évidemment variable en degré et en qualité suivant les individus, présente cependant des traits communs d' autant plus nets, évidemment que le type PHOSPHORUS est plus accentué dans ses différentes modalités : procédant plus volontiers par intuition que par raisonnement logique, elle correspond à un mode d' appréhension intellectuel séduisant par ses aperçus originaux, ses rapprochements inattendus, une tendance certaine au paradoxe. Les notions acquises sont toujours renouvelées, remodelées, personnalisées - et cela peut aller jusqu' à l' invention de néologismes pathologiques. L' esprit de " finesse " l' emporte sur l' esprit de " géométrie " , à moins que le génie d' un PASCAL n' en réalise la synthèse avant qu' une " consomption " ( typiquement phosphorique ) ne l' éteigne.

     L' imagination est la fonction mentale la plus développée, permettant aux pulsions instinctives de s' exprimer au moyen du verbe ou d' une technique. L' attrait pour la poésie, l' invention féerique, la littérature fantasmagorique, est bien connu. Le terme ultime en est l' ésotérisme ; s' il n' est pas soutenu par une pensée cohérente, il aboutit au galimatias démentiel et incommunicable.

     Les besoins esthétiques, en effet, existent toujours. Servis ou non par le talent, ils traduisent une aspiration particulièrement forte de ce type psychologique vers un idéal ou le Beau, prime le Vrai et le Bien. On ne compte plus les artistes de types PHOSPHORUS : MUSSET, NERVAL, CHOPIN, MODIGLIANI et tant d' autres, ont tous brûlé de ce feu.

     Le caractère : le caractère phosphorique correspond à celui du ou des " nerveux " d' équilibre ou de décompensation dans lequel il se trouve, mais il existe des éléments distinctifs constants :

     - émotivité forte, vibrante, réagissant très vivement à toutes les incitations par des réponses rapides et excessives. PHOSPHORUS " brûle " d' enthousiasme ou " se consume " de découragement ; impressionnable et vite effrayé, comme CALC. PH., bouleversé par les émotions heureuses comme KALI PH., il peut aussi être hyper-excitable aux perceptions Sensorielles ou ressentir à la moindre émotion une anxiété dramatique ( PHOSPHORIC ACID ).

     - l' activité est faible, non pas absente, mais il lui faut pour se manifester le support d' une excitation fébrile ou le moteur de L' inspiration créatrice. Alors c' est la phase d' action, imaginaire ou réalisatrice, une débauche d' efforts pour tomber ensuite dans de longues périodes d' oisiveté et d' apathie, malgré l' agitation stérile, car tout travail mental l' aggrave.

     - la réactivité est occasionnellement impulsive. Elle est, de ce fait, d' autant plus inattendue de l' entourage, notion à toujours retenir en clinique psychiatrique avec PHOSPHORUS et son dérivé le plus décompensé : PHOSPH. AC., ce qui incitera à se méfier, chez ces sujets, de pulsions dangereuses sur autrui ou eux-mêmes. Habituellement, au contraire, leur réactivité, dite " secondaire " , est d' élaboration lente passant par les méandres du plus profond conscient.

     Au cours de tests projectifs de la personnalité on constate que le RORSCHACH est toujours de type intratensif, parfois " coarté ". On y trouve plus fréquemment que chez n' importe quels autres sujets des réponses clair-obscur ( CLUB ) et surtout des interprétations anatomiques très brutales, élémentaires, même en l' absence de tout signe clinique alarmant.

     L' affectivité : trait dominant de la personnalité phosphorique, est naturellement marquée de la même ambivalence que les autres tendances :

     - besoins de tendresse : très vifs, souvent généreux, mais émanant d' une personnalité fragile, vulnérable et donc facilement exigeante, exclusive, égocentrique ;

     - sociabilité facile et brillante dans les périodes sthéniques mais virant aisément à l' indifférence taciturne, à la recherche de la solitude avec mutisme et repli sur soi, honte de son état ( KALI PH. ) ou désespoir morne conduisant au suicide ( PHOSPH. AC. ).

     - élans mystiques ( voisinant parfois volontiers avec une excitation érotique, en relation avec l' éréthisme sexuel et une imagination développée ) dont la sincérité est le plus souvent réelle mais qui peuvent aboutir à la construction délirante.

     Évolution psychologique

     Au cours de sa vie, le phosphorique, du fait de son psychisme, va se trouver particulièrement exposé à tous les traumatismes mentaux mettant en danger son équilibre :

     - L' enfant : l' importance de PHOSPHORUS en psycho-pathologie infantile a motivé un article spécial, p. 1 5 1  ).

     - L' adolescent : est ce grand jeune homme ( plus souvent, il est vrai qu' une jeune fille ), grandi trop vite, élève brillant et original en français s' il a les moyens verbaux suffisants, ne posant jusqu' aux grandes classes pas de problèmes particuliers autres que ceux du genre : " agitation excessive, résultats irréguliers, décevant, paraît fatigué, facilités mais pourrait mieux faire "... C' est cependant chez lui que se produira le plus souvent cette baisse de rendement, ce fléchissement intellectuel, que les pédagogues connaissent bien chez certains de leur élèves entre 15 et 19 ans...

     C' est le plus passionné et le plus romantique des adolescents, le plus vulnérable aux déceptions amoureuses, triste et anxieux au crépuscule, déprimé jusqu' à l' angoisse par l' orage et les bouleversements météorologiques, le plus généreusement enthousiaste pour un idéal social, le plus sollicité par l' attrait d' une vocation religieuse aussi bien que le plus perméable à la philosophie de l' absurde.

     L' adolescence peut représenter, pour le type PHOSPHORIQUE l' aboutissement le plus parfait des possibilités psychiques mais pour peu que ses déficiences naturelles ou l' absence de traitement approprié ne lui permettent pas de s' adapter, c' est le plus exposé aux troubles psychiques juvéniles et en particulier à la schizophrénie.

     - L' adulte : l' adulte phosphorique sain a ceci de particulier ( et d' autant plus que le type est " pur " ) qu' il occupe rarement, dans la vie sociale, les fonctions professionnelles du niveau que laissaient présager, vers quinze ans, ses dons intellectuels.

     Si son travail reste de qualité, son efficacité, son rendement sont souvent médiocres du fait de sa fatigabilité et risquent de poser des problèmes pratiques au sein de l' emploi. Sa sociabilité est volontiers réduite, sévèrement choisie, sa vie familiale et sa vie intérieure ont pris, par contre, une importance prévalante.

     L' équilibre est souvent trouvé dans une activité secondaire ( culturelle; sociale ou pratique ) qui, par son aspect gratifiant, tend à compenser les sentiments d' échec professionnel sous-jacents.

     Mais c' est le moins apte des hommes à accepter sans s' effondrer moralement les licenciements, inévitables ou injustes, les changements et les réadaptations dans des voies différentes, c' est le plus porté, enfin, à l' occasion de malheurs familiaux, à faire des épisodes dépressifs.

     - Le vieillard : le vieillard phosphorique, s' il atteint un âge avancé en restant fidèle à sort biotype originel, y arrive épuisé. Il peut être de ceux qui semblent n' avoir gardé de vie que dans l' esprit. Un peu " immatériel " , comme si son corps s' était, peu à peu effrité, il n' est presque plus qu' une pensée fugitive, jetant encore quelques feux; mais ce peut-étre, aussi ce " sujet triste, apathique, taciturne, indifférent à tout, ayant de la répulsion pour tout travail physique ou intellectuel " auquel la mémoire fait défaut, ayant de la difficulté à penser " ( ZISSU ).

     Ainsi, au long de la vie, se consume PHOSPHORUS...

     Psycho-pathologie :

     De la symptomatologie de PHOSPHORUS et de ses remèdes de voisinage découle évidemment toute une riche pathologie mentale que les sujets justiciables de ces remèdes frôlent de plus ou moins loin, au cours de leur existence.

     Mais de la simple psycho-pathologie à la grande pathologie psychiatrique, il y aune marge que ces sujets peuvent franchir; les syndromes les plus fréquemment présentés pouvant être regroupés sous trois rubriques :

     - Des épisodes mélancoliques : qu' ils soient réactionnels ( à la suite d' émotions-chocs, de deuils, de difficultés de vie ) ou endogène, présentant un tableau particulièrement fidèle chez KALI PHOSPHORICUM, PHOSPH. ACID et PHOSPHORUS, avec les signes cardinaux ;

     . incapacité douloureuse d' agir et de penser;

     . sentiments de dépréciation, de culpabilité, de démérite ;

     hypersensibilité anxieuse, polymorphe, accompagnée de multiples troubles neurovégétatifs et circulatoires : palpitations, sueurs, tremblements, frissons, agitation inquiète;

     . aggravation de l' anxiété le soir au crépuscule, la nuit, avec insomnie tourmentée;

     . tristesse taciturne et désespoir portant au suicide.

     - Les bouffées délirantes érotico-mystiques : représentent, évidemment un stade plus grave de dégradation mentale, qu' elles soient passagères et ne laissent pas de séquelles, mais supposent un psychisme extrêmement fragile - soit qu' elles ouvrent la voie à un processus démentiel non encore évident.

     Elles portent l' empreinte spécifique des remèdes de la série phosphorique, bien qu' elles puissent évidemment répondre, par certains de leurs aspects, à d' autres médicaments homéopathiques ( en particulier à VERATRUM ALBUM, à ACTEA RACEMOSA ).

     Dans la matière médicale, on lit :

     . accès de délire avec hallucinations étranges, effrayantes,

     . excitation sexuelle avec tendance à se mettre nu,

     . attitudes extatiques,

     . manie érotique et manie religieuse,

     . anxiété particulière, dramatique.

     - La schizophrénie : enfin, peut avoir, dans sa forme la plus classique, son expression la plus authentique et corrélativement son traitement " le plus semblable " ( sinon le plus facile ) dans les remèdes de la série phosphorique, à ses divers stades et selon ses différents degrés de gravité.

     On retrouve, en effet, dans la clinique de la maladie, toutes les modalités psychiques caractéristiques de ces remèdes.

     , sensation de vide cérébral, aggravé par les veillées prolongées, les " excès " sexuels ( la masturbation excessive ),

     difficultés progressives puis aversion pour tout travail physique et intellectuel, besoin de s' allonger dans l' obscurité,

     . tristesse avec larmes, sensation de malaise intérieur,

     . diminution de la sociabilité, perte progressive du contact humain, repliement douloureux sur soi, mutisme.

     , anxiété morbide, sans objet défini, alternant avec une excitation immotivée parfois une agitation agressive ;

     . sentiment d' hostilité environnante, d' étrangeté du monde extérieur, d' isolement dans un univers mort, désert, glacé.

     . angoisse inexprimable, terrifiante, atroce, par sentiment de dislocation de la personnalité;

     . constructions paralogiques de la pensée et du langage, phraséologie sibylline, néologismes, stéréotypies de mots,

     . hallucinations auditives ( où se conjuguent des phénomènes psychiques et des phénomènes acoustiques avec résonance des sons et des mots attribués à une voix étrangère ),

     . état progressif d' indifférence, d' absence de contact, de lenteur, puis de dégradation intellectuelle , parfois apparente plus que réelle ), évoquant les états de sclérose cérébrale lacunaire, refuge pitoyable contre un vécu insupportable...

     PHOSPHORUS et sa forme la plus décompensée PHOSPHORIC ACID, trouvent ici, dans une symptomatologie qui se superpose à la leur, une application précieuse.

 

Clinique.

     L' ENFANT PHOSPHORUS

     Un mot revient toujours quand on en parle, que ce soit avec surprise ou inquiétude, qu' il s' agisse des médecins, des professeurs, des parents : cet enfant est étrange... et c' est déjà assez exprimer qu' il émane de lui quelque chose à la fois de différent et de troublant ; il est déjà perçu comme étranger, autre ( " alius " )... A quoi cela tient-il ? A sa morphologie ? le plus souvent fine, déliée, qu' on pourrait dire racée ? mais ce n' est pas toujours vrai. ( Un certain nombre de petits PHOSPHORUS évoquent d' abord SULFUR et gardent, heureusement pour eux, des éléments de cet ordre dans leur personnalité physique et mentale ); aux gestes de cet enfant ? qui contrastent avec leur allure souvent élégante par une coordination un peu raide, mécanique, artificielle ? à la qualité particulière de sa présentation, à la fois attentive et distante ?

     Je dirais peut-étre, avant tout, à son regard : " L' enfant aune façon de suivre des yeux chaque mouvement de l' entourage absolument typique note Mme le Dr. DELTOMBE dans un excellent article de l' Homéopathie Française, et, ailleurs, Mme de MATTOS écrit, fort justement : " Il épie, en quelque sorte, et se tient aux aguets ". C' est bien dans le regard particulier de ces yeux en amande, mobile dans un visage impassible qui ne sourit pas, alors que le corps, les membres, traduisent en quelques crispations l' attente inquiète, qu' est le premier message de cette personnalité, ce " quelque chose d' étrange " , d' énigmatique, qui alerte : regard intelligent qui appréhende ( dans les deux sens du terme : prise de contact et crainte ), qui apprécie ( les possibilités de la rencontre et ses risques ), qui inventorie et qui se barricade, devenant lointain, fuyant ou plafonnant, " Le regard coule de côté entre des paupières baissées " écrit Mme DOLTO-MARETTE dans " le cas DOMINIQUE ". C' est, indéniablement, le regard de l' enfant PHOSPHORUS, avec une mydriase fréquente.

     Il y a, enfin, ce comportement déconcertant, imprévisible, qui, apparemment indifférent à la conversation, donne, très fort, le sentiment de n' en rien perdre, non par le langage mais par une perception intuitive de sa signification et, soudainement pris, sans raison logique évidente, d' agitation, désordonnée, de frénésie clastique, d' impulsion de fuite, ou de réaction de panique intense, le trac fou, avec pâleur, nausées ou vomissement spontané, débâcle intestinale, c' est le négativisme total : fixé, rivé à son siège, parfois mais non toujours à sa mère, ne supportant pas l' approche, et moins encore le toucher, dans un mutisme total, une attitude traquée.

     Il manifeste ainsi, d' emblée, par son regard, son faciès et son comportement, la triade pathognomonique de sa personnalité : anxiété, difficultés relationnelles, dysharmonie de développement.

     L' ANXIÉTÉ :

     Ce n' est pas seulement la tonalité habituelle de son vécu ; tout est perçu, en lui-même plus encore que venant du monde extérieur ( si peu séparés ) comme dangereux, chargé d' une menace qui met en cause sa sécurité, sa vie même. Anxiété que l' enfant ne peut exprimer directement et verbaliser, soit du fait de son âge, soit du fait du barrage verbal ( par inhibition ou non-acquisition ), soit du fait des interdits éducatifs, mais qu' il manifeste symboliquement, de façon variable, suivant sa propre organisation personnelle :

     Par des troubles physiques :

     parmi lesquels il faut électivement retenir :

     a ) les troubles du sommeil : difficultés d' endormissement nécessitant une présence (  comme PULSATILLA ou LYCOPODIUM auquel il ressemble tant, en plus dramatique, en plus aigu ) ou une lumière ( comme CAUSTICUM ) - où, très souvent, un objet-fétiche rassurant, dont la nature a valeur indicatrice du niveau de développement affectif : le pouce, témoin de l' oralité auto-érogène, l' animal familier de forme bien structurée, témoin du stade phallique, le tissu pelucheux, le chiffon sale, la vieille couche, tristes témoins informes des affects éparpillés de l' abandonnique. Les rituels du coucher ne sont pas rares.

     les cauchemars sont rarement décrits exactement : souvent " gommés " par pudeur, parce que, très tôt, l' enfant sent qu' il ne doit pas tout dire de lui-même sous peine de sentir autrui prendre distance et puis, l' enfant brode, car les franges du réel sont, pour lui plus que pour tout autre, incertaines. Des terreurs nocturnes constatées objectivement et des récits approximatifs, on recueille des thèmes de mort, de dévoration, qui reviennent de façon obsédante, parfois pendant des années, sans relation nécessaire avec des faits évidemment traumatisants.

     le somnambulisme ( qui n' appartient pas qu' à PHOSPHORUS, mais aussi à KALI BROMATUM, à KALI PHOS., à SILICEA ) est à mes yeux un signe d' alarme d' une extrême importance par l' aptitude à l' automatisme psychomoteur qu' il indique. Il figure, de façon significativement élevée, dans les antécédents des schizophrènes.

     b ) les troubles alimentaires, caractéristiques de l' enfant PHOSPHORUS, concernent l' appétit et la digestion.

     boulimie, alternant avec anorexie, goûts paradoxaux, variables ; refus immotivés parfois par bravade, parfois par peur ou répugnance imprévue, alors qu' aucun dégoût ne semble effleurer tel enfant souillé d' excréments qui grignote avec sérénité...

     vomissements fréquents, vomissements acétoniques ( encore une ressemblance avec LYCOPODIUM ), nausées et spasmes épigastriques, entravent et perturbent une alimentation qui tend à devenir problème.

     Hautement symbolique du lien nutritionnel primitif, foetal et postnatal, la relation alimentaire, mode de relation archaïque et privilégié, a été pour le petit PHOSPHORUS ( et peut rester ou redevenir ) le seul moyen de communication entre sa mère et lui, mais au prix d' une pérennisation infantile chez celui-ci et, chez la mère, d' une servitude angoissante, ou irritante, ou si bien acceptée qu' elle n' a aucune raison de prendre fin...

     c ) les troubles sphinctériens : PHOSPHORUS, remède du contrôle urinaire, trouve également son simillimum dans certains cas d' énurésie persistante. C' est celui de ces déjà grands garçons, très honteux de leur incontinence, dont la sexualité donne des signes évidents d' éveil et chez lesquels le profil psychologique ( émotivité, anxiété, imagination passionnée, introversion ) peut indiquer le remède.

     C' est aussi l' un des plus efficace ( avec CAUSTICUM ) dans l' encoprésie, parce que le simillimum est à la fois physique ( sensation " d' anus béant " , " ne sent pas la selle passer " ) et psychique, si, du moins, on peut prudemment se permettre ( en se fondant sur l' expérience clinique ) d' interpréter la merveilleuse pathogénésie de PHOSPHORUS, en y incluant la signification de blocage de la sexualité au " stade anal " et de régression émotionnelle qui implique cette affection rebelle. Notons à ce propos qu' elle atteint à peu près exclusivement les garçons et que, d' autre part, la symptomatologie psychopathologique infantile de PHOSPHORUS concerne, dans une proportion significative la population masculine.

     Des troubles psychologiques ;

     Conséquence de l' anxiété de l' enfant PHOSPHORUS, ils nécessiteraient, à eux seuls, une longue étude, car ils recoupent constamment, cela ressort de toute évidence des constatations précédentes, le tableau fluctuant des psychoses infantiles. On ne peut donc que résumer et indiquer :

     - les peurs multiples : peur au crépuscule, peur du noir ( mais pas d' une douce pénombre ), peurs ou plutôt phobies d' objets ( dont seule une analyse permet, avec de la chance, une longue expérience et une écoute intense, de trouver la racine ), phobie de contact, qui fait trop souvent répondre au médecin, par les parents, que l' enfant n' est pas affectueux, parce qu' il repousse fréquemment les caresses ou se dérobe à un baiser... " Regard " , alors, posé par l' enfant sur sa mère.., et " regard " , ensuite, étonné mais encore prudent sur le médecin qui nuance doucement : " tout au moins, il ne manifeste pas "... Que de fois cette simple remarque permet d' amorcer la relation avec le petit malade.

     Au maximum, la peur va jusqu' à la sidération de toute activité et de toute communication verbale ou symbolique, dans un autisme d' où quelques enfants ne sortiront jamais.  

     - les fantasmes et les créations : représentent un moyen d' expression et de libération de l' anxiété, une interrogation posée à l' adulte, mais dans un code secret qu' il faut à la fois intuitivement pressentir et expérimentalement décrypter - histoires qui ne sont que des bribes ou, parfois, par grâce, une trouvaille poétique, celle d' un " Petit Prince " (  typiquement PHOSPHORUS ) - modelages, où s' expriment l' angoisse de claustration, une agressivité dirigée contre soi, contre autrui, contre le fait d' être, - dessins, parfois très pauvres : maisons noires, sans fenêtre ou sans porte, devant laquelle se tortille en peloton embrouillé le petit chemin sans issue cher à tous les enfants aux environs de leur 6ème année..., personnages sans mains, mais, par compensation, ( et surtout par relation directe ) au sexe imposant ( seins ou pénis ); chez les plus grands, arbres au tronc énorme, mais sans branches ni feuillages, arbres morts, arbres cassés... et, tout d' un coup, une fleur éclatante, flexible, harmonieuse...

     LES DIFFICULTÉS RELATIONNELLES :

     Elles découlent de l' anxiété mais spécifient le mode sur lequel l' enfant se socialise ou tente de se socialiser. L' enfant PHOSPHORUS est très tôt remarqué à l' école parmi les autres enfants. Dans les classes maternelles, il est très inhibé devant la liberté de choix et l' initiative quand elles lui sont offertes; apparemment docile, mais, en fait, insaisissable. Les institutrices disent de lui qu' il est " lent, rêveur, peu vivant, peu participant "... Pour qu' il se manifeste et s' intéresse, il suffit pourtant bien souvent que la maîtresse essaie d' établir avec lui un contact personnel, discret mais chaleureux, surtout régulier, qui ne se démente pas, ne soit pas soumis à des variations que l' enfant ne peut comprendre mais seulement ressentir comme une déception et une insécurité dont il se culpabilise. ( On retrouve, évidemment, chez PHOSPHORUS enfant, outre la parenté avec le proche KALI PHOS., des ressemblances avec PULSATILLA, qui cherche volontiers à se rendre " intéressante " , avec SILICEA également lent, rêveur, timide, avec CALCAREA CARB., CAUSTICUM et LYCOPODIUM, qui ont aussi besoin de relations affectives personnelles sans savoir les établir ).

     Un peu plus grand, il irait volontiers vers les autres. Le petit PHOSPHORUS, quand il est équilibré, est cet enfant imaginatif, secret et passionné qui, plus tôt que beaucoup d' autres, est capable d' une véritable amitié sélective.

     Mais, si le type est plus accentué, si l' état " border-line " ,( para-pathologique ) se profile, il peut aussi bien avoir de grands élans généreux, ( conformes à son caractère compatissant : " sympathetic " ), que des pulsions brutales, imprévues, inexplicables, ou bien encore, il peut se retrancher, être " en dehors " , jouant seul, ou pas du tout. Cet enfant qui semble " venir d' ailleurs " ( " alienatus " ) peut susciter un malaise, un recul, parfois même une agressivité chez certains enfants... ceux-la même qui, plus tard, auront le même réflexe primitif de défense devant le non-conforme, le " pas normal " , c' est-à-dire le non-semblable à eux-mêmes ( le mal formé, l' handicapé, l' étranger, le vieillard ), parce que, derrière cette image il y a la peur : peur de la maladie, de l' infirmité, de l' exil, de la mort. Quelques uns, les plus petits, les doux, les purs, les naïfs, parce qu' ils gardent encore en commun avec lui quelque chose du langage symbolique pré-verbal de la petite enfance, l' accueillent volontiers, au contraire, ou même le protègent.

     LA DYSHARMONIE DU DÉVELOPPEMENT :

     Elle s' affirme avec l' âge scolaire et attire très vite l' attention des enseignants. En quoi consistent-elle ?

     En des contradictions qui semblent inexplicables et sont tour à tour attribuées à un retard intellectuel, à de la paresse, à un refus volontaire de la scolarité, avant qu' une personne mieux informée conseille l' examen psychologique.

     Contradiction entre la pauvreté du langage oral et la capacité d' exécuter sans difficulté le travail écrit - contradiction entre l' expression intelligente qui suit une explication et l' incapacité à en redire autre chose que des bribes sans lien logique entre elles ou recomposées dans un ordre sans signification : le réel semble mal perçu, sinon dédaigné ou refusé -- contradiction chez les plus grands entre le langage assez développé, utilisant des complications syntaxiques, langage élaboré mais assorti d' abstractions plus ou moins bien utilisées, et une indifférence totale pour tout travail scolaire : écriture informe ( énorme, minuscule ou tarabiscotée ), cahiers sales, devoirs paraissant incompris.

     Lors des examens psychologiques, on ne constate pas d' homogénéité entre les épreuves d' intelligence verbale, dont le niveau global peut être brillant, ou parfois faible, malgré l' impression relativement bonne qu' il produit, - et les épreuves d' intelligence pratiques, nettement moins bonnes. Dans les premières, l' enfant est capable, si ses symptômes de PHOSPHORUS ne sont pas trop, accusés, de donner des résultats très honorables quantitativement, souvent irréguliers qualitativement, avec juste ce qu' il faut d' originalité pour attirer la curiosité et l' intérêt de l' examinateur. Si les symptômes de PHOSPHORUS sont plus accusés, on aura un profil dit lacunaire, où contrastent des réponses de qualité remarquable dans les épreuves de réflexion personnelle ou de raisonnement analogique, avec de grosses incompréhensions très primitives, une pauvreté de vocabulaire, généralement une incapacité totale en arithmétique, sauf quelques enfants plus ou moins temporairement acrobatiques, sinon géniaux, dans ce domaine.

     C' est surtout dans les épreuves " projectives de la personnalité " ( de différentes formes ou techniques ), que se marquent les particularités psychologiques de l' enfant PHOSPHORUS : les thèmes de mort, les formes déshumanisées, les images vues ou dessinées d' animaux ou de personnages amputés, morcelés, disproportionnés, sont toujours assez suspects et doivent faire approfondir l' examen. Les thèmes sexuels sont très fréquents, directs ou transposés.

     Le comportement de l' enfant n' est pas moins indicatif de cette dysharmonie si particulière du développement : l' agitation compulsive, avec tressautements, incoordination gestuelle, existe chez tous les enfants présentant cette structure, plus ou moins accentuée selon le degré et les handicape beaucoup dans les épreuves de performance pratique qui nécessitent du coup d' oeil, de la rapidité, une bonne orientation spatiale, de la précision gestuelle. C' est, du reste, un moyen de contrôler objectivement la différence entre le petit PHOSPHORUS et le petit CALCAREA CARB : celui-ci est plus lent de réflexion que de gestes, bien plus à l' aise devant une tâche qui ressemble plus aux jeux de société qu' au travail scolaire ; mieux encore : il exécute sans avoir besoin de s' expliquer ni de faire des phrases.

     Ainsi peut-on faire l' approche de cet enfant étrange et fascinant, avec toute la prudence qu' il faut déployer pour ne pas l' effaroucher...

     Cliniquement, nul remède plus que PHOSPHORUS ne correspond d' aussi près aux différentes formes infracliniques, légères ou graves, des psychoses infantiles dont il est bien vain, reconnaissent MISES et LEIBOVICI, maîtres en la matière avec Fr. DOLTO, de dresser inutilement des catégories ou de les séparer des syndromes déficitaires secondairement psychotisés.

     TARENTULA HISP., avec son agitation désordonnée, physique et mentale, CAUSTICUM, avec toute sa symptomatologie neurologique, NATRUM MUR., avec sa détresse affective qui ne refuse la consolation que parce qu' elle est trop maladroitement présentée, et, bien entendu, KALI BROM., KALI PHOS., SILICEA, LYCOPODIUM, suivant les modalités, pourront heureusement compléter l' action de PHOSPHORUS dans de tels troubles psychiques infantiles.

     On ne saurait, bien entendu, oublier l' importance de PHOSPHORUS dans les affections et les séquelles neurologiques de l' enfant et peut-être faudrait-il plus souvent y penser, dès le décours des maladies infectieuses banales quand, d' une part, on a la notion d' un épisode, si fugace soit-il, de réaction méningée ou méningo-encéphalitique, même chez le nourrisson -- d' autre part, s' il persiste, après la maladie, une symptomatologie ( troubles du sommeil, fatigabilité scolaire, instabilité, manque d' élan ) évocatrice.

 

 

Platina

Généralités.

     C' est d' une indication un peu particulière de ce métal qu' il s' agit ici.

     Il est sans doute présomptueux, après les grands auteurs, KENT, JAHR, NASH, et l' inoubliable portrait que notre ami, le Docteur LEFORT, nous traça un jour, à Brantôme, de " PLATINA et les Dames Galantes " , de s' attaquer encore à un tel sujet.

     Mais il m' est apparu que, parmi les aspects alternants et paradoxaux de ce remède, étaient trop souvent retenus : l' arrogance et l' impatience altière ou l' excentricité vestimentaire et les attitudes provocantes, signes de son orgueil et de son excitation sexuelle.

     Or, abîmes des contradictions, il est beaucoup de PLATINA secrètes, dont les dédains sont camouflés en résignation, la sensualité refoulée en frigidité, les aspirations originales dûment vêtues de conformisme.., jusqu' à ce qu' une crise éclate, révélant tout le drame qui, depuis longtemps, couvait derrière le front lisse et haut, le regard lointain, les gestes contrôlés, la froideur des propos...

     L' épreuve thérapeutique - quelques hautes dilutions du remède - authentifie le diagnostic en même temps qu' il apporte à ces malades une stimulation physique et un apaisement moral. C' est l' heure où le dialogue avec le médecin permet de connaître et comprendre la psychogenèse de toutes leurs misères dont le point de départ s' appelle " déception ".

     COMPOSANTES SOMATIQUES :

     Brune plutôt que blonde, mais nous la voyons souvent rousse ( tout au moins dans sa teinte naturelle ), grande ( mais un peu moins qu' elle ne croît ou qu' elle ne l' eût désiré ), longiligne, mince ( voire maigre ), PLATINA déteste comme une honte tout début d' embonpoint. Parfois trop apathique pour lutter contre un empâtement qui ceinture ses hanches, elle est capable, mais pas toujours avec persévérance, de se contraindre à des exercices physiques rigoureux, car elle a le culte de son corps, qui est ( ou qu' elle voudrait ) harmonieux et beau, étant entendu que son presque idéal esthétique serait davantage du type androgyne que du genre RUBENS.

     De sa physiopathologie, nous savons bien des choses :

     - les maux de tête pressifs, apparaissant ou disparaissant graduellement, qu' ils soient bitemporaux, occipitaux ou pesant sur le vertex, faisant penser à ceux d' IGNATIA ou de LACHESIS, mais avec une curieuse sensation de rétrécissement et d' engourdissement de la peau du crâne et du front;

     - les névralgies faciales, accompagnées de froid local et de paresthésies, allant de l' oreille à l' aile du nez et tout le long de l' arcade zygomatique jusqu' à l' os malaire ;

     - les troubles gastriques sont liés à l' atonie et à la ptose d' un estomac victime des caprices d' un appétit oscillant de la voracité à l' anorexie. Les régimes les plus imprévus, jamais bien longtemps poursuivis, n' arrangent guère une muqueuse irritée, une musculature relâchée, un pylore fâcheusement spasmé ;

     - l' intestin, lui aussi, est le siège de douleurs pressantes, de crampes, de gaz incarcérés. La constipation est habituelle, classiquement aggravée en voyage ou, du moins, par tout changement d' habitude, petit signe d' une rigidité de la personnalité dont nous verrons maints exemples. Questionnée sur ce point, une malade bien PLATINA me confirma énergiquement ce symptôme car, me disait-elle, " il est bien évident que la plus élémentaire hygiène s' oppose à ce que j' aille à la selle hors de mes toilettes personnelles... " :

     - mais surtout, nous le savons, outre la mentalité particulière des femmes de ce type, la zone sensible, c' est le pelvis. Cependant, si leurs modalités génitales ont toujours retenu l' attention des observateurs ( et parfois attisé leur verve ! ), il ne faut peut-étre pas rechercher systématiquement comme un " Key-note " , l' excitation sexuelle. C' est du reste, à propos d' une malade très déprimée, se plaignant en outre de frigidité, chez laquelle l' examen et l' entretien psychologique m' orientèrent, sans doute possible, vers PLATINA ( qui fit merveille ), que j' ai été amenée à considérer sous un jour un peu inhabituel ce remède complexe et parfois méconnu.

     Donc, dans la sphère génitale, rappelons rapidement l' éréthisme sexuel surtout marqué dans les jeunes années, l' hyperesthésie clitoridienne et vaginale ( pouvant provoquer une lipothymie au cours des relations sexuelles, du vaginisme, à l' occasion d' un examen gynécologique - elle est alors proche de MOSCHUS ), les douleurs élançantes dans l' ovaire ( le gauche plus souvent que le droit, ce qui ferait davantage penser à PALLADIUM ), les sensations de ptose, de " bearing down " ( et, sur ce plan, les modalités de SEPIA sont parfois difficiles à distinguer des siennes ), les règles douloureuses avec spasmes, coliques utérines, hémorragies de sang noir à gros caillots, les menaces d' avortement en cas de grossesse, la dystocie par rigidité du col pendant l' accouchement :

     - Si l' on ajoute à ce bilan déjà lourd des insomnies ( ressemblant, tantôt à celles de COFFEA, tantôt à celles d' ARSENICUM ), des palpitations, des angoisses précordiales, des douleurs vertébrales ( des reins à la nuque, pires au repos, notamment la nuit, ce qui nous rappelle que PLATINA appartient à la série " luétique " ) - des contractions à tous les niveaux ( larynx, plexus solaire, membres qui semblent " serrés comme par une bande " ) - il faut bien convenir que toute la symptomatologie du remède est placée sous

     le signe de la " spasmodicité ". On l' a, pour cette raison, comparé à PLUMBUM; mais, dans celui-ci l' origine en est organique ( sclérose du tissu nerveux ), et chez celle-là la spasmodicité est avant tout psychogène.

     pourquoi ?

      " Il y a " , disant le Dr LEFORT, au sujet de la sexualité de PLATINA, " une contradiction flagrante entre la violence de ses désirs et l' impossibilité de les contenter " ( art, cit. ANN, HOMEOP. juin 1963, p. 648 ).

     C' est très exactement définir la personnalité du remède, à condition d' étendre cet état d' insatisfaction permanente " du plan génital à celui des aspirations intellectuelles, sociales, affectives.

     C' est pourquoi, PLATINA n' est pas toujours l' excentrique triomphante, traînant après soi des hommages accueillis avec ravissement, sous des dehors blasés, mais elle peut-être aussi la femme fière, blessée ( à juste titre ou non ) dans son orgueil et sauvegardant sa dignité ( sauf à manquer de toute indulgence ), souvent l' éternelle déçue, toujours mécontente d' un sort qu' elle attendait enviable, sinon exceptionnel, parfois, même, la vindicative, accumulant des rancunes tenaces derrière un masque d' impassibilité...

 

Caractéristiques.

     COMPOSANTES PSYCHOLOGIQUES :

     Caractérologiquement, à la polyvalence du remède, correspondent plusieurs types réactionnels qu' il est toujours artificiel, mais commode, de distinguer.

     a ) Dans la majorité des cas, c' est une femme de type " nerveux " émotive, plus agitée qu' active et trop dispersée pour être efficace, soumise à ses pulsions, notamment sensuelles, Ses besoins d' affirmation de soi tendent à s' exercer sur autrui de façon indirecte et subtile, par le charme ou le chantage affectif...

     Tant qu' elle ne se heurte pas trop durement à des réalités qu' elle refuse, faute de maturité pour pouvoir les assumer, elle peut, malgré un comportement instable, un caractère capricieux, s' adapter à peu près... Mais, que ses espoirs de bonheur ou ses certitudes de réussite soient démentis par les faits - et les troubles apparaissent, sous la forme alternante, caractéristique : phases d' exaltation et d' abattement, qui font d' elle, trop souvent, une déséquilibrée... PALLADIUM, MOSCHUS, ORIGANUM seront utiles en seconde ligne, après PLATINA.

     Telle qu' ainsi nous la voyons, d' humeur changeante, avec son ardeur à vivre et ses découragements rapides, avide de succès mondains, des plaisirs que permet l' aisance financière, attendant tout de l' être aimé mais toute aussi prompte à le maudire pour la moindre tiédeur, n' évoque-t-elle pas ce type de femme déçue qu' est la plus attachante et la plus irritante des héroïnes de TOLSTOI, Anna KARENINE, s' acheminant par une sorte de fatalité ( qui n' est que la conséquence de sa structure caractérielle et affective ) vers une autodestruction ( que PLATINA souhaite pour faire une " sortie " remarquée, Car la vision de son échec, sentimental ou autre, lui est insupportable ), et en même temps repousse ( car elle aime jouir de la vie ), ceci étant un nouvel aspect de son éternelle contradiction.

     b ) Stimulées par les désillusions et les difficultés qui révèlent ou accentuent le côté intransigeant de leur nature, les PLATINA qui tendent vers le type caractériel passionné, semblent réaliser un meilleur équilibre - ou, du moins, une meilleure adaptation.

     Émotives contrôlées, avides de responsabilités dont elles ont, du reste, le souci éminent de parfaitement s' acquitter, attachées souvent à un idéal élevé ( religieux, social, politique ) et toujours à des règles morales strictes, elles sont fréquemment, de choix ou de fait, célibataires...

     Tout le dynamisme de leur personnalité est mis au service du but choisi, avec une rigueur et une ténacité qui, pour le psychiatre, annonce une structure à tendance névrotique, et, pour la psychanalyste, signe l' amputation de la féminité, un " Oedipe " mal liquidé comme on dit...

     Maintien droit, port altier, visage de cire émergeant du voile noir et de la guimpe empesée, ce pourrait être, glissant sans hâte inopportune sur les dalles d' un couvent, un personnage de MONTHERLANT ou de BERNANOS...

     On retrouve les mêmes traits, encore, chez la sombre héroïne bénoitienne des marécages landais, Anne de la FERTE, dont son auteur dit qu' " épouse et mère elle eût été le modèle des épouses et des mères " mais qui trahie, ne pardonne pas, allant, pour mieux dominer sa rivale, jusqu' à partager avec elle les plaisirs de Lesbos, autre signe de PLATINA !

     C' est, évidemment, le type " passionné " qui réalise le mieux l' aspect classique du remède, avec son orgueil, son absolutisme, son besoin d' autorité. Ici, le sentiment de sa propre valeur, son bon droit, ou la certitude d' avoir raison, protège le sujet contre les tentations du suicide. L' évolution psychopathologique risque surtout de se faire vers le durcissement et la stérilisation d' une affectivité naturellement sèche et foncièrement égocentrique.

     On la prendrait aisément pour SEPIA, avec laquelle elle partage l' attrait pour la solitude, si une étude plus attentive ne distinguait bientôt chez elle un peu trop de complaisance, voire d' affectation, dans sa recherche de l' isolement ( un isolement volontiers au " sommet " et... en vue ) - et, d' autre part, moins de désespérance que de vexation... STRAPHYSAGRIA n' est pas loin !

     c ) L' aspect caractériel " sentimental " du remède ( toujours en se référant à la classification de LE SENNE ) réalise celui de la femme romanesque, aux ambitions vaniteuses et au jugement court.

     Jeune fille, elle a rêvé, bien sûr, mais ses rêveries ont toujours été au service d' une survalorisation d' elle-même. .

     Tout comme, enfant, elle se complaisait à imaginer que, de noble origine, elle avait été ravie à son illustre famille qu' elle retrouverait un jour, éclipsant alors de sa gloire son entourage - ( ce fantasme est fréquent chez les petites filles PLATINA et cette indication figure dans KENT ), - de même, adolescente, elle a rêvé du fiancé idéal : beau. épris. riche et généreux, qui comblerait. enfin. toutes ses aspirations. La presse du coeur a longuement nourri ses espoirs, mais, trop souvent, la réalité n' est, à son avis, qu' une caricature de la fiction...

     L' émotivité de ce type PLATINA est labile ( d' où les manifestations névrotiques et paradoxales, toutes proches de celles d' IGNATIA ) et les réactions dépressives sont favorisées par une activité faible... qui est souvent de la mollesse, de la paresse... Le refuge dans la maladie est fréquent, avec une symptomatologie qui frise celle de l' hystérie de

     conversion. LATHOUD parle de " faiblesse paralytique " sans, bien entendu, de substratum neurologique; nous en avons constaté plusieurs cas, où les besoins de repos absolu, allant jusqu' à 15 heures et plus par jour ne sont justifiés ni par l' hypotention, ni par les troubles thyroïdiens ou surrénaliens, ni par une dépense musculaire ( qui est nulle ) ni même par un état psychique véritablement mélancolique... Que, du reste, survienne un événement grave dans la vie personnelle de la malade, touchant ses intérêts les plus chers ou requérant son initiative : elle sort sans délai ni convalescence, de sa passivité dolente. quitte à y retomber, l' action passée - mais, avant et après, bénéficiant d' un regain d' intérêt auprès des siens, ce qui, consciemment ou non ( c' est en général inconscient ), est sa motivation profonde.

     La fuite dans l' imaginaire est un autre mode de compensation, moins fréquent. Le p, de BRUCK, dans son ouvrage " Erreurs sur la personne " , expose longuement l' observation d' une jeune femme, épouse et mère déçue parce qu' immature et incapable de s' élever jusqu' à l' oblativité de l' amour conjugal et maternel ) qui, chaque jour, s' enfermait dans son appartement, volets clos, lumières tamisées, en longue tenue du soir et parée de bijoux. Durant des heures, elle jouait ( médiocrement ) du piano, éprise, non pas tellement de musique que de la représentation qu' elle se créait, s' imaginant donner un récital, follement applaudie par un public d' admirateurs fervents...

     Et voici le modèle de ces désenchantées, le simillimum, j' ai nommé Emma BOVARY. " Elle choisit, chez Lheureux, la plus belle de ses écharpes elle se la nouait à la taille, par-dessus sa robe de chambre : et, les volets fermés, avec un livre à la main, elle restait étendue sur un canapé, dans cet accoutrement "... " Elle abandonna la musique. Pourquoi jouer ? Qui l' entendrait ? Puisqu' elle ne pourrait jamais, en robe de velours à manches courtes, sur un piano d' Erard, battant de ses doigts légers les touches d' ivoire, sentir comme une brise circuler autour d' elle un murmure d' extase, ce n' était pas la peine de s' ennuyer à étudier. "

     On saisit ici une manifestation spécifique de ce fonctionnement psychologique : la régression du monde de l' action à celui de la pensée érotisée.

     Notons, enfin, une dernière fourre de dérobade dont peut user ce type de PLATINA sentimentale pour fuir un réel et un quotidien décevants. Il n' est pas nouveau en lui-même, si les moyens changent avec les modes : c' est la toxicomanie.

     L' expérience médico-légale montre que les marchands de drogue recrutent volontiers leur clientèle féminine parmi ces jeunes femmes dont le besoin d' originalité s' accompagne du goût du bizarre et du morbide ( qui parfois, fait penser à celui du PHOSPHORUS et de ses dérivés ). Alcoolisme, mondain ou crapuleux, cocaïne, marijuana ou L.S.D., au-delà d' une curiosité un peu dangereuse, il y a le désir de se donner et de se croire une Personnalité exceptionnelle...

     C' est la tentation de l' absurde, la porte entrouverte vers la mort, non plus par réaction impulsive et sitôt regrettée, mais par destruction, en profondeur, de l' instinct de conservation.

 

Facteurs étiologiques.

     Ayant vu les aspects variés que peut revêtir la déception de PLATINA, il nous faut, enfin, en étudier ( ou, tout au moins, en indiquer ) les origines.

     - la déception d' origine sexuelle est sans doute la plus fréquente mais pas toujours avouée. Le médecin homéopathe qui a trouvé chez sa cliente, notamment dans l' ordre psychique, tout un faisceau de signes du remède, le soupçonnera bien vite et, s' il le juge utile, pourra en obtenir confirmation. Mieux vaut parfois éviter une telle confidence pour ne pas risquer un encombrant transfert ( auquel le médecin-femme, elle-même peut être exposée ! )

     Si PLATINA est déçue dans ce domaine, c' est que ses dispositions naturelles,( qui sont réelles et mêmes vives ) demandent, pour s' épanouir, des délicatesses, des préparations graduées et savantes, faute de quoi sa jouissance est inhibée. La robuste santé et le plaisir sans-façon ne sont pas son fait, on s' en doute bien ! Aussi un mari lourdaud ou pressé risque-t-il à tout jamais de la décevoir et bientôt de s' attirer indifférence, sinon mépris, peut-être haine ( pensons à Mme LAFARGE ) !

     Il faut, dans cette optique, relire les admirables pages de " Thérèse Desqueyroux " , authentique PLATINA : " Le jour étouffant de ses noces, ce fut ce jour-là que Thérèse se sentit perdue... Comme devant un paysage enseveli sous la pluie, nous nous représentons ce qu' il eût été dans le soleil, ainsi Thérèse découvrait la volupté... elle sut plier son corps à ces feintes et elle y goûtait un plaisir amer ".

     Chez ces malades notre remède agit, c' est évident, et nous en avons tous des observations. Son intérêt est qu' il n' est pas seulement efficace pour " débloquer " la libido mais aussi sur l' ensemble des réactions de la personnalité.

     - La déception d' origine ambitieuse, souvent associée à la précédente, n' est pas moins le fait de PLATINA, avide d' honneurs et de louanges. Elle tente, et parfois réussit, mais ce n' est pas toujours heureux, de pousser son mari ou son compagnon à des actions d' éclats, à des rôles de premier plan, si ses moyens personnels ne lui permettent pas de le faire elle-même. Elle rêve de jouer les Égéries ( et, du reste, la plupart de ces dames sont d' authentiques PLATINA, qui se servent de l' homme qu' elles " détiennent " - on ne peut pas vraiment due qu' elles aiment - pour satisfaire leur volonté de puissance ).

     Lorsqu' elles arrivent ainsi à forcer le talent du malheureux partenaire, si les résultats les déçoivent c' est vraiment la catastrophe : " Emma regardait son mari en haussant les épaules mais Charles n' avait point d' ambition ?... Elle était exaspérée de honte, elle avait envie de le battre : " Quel pauvre homme ! Quel pauvre homme ! ".

     C' est l' injure suprême, l' expression du mépris le plus total ( et bien souvent le plus ridicule et le plus injuste ), qui sous-tend l' arrière-pensée suivante : Ah ! si j' étais à sa place ! - " Que voulez-vous, Docteur, me disait une épouse, je suis tellement plus intelligente que mon mari... " et telle autre : " Je lui suis tellement supérieure... " et, enfin, celle-ci tout récemment : " Mon mari, Docteur ? Ce n' est rien ? " ( Notons pour mémoire que le mari en question est un industriel ex-polytechnicien ),

     - La déception par blessure de la dignité et contrainte des besoins d' indépendance ( qui sont grands ) est un aspect plus sympathique des déceptions de PLATINA, celui qui requiert le plus de patience, de discrétion et de compréhension du médecin; épouses trompées, qui elles-mêmes ont sans doute déçu, peut-être par leur apparente froideur, parfois par une supériorité réelle, notamment intellectuelle, qu' elles n' ont pas su oublier suffisamment ( elles sont sensibles mais, au fond, peu " tendres " ) - épouses d' autrefois, enfermées et gardées par une belle-famille vigilante ou les conventions du milieu. Comment ne pas évoquer à ce propos le beau visage, fier et douloureux, que l' on peut admirer à Vienne, sur le grand portrait de l' Impératrice Élisabeth d' Autriche par WINTERHALTER?

     Meurtrie dès les premières nuits de son mariage par un époux amoureux mais se comportant un peu trop " à la hussarde " , " méfiante et désenchantée " ( disait l' Ambassadeur PALEOLOGUE ), en guerre ouverte contre sa belle-mère et la Cour, mère brisée par je drame de Mayerling, " se pesant trois fois par jour, fière de ses 46 kgs, à force de jeûnes, d' haltères et de trapèzes " ( qui pendent toujours à un linteau de la Hofburg ), six heures de suite en selle pour, brusquement un jour, renoncer aux chevaux, parcourant l' Europe, de la Normandie à Corfou, elle fut une admirable PLATINA, tour à tour triomphante, méprisante, lointaine, avant de tomber délivrée d' une insupportable existence, quai de Genève, sous le stylet de l' anarchiste Luccheni.

     Mais quelle dérision posthume pour celle que BARRES appelait " l' Impératrice de la Solitude " , que toutes les mièvreries débitées sur son compte en fourre de " cinéromans " 1 Rien de plus opposé à la nature de cette Wittelsbach ardente, farouche et fantasque que la sotte image d' une fiancée de feuilleton...

     Le rideau de l' Histoire entrouvert, on n' en finirait pas de dénombrer ces femmes déçues ( pensons à la jeune Veuve Scarron, modèle de l' évolution réussie de PLATINA ) et les femmes-auteurs, nous en fourniraient maints exemples...

 

Psychisme.

     APPROCHE PSYCHANALYTIQUE :

     Avec PLATINA on aborde un remède qui introduit à un mode relationnel différent de celui correspondant aux précédents remèdes. Si les uns rappellent une fixation infantile par leur comportement à dominante. " orale " et si d' autres montrent une symptomatologie à résonance " anale " , nous sommes évidemment ici dans une économie édifiée, fut-ce avec des lacunes, sous le " primat du génital " , évoquant la structure hystérique.

     Suivant le degré d' organisation de la personnalité et l' intensité avec laquelle s' expriment les signes de PLATINA, que ce soit " petits côtés " transitoires, traits permanents de caractère ou véritable syndrome névrotique, on constate avec une fidélité assez frappante la ressemblance avec l' hystérie ( de conversion et non pas d' angoisse ).

     Les reliquats régressifs des stades antérieurs peuvent s' y retrouver.

     a ) au niveau de l' oralité : aussi bien au plan de l' alimentation que du langage :

     - attrait pour les mets riches, rares, exceptionnels, la " haute " et " grande " gastronomie ; mais chez d' autres, répulsion globale, restriction au plus juste et une tendance anorexique à minimiser " tout ce qui rentre "... ainsi qu' on l' observe chez des homosexuels dont les modalités sont celles de PLATINA...

     - caractéristiques, la virtuosité verbale, l' expressivité imagée, l' aisance du style peuvent s' exagérer en emphase, diction déclamatoire, recherche de l' effet... aux dépens du contenu ; le relatif silence ou le mutisme épisodique, nullement discrets, sont un autre moyen d' appel à l' intérêt d' autrui.

     b ) au niveau de l' analité : l' agressivité et les colères avec décharges de propos grossiers ( on fera à ce sujet un parallèle intéressant avec ANACARDIUM, autre remède souvent rencontré chez des personnes de même structure ), sont à noter; de même que le Keynote : constipation tenace ( en voyage ou aggravée en voyage  ).

     c ) Il y a toujours, chez PLATINA, d' importants problèmes narcissiques mais ils peuvent être au premier plan de sa symptomatologie. Que son vécu soit pauvre et son affectivité infantile et factice - ou nourri d' images fantasmatiques d' une grande richesse , comme c' est souvent le cas, son organisation libidinale est alors restée insatisfaisante, attardée dans un auto-érotisme dont la fonction paraît être de transposer des fantasmes de séduction ( à l' égard du parent de sexe opposé ), parfois induits par une conscience trop précoce de la teneur érotique de ses charmes ou par des maladresses éducatives.

     ( C' est dans notre description caractérologique, le type " sentimental " ).

     - Mais les problèmes peuvent au contraire s' exprimer ( aspect sthénique ou dynamique de ce remède ) par une  revendication phallique " si le rôle qui lui a été assigné dans la constellation familiale l' a infériorisée ou brimée dans son indépendance ou si une insuffisance de dons naturels et d' aptitudes l' a humiliée, entraînant une " blessure narcissique " qu' elle est dans la nécessité de compenser. Ses goûts pour le luxe et la parure, significatifs, sont à la fois moyen de ( se ) plaire et preuve de su réussite.

     C' est bien d' ailleurs à ce niveau que tout se joue pour le vrai type PLATINA, l' obligeant à une escalade de survalorisation... ( PLATINA de type  passionné  ).

     Si, dans le cas précédent, prime la pensée érotisée, dans celui-ci l' action, ou plutôt l' action symbolique, est  au pouvoir " , action " déléguée " à un objet de référence, mais érotisé et responsable en cas d' échec.

     Car toute la dynamique de PLATINA vise à éviter l' insupportable échec, dont le moindre fait immédiatement surgir une intense angoisse de dévalorisation.

     d ) Enfin la pathologie de PLATINA peut l' entraîner, authentifiant sa structure, à de véritables symptômes de névrose hystérique lorsque domine l' aspect caricatural du remède trop souvent seul retenu : outrances dans le discours, le geste, les vêtements,

     démonstrations publiques ( d' enthousiasme, d' attendrissement ou de colère ), théâtralisme, arrogance, mythomanie, triomphalisme vaniteux... témoins éloquents de l' érotisation de ses contacts sociaux, en même temps qu' illusoires défenses ( contre les pulsions sexuelles ), ayant dépassé leur but et signant la décompensation...

     Au delà, par le biais et la complicité de sa plasticité corporelle, cela peut être l' apparition de véritables symptômes de conversion dont l' hystéro-fatigue est actuellement la plus fréquente.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     ENFANCE

     - oralité capricieuse ;

     - le plus souvent châtain ou blonde ;

     - svelte ;

     - très vite " fait la fille " ;

     - éveil sensoriel rapide ;

     - babillage facile ;

     - observation rapide et en marge ;

     - extraversion du comportement ;

     - accession apparemment rapide à i' autonomie.

     MAIS :

     - " fait la grande " sans l' être ( dépendance d' un modèle ) !

     - recherche ( précoce et durable ) de compliments et de louanges ( qui la rendent plus aimable ) et surtout en public :

     . parce qu' elle a besoin d ) croire.

     Constellation familiale :

     - la MÉRE est un modèle fascinant mais inhibant :

     . soit par agitation anxieuse ;

     . soit par affirmation autoritaire ;

     . soit par vraie valeur personnelle ;

     - le PÈRE :

     . est peu ou pas interdicteur ;

     , ne " dit pas la LOI " ( distrait, lointain ou SOUMIS )

     . très tôt, il est un modèle dévalorisé ;

     . mais objet de séduction pour l' une ;

     . d' où PLATINA tend à reproduire le modèle maternel pour être sûre d' aussi bien " faire " ;

     . et à " utiliser " le père ( pour s' en valoriser ).

     Comportements sociaux et scolaires

     - orgueilleuse ;

     - susceptible, vindicative ;

     - fait du charme ;

     - aime briller, être interrogée, MAIS :

     . si sotte : se fait remarquer jusqu' au ridicule ;

     . si intelligente : se donne les moyens de son ambition ;

     - elle peut être tricheuse ( but : le succès ).

     ADOLESCENCE ET SEXUALITÉ

     - " la séductrice nymphomane ".

     . faibles défenses antipulsionnelles ;

     - sexualité exigeante :

     . variable ;

     . ambiguë ;

     . fausse frigidité ;

     - sensualité forte, mais peut bloquer l' orgasme ( pour ne pas être dominée ) ;

     - possibilité d' homosexualité ( passive ) chez le garçon et chez la fille avec comportement de séduction.

     DYNAMIQUE AFFECTIVE

     - égocentrisme  ( plus de complaisance pour lui-même que pour autrui );

     - plus émotive que tendre ;

     - serviabilité empressée, le plus souvent brève et gratifiante ;

     - peut être une mère héroïque ;

     - mais désir ambigu de maternité ( fait des enfants comme elle gagnerait des diplômes ) ;

     - sentiments peu profonds résistant mal aux:

     . difficultés ;

     . contrariétés ;

     . insatisfactions ;

     . humiliations ;

     - d' où fidélité aléatoire ( n' excluant pas la jalousie ) surtout si le séducteur a une image flatteuse ;

     - Féminité provocante :

     . s' offre au regard et au désir ;

     . attitudes séductrices;

     . tenues:

     - voyantes et clinquantes;

     - sobriété " étudiée " ( BCBG ) ;

     . comportement érotisé ;

     . peut être romanesque avec :

     - exaltation de l' imaginaire ;

     - déformation de la vérité ;

     . " fontaine lumineuse " ( reflet de l' autre ) ou " égérie " politique ( utilise l' autre ).

     - arrêt au " principe de plaisir " ;

     - narcissisme majeur ( cf. pathogénésie ) :

     . voit les autres plus petits qu' elle et plus petits qu' en réalité ;

     . voit peu / mal la moitié inférieure des objets ;

     - variabilité de la thymie ;

     - organisation hystérique de la personnalité.

     Décompensation

     - le MOI est nu, sans fard et sans parure;

     - PLATINA n' est plus triomphante mais toujours INSATISFAITE, AMÈRE et MÉPRISANTE ;

     - devient rigide et renfermée ;

     - besoin de silence et d' isolement ;

     - vit tragiquement l échec;

     - physiquement, se dessèche. et prend l' aspect SEPIA.

     Surcompensation dans un investissement spirituel

     - peut se convertir sincèrement ( elle ne fait pas les choses à moitié );

     - ou devenir " bigote exemplaire ". Elle a plutôt la " vocation de l' auréole " ( pour retrouver une bonne image d' elle-même ).

     Pathologie psychiatrique

     - manifestations " spectaculaires " hystéroïdes : 

     . malaises fonctionnels divers et variables;

     . lipothymies ;

     . spasmes et contractures ;

     - SPASMOPHILIE ( normocalcique ) ;

     - névrose hystérique d' angoisse ( en général assez labile );

     MAIS AUSSI :

     - peut présenter des épisodes de pathologie maniaco-dépressive ( cf. AURUM ) ;

     - possibilité de suicide

     . de dignité ;

     . d' échec.

     ( par blessure narcissique mortelle )

 

 

Pulsatilla

 

Introduction.

     Remède de l' enfance et de l' adolescence, remède d' une certaine manière d' être tout au long de l' existence, PULSATILLA, que ses symptômes soient aisément reconnaissables ou déguisés, correspond à un ensemble somato-psychique bien particulier.

     L' expérimentation toxicologique ( ANEMONA PULSATILLA ), et les observations cliniques coïncident et se complètent pour permettre d' en tracer un portrait dynamique, faisant apparaître, au delà de la description symptomatologique, la réalité d' une organisation physique et mentale avec ses modes caractéristiques d' évolution, ses possibilités de décompensation, d' adaptation et de réparation, la pathologie qui lui est propre.

 

Caractéristiques.

     La physio-pathologie de PULSATILLA en indique, d' emblée les lignes de rupture possibles :

     - action freinatrice sur le fonctionnement hypophysaire, ayant pour conséquence un hypofonctionnement de la thyroïde, des gonades ( spécialement dans le sexe féminin ) et des surrénales ;

     - action congestive sur la circulation de retour ( avec hypo-oxygénation sanguine, stase veineuse jusqu' à l' ectasie ), aggravée par la chaleur ambiante et radiante ;

     - action inflammatoire exsudative sur les séreuses et les muqueuses ; dyspepsie hyposthénique ;

     - réactions neuro-végétatives toujours présentes, diverses et transposables :

     - action profonde et précise sur le psychisme dont les principaux symptômes sont :

     . hypersensibilité à tous les stimuli extérieurs,. variabilité rapide de l' humeur sur un fond constant caractéristique d' insécurité, avec, en corollaire, besoin de consolidation,. tendance à la décompensation asthénique et mélancolique, avec possibilité de geste suicidaire.

     On la reconnaît dans son enfance à son apparence physique et morphologique. A cette époque de sa vie, le type est généralement pur alors que, plus tard, il pourra être difficile d' imaginer, derrière le relâchement de la peau, l' infiltration des tissus et les déformations de la silhouette, l' image de finesse que suggère pour nous la physionomie de PULSATILLA.

     On la décrit, classiquement, blonde et de carnation claire, les yeux bleus, l' épiderme délicat, sur un tissu sous-cutané abondant. C' est un nourrisson à l' appétit modéré, variable, sujet à des refus " inexplicables " , qui révèle très vite ainsi son trait de personnalité dominant : le besoin de contact affectif, le besoin d' amour. Tout est presque dit au sujet de PULSATILLA lorsqu' on a cité ce trait ; c' est déjà indiquer son extrême sensibilité à la qualité des relations mère-enfant au cours des premières années de la vie.

     Toute son existence va se jouer à ce niveau, lui permettant ou non d' accéder - mais ce sera toujours difficile et restera toujours fragile - à l' autonomie affective.

     Hypersensible à l' environnement, enfant qui se croit, se sent ( même si ce n' est pas un fait objectif ) en état d' abandon, PULSATILLA, si vite en larmes, exprime par tous ses symptômes un incessant appel à l' aide. Il peut en résulter, dans la mesure où l' enfant de ce type psychologique ne trouve pas le soutien affectif qui lui est, plus qu' à tout autre, indispensable, des troubles soit isolés, latents, soit même groupés en un véritable syndrome d' abandon, ouvrant précocement la voie à une organisation psychique très précaire, un de ces " états limites " toujours en danger de décompensation dépressive.

     Même dans les meilleurs cas, à observer l' enfant PULSATILLA on a bien l' impression que toute action, tout progrès, toute initiative, ne peut venir que par l' intermédiaire de " sa mère. La stimulation, normale et nécessaire, ne suffit pas, il faut une hyper stimulation, ayant valeur de permission...

     Si la symptomatologie de PULSATILLA ne correspond pas, heureusement, dans la grande majorité des cas à un blocage évolutif aux stades les plus précoces, entraînant une véritable catastrophe psychiatrique, c' est parce qu' il persiste chez elle un espoir de recevoir et qu' un de ses " key note " : " amélioration par la consolation " permet des ravitaillements affectifs substitutifs si ceux de la famille sont défaillants ( ou insuffisants pour le niveau de sa quête ).

     Mais on a TOUJOURS, avec PULSATILLA affaire à un mode relationnel placé sous le signe de la dualité exigence - dépendance ( sous-tendant une agressivité masquée ).

     En termes psychanalytiques, il s' agit, typiquement d' une relation d' objet " anaclitique " ( c' est-à-dire : " en appui sur... " , " étendu contre... " , " se laissant porter par... " ) émanant d' un Moi pré-génital, partiellement " astructuré " , plus ou moins péniblement dégagé de la fusion symbiotique primitive, mais en conservant toujours, consciemment ou non, la nostalgie avec le désir de faire retour à l' indistinction somato psychique.

     Ses mécanismes adaptatifs, fragiles, peuvent à tout âge, " céder " sous le coup d' un traumatisme frustrant, faisant symboliquement rappel du traumatisme primitif dont PULSATILLA ne se console jamais tout à fait : la " perte d' objet " , la séparation d' avec sa mère... ( cf M. AUBIN : Les difficultés de détachement maternel, article cité ).

     Mais prenons garde de ne pas faire de confusion :

     Ce n' est pas une privation d' amour maternel qui crée l' ensemble somatique et psychique qui, pour les homéopathes, a nom " PULSATILLA " et ne mérite ce nom qu' autant qu' un nombre suffisant et caractéristique de " symptômes expérimentaux " ( pathogénétiques ), devenus " signes cliniques " du remède, sont présents dans un ensemble pathologique par conséquent " semblable " c' est-à-dire " homéopathique " à PULSATILLA.

     Mais l' agencement psychique que suppose cet ensemble est spécialement vulnérable à une telle privation. Nous nous trouvons devant un fait d' expérience ayant certainement des bases biogénétiques restant à découvrir...

     Une mère distante et froide, incitant son enfant à une dépendance complète, pourra faire régresser l' enfant PULSATILLA en bloquant son éveil et le structurer dans l' autisme.

     Hyperprotectrice, anxieuse et tracassière, donc un peu obsessionnelle, souvent sèche et rigide, elle empêche l' individuation d' un enfant qui ne " demande " pas mieux que d' être son reflet.

     Le père est vécu lui-même " à travers " l' image maternelle, à peine distinct de celle-ci pour peu qu' elle fasse activement écran à l' influence virile ou que le père soit réellement ou virtuellement absent.

     Bien entendu l' entrée en classe est éprouvante ( parfois dramatique ) et les premiers contacts sociaux, dans ces conditions, ne pourront être que pénibles. Timide, inquiète, émotive, la petite fille de ce type est vite réputée d' humeur difficile : passant du sourire aux larmes, douce mais susceptible, crédule par désir de confiance, elle est vite la cible de certains enfants auxquels elle offre une preuve tentante de leur pouvoir...

     Quelles que soient ses capacités instrumentales, son adaptation et son rythme sont lents par désir de " bien faire " ( plus que de faire " bien " ), c' est-à-dire de faire " comme il faut " mais comme il faut pour : être acceptée, approuvée, sécurisée, encouragée, donc aimée. Elle a, par conséquent, besoin du témoignage actif ( et si possible privilégié ) de la satisfaction de ses professeurs.

     Même intellectuellement, elle manque d' assurance : son esprit " papillonne " , elle se concentre difficilement, elle est distraite par l' environnement extérieur ou les images que font naître dans son imagination les propos entendus. Petite fille rêveuse, spontanément poète, elle a rarement de brillants résultats en mathématiques, ayant perdu, chemin faisant, quelque partie des données d' un problème... Cependant la manipulation des chiffres, par son aspect rassurant de vérité absolue, peut avoir pour elle un certain attrait...

     PULSATILLA survole ainsi son enfance, à travers ses espoirs, ses déceptions, ses larmes et ses sourires, tantôt un peu à distance du réel, s' évadant par une part d' elle-même dans des fantasmes très infantiles de protection ( si ce n' est de fusion ) maternelle, mécanisme de défense contre l' angoisse dépressiogène, - tantôt apparemment adaptée à l' ordre ( familial, scolaire ) établi, douce et docile tant qu' aucune " agression " ne vient bouleverser son fragile aménagement.

     Elle risque de glisser ainsi, plutôt que de la vivre, sur la phase oedipienne et d' arriver à la puberté sans support structurel... Trop rarement cette phase permettra de " rattraper " , de réparer, une évolution déjà compromise.

     Les règles tardives, pauvres et d' emblée douloureuses somatisent la peur ( appelant le refus ) de la fonction sexuelle qu' annonçait déjà, depuis l' enfance, une précoce pudeur.

     La dysménorrhée s' installe avec prédilection chez PULSATILLA, occasion de se faire " dorloter " et plaindre par sa mère, de vivre de façon " admise " sa dépendance et son avidité affective... ( On sait, soit dit en passant, la réelle efficacité de PULSATILLA 30 CH, répété à plusieurs reprises, sur ce type de douleurs des règles ).

     Frileuse, mais ayant besoin de grand air, le visage écarlate dans une pièce chauffée mais les pieds glacés ( elle a des extrémités rouges et cyanosées, des engelures, de l' acrocyanose ), elle rougit à la moindre émotion, ce qui accroît sa timidité, son manque de confiance en elle-même et son désir de régression infantile.

     Son ambivalence vis-à-vis de la nourriture manifeste la fragilité de son " oralité " : elle a des goûts variables, en principe le dégoût des aliments gras et une absence habituelle de soif, même pendant la fièvre. Mais, à l' adolescence, pour masquer son angoisse d' accéder, de droit sinon de fait, aux alentours de la " majorité " et de son corollaire théorique, la " maturité " - et donc au " devoir " de se prendre en charge, de renoncer au fonctionnement anaclitique, PULSATILLA a de la boulimie ; elle " se bourre " , avec toute la signification de " déplacement " des pulsions sexuelles qu' a ce comportement.

     A ce stade, PULSATILLA peut, sous l' influence d' une expérience de désillusion sentimentale, de deuil ( décès de la mère ), de traumatisme dévaluant ou frustrant, entrer dans la pathologie psychiatrique. Si la " structure de base " de sa personnalité est de type psychotique, ce peut-être par une bouffée délirante onirique ( pleure ou chantonne, perdue dans son rêve, évadée d' une réalité déniée par impossibilité de s' y adapter ).

     Avec une structure névrotique ce sera l' apparent début d' une systématisation obsessionnelle ou d' une hystéro-phobie d' angoisse.

     Le plus souvent, il n' y a, chez de tels sujets, qu' une esquisse de structuration et la réponse aux stress émotionnels est, tout autant, mal définie : petits états dits " dépressifs " , dans lesquels dominent la labilité de l' humeur, tristesse et morosité alternant avec une précipitation anxieuse à accomplir des actions qui lui deviennent peu après indifférentes..., comportement rêveur ; silencieuse, absente en société bien qu' elle recherche la compagnie par peur de la solitude, vécue comme un rejet, un abandon. L' asthénie, les manifestations psychosomatiques paradoxales, les troubles de la conduite alimentaire sont habituels.

     Mais il convient d' être toujours vigilant et de ne pas sous-estimer les risques d' une décompensation dépressive avec possibilité d' impulsion suicidaire, en particulier par noyade ( retour au liquide originel ?... )

     Les choses peuvent, cependant, aller aussi bien que possible... jusqu' au moment du mariage, nouvelle confrontation angoissante avec la sexualité.

     Avec des conditions favorables, PULSATILLA franchira apparemment, cette nouvelle étape sans drame et c' est, bien sûr, le cas de la grande majorité de nos PULSATILLA. Ce n' est qu' incidemment et plus tard qu' on saura les appréhensions, les larmes, l' angoisse de solitude à quitter la famille.

     L' évitement, par manque d' intérêt, des relations sexuelles est fréquent, PULSATILLA souhaitant plus recevoir des caresses et des cajoleries alimentant son narcissisme infantile que participer à un acte vécu à deux dans la réciprocité. Le refus complet, dès le début du mariage, par pusillanimité, n' est pas exceptionnel, dans une situation de non-consommation qui peut se prolonger plusieurs années ( " Je ne peux pas, j' ai peur, Maman m' a dit que ça fait très mal... " ) signant l' incapacité à assumer la sexualité faute de vécu oedipien préalable.

     PULSATILLA, toujours changeante et pleine de contradictions a, nous dit la Matière Médicale, " peur du sexe opposé " mais en même temps, besoin d' être aimée et besoin qu' on le lui dise et redise. Quand la maturité reste déficitaire c' est la " femme enfant " , désespérée à la première scène de ménage, au premier agacement de l' époux, prête à aller se jeter... à l' eau ou dans les bras de sa mère puisque les bras masculins l' ont repoussée...

     Le " bon mari " pour PULSATILLA est un " mari-parent " , père-et-mère plutôt que partenaire viril, protecteur et consolateur, défenseur contre toutes les difficultés agressantes de l' existence : initiatives, responsabilités, démarches administratives. " Petite fille prolongée " ( " lymphatique attardée " dit justement R. ZISSU ), infantile et craintive, elle trouve dans un tel " époux " ( si on peut dire ) ce que les psychanalystes ( G. GUEX, et BERGERET notamment ) nomment exactement un " compagnon contra-phobique " de l' angoisse d' abandon.

     L' évitement " spontané " de la maternité est fréquent et c' est certainement le mieux quand est trop grande la fragilité psychique et trop forts les risques de décompensation.

     La maternité, peut, en effet, être vécue comme une nouvelle " perte d' objet " par projection, d' où choc émotionnel avec " refus " d' identité du nouveau-né ( " je ne pouvais pas croire que ce soit à moi... " , " je n' arrivais à me faire à l' idée que c' était mon bébé " ), sentiment aigu de rivalité avec celui-ci ( peur de ne plus être non seulement aimée mais préférée par le mari ), donc agressivité refoulée et surcompensation protectrice anxieuse à l' égard de l' enfant... Le cycle n' a plus qu' à continuer...

     Il y a une meilleure optique, heureusement ; PULSATILLA sans être très structurante, mais plutôt trop affectueuse, exclusive cependant et doucement autoritaire, avec une persévération dans certains rituels ( de propreté, d' ordre, d' apparences qui dénote l' aménagement obsessionnel ) peut se montrer une bonne mère, à condition que le père apporte une influence réaliste et stimulante à la descendance.

     Ainsi va PULSATILLA, toujours gentille, avide, donnant pour recevoir, " conforme " pour obtenir...

     Des occasions de décompensation peuvent se présenter à tout âge, à l' occasion du départ des enfants de " la maison " , du décès du mari... Plus ou moins graves selon la structure de base, elles peuvent précipiter une malade de ce type, en particulier au moment des reviviscences pulsionnelles de la ménopause ou au début de la vieillesse, dans un état de mélancolie chronique, dans un retrait démissionnaire ou même dans une phase délirante qui révèle la " faille " , une psychose restée latente, brusquement mise à jour par la rupture des mécanismes adaptatifs. J. BERGERET relate ainsi dans : " La personnalité normale et pathologique " ( p. 152 ) " un cas de décompensation psychotique d' état-limite " dans lequel tout homéopathe reconnaît, sans coup férir, PULSATILLA, dans cette " pauvre petite fille " ( de 50 ans ) dont l' auteur dit : " L' aménagement imparfait de sa personnalité reposait sur une dépendance anaclitique des autres ".

     C' est résumer la pathologie la plus grave de ce remède.

     Encore ne faut-il pas oublier le plus grand nombre, ces patientes exigeantes et vite blessées, toujours dans la crainte que nous les " abandonnions " , pleines de scrupules et de pusillanimité et cependant capables de courage et de reconnaissance, à condition que nous satisfassions, avec prudence et réserve, à leur " besoin de consolation "... mais, d' abord en leur donnant leur " simillimum ".

 

 

Sepia

 

Généralités

     PSYCHO-PATHOLOGIE DE SEPIA

     La psycho-pathologie de SEPIA comme celle de la plupart de nos grands polychrestes, a été explorée, analysée, étendue et a finalement pris toute sa dimension par les apports joints de trois sources de connaissances :

     - la connaissance expérimentale, la pathogénésie : c' est l' apport d' HAHNEMANN ( la Ière expérimentation ), celui de ses traducteurs et commentateurs;

     - les grandes études répertoriales et de matière médicale, analysant en classant la pathogénésie en tableaux cliniques applicables à la pratique médicale : c' est l' apport de tant d' illustres auteurs et en particulier de l' école homéopathique américaine ;

     - les applications plus partielles et plus spécialisées de SEPIA à des domaines déterminés de la physio-pathologie : c' est l' apport des contemporains.

     C' est donc avec la conscience aiguë de ce qui est dû aux devanciers qu' on se permet de présenter la contribution de sa propre expérience dans le domaine de la psychopathologie et une présentation un peu psychanalytique de SEPIA, qui ne peut pas être une interprétation tendancieuse, mais la conclusion d' analyses de cas pathologiques.

     Suivant un schéma assez habituel, il convient donc de rappeler l' évolution psychologique de SEPIA au cours de l' existence, en insistant sur la signification particulière de certains symptômes névrotiques.

     L' application à la clinique psychopathologique des données de l' expérimentation permet de regrouper les signes pathogénétiques en faisant un portait dynamique de SEPIA pendant les grandes étapes de sa vie. Comme tous nos grands remèdes à forte

     implication psychique, celui-ci, quand il est vraiment le simillimum, offre une remarquable permanence des principaux traits de la personnalité à tous les âges de la vie, sans que, pour nous, cela entraîne un déterminisme restrictif de liberté.

 

Stades de la vie et constitution.

     L' ENFANCE :

     Fillette brune au teint mat, aux yeux noirs, au regard grave, à l' expression timide et fière, telle apparaît classiquement SEPIA dans ses jeunes années. A l' observer trop superficiellement, on pourrait la juger insignifiante et on se tromperait presque toujours. Il y a, en effet, chez elle ( plus encore que chez le jeune garçon SEPIA ) une introversion des émotions, des pulsions et des sentiments qui est, certainement, le caractère psychologique distinctif le plus important de ce remède.

     Très émotive, elle est réservée jusqu' à paraître indifférente, ou même amorphe, ce qui surprend toujours chez un enfant dont on attend généralement des réactions spontanées ou expansives. Mais ce n' est que très rarement que SEPIA s' exprime ainsi, d' abord parce qu' elle a horreur de telles manifestations et, surtout, parce que cela lui est à peu près impossible. Heureuse ou gaie, elle sourit, son visage s' éclaire, ses traits se détendent, mais son rire est toujours discret; triste, inquiète, apeurée, elle cherche refuge auprès de l' adulte qui a toute sa confiance, ou se cache dans un coin, sans un mot, pleurant silencieusement ou refoulant ses larmes.

     La violence des émotions ne lui est pourtant pas inconnue : l' injustice, en particulier, suscite sa colère, une colère dure, coupante, dans laquelle un jugement méprisant ne tarde pas à se montrer.

     Cela s' exerce dans les deux milieux où elle évolue : le milieu familial et le milieu scolaire.

     En famille, on la juge à la fois sérieuse et incommode à vivre, grognon, très attachée à ce qui lui appartient, de sorte qu' elle peut apparaître égoïste. Cependant, si les circonstances l' imposent, elle est capable de serviabilité active et efficace, de dévouement réel, tout en refusant les compliments et les remerciements. Ses parents se sentent souvent mal à l' aise devant ce visage fermé, ce regard observateur, sinon inquisiteur, qui, visiblement, note toutes les faiblesses, toutes les défaillances.

     A l' école, elle se montre, en général, attentive, minutieuse, consciencieuse, peu communicative, mais assez dynamique si elle est en harmonie avec l' ambiance - au contraire, inhibée, lente, en opposition passive, si elle est en conflit.

     Elle se montre aussi exigeante à l' égard des autres enfants et des enseignants qu' envers les membres de sa famille. Secrète, irritable, susceptible, elle n' aime pas perdre au jeu ou s' en désintéresse vite, elle a peu de camarades, plutôt une amie privilégiée dont elle n' accepte pas le partage avec d' autres. De ses maîtres, elle attend beaucoup et, si elle est déçue, sa critique est impitoyable.

     Cette sévérité si manifeste pour autrui, l' enfant SEPIA se l' applique également à elle-même, sans que ce soit toujours évident. Elle s' en veut de ses limites, de ses insuffisances, de ses échecs, en éprouve colère et culpabilité et s' en punit inconsciemment en donnant d' elle l' image d' une fillette peu aimable, peu gracieuse, peu attirante, en travestissant même sa personnalité pour dissimuler ses qualités, et, parfois, consciemment, en s' infligeant des punitions que nul ne peut soupçonner ou comprendre.

     Les tests psychologiques mettent en évidence l' esprit logique, la tendance à rationaliser, l' introversion, l' hypersensibilité à la frustration, les tendances obsessionnelles et masochistes.

     Ainsi, très tôt, se dessine cette personnalité, difficile à aborder, d' enfant apparemment maussade et peu affectueuse, pleine de contradictions dans son comportement.

     ADOLESCENCE :

     Toute adolescence est un âge charnière qui ouvre la voie au rêve, à l' imaginaire, aux aspirations idéalistes, aux espoirs, aux ambitions et aux chimères.

     Ceci, à condition que l' autonomie affective ait été correctement conquise au cours de l' enfance, après le détachement successif d' abord de la mère ( avec toutes sortes de difficultés possibles qui s' expriment souvent par la symptomatologie de PULSATILLA ) puis du père, et c' est là que notre SEPIA risque fort d' enraciner sa psychopathologie.

     En effet, la sensibilité intériorisée de ce type lui permet de bien effectuer le détachement maternel, d' autant plus aisément qu' elle a moins besoin que d' autres ( que PULSATILLA surtout ), de manifestations de tendresse, de protection et de sécurité. D' autre part, du fait de ses tendances naturelles, elle admire le courage physique, la force de caractère, la volonté, l' activité silencieuse, et ce sont les qualités qu' elle souhaite posséder ou développer en elle.

     S' efforçant par peur de sa propre faiblesse, de se fortifier dans cette direction, elle y rencontre ( croit ou voudrait y rencontrer ) un modèle : le modèle masculin, son père.

     Que celui-ci réponde bien ou mal à cet archétype, SEPIA veut y croire et chercher à établir avec lui des relations privilégiées. Mais ce faisant, avec toute son agressivité d' adolescente, elle entre en rivalité avec sa mère, non sans culpabilité. Une culpabilité d' autant plus grande que surviennent à ce moment de sa biographie, la poussée pubertaire, l' éveil sensuel, les fantasmes sexuels.

     Pour écarter, ne serait-ce que l' idée fugitive d' un tel sacrilège et conjuguer le risque même inconscient de l' inceste, tout en se conservant cette relation si gratifiante avec son père, une seule solution, à la fois défensive et expiatoire : le sacrifice de sa férninité.

     L' adolescente SEPIA va donc symboliquement se castrer, se forgeant une personnalité dans laquelle l' aspect affectif va être " scotomisé " ( ce remède, dit KENT, semble abolir les sentiments, nous dirions plutôt, aujourd' hui, les inhiber ) et se donner un style asexué, sinon pseudo-viril, qu' elle soit hyper-intellectuelle ( et de préférence scientifique ), sportive, technicienne, ou même militante politique... Ainsi pourra t-elle, sans culpabilité, essayer de se trouver des intérêts communs ou comparables à ceux de son père, s' identifier à lui.

     Ce mode évolutif n' est, le plus souvent, qu' une phase transitoire, fréquente et quasi normale, précédant l' éclosion d' une sexualité adolescente harmonieuse.

     Mais le processus évolutif peut aussi se bloquer plus ou moins longtemps à ce niveau, soit que l' environnement familial ait précipité la cristallisation de l' état morbide. C' est en particulier le cas si le père est réellement ou virtuellement absent : l' image est magnifiée, objet d' un véritable culte et d' une identification quasi-mystique.

     Mais cela arrive aussi s' il se dévalue, que ce soit par faiblesse ou par comportement coupable : à une réalité décevante qui suscite le mépris, est substituée une image idéale, mais inaccessible, que la fille reprend à son compte mais qui ne peut aboutir qu' à l' échec de son épanouissement féminin.

     Alors la négation inconsciente de la sexualité, par désir masochiste de répression, va envahir également le champ de conscience, devenir une obligation contraignante, une nécessité obsessionnelle, se prolonger avec une implacable logique en négation du corps. avec, pour terme ultime, le refus de la vie : SEPIA, l' absolue, ne fait pas les choses à moitié.

     L' anorexie mentale, avec son cortège de signes connus : perte de l' appétit, sensation de vide à l' estomac, besoin de grignoter, nausées à la vue, à l' odeur, à l' idée des aliments, ptose gastrique, ptose intestinale, constipation tenace, aménorrhée, affaiblissement, amaigrissement jusqu' à la cachexie avec conservation d' une hyperactivité paradoxale - recoupe une bonne part de la pathogénésie de SEPIA.

     Ce remède prend, du reste, le pas sur NATRUM MUR dans les cas les plus sévères. les plus durables, ceux qui peuvent aboutir sinon à une issue fatale, du moins à une chronicité de la maladie.

     C' est certainement le risque psychiatrique majeur de SEPIA, et toujours sans aller jusqu' à la réalisation clinique complète du syndrome on en retrouve souvent des éléments dans la biographie de certains sujets SEPIA, ceux qui gardent toute leur vie quelques signes caractéristiques :

     - silhouette androgyne, faciès creusé, teint terreux,

     - hantise de grossir ( pour soi-même ou pour ses proches par un dangereux mécanisme de projection ),

     - sélectivité parfois bizarre de l' appétit avec goûts paradoxaux,

     - sexualité faible ( frigidité chez la femme, impuissance chez l' homme ) ou homosexualité chez l' un et l' autre. Il existe, en effet, une correspondance, rare, du syndrome anorexique chez le garçon évoluant le plus souvent vers une homosexualité latente ou manifeste.

     Cet ensemble fait évidemment, la preuve du caractère désadaptatif persistant de l' instinct de conservation.

     Sans doute est-ce parce que cette sorte de pathologie adolescente est beaucoup plus fréquente chez la fille que chez le garçon, que la plupart de nos SEPIA, tout au moins sur le plan mental, sont plus souvent des sujets de sexe féminin.

     Heureusement, si la structure psychologique de l' adolescente SEPIA n' est pas trop rigide, il reste l' espoir qu' elle puisse, souvent un peu tardivement, grâce à la thérapeutique mais aussi grâce à d' heureuses circonstances, rencontrer le partenaire qui mobilise si fort son affectivité que l' inhibition de ses sentiments et de sa sexualité peut enfin être, plus ou moins totalement, libérée.

     AGE ADULTE :

     SEPIA aborde donc la vie adulte avec les traits originaux de caractère et de personnalité qu' elle a reçus en partage ou acquis : droiture pouvant aller jusqu' à l' intransigeance, persévérance jusqu' à l' entêtement, fidélité jusqu' au parti-pris, besoin de perfection et d' absolu... jusqu' à l' absurde.

     C' est assez dire que sa vie, épouse ou célibataire, ne sera pas toujours facile. Frigidité, indifférence affective, insatisfaction, amertume et masochisme peuvent entraîner des états dépressifs.

     a ) La Frigidité est chez elle, fréquente, c' est un des signes caractéristiques de SEPIA avec la ptose pelvienne, le prurit vulvaire et autres souffrances gynécologiques. En général, le malade ne s' en plaint pas directement car, interrogée sur sa vie sexuelle, elle est souvent réticente ou évasive, ou bien elle se borne à indiquer succinctement que " ça peut aller " , mais sans paraître y attacher grande importance. Cependant, l' insatisfaction, qu' elle soit niée ou exprimée, existe et doit être prise en considération.

     Ce sera, du reste, parfois à ce sujet qu' elle consultera le psychiatre, mais sa demande reste toujours ambiguë, présentée comme suggérée par un tiers ( son mari, son gynécologue ) ou située comme une investigation clinique ( " est-ce que je ne suis pas normale ? " )

     La méfiance et l' agressivité sont, naturellement, en arrière-plan de cette attitude et c' est d' abord cette défense qu' il faut faire disparaître par une qualité de contact appropriée. Ensuite, avec patience et vigilance, on guidera la biographie psychologique de la malade, en recherchant les conditions qui ont provoqué le blocage, profond ou partiel, de la sexualité.

     Cela peut être long et décevant parce qu' on ne trouve rien d' autre, en définitive, qu' une sorte d' hyposexie, aspect de l' hypo-vitalité générale... mais on peut avoir des surprises.

     Une célibataire de 28 ans, venue consulter pour une légère névrose d' angoisse, tenait des propos si amers et méprisants sur tous les hommes ( celui qui partageait sa vie, ses collègues, ses employeurs ) que je l' interrompis doucement en lui disant : " Qu' y a-t-il donc eu de si terrible avec votre père, autrefois, pour que vous parliez ainsi ? ". La réaction fut immédiate : elle s' effondra en sanglots réprimés et finalement m' apprit que son père ( alcoolique ) l' avait contrainte entre l' âge de 8 et 13 ans à des relations sexuelles plus ou moins complètes. Elle lui en gardait une haine tenace qui rejaillissait sur tout le sexe masculin.

     Mais il y a aussi les fausses frigides, celles qui portent, psychiquement et moralement, la marque de SEPIA et que ce remède n' améliore qu' insuffisamment parce qu' ici la symptomatologie de SEPIA c' est l' apparence ou, comme disent les psychanalystes, le signifiant. Pour obtenir la guérison, c' est-à-dire le déblocage d' une sexualité refoulée, il faut donner le simillimum de la demande cachée du signifié. Il faut donc interpréter et, derrière le masque de SEPIA, on découvrira ainsi, très souvent un remède imprévu : PLATINA. On la reconnaîtra d' ailleurs à ce qu' elle témoigne envers son partenaire, mari ou amant, d' attitudes de supériorité plus ou moins avouées : cela va de l' indulgence amusée à l' agacement et jusqu' au mépris. Femmes vaniteuses ou orgueilleuses, souvent déçues physiquement, intellectuellement, socialement, par leur partenaire, elles se sont repliées, faute de satisfaction à leur mesure, sur un comportement rétracté à tous les niveaux. Mais elles deviennent émues et ferventes quand elles parlent de leur père : " ' Ah ! Docteur, mon père !... " ou " Je n' ai jamais admiré qu' un seul homme, mon père ! " , La trop chère image reste prévalante et SEPIA demeure fidèle à son type mythologique : celui d' ELECTRE portant, dans ses voiles noirs, le deuil de son père.

     Il ne suffit donc pas toujours de s' en tenir aux symptômes mentaux exprimés par les malades pour les comprendre et les guérir. Je dois, sur ce point, rappeler mon accord avec les remarquables communications de nos confrères Argentins au Congrès de BUENOS AIRES : celle du Président TP. PASCHERO ( " LA BIOGRAPHIE DU MALADE " ) et celle de mon ami, le Docteur J.S, SCHAFFER ( " MOTIVATION ET SYMPTÔME " ) qui insistait sur la nécessité pour comprendre le malade psychique de pouvoir saisir l' essence de sa dynamique morbide.

     b ) L' indifférence affective : c' est une des grandes caractéristiques de SEPIA résumée par KENT, dans ce propos si souvent entendu : " Je sens que je devrais aimer mieux mes enfants, mon mari, mon intérieur et, malgré mon désir, je ne puis arriver à avoir ces sentiments comme je le voudrais ".

     Déprimée, sans goût et sans joie, elle se sent à la fois indifférente et inutile à ses proches, avec un douloureux repli sur elle-même, dont elle ne sort que pour manifester une irritabilité extrême. Elle en est consciente, se sent très coupable de cette agressivité à l' égard de ses enfants : " Je me dis bien que je ne fais pas ce qu' il faut, que je leur fais du mal, mais je ne peux pas m' en empêcher ".

     Ce manque de tendresse peut effectivement, entraîner des troubles psychologiques pour enfants; régression affective, anxiété, timidité. Les enfants psychotiques ont, très souvent, des mères SEPIA qui compensent leur sécheresse de sentiments culpabilisante, soit par une sur-protection inhibante, soit par une attitude pseudo-libérale qui n' est qu' un abandon déguisé.

     Elle s' isole, fuit la société, s' enferme dans une solitude que pourtant elle redoute, car elle signe son échec d' adaptation.

     C' est parfois tardivement que peut surgir le problème essentiel, jamais résolu, souvent méconnu, parfois aux abords de la ménopause, ou ( nous n' en serons pas étonnés ) à l' occasion de la mort du père; on entendra alors une femme ayant tout un passé de vie conjugale, maternelle ou professionnelle apparemment normal, déclarer : " En perdant mon père, j' ai tout perdu ! ".

     Cependant SEPIA, surtout si elle est célibataire, peut en sortir pour se lancer dans des activités de type altruiste et cela peut être une excellente sublimation de ses insatisfactions : syndicalisme, assistance sociale, professions de soins. Même une telle évolution n' est pas cependant totalement exempte d' incidents qui tous, ont en commun un caractère auto-destructif et réellement masochiste.

     c ) Épisodes psycho-pathologiques : périodes psychasthéniques et dépressions nerveuses endogènes ou de réactivation sont des incidents banaux.

     Plus rares, sont deux syndromes très particuliers :

     - Un type de dépression régressive-agressive où dominent l' amertume, l' aigreur, la vertu acide et malveillante, la réclusion progressive, dans une solitude qui, peu à peu, se meuble d' invisibles présences, de silences angoissants et de chuchotements inquiétants, un , monde de bruits, de signes et de voix qui devient l' interlocuteur dangereux, la présence persécutante, harcelant d' hallucinations la malheureuse plus que jamais en proie à son pessimisme, à sa tristesse mélancolique, à ses fantasmes désespérés. Elle peut aller ainsi jusqu' à la démence, à moins que par le suicide elle ne mette volontairement un terme à une vie qu' elle n' a jamais acceptée et détruise enfin ce corps qu' elle a toujours haï, faute de pouvoir l' aimer.

     - Mais un syndrome très spécial, rare, et absolument typique de SEPIA ( dont j' ai personnellement observé deux cas ), est celui qui a été décrit par des cliniciens français sous le nom de SYNDROME DE LASTHENIE DE FERJOL : ( ceci par allusion au nom de l' héroïne d' un court roman de BARBEY d' AUREVILLY - " Histoire Sans nom " qui s' était lentement tuée en se plantant chaque jour des épingles dans le coeur ).

     Le tableau est le suivant : il s' agit toujours de femmes jeunes, de professions paramédicales ( infirmières, laïques ou religieuses, aides-soignantes, laborantines ), en très grande majorité célibataires, intelligentes, hyperactives, plus scrupuleuses dans la distribution des soins qu' attentives à leurs malades, chez lesquelles on découvre une anémie hypochrome, accompagnée des signes fonctionnels habituels : fatigue, pâleur, aménorrhée, troubles des phanères, alors que la recherche attentive d' une étiologie est toujours négative.

     Malgré une attitude de soumission muette aux investigations biologiques, cliniques ou psychologiques, l' agressivité affleure et le contact médical est nul.

     " faut une vigilance extrême pour les prendre en flagrant délit de spoliation sanguine volontaire car la négation persistante, l' ingéniosité dans la dissimulation et la variété des moyens employés pour se faire des saignées à peu près journalières, rappelle, c' est évident, les anorexies mentales.

     Ces malades ont besoin de souffrir parce que leur vécu corporel ne peut se faire sur le mode du plaisir. De sorte qu' elles atteignent à travers la faiblesse, les investigations parfois pénibles, la persistance sans pitié pour elles-mêmes d' une activité fatigante, à une forme de jouissance, une anti-jouissance, mais une jouissance quand même, " la, seule acceptable parce que la souffrance annule la culpabilité du plaisir " , me disait très exactement une jeune fille.

     L' évolution est comparable à celle des anorexies mentales endogènes : longue, irrégulière, pouvant aboutir à une stabilisation avec taux d' hémoglobine très bas, anémie sévère pendant des années, avec risques de mort. Du reste, il s' agit bien d' une conduite auto mutilatrice à rapprocher du suicide.

     Ces tableaux psycho-pathologiques de notre pauvre SEPIA ne sont pas bien réjouissants, il faut l' avouer, mais en affinant notre connaissance dans ce domaine, nous sommes toujours mieux à même d' aider nos malades, des malades qui, justement, ne veulent et ne peuvent rien dire d' elles-mêmes, mais qui ont d' autant plus besoin d' être devinées et comprises.

 

Psychisme.

     ENFANCE

     - oralité restreinte ;

     - brune ( dès 8 ans, fine moustache ) ;

     - plutôt trapue ;

     - garçon manqué;

     - éveil sensoriel qui paraît lent ;

     - parle peu ;

     - observation lente et polarisée ;

     - introversion du comportement;

     - accession réellement rapide à l' autonomie.

     MAIS :

     - désire qu' on s' aperçoive de ses capacités plutôt que de les faire valoir ;

     - gêne et fuite ( précoce et durable ) des compliments et des louanges ( qui la rendent hargneuse ) et surtout en public :

     . parce qu' elle n ' y croit pas.

     Constellation familiale :

     - la MÈRE est un modèle fascinant mais inhibant :

     . soit par agitation anxieuse ;

     . soit par affirmation autoritaire ;

     . soit par vraie valeur personnelle ;

     - LE PÈRE

     . objet d' attirance ;

     . d' où SEPIA développe très tôt un conflit latent ( déception / rancune ) avec sa mère d' où refus du modèle maternel;

     . et va très vite vers son père admiré, plaint et ( le plus souvent ) " justifié " ou " méprisé ".

     Comportements sociaux et scolaires :

     - fière ;

     - ombrageuse, rancunière et tenace ;

     - " sauvage " ;

     - reste en retrait, et :

     . préfère ne pas répondre plutôt que de se tromper ;

     . horreur d' être " en vue " :

     - interrogée ;

     - au tableau ;

     - LOYALE et SCRUPULEUSE ( but: savoir ce qu' elle vaut et tout SE devoir ).

     ADOLESCENCE ET SEXUALITÉ

     - " la refoulée asexuée ".

     . dépenses fortes et rigides ( répulsion ) ;

     - sexualité difficile

     . refus ;

     . déni;

     - négation;

     - sensualité occulte, mais qui peut se révéler ravageuse ;

     - possibilité d' homosexualité ( active ) chez la fille, avec comportement pseudo-viril de conquête.

     Dynamique affective :

     - inhibition des affects ( sans pitié souvent pour elle-même ) ;

     - tendresse cachée sous la rudesse ;

     - serviabilité bourrue mais efficace ;

     - dévouement sans joie ;

     - maternité désirée mais vécue dans

     l' anxiété ;

     - sentiments profonds et stables :

     . mais amour pouvant devenir haine:

     - si perte de confiance ;

     - ou perte d' estime ;

     - d' où le plus souvent fidèle et exclusive ( sauf parfois par revanche avec comportement très masochiste ) ;

     - féminité réprimée :

     . allure androgyne ;

     . attitudes retenues ;

     . tenues:

     - sans recherche;

     - style dépouillé ( parfois pas propre, par provocation ) ;

     . comportement asexué ;

     . refus de s' abandonner à l' illusion

     avec :

     - rationalisation sèche ;

     - se cramponne au réel;

     . attachements profonds, passionnés, désintéressés ( à un être ou à une cause ).

     - accès au " principe de réalité " ;

     - narcissisme en négatif ( cf. clinique ) :

     . se trouve petite, " moche " , et laide ;

     . ne s' aime pas ;

     - relative stabilité de la thymie ;

     - organisation apparemment mature mais tendances sadomasochistes.

     Décompensation;

     - effondrement des défenses ;

     - SEPIA pleure en se cachant, se culpabilise ou se révolte ;

     - devient DÉSESPÉRÉE ;

     - mais ne supporte plus la solitude ;

     - se résigne tristement ;

     - physiquement, gonfle, se congestionne et prend l' aspect LACHESIS.

     Surcompensation dans un investissement spirituel;

     - peut s' y jeter " à corps perdu " avec tendances aux excès ascétiques ;

     - ou devenir fanatique. Elle a plutôt la " vocation du martyre " ( pour se punir et se racheter ).

     Pathologie psychiatrique

     - ANOREXIE MENTALE ( conduite névrotique de restriction alimentaire rigidement structurée, entraînant amaigrissement spectaculaire et aménorrhée ) ;

     - syndrome de L' asthénie de Ferjol ( spoliation sanguine volontaire inavouée );

     - névroses phobiques ( rebelles ) ;

     MAIS AUSSI :

     - peut évoluer vers une psychose délirante, interprétative ou hallucinatoire ( cf. ACTEA RACEMOSA, LACHESIS, LILIUM TIGRINUM ) ;

     - possibilité de suicide :

     . par détresse affective ;

     . par haine de soi.

 

Clinique.

     SEPIA : MASQUES ET VÉRITÉS

     On a tout dit sur SEPIA. Sa pathogénèsie, établie par Hahnemann lui-même dans des circonstances qui sont célèbres, est une des mieux connues et des plus précises qui nous ait été transmises, certainement une de celles qui ont subi le moins d' apports et de déformations.

     Peut-être est-ce pour cela que SEPIA suscite moins de monographies que d' autres remèdes, comme on peut s' en apercevoir en établissant une bibliographie ?

     On entre ainsi tout de suite dans une certaine " image du remède " : cette matière médicamenteuse issue d' un mollusque céphalopode, SEPIA OFFIClNALlS, la seiche, famille des sépidés, dont l' industrieuse Chine a su, depuis longtemps, tirer une encre qui porte son nom...

     Curieux animal en verité, d' apparence molle mais recelant une armature Osseuse creusée de cavités pneumatiques, d' allure innocemment dégingandée mais cependant munie de bras sessiles, tentaculaires et rétractiles, fortement musculeux, qui peut nous glisser entre les doigts ou, adhérer fortement par des ventouses pédonculées, capable aussi bien de se rendre " Visible et quasi transparent, ou conforme au tond dans lequel il évolue ( par le jeu varié de ses chromatophores ) que de se dérober à la vue ou à toute attaque ( Supposée ou réelle ) par un double réflexe de défense : projection d' un sombre nuage liquide et brusque propulsion pour dévier de sa trajectoire, vraie feinte de combattant.

     Sans Pour autant se placer dans un hasardeux système de référence analogique, on peut raisonnablement avancer l' hypothèse qu' en plus des éléments connus composant la sépia, mélanine principalement ( dont un connaît par ailleurs la pathologie : cutanée, parenchymateuse, avec asthénie toujours présente ), chlorures de sodium et de magnésium, soufre et sel, de calcium, il existe, dans ce produit de composition relativement, variable, des neuromodulateurs expliquant certains parallélismes réactionnels.

     Ce qui apparaît caractéristique, dés qu' on tente de faire une synthèse des symptômes de SEPIA, c' est l' ambivalence. C' est un véritable " key note " : il doit toujours être présent à l' esprit pour comprendre la dynamique spécifique de toute pathologie relevant de SEPIA.

     Nous avons des remèdes diphasiques ou des phases d' équilibre alternant avec des phases d' hypersthénicité ou de décompensation, parfois même de façon brusque, en quelques heures : on connaît cela, en particulier, chez AURUM METALLICUM et chez LACHESIS.

     L' ambivalence est plus subtile : plutôt superposition et coexistence, donc ambiguïté et contradictions... LYCOPODIUM, à sa manière, présente ce trait, et plus encore PLATINA, qui a tant de relations ( médicamenteuses, j' entends ! ) avec SEPIA... mais on sait aussi que leurs représentantes peuvent en avoir de très intimes... ).

     Cette ambivalence, c' est un MASQUE, posé sur la véritable personnalité de SEPIA, se faisant ainsi conforme ( cf. la seiche ) à ce que son environnement attend d' elle - ou de lui. Mais comme toujours, en pareil cas, c' est le masque qui est mis en mémoire et sert de référence, plaque d' identité fausse parce que partielle, déformante jusqu' à la caricature, ce dont le titulaire est bien conscient.

     PLATINA s' en amuse et en joue, forçant volontiers la note pour "  donner a voir " , selon son fonctionnement hystérique. Son masque est un loup de carnaval, fait pour intriguer, séduire et tromper sur son identité, quitte à s' embrouiller dans ses rôles...

     LYCOPODIUM peut , abriter sa sensibilité et sa vulnérabilité - et / ou s' en servir par stratégie, pour tenir l' autre à distance, cet autre dont il se méfie peu ou prou. Son masque est un heaume, orgueilleuse protection et insigne de son rang. sous lequel il se dissimule...

     SEPIA, c' est son drame - il faut le savoir -, ne peut faire autrement que de le porter ou plutôt de le subir : elle s' y sent contrainte du plus profond de son être, parfois avec une énergie passionnelle, souvent avec fureur ou renoncement désespéré, rarement avec, joie.. Son masque peut être un uniforme d' infirmière, par exemple ) ou une coiffe ( de religieuse... ) ou un voile ( tcharchaf ou tchador... : blanches tenues de devoir, sombres enveloppes d' oubli de la volonté propre, noire vêtures de dérobade à ( autre et de deuil de soi ( cf. la seiche, bis ).

     Évidemment, cette problématique ambivalente de SEPIA a retenu quelques psychanalystes, les jungiens en particulier.

     Il existe deux textes fort intéressants dans ce domaine :

     _ L' un est de notre ami Michel Boujard, de Paris, intitulé SEPIA et l' ombre... ( notre confrère, aquarelliste et psychiatre homéopathe, ne pouvait que parfaitement traiter ce sujet! ), exposé présenté à la Semaine d' Octobre, en 1976, et qui a paru dans L' homéopathie française ( janvier 1977 - p. 22-23 ).

     - l' autre, en anglais, est d' Edward C. Whitmont, ( président de la Société de Psychologie jungienne des Etats-Unis ), de New-York ; il s' agit d' un des chapitres de son livre : Psyché  & Substance : essais homéopathiques à la lumière de la psychologie jungienne.

     Ce ne sont, certes, qu' interprétations particulières, mais les faits, eux, ne sont pas " du roman ".

     On est bien obligé de constater, dans l' expérience journalière et quelle que soit la pathologie présente ( cutanée, vésiculaire, vasculaire, pelvienne, a fortiori psychique ) que les sujets SEPIA ont en commun un certain type réactionnel, une certaine manière d' être au monde, cette ambivalence qu' il faut, avec prudence et patience faire verbaliser, ce qui suffit, parfois, à tout rééquilibrer. Mais la difficulté de tout sujet SEPIA est d' oser dire ce qu' il sait bien et dont il souffre, mais qu' il a toujours tendance à ne présenter qu' en négatif ( comme le sont ses pensées ) ou derrière un rideau, un rideau noir, bien entendu !

     Malades à la fois actifs, irritables, insatisfaits revendiquants, ayant besoin de contacts sociaux - mais qui, facilement blessés, se rétractent, se renferment, se font " transparents " ( cf. la seiche, ter ), dans une solitude qui les aggrave, mais qu' ils recherchent, non sans masochisme.

     Il faut donc se demander - ou plus exactement, leur demander - d' où leur vient cette apparente fatalité, à ne laisser vivre qu' une part de soi-même ou, Pour préciser, cette obligation contraignante à s' interdire l' éclosion du désir ?

     - structure pathologique innée ? Cela pourrait se discuter quand on connaît la précocité d' apparition des signes morphologiques de SEPIA chez certaines petites filles: pigmentation, phanères, duvet sur la lèvre supérieure, attitudes et regard, sans parler des signes digestifs , les nausées du matin faisant refuser le petit déjeuner - et, bien entendu les symptômes caractériels et comportementaux ;

     - Ou bien : conditionnement psychologique par l' environnement ? Celui-ci a un énorme impact sur de tels sujets, tous les témoignages en font foi, d' autant plus que le type sensible est plus pur. Quand de telles influences rencontrent un terrain réceptif, un " ensemble réactionnel sensible, sans doute est-ce alors que se nouent les premiers enchaînements ( action-réaction ), aboutissant à ce système clos qu' est le " système SEPIA "...

     Écoutons des propos recueillis en consultation :

     Léopold, 39 ans, employé :

      " J' ai toujours essayé de faire le mieux possible pour ne pas attirer l' attention, d' être mieux et plus conforme que les autres pour ne pas risquer d' être différent, anormal ( alors que je rêvais d' un grand destin... ), d' être ce qu' on disait de moi : un petit garçon bien sage, bien gentil, qui ne donne aucun souci, un enfant sérieux, mais je crois que je n' en avais pas tellement envie... Déjà, petit, j' étais horriblement culpabilisé de toute sottise commise, non parce que je craignais une punition : au contraire, c' était pire si je n' avais pas été vu ; il me semblait que je n' étais plus moi-même, que je venais de renoncer à devenir parfait. "

     Antoinette, 37 ans, infirmière :

      " Du plus lointain de mon enfance, je me suis sentie obligée d' être la petite fille idéale, douce, sage, serviable, aidant silencieusement ma mère, cachant les bêtises de ma soeur aînée très turbulente, protégeant mon petit frère, si timide - fière mais accablée de ce rôle frustrant. Et maintenant, j' en veux à toute ma famille de m' avoir crue ainsi et même heureuse de l' être ; c' est horrible et révoltant : j' ai le sentiment de n' avoir jamais été reconnue par personne... à part mon père ! mais, alors là, c' est vrai  avec lui, pas besoin de parler, on se comprend, on communique... Mais voilà que maintenant, dans mon métier, ça recommence : on attend de moi d' être l' infirmière idéale, efficace, jolie, attentive, impersonnelle... et j' ai l' impression d' être réduite à n' être qu' une carrosserie... "

     Remarque : Ce n' est pas seulement sur ces signes mentaux ni sur l' éloquente morphologie que j' ai prescrit SEPIA à Antoinette : j' ai relevé chez elle une quinzaine de signes pathogénétiques, notamment cutanés et pelviens.

     Monique, 32 ans, fonctionnaire ( elle parle de l' échec de son mariage ) :

      " Très vite, alors que nous nous étions mariés jeunes et très amoureux, j' ai supporté de plus en plus mal ses manifestations de tendresse : je les refusais et j' en avais très envie... mais je ne pouvais pas accepter d' être " prise,"... et encore  moins d' y prendre plaisir ! Je crois que j' avais été programmée pour n' avoir de fonctions qu' intellectuelles. "

     Tels sont les dires de quelques malades, et ce sont eux qui justifient des commentaires de l' ordre du discours psychiatrique - et psychanalytique.

     ils illustrent cette problématique particulière de SEPIA : sentiment d' être " voué " à la perfection, à suivre un modèle contraignant, d' être interdit de désir et de plaisir, ( par risque de ne pouvoir maîtriser ses pulsions ), d' où, malgré la révolte sous-jacente, la réclusion dans le silence et la solitude : il s' agit, de toute évidence, d' une pathologie du désir et de la communication, d' une pathologie du refoulement se construisant au cours des âges de la vie.

     -structuration précoce ( et même trop précoce ) des instances morales ( le surmoi ) chez l' enfant, dès 5 ou 6 ans, avec introversion des sentiments (  inhibition des affects ) et rigidité du jugement. Ces enfants, spécialement les petites filles, dépassent très vite les relations de proximité tendre avec leur MÈRE ( relations de type " fusionnel " ) que les enfants PULSATILLA ont tendance à prolonger - mais qui sont peu maturantes. L' enfant SEPIA recherche une relation privilégiée avec son père ( détenteur de la Loi ) mais elle vit ce privilège comme une anticipation indue ( anticipation de oedipe ? ) dont le prix est le sacrifice de la part la plus spontanée d' elle-même ( refoulement des pulsions de plaisir ).

     . Blocage pubertaire, dans ses deux aspects, physiologique et psychologique, Ce n' est pas un retard hypophyso-gonadique ( comme on en voit chez des sujets carboniques ), c' est un arrêt, après l' apparition des premières manifestations pubertaires normales ( règles ou pollutions nocturnes ).

     Peuvent s' y associer :

     - une neutralité sexuelle qui dure, ou une " ambivalence " qui, pour fréquente qu' elle soit à l' adolescence, semble ici s' établir et se perpétuer, pouvant, à l' occasion de sollicitations homosexuelles, amener le jeune à une orientation imprévue. Il ou elle deviendra, parfois, de ces homosexuels se sentant normaux dans leur mode d' être, ou tout au moins le disant...

     - mais il ne s' agit pas de transsexualité : l' homosexualité est une manière, pour la fille SEPIA en niant son propre sexe, de renier sa mère, et par un acte public de " protectation virile " , de refuser les rôles féminins auxquels elle était destinée: partenaire affective et sexuelle de l' homme, mère et gouvernante du foyer ;

     - qu' à l' arrêt pubertaire, entraînant déjà une aménorrhée secondaire, se combinent ( à la fois causes et conséquences intriquées ) des préoccupations esthétiques ( dysmorphophobie ) et la hantise obsédante de grossir, on voit s' installer une anorexie mentale, dont on sait que SEPIA peut être le principal remède. A ce degré, il y a plus que le refus de la sexualité et de la maternité, il y a refus du corps ( d' un corps sexué ) qu' on désirerait diaphane, impondérable, immatériel - et, en filigrane, le refus de la vie...

     . Difficultés relationnelles et décompensations dépressives peuvent jalonner ( sans bien entendu, que ce soit une fatalité ) la vie de l' adulte SEPIA, les Premières étant surtout fréquentes chez la femme. Celle-ci, atteignant souvent, par ses qualités de sérieux, à des postes de responsabilité, peut réussir à s' attirer l' hostilité générale, car, dans son intransigeance, elle souligne, dans l' espoir de les corriger, les erreurs et les insuffisances de sa hiérarchie !... et, donnant l' exemple de la conscience rigoureuse, se montre plus tolérante avec ses subordonnés...

     Quand, inévitablement, naissent des conflits où qu' elle passe, avant conscience d' avoir essayé de faire toujours de son mieux, elle se révolte de cette hostilité et en demande les raisons. Les explications lui semblant peu plausibles, il advient que surgisse, peu à peu, ou éclate d' un coup, dans son esprit, la vraie cause de son malheur : le complot ! il y a un complot contre elle! Dès lors, méfiante, attentive aux paroles, aux bruits, aux attitudes, supposées ou réelles et souvent induites par son comportement soupçonneux, voyant partout jusque dans les media, des allusions, ses doutes  deviennent certitudes : la conviction délirante est alors absolue.

     Dans la vie familiale, les choses peuvent ne pas, non plus, être faciles ; SEPIA n' a pas toujours la manière, loin s' en faut, pour s' attirer les discrets gestes de tendresse qu' elle se refuse à solliciter, mais qu' elle se révolte et se désespère de ne pas recevoir. " Ils sont tous contre moi, à la maison.. . gémit-elle sans rien y comprendre. L' harmonie conjugale laisse souvent à désirer, compte tenu de l' ambivalence de SEPIA à l' égard de la sexualité, cette femme, affligée de pesanteur pelvienne et parfois de prurit vulvaire, tellement bloquée dès qu' il est question de plaisir, se dit frigide. Cependant, elle peut avoir des rêves de viol ( mais s' agit-il de cauchemars ou., de " rêves " ? ). De plus, les comparaisons qu' elle établit entre l' image plus ou moins idéalisée de son père - et l' idée qu' elle se fait de son époux sort, rarement à l' avantage de ce dernier.

     Alors, à force de stress, de désillusions, d' un obscur sentiment de se mettre elle-même dans l' engrenage de ses malheurs, se profile la décompensation dépressive.

     C' est aussi le moment où se manifeste particulièrement ce fatal " key note " collé au front de la malheureuse comme une étiquette infamante indifférence aux autres, indifférence à sa famille et même à ses enfants. Certes, l' apparence est contre elle : murée dans son silence, aboulique, désoeuvrée, alors qu' elle peut déployer une inlassable efficacité. En fait, il serait grand temps que, dans les Matières médicales et les publications, " INHIBITION de, sentiments et des intérêts remplace une " indifférence " dont l' entourage accuse parfois les malades ( et dont SEPIA, qui en souffre tant, ne manque pas, bien sûr, de s' accuser à son tour! ) - et que le médecin doit savoir expliquer.

     Les dépressions réactionnelles à des traumatisme affectifs, quand existe une vraie symptomatologie SEPIA, réagissent très favorablement au simillimum. Mais il ne faut pas minimiser les risques éventuels d' un passage à l' acte suicidaire par levée des inhibitions.

     .A la sénescence, après une période plus ( ou moins semée de tracas ménopausiques et vasculaires, où peut se produire la tentation de l' alcoolisme ( ultime essai de se libérer de ses difficultés de communication ) par un moyen à la fois inadapté et autopunitif, certaines femmes SEPIA, assez curieusement, semblent connaître enfin la paix qu' elles avaient tant espérée, rendues par leur âge à une acceptable " neutralité " ( la sexualité mise au placard ) actives et indépendantes mais gardant une surveillance vigilante sur le fonctionnement d' un corps, objet de si anciens tourments ( " mon pire ennemi c' est mon corps " , disait l' une d' elles ), on en rencontre ainsi, reconnaissables à leur pigmentation cutanée et à des particularités digestives et diététiques parfois étonnantes.

     Françoise, 74 ans, alerte et d' humeur voyageuse, vieille dame indigne, ayant gaillardement enterré mari, fille et gendre, restait bien fidèle à la symptomatologie de son enfance et de son adolescence : grignotant par-ci, par-là d' étranges et fort acides nourritures, plus quelques pâtisseries, son péché mignon, elle ne manquait jamais, depuis l' âge de 16 ans, de se faire vomir, sitôt son repas ! " Pour qu' il n' en reste pas trop ! " expliquait-elle de sa voix sèche et cassée, toute fière, droite et menue comme une branche dans son étroite robe noire...

     Mariée et mère sans l' avoir désiré, elle fonctionnait ainsi, à sa plus grande satisfaction...

     Mais cela peut plus mal finir : la pathologie dépressive, asthénique et dyspeptique de SEPIA s' éternise...

      " Alors, elle continuera de vivre, misérablement, douloureusement, jusqu' au terme assigné par le destin, subissant celui-ci sans plus de révolte. Elle ira, se consumant de plus en plus jusqu' à son heure dernière, à l' image de ce gastéropode qui fut à la fois son modèle, son symbole et son remède, ayant vécu comme lui, habitée par des humeurs noires sécrétées sans cesse, pour se mettre à l' écart de ses semblables. Comme lui, encore, elle retournera à la poussière, ne nous laissant que le souvenir de son image desséchée, telle cette petite palette sablonneuse que nous foulons du pied sur les plages et qui ne sert plus qu' à aiguiser le bec des oiseaux enfermés et l' esprit clinique des homéopathes impénitents " , écrivait jadis notre ami E.-F. Lefort.

     Telle est SEPIA, contradictoire, portant son masque et projetant une " Ombre " qui est son double et qui déconcerte...

     Lui donner son simillimum n' a évidemment pas pour but ( s' il est vraiment nécessaire de préciser cette évidence ) de modifier sa structure de personnalité ! mais de l' aider à mieux vivre avec ses possibilités personnelles, C' est-à-dire de la rétablir, aussi bien que possible, dans le mode d' être somatopsychique original qui est le sien.

 

 

Silicea

 

Caractéristiques.

     LA PERSONNALITÉ DE SILICEA :

     évolution psychologique au cours de l' existence

     L' évolution psychologique du sujet de SILICEA, de son enfance à son adolescence, de son âge adulte à sa vieillesse, illustre son unité psycho-biologique. Tout au long de sa vie, nous pouvons le suivre, marqué dans son esprit comme il l' est dans son corps, par les signes cardinaux de son tempérament. 

     Les troubles métaboliques de SILICEA siégeant au niveau des tissus de soutien ( tissu conjonctif, osseux, ganglionnaire réticulo-endothélial ) donnent au sujet de ce type une morphologie évocatrice. Il est plutôt mince, ses muscles sont peu développés, son ossature est fragile, sa calcification insuffisante ou anarchique. Il exprime déjà dans sa statique et son maintien sa tendance au fléchissement.

     Psychiquement, cela se traduit par une faiblesse du Moi avec, comme signes caractéristiques :

     - hypersensibilité à l' insécurité;

     - sentiments spontanés de vulnérabilité qui rend difficile à vivre toute nouvelle étape de développement et toute modification du milieu d' existence ;

     - hypersensibilité à toute forme, même légère ou symbolique, d' abandon, de frustration, de rejet,

     - manque de confiance en soi, besoin d' aide et de réconfort, sans lesquels se développent, soit des réactions de démission et de passivité, soit des réactions d' agressivité impuissante contre soi-même ou contre autrui ; ces réactions doivent être comprises comme des appels au secours, qui peuvent être le seul mode de communication possible avec l' entourage, familial ou autre, pour ces personnalités ;

     - à la limite, on arrive à des conduites d' échec et de culpabilité, pouvant aboutir dès la petite enfance à des arrêts du développement psychique ( sensoriel, intellectuel. affectif transitoires ou définitifs ( pseudo-débilité psychotique ), au cours de l' adolescence à des syndromes de désadaptation ( des plus superficiels aux plus graves, y compris évolution vers une schizophrénie confirmée ), et, chez l' adulte, des états de psychasthénie anxieuse, parfois de névrose obsessionnelle ou phobique, suivant les conditions socio-économiques et affectives dans lesquelles se trouvent ces malades.

 

Stades de la Vie et Constitution.

     L' ENFANCE DE SILICEA :

     Ce bambin à la tête forte, au front large mais au visage triangulaire qui s' amenuise jusqu' à un petit menton pointu, aux yeux bleus, aux fins cheveux blonds, à la carnation claire, à la peau fine striée de quelques veines apparentes, ce bébé qui transpire si fort de la tête dès son premier sommeil qu' il mouille son oreiller, nous le connaissons bien. Nous savons qu' il a le triste privilège de résumer dans son hérédité la quintessence des atavismes pathologiques : tuberculose, luétisme, psore... Il a parfois toute la grâce menacée des enfants de vieilles familles consanguines ou; plus tristement, l' aspect un peu vieillot de ceux nés de couples âgés, débilités ou tarés.

     Plus le type est pur et congénital, plus les modalités psychiques sont nettes et précoces, car, nous le savons, un petit CALCAREA CARB., même un petit SULFUR, à plus forte raison un petit PHOSPHORIQUE ( SILICEA étant en très proche relation avec cette série constitutionnelle ) peuvent, à l' occasion d' une malnutrition, d' une gastro-entérite prolongée, d' une maladie infectieuse grave, manifester de façon durable une symptomatologie de SILICEA. La guérison de l' épisode aigu, la correction du régime alimentaire. font rétrograder ces symptômes. Il est plus difficile de les faire disparaître quand ils sont apparus à l' occasion d' un traumatisme psychique. Il suffit de faire allusion aux travaux bien connus de SPITZ, sur l' hospitàlisme, pour se rappeler la description de ces bébés pâles et mous, dociles et atones mais hypersensibles aux bruits, mangeant peu malgré un régime étudié qui n' empêche pas de voir se développer un gros ventre, enfants au regard doux et lointain, parfois vide, qui matériellement ne manquent de rien mais sont privés de la présence corporelle, de la chaleur affective de la mère, d' une relation individuelle et privilégiée avec elle... ( Syndrome d' abandonnisme ). _

     La malnutrition affective, si elle peut ( nous l' avons plusieurs fois vérifié ) se traduire par des symptômes de SILICEA est, évidemment, une des causes majeures des troubles psychologiques quand l' enfant appartient à ce type constitutionnel.

     Ceux-ci se traduisent globalement par un arrêt de développement, atteignant d' abord les acquisitions les plus récentes, mais, de proche en proche, en surface et en profondeur, la maturation affective, les progrès intellectuels, l' évolution somatique.

     S' il y a de façon permanente de mauvaises conditions d' existence ( vie en taudis ), de mauvaises conditions hygiéniques ( climatiques, alimentaires ), de mauvaises conditions familiales ( délaissement, placement, insuffisance de contacts physiques avec la mère, par le coqs et par la parole  ), on assiste à un développement lent du bébé, car le petit SILICEA a toujours besoin d' être stimulé. Ralentissement, puis freinage... L' enfant est de plus en plus en retard sur le modèle normal des acquisitions de son âge : éveil sensoriel, motricité, parole, communication gestuelle, le décalage s' installe...

     Si le petit SILICEA, après un premier développement normal, subit de façon imprévue une carence affective ( naissance d' un autre bébé dans la famille, obligation de soins à donner à un autre enfant, séparation nécessaire ou accidentelle d' avec la mère ) on risque d' assister à un blocage. L' enfant n' acquiert plus sur aucun plan et même, bientôt, il régresse, traduisant en comportement ce qu' il ne peut exprimer par le langage : il ne joue plus activement, il passe des heures à exécuter des gestes répétitifs, il se laisse nourrir passivement; il se souille alors qu' il commençait à contrôler son sphincter anal, il devient énurétique alors qu' il était propre la nuit depuis plusieurs mois, il suce son pouce... C' est un retour à un stade infantile antérieur, pour en retrouver la sécurité et les bénéfices. La signification de régression peut ne pas être évidente pour l' entourage habituel; elle est souvent décelée par un tiers qui voit l' enfant occasionnellement ou par l' observateur spécialisé.

     Observation 1 :

     PHILIPPE P... 3 ans, cadet d' une soeur de 5 ans aîné d' un frère de 2 ans, est assis auprès de sa grand-mère, alitée pour une fracture de jambe. Je ne l' ai jamais vu, mais je suis frappée de prime abord par l' expression indécise à la fois anxieuse et quémandeuse, de son petit visage, par ses sursauts, son petit rire inquiet tout près des larmes en présence de cette inconnue ( venue en amie de sa grand hère et non pour l' examiner ). La maman, surmenée par sa profession hospitalière et sa vie familiale, l' a laissé depuis un mois, pensant que la tendresse de ses grands parents, la maison de campagne, le grand jardin et les bois de pins tout proches, amélioreraient l' état de ce petit qui stagne de plus en plus et devient sujet de difficultés dans un petit appartement de banlieue parisienne.

     De fait, l' appétit est meilleur, les intérêts sont stimulés par une grand In ère particulièrement intelligente et avertie, mais celle-ci qualifie d' étrange son petit-fils dont elle s' explique mal l' instabilité d humeur, les élans affectueux et même un besoin incessant de proximité physique, mais aussi les oppositions têtues très irrationnelles, qui ne sont pas du jeu, car, tenter de les faire céder entraîne une extrême anxiété de l' enfant avec comportement désordonné, réapparition de cauchemars nocturnes, ou de longs moments de silence, avec regard fixe, expression lointaine...

     Je pensais à SILICEA et j' en eus une curieuse confirmation de Matière Médicale : dans ses phases de passivité, il rangeait et dérangeait, pendant des heures, de petits paquets d' aiguilles de pin, ( seules " épingles " , en vérité, qu' un enfant de ,3 ans puisse avoir à sa disposition ). Revu un an après, PHILIPPE P. a repris son rythme d' évolution, mais il reste nerveux, instable, hypersensible à tout changement dans l' ambiance familiale. ( Traitement SILICEA 30 CH toutes les 3 semaines, CALCAREA FLUORICA et PULSATILLA en alternance ).

     L' agressivité comme signe révélateur de désadaptation peut apparaître un peu plus tard - contre la mère, un frère ou une soeur, ou contre l' enfant lui-même.

     Observation 2 :

     ANNE C.. 4 ans, seconde de 3 soeurs, a été opérée d appendicite aiguë la veille du soir Où sa maman a  mis au monde une 4éme fille ! elle a donc vécu une expérience extrêmement

      traumatisante ( douleur, séparation, sensations d' attentats sur le corps, chambre de clinique, soins par des mains étrangères  ) sans la présence rassurante de sa mère, et, à son retour en famille, elle a constaté que l' attention était polarisée par le nouveau bébé... ANNE s' est alors mise à refuser de manger seule, à s' accrocher constamment aux jupes de sa mère, à se montrer très agressive contre sa cadette ( 3 ans  ), à ne plus jouer, passant de la colère au mutisme. Petite PULSATILLA, elle a réagi selon son type ( SILICEA est le chronique de PULSATILLA   ). De hautes dilutions de SILICEA d' abord et de PULSA TILLA ensuite et un comportement très attentif et patient de sa mère ont bien rétabli l' équilibre; le pronostic est meilleur que pour l' enfant précédent. Malheureusement, dans certains cas, la régression peut être irréversible.

     Avec sa crainte si vive de tout changement d' existence, son insécurité, sa difficulté à s' adapter à un nouveau " climat psychologique " , l' entrée à l' école est une épreuve pour l' enfant SILICEA. C' est souvent à cette occasion que se révèlent ses dispositions anxieuses : le difficile détachement maternel se traduit par du refus scolaire, des crises de larmes, bientôt des malaises matinaux ( nausées, coliques, céphalées ), des réactions psychosomatiques d' opposition, des troubles du sommeil ( terreurs nocturnes, somnambulisme, énurésie ). Mieux vaut l' apprivoiser lentement que le contraindre par la force, car, dans le premier cas on pourra obtenir peu à peu une intégration satisfaisante mais, dans le second, on se heurtera à un enfant présent en classe, mais passif, muet, rêveur ou agité, sans attention pour les activités proposées, sans échange avec les autres enfants...

     Plus tard, l' écolier de SILICEA se révèle assez souvent un enfant d' esprit vif, d' intelligence de bon niveau. Les matières à données précises ( mathématiques, grammaire ) lui conviennent car l' arsenal des règles et des démonstrations logiques ont pour lui un aspect sécurisant. Mais les compositions et examens l' angoissent; certain à l' avance d' être incapable de réussir, il part " battu " mais, une fois à l' ouvrage, servi par une bonne mémoire et un travail préalable fait avec conscience, même avec scrupule, il réussit correctement.

     Sa sociabilité se développe plus difficilement que son intelligence. Timide mais par. fois agressif, il n' attire pas aisément la sympathie ; maladroit dans ses gestes ( c' est souvent un enfant gaucher ), peu endurant et plutôt mauvais joueur, il n' a pas le prestige de la force physique auprès de ses camarades; s' il a assez de dynamisme pour désirer s' affirmer, il le fait le plus souvent sur le plan des succès scolaires, mais il agit de telle façon que cela finit par l' isoler de ses camarades. 

     Aussi, ce garçonnet, cette fillette, sont-ils souvent des enfants en marge des autres. Leur imagination développée leur permet d' animer leurs jeux et de remplacer les parte. noires absents que leur susceptibilité a vite fait d' éloigner. Ayant horreur du bruit, des agressions sensorielles, ils s' organisent une vie protégée, ont un goût marqué pour les collections, plus tard pour la lecture. Ils deviennent ainsi des enfants pleins de connaissances étonnantes ou bizarres. ( ARNAUD M., à 9 ans, possède plusieurs plateaux de minéraux variés, BERNARD S., 12 ans, des centaines de carrés de tissus différents, bien rangés par catégories ), mais leurs tendances au rituel conjuratoire et à la rigidité mentale sont inquiétantes.

     Enfants affectueux mais s' extériorisant difficilement, sujets à des peurs, des entêtements, des colères dues à des angoisses irrationnelles que l' adulte ne déchiffre pas et appelle " caprices " , SILICEA grandit, non sans peine, car c' est l' enfant au thorax maigre, aux membres grêles, qui doit partager ses congés entre le dentiste pour élargir ses maxillaires et redresser ses dents, l' orthophoniste pour remédier à ses difficultés de lecture et d' orthographe, le kinésithérapeute pour corriger son genu valgum et un début de scoliose, séquelles du rachitisme de sa petite enfance. Heureux encore s' il n' a pas connu la verminose tenace, les crises convulsives à la pleine lune, les otites à répétition, les adénites suppurées, une primo-infection traînante... et si une surveillance médicale attentive a décelé et traité à temps la cryptorchidie, fréquente chez les petits garçons de ce type.

     L' ADOLESCENCE DE SILICEA :

     Cette période de transition, de rajustement du jeune avec son corps, c' est-à-dire avec sa personne et avec autrui, où se revivent des émotions et les conflits introjectés dans l' enfance, où les investissements narcissiques sont intenses, est une nouvelle épreuve pour SILICEA, la plus grande épreuve qu' il ait à vivre depuis le " traumatisme " de la naissance.

     Certes, pour chaque jeune, l' adolescence est une plaque tournante, le moment où il va prendre sa silhouette définitive, mais notre si nue Matière médicale nous apprend à reconnaître des modes bien différents de ce vécu.

     Le type CARBONIQUE passe doucement, lentement, d' un stade à l' autre, sans bruit et sorts éclats, mais non sans profondeur; sa maturité se fait dans le sens de l' aptitude précoce aux responsabilités, de la maîtrise émotionnelle, de la stabilité dans le comportement, la sociabilité, les sentiments.

     L' adolescence de SULFUR, c' est la libération, l' explosion, la plénitude des moyens intellectuels, l' exercice de la sexualité, les premières bouffées d' ambition, le tremplin polir s' élancer vers l' action.

     Pour les PHOSPHORIQUES, c' est l' âge du rêve, de l' exaltation sentimentale, des fantasmes érotiques, des préoccupations métaphysiques, des aspirations sociales idéalistes

     ... mais tout cela reste dans le domaine du mouvant, de l' imaginaire, des longues discussions, des projets; les réalisations n' apparaissent pas nécessaires.

      " L' adolescent est un enfant périmé et un faux adulte " disait un de mes maîtres ; c' est bien définir SILICEA adolescent et même souvent, nous le venons, le définir pour toute sa vie... Renonçant difficilement, sinon jamais, à la sécurité protégée de l' enfance, douloureusement vulnérable à tous les changements, à toutes les évolutions devant lesquelles il chancelle, se rétracte, s' affole, désireux cependant ( car il s' apprécie justement ) de s' affirmer mais perdant toute confiance au moment d' agir, prêt à céder à la panique et à l' angoisse, il affronte cette période critique dans des conditions peu sûres, avec ce qu' on nomme actuellement un " mauvais équipement psychique ".

     Les traits dominants de son caractère s' accentuent du fait même des incertitudes et des contradictions inhérentes à cette étape :

     - son émotivité fait du garçon un timide, s' exprimant avec gaucherie; parfois avec précarité ; il n' est hardi ni dans ses idées, ni dans ses paroles, ni dans ses gestes ; sa sociabilité difficile, ses goûts parfois démodés, la fatigabilité qui l' empêche de pratiquer les sports, l' éloignent des jeunes de son âge ; s' il s' y mêle, il se sent douloureusement seul, incapable de s' intégrer, ce qui, dans un moment de désespoir, peut le conduire à tenter de se suicider.

     Si la jeune fille supporte un peu mieux sa timidité, elle souffre surtout de se trouver un corps disgracieux. Un développement insuffisant des seins est aussi humiliant pour elle qu' est, pour son homologue masculin, l' absence de pectoraux et de biceps. Sa labilité neurovégétative lui vaut des symptômes gênants: rougissement en public, sudation du visage et des mains, tremblement et maladresse, qui la mettent au supplice. Elle se trouve laide et ridicule, fuit les réunions et les bals mais se désole dans une solitude qui

     l' angoisse.

     La nécessité de choisir une orientation d' études ou de métier révèle un autre aspect de SILICEA : sa tendance au doute, donc sa difficulté à prendre une décision. Ce n' est pas par incapacité mentale ( comme chez BARYTA CARS. ) ou opposition hargneuse ( comme chez HEPAR S. )- D' une prévoyance anxieuse, SILICEA mesure tellement à l' avance tous les obstacles et les risques d' échecs, qu' il est vite convaincu de l' inutilité de tout effort et de son incapacité, quel que soit le choix qu' il envisage.

     Aussi rencontre-t-on actuellement un nombre important d' adolescents SILICEA qui présentent ce que les psychiatres français ( MALE et ses collaborateurs ) ont appelé "syndrôme de morosité " qui n' est ni une vraie dépression, ni une psychose mineure, mais un état affectif particulier : sentiment angoissant de la disproportion entre les efforts exigés par tout travail et le bénéfice aléatoire qu' on peut en attendre : spleen, ennui, manque d' envie de vivre... expliquant les troubles du comportement : fugues, drogue, suicide.

     Les auteurs considèrent qu' il s' agit d' une sorte de " blocage des instincts " lié à des traumatismes psychiques précoces, aux conditions de civilisation, mais aussi basé sur un certain " équipement psychique " congénital, qui semble devenu plus fréquent.

     Observation 3 :

     PIERRE L. , 20 ans, présente depuis l' enfance un impressionnant tableau des signes morphologiques, physiques et psychiques de SILICEA. Il est le cadet d' une soeur intellectuellement brillante et l' ainé d' un frère bien doué, insouciant, bon sportif.

     La scolarité de PIERRE a été une succession d' échecs, que la tendresse maternelle a dissimulés, atténués, compensés autant que possible... mais que son père, ingénieur, n' accepte pas. L' examen psychologique montre que l' intelligence, moyenne, ne peut expliquer un bilan aussi négatif mais qu' il existe chez ce jeune homme une fatigabilité physique et psychique qui le prive de toute assurance, qui lui enlève toute résistance et toute efficacité. Conscient de ses insuffisances et se sentant incapable de les assumer, PIERRE passe ses journées à rêver, à fumer, à écouter de la musique; il a pensé à se suicider. Des doses rapprochées de SILICEA ont stabilisé son état émotif et permis de commencer une psychothérapie.

     Plus graves, d' autres cas se révèlent être des formes très autistiques et apragmatiques de schizophrénies.

     L' orientation professionnelle des adolescents de ce type doit donc être faite avec prudence : l' éventail des options, compte tenu du niveau intellectuel est limité ; les travaux de force sont exclus, de même que les professions d' autorité, de responsabilité et de risque.

     Toutes les formes d' art et d' artisanat peuvent leur convenir et leur sont favorables, en leur permettant de s' exprimer par la création personnelle et de donner réalité à leurs fantasmes, en leur conférant aussi une valorisation : le prestige de l' artiste.

     Moins imaginatifs, ils peuvent réussir dans les commerces de luxe, d' antiquités, de librairies ( comme vendeurs mieux que comme directeurs ), ou bien leur besoin de vie protégée exempte de surmenage les conduit vers des emplois administratifs où leur conscience scrupuleuse et leur minutie parfois tatillonne en font d' excellents serviteurs de l' État...

     LA SEXUALITÉ DE SILICEA :

     Ce N' est malheureusement pas dans ce domaine que notre sujet a la chance de rencontrer quelque prestige.

     La fille est tardivement réglée, souvent de façon irrégulière, mais toujours épuisante: toute fatigue, toute émotion supprime la menstruation. Des irritations périnéales fréquentes peuvent l' inciter à l' auto-érotisme ; adulte, les rapports sexuels la fatiguent, sont douloureux et peu satisfaisants. Elle redoute une grossesse qui entraîne une asthénie intense, des douleurs vertébrales, de la décalcification.

     Le garçon n' atteint pas sans peine ni déboires l' exercice de sa virilité. Les pollutions nocturnes l' affaiblissent, la masturbation le culpabilise et l' inquiète pour sa santé, les approches hétérosexuelles l' inhibent... Ses fantasmes infantiles, sa fatigabilité, son intense émotivité sont causes d' éjaculation précoce, de faiblesse sexuelle ou même d' impuissance qui achèvent de l' humilier. Aussi, en relation avec SILICEA, peut-on constater de nombreuses déviations : homosexualité, fétichisme, exhibitionnisme.

     Observation 4 :

     Georges C., 39 ans, garde une apparence puérile dans son visage, sa silhouette gracile, ses manières efféminées. Il a perdu son père au cours de sa 3éme année, a souffert de bronchites récidivantes pendant toute son enfance, vécu confiné avec sa mère. Pleurésie à 19 ans qui stoppe un projet de départ en Angleterre et sur-protection dominatrice de sa mère, qui vérifie encore chaque matin si son fils est assez couvert et contrôle son emploi du temps. Il végète ainsi depuis 20 ans, ayant établi des relations amoureuses homosexuelles à l' insu de sa mère mais avec la rançon de phobies de contact intenses, apparues aussitôt, et qui persistent depuis 15 ans.

     En effet, à l' âge adulte, l' anxiété flottante de SILICEA, ses doutes et son insécurité diffuse tendent à prendre une structure fixe et même rigide. Les épisodes psychasthéniques sont fréquents, allant en se rapprochant et en s' aggravant au cours des années, compromettant plus ou moins gravement la vie conjugale, familiale, professionnelle.

     Les dystonies neurovégétatives et les phobies mineures peuvent être cause d' épisodes dépressifs ( JEAN S., 42 ans, est désespéré et furieux, à son âge, de rougir dès que son patron, un collègue, un employé, lui adressent la parole ; YVES D., dans les mêmes conditions, est envahi de sueurs profuses. Tous les deux répondent à la symptomatologie de SILICEA et refusent, très typiquement, leur handicap au lieu d' essayer de dresser un contre-réflexe conditionné ; ils exigent, de façon entêtée, d' en être débarrassé par quelque drogue miracle ). Mais la fixation dans la névrose obsessionnelle ou la névrose phobique est pire.

     LA VIEILLESSE DE SILICEA :

     Congénitalement fragile, prématurément usé, SILICEA s' achemine cependant vers le terme de son existence.

     Ayant eu l' air vieillot dans son enfance, il garde, paradoxalement, dans son dernier âge, quelque chose d' infantile, du fait de ses réactions de faiblesse.

     Paradoxalement aussi, ayant plus ou moins mal vécu, il semble avoir acquis, au cours des années, peut-être à force de prudence, une meilleure résistance.

     Sans doute, aussi, ceux qui abordent à ce rivage sont-ils les rescapés... ceux qu' un heureux destin à protégé d' une vie trop rude ( ou ceux qui ont eu la chance de rencontrer l' Homéopathie I.. )

     Quand, chez SILICEA, domine le tuberculinisme, le terme est souvent plus précoce : les atteintes pulmonaires ( évolution vers STANNUM ) ou péritonéales, ont entraîné une cachexie irréversible chez ce sujet dont l' instinct de conservation est faible.

     Quand domine la Psore, SILICEA frileux, eczémateux, catarrheux, athéro-scléreux, proche d' ARSENICUM, rassemble ses ultimes forces pour se barricader contre le froid, contre le bruit, contre la peur, contre les autres..., contre la mort.

     C' est encore le SILICEA fluorique qui se " défend " le mieux si on peut dire. La fibrose a, certes, envahi anarchiquement les cartilages d' un squelette depuis longtemps porotique, mais elle l' a ainsi un peu consolidé, fut-ce dans des attitudes dépourvues de grâce et de commodité. A condition d' éviter les chutes et les chocs, ce corps débile tient encore. Sa sociabilité, qui a toujours été réduite, tant est grande sa vulnérabilité affective, se rétrécit encore : l' enfant a été un rêveur solitaire, l' adulte un anxieux isolé, le vieillard est un reclus geignant, larmoyant, chez lequel s' accomplit un total retrait d' investissement...

     Ainsi, au long des jours, voyons-nous SILICEA, avec une continuité aussi remarquable que désolante, nous offrir l' image de sa faiblesse et par là, nous appeler à son aide.

     La connaissance de cette symptomatologie mentale, confirmée par la symptomatologie somatique, nous donne le moyen de soulager bien des souffrances.

     Le malade de SILICEA manque d' autonomie affective, c' est un enfant en deuil de sa maturité...

     Le faire progresser dans cette voie, nul mieux que le médecin homéopathe n' y est à même : sachant de façon précise les modalités du malade dans sa totalité, esprit et corps, il lui apporte en même temps cette " relation d' aide " , forme abrégée mais désormais indispensable de la psychothérapie et un traitement personnalisé, qui n' est ni un masque pour lui cacher ses difficultés, ni un " doping " pour l' illusionner sur ses forces.

     Comprendre et traiter ainsi le malade c' est lui redonner la possibilité de se servir de sa liberté.

 

Généralités.

     SILICEA, remède minéral, correspond à un mode réactionnel spécifique et identifiable, à un " type sensible ". Il a une action sur le métabolisme du calcium et du phosphore au niveau des tissus de soutien ( surtout osseux, conjonctif et système réticulo-endothélial ) et une action toxique ( par désassimilation ) d' où :

     - dystrophies osseuses ( caries, suppurations lentes );

     - inflammations et suppurations ganglionnaires cutanées et muqueuses ;

     - processus secondaire de sclérose ( atteignant le parenchyme pulmonaire et le tissu nerveux, de préférence ).

     Il développe une très abondante et fidèle symptomatologie psychique et comportementale.

     - remède minéral : c' est l' oxyde de silicium ( SILICEA ) ;

     - correspond à un " mode réactionnel spécifique " : c' est un type sensible ;

     - spécificité morphologique :

     . développement frontal et de l' étage supérieur du visage ;

     . carnation claire, cheveux fins secs, plutôt blonds, cuir chevelu gras, sueurs abondantes de la tête ( " occiput ) agg  sommeil ;

     . sueurs abondantes et fétides des pieds;

     - action principale sur le métabolisme du calcium et du phosphore, expliquant les deux aspects du morphotype :

     . bréviligne à thorax globuleux et petite obésité de type gynoïde ( cf. CALCAREA CARBONICA ) ;

     . longiligne à thorax plat, faible musculature et maigreur ( cf. CALCAREA PHOSPHORICA );

     - action secondaire toxique sur la sphère nerveuse :

     . pathologie neuro-végétative ;

     . pathologie psychique

     NEUROPHYSIOPATHOLOGIE

     1. Périodes isolées d' excitation :

     - agitation motrice et mentale ;

     - tachycardie ;

     - céphalées congestives périodiques;

     - tressaillement aux bruits ;

     - sensation de torpeur mentale agg  par tout effort intellectuel;

     - tentatives douloureuses mais inefficaces de concentration.

     Hyperexcitabilité du système nerveux central :

     - hyperexcitabilité sensorielle ;

     - sensation de perte d' équilibre en se dressant en station debout avec douleur fulgurante au coccyx.

     Troubles du sommeil :

     - difficultés d' endormissement en début de nuit, avec parfois fantasmes effrayants ( en SLI. stade I ) ;

     - cauchemars et

     - somnambulisme agg  2 h-4 h  en fin de SLP. stade IV ou en pré-sommeil paradoxal ( stade intermédiaire entre

     S.L.P. et R.E.M. ) ( cf. KALI BROMATUM et PHOSPHORUS ).

     2. Tendance dépressive latente :

     - symptômes " vagotoniques "

     . sensation de fatigue générale, avec :

     . agg  par tout effort physique et intellectuel,

     . et sueurs pro / uses ;

     . tendance aux syncopes et lipothymies.

     . tachycardie chronique;

     . tremblements subjectifs et sensations d' engourdissement des membres agg  au réveil, après efforts ;

     . constipation spasmodique ;

     - asthénie physique et mentale ( psychogéne ou en rapport avec symptômes somatiques du remède : séquelles de fractures, suppurations );

     - adynamie psychique ( état dépressif d' où " désir d' être magnétisé " par sentiment profond de faible vitalité.

 

Psychisme.

     PSYCHOPATHOLOGIE

     en rapport avec:

     - déminéralisation osseuse ;

     - carences en calcium et en phosphore ;

     - antécédents infectieux et héréditaires ;

      - carences affectives.

     - Anxiété;

     - Inhibition.

     INTELLECT

     - adaptation peut être difficile ;

     - rythme des acquisitions irrégulier ;

     - Lenteur:

     . d' exécution ( SILICEA - CALCAREA PHOSPHORICA :

     - ne finit pas à temps,

     - se contente d' avoir compris,

     - se décourage et abandonne ;

     - intérêts vifs et sélectifs :

     . parfois obsessionnels ( collectionnisme ),

     . souvent vite épuisés ;

     - imagination riche, sens esthétique développé et sensibilité font souvent de SILICEA un artiste ( arts plastiques et musique ) ;

     - concentration d' esprit irrégulière du fait de la fatigabilité.

     ACTIVITÉ PHYSIQUE

     - irrégulière, souvent faible ;

     - soit fatigable, craintif, maladroit, d' où peu motivé ;

     - soit capable d' à-coups suivis d' épuisement ( dose mal son effort et manque d' endurance ).

     SOCIABILITÉ

     Elle peut être excellente :

     - horreur des violents et des brutes,

     - attentif et délicat avec les faibles ( " Sympathetic " , cf. PHOSPHORUS ),

     - hypersensible à l' injustice ( encore plus pour les autres que pour lui ),

     - franc et loyal ( mais par faiblesse de caractère peut mentir ).

     Cependant SILICEA :

     - peut devenir agressif ( c' est le signe d' appel d' une réaction de défense contre l' angoisse )

     - et surtout régressif, timide, replié :

     . l' enfant joue seul, parle seul, a peur des autres enfants :

     - collectionnisme,

     - tendance phobo-obsessionnelle ( aiguilles et épingles ) ;

     . peut faire une panique aiguë dans la solitude,

     . et une phohie scolaire ;

     - l' adolescent s' isole dans des fantasmes autodestructeurs :

     . besoin de réconfort mais peur d' être " envahi ".

     CARACTÈRE ET AFFECTIVITÉ

     - agg  en public car sentiments d' infériorité en rapport avec inefficacité,

     - Trac latent:

      Fuite des situations d' épreuve ( ne se présente pas à l' examen par manque de confiance en ses connaissances );

     - Irrésolution par :

     . manque de clarté d' esprit,

     . et difficulté à choisir ( donc à renoncer à des options ) ;

     - obstination ;

     - mais faiblesse de la volonté ;

     - pas de goût pour la compétition ;

     - angoissé par les responsabilités ;

     - SILICEA paraît sans ambition mais c' est un ambitieux caché pas du tout vaniteux, le contraire: CALCAREA FLUORICA, AURUM ) ;

     - Idéalisme généreux :

     - maturité lentement et difficilement

     acquise ;

     - grands besoins affectifs ( à polarité féminine );

     - Moi faible et dépendant ( c' est la structure de la personnalité ) ;

     - sentiments cachés de nostalgie avec :

     . refus d' aide pour se croire autonome ( agg  par la consolation );

     . rejet névrotique du passé, " sentiment d' être coupé en deux, ne reconnaît pas comme sien la moitié gauche de son corps "...

 

Clinique.

     PATHOLOGIE PSYCHIATRIQUE

     - chez l' enfant:

     . risque de blocage affectif ( avant 4 ans ) et de psychose en cas de carence affective,

     . entre 8 et 12 ans, risque de phobie scolaire ( cf. p. 153 ) ;

     - chez l' adolescent:

     . syndrome de morosité,

     . états-limites prépsychotiques,

     . toxicomanies, alcoolisme ;

     Personnalité " de sable "..., " bâtie sur le sable "..., château de sable menaçant de s' effriter dans l' eau ( " suicidal disposition by drowning " , écrit Kent ), avec ses deux versants, " carbonique " ( le plus solide ) et " phosphorique " ( le plus friable ).

     Beaucoup plus souvent garçon que fille ( c' est un peu le " masculin " de PULSATILLA, qui est aussi encline à la noyade - retour aux eaux originelles ), SILICEA, marqué également par des besoins fusionnels prolongés dont la nostalgie l' habite ( " homesickness " , écrit Kent ) et dont il a toujours beaucoup de mal à faire le deuil, rejette parfois violemment la relation maternelle ( trop facilement hyperprotectrice ) en une tentative émouvante et maladroite pour s' en libérer. Mais n' établissant qu' avec peine une bonne identification à l' image paternelle ( il a souvent un père violent, ou " effacé " , ou déçu par ce fils maladif et peu viril ), il n' accède que lentement, et comme à regret, à l' autonomie psychologique.

     Comme on l' a indiqué, les risques de blocage à la période " prégénitale " sont importants à tous les stades, de la petite enfance à la fin de l' adolescence, en particulier au niveau de l' évolution psycho-sexuelle ( fréquence de l' homosexualité ), rendant compte de l' accès difficile à la réalité.

     C' est pourquoi SILICEA est mal armé pour aborder :

     - l' angoisse de l' engagement socioprofessionnel ( avec sa signification de fin de la jeunesse ) qu' il a tendance à retarder sous différents prétextes ( cf. LYCOPODIUM );

     - la compétition et tout ce qui est " agressif " et " épineux " ( phobie des " objets pointus " , symboles phalliques dans leur expression la plus élémentaire ) ;

     - la peur d' un devenir apocalyptique du monde...

     Jadis, bon nombre de ces doux obstinés, rescapés de la tuberculose ( osseuse, ganglionnaire, pulmonaire ), trouvaient à l' ombre d' un cloître :

     - un " contenant " solide pour la fluidité de leur Ego ;

     - une " clôture " protectrice, symbolique giron maternel, contre l' agressivité du monde;

     - un " Père " - substitut, enfin maturant virilement ;

     - des " semblables " pour partager leur vie ;

     - un champ illimité à leurs besoins de pureté, d' oblativité et d' idéal...

     Même si quelques-uns encore trouvent leur équilibre dans cette voie ou des voies comparables, pour la plupart trop marqués d' agénésie morale, d' instabilité et d' habitudes psycho-sociopathologiques, elle ne peut plus s' ouvrir...

     Mais ayant toujours autant besoin :

     - d' un encadrement pour leur insécurité existentielle ( tout en le niant ) ;

     - d' un groupe fraternel pour leur besoin d' amour et de chaleur humaine ( mais ce sont alors des enfants sans père, voués à toutes les errances ) ;

     - et, par leur horreur de la violence, de causes généreuses à défendre ( aussi généreuses que généralement utopiques ) on les retrouve fleur à la main et cheveux au vent, ne voyant pas plus loin que... leur coeur pur, enrôlés sous les bannières de l' écologie et du pacifisme ( certains même derrière un chef de file typiquement SILICEA ! ), orphelins en recherche du paradis perdu...

     Il ne s' agit pas, en donnant son simillimum au sujet SILICEA, ni de vouloir ni de pouvoir modifier sa structure somato-psychique, mais de lui éviter cette cassure de son unité ( dont il se sent vaguement menacé ) en améliorant sa vitalité et sa créativité tout en préservant la qualité de sa sensibilité.

 

 

Staphysagria

 

Généralités.

     Il semble être arrivé de curieuses mésaventures à cette précieuse espèce végétale de la pharmacopée homéopathique.

     Cela commence avec son nom : appartenir à la gracile famille Delphinium et s' appeler staphysaigre, vulgairement " herbe aux poux " , est dès l' abord regrettable, lui donnant déjà l' air d' être autre chose que ce qu' elle paraît.

     Il y a bien pis : i' identité douteuse et contradictoire qui nous en est transmise par les Matières médicales.

     Les unes , nous proposent l' indication simillimum du remède chez des sujets dont la présentation est tout particulièrement affligeante :

     - enfants hargneux, scrofuleux, vermineux, aux dents précocement cariées;

     - hommes maigres, tristes, asthéniques, impuissants ;

     - femmes nymphomanes à sécrétions irritantes et malodorantes ;

     - vieillards prostatiques, pollakiuriques, perdant ( aussi ) la mémoire, affligés de douleurs osseuses nocturnes, de chalazions et d' orgelets, de dermatoses croûteuses, prurigineuses, suintantes.

     Et tout ce pauvre monde anxieux, vexé, honteux, aigri, épuisé par... d' incessantes obsessions érotiques et des excès masturbatoires, qu' il tente difficilement de refouler.

     D' autres , nous renvoient presque exclusivement l' image d' individus susceptibles et imitables, fumeurs impénitents, à l' appétit " carnassier " :

     - coléreux au point de lancer des objets à la tête d' un contradicteur ou d' en jeter au feu, par dépit ou perte de contrôle mental ;

     - sujets à des spasmes gastro-intestinaux après s' être sentis agressés ou bien tristes et apathiques après s' être sentis humiliés ;

     - l' esprit parfois troublé par l' indignation au point de faire quelques confusions, tout en marchant et parlant avec agitation ;

     - dont l' excitabilité psycho-sexuelle est simplement mentionnée.

     J.-P. Gallavardin, généralement si rigoureux quant à la morale sexuelle, ne met l' accent que sur une symptomatologie essentiellement dépressive.

     Cependant, deux autres ouvrages et un cours magistral apportent heureusement une synthèse objective de la zone d' action de STAPHYSAGRIA :

     - Henri Bernard  écrit : " A le voir, il rappelle LYCOPODIUM, mais alors que chez celui-là, la colère éclate, vindicative et violente, chez STAPHYSAGRIA tout se passe à l' intérieur, il se domine, on n' en sait rien. Mais il en souffre, doublement. "

     - Gilbert Charette, après avoir indiqué que STAPHYSAGRIA " par son alcaloïde, la delphinine, dont on a comparé l' action à celle de la vératrine ou du curare, agit principalement sur la moelle épinière, d' où de nombreux symptômes d' excitation, suivis de dépression... " , décrit " deux types opposés : furieux, en colère, en perpétuel souci de ce qui lui arrivera, sensible à la moindre offense ou, au contraire, apathique et hypocondriaque avec mémoire faible, par suite d' onanisme ou d' excès sexuels " ( cette dernière mention donnant plutôt l' impression d' une concession que d' une certitude ) ;

     - enfin, G. Demangeat indique excellemment ( après l' obligatoire référence aux obsessions et pratiques libidineuses du malade concerné ):

      " STAPHYSAGRIA convient particulièrement bien aux individus affaiblis soit par des émotions morales ' énervantes' [ soit par des peines procédant de dépit et de contrariétés contre lesquels il s' irrite.

 

Psychisme.

      " Le psychisme a un grand retentissement physique, notamment sur le thorax et l' abdomen. C' est un médicament typiquement psychosomatique.

      " Le type le plus fréquemment rencontré est l' individu qui rentre sa colère et la somatise. "

     On est donc amené à penser que, parmi les premiers expérimentateurs, un certain nombre ont dû difficilement supporter les exigences purificatrices préalables qu' imposait Hahnemann à ses collaborateurs et que la delphinine ne semble pas avoir généralement suscité chez eux des fantasmes séraphiques... L' image de STAPHYSAGRIA en reste trop souvent déformée ( remède du " refoulement sexuel " ) et son utilisation restreinte.

     J' avais depuis longtemps constaté l' extrême fréquence avec laquelle ce remède me paraissait indiqué, mais beaucoup plus souvent en dehors de tout " abus d' onanisme " ( symptôme bien moins fiable que dans RANA BUFO, en outre doublé d' un contresens ) ou de " péchés sexuels " ( sexual sins, écrit Boericke ), m' interrogeant sur ce qu' une nouvelle expérimentation de STAPHYSAGRIA provoquerait sur l' " homo sanus 1986 " aux réactions érotiques sans doute un peu différentes de celles des médecins-physiciens allemands de 1850...

      " Réactions érotiques " ( et non pas réactions physiologiques ), c' est-à-dire comportement à l' égard de la sexualité et possibilité de l' intégrer... ou manière de la refouler, ce qui est justement le cas de notre remède. Il peut aider certains obsédés sexuels ( il en existe toujours ), mais il sera beaucoup moins souvent prescrit sur la traditionnelle étiquette affectée à STAPHYSAGRIA ( idées sexuelles obsédantes ) que sur ce que l' observation soigneuse et l' écoute attentive du malade font pressentir et permettent de faire exprimer, ce quil ne peut pas spontanément dire et qui est l' essentiel : sa vérité, véritable causalité de son état, conduisant à la fois au simillimum et au dialogue personnalisé.

     Faisant des réserves sur les améliorations obtenues en raison d' effets placebo difficiles à apprécier au sein d' une clientèle de psychiatrie privée, j' ai cependant été frappée par la rapidité et la puissance de l' effet désinhibiteur de STAPHYSAGRIA prescrit sur les signes d' appel suivants :

     - suites de stress émotionnels, ressentis mais ni extériorisés ni verbalisés, dont quelques exemples :

     . un enfant de sept ans ayant assisté à des gestes violents échangés par ses parents, n' en parlant pas, semblant y avoir été insensible mais dont la souffrance se trahit par des troubles de santé, de caractère et de comportement;

     . un adulte révolté par un licenciement estimé plus injuste qu' économique et qui va de dermatologues en allergologues comme pour dire : " Regardez donc mes mains ! "... paravents de sa souffrance pudiquement celée  ;

     . une femme quinquagénaire vivant un deuil très douloureux dont l' entourage ne supporte pas qu' elle parle, qui se mure dans sa peine mais déclenche une cystalgie " sine materia " ;

     - situations d' indignation, lorsque le patient ne peut répondre de façon directe à des vexations, injustices, mépris, humiliations, rejet affectif :

     . soit parce que [es circonstances ne le lui permettent pas ( poids d' une hiérarchie ) ;

     . soit parce que le sujet ne se le permet pas ;

     . soit parce que la   /  frustration a été si insupportable qu' elle a été immédiatement refoulée dans l' inconscient, le sujet n' en ayant apparemment aucun souvenir mais en conservant la marque modifiée, transformée sous forme de symptômes actuels plus ou moins identifiables ;

     et, bien entendu, traumatismes sexuels qui, pour ne pas être l' essentiel des indications de STAPHYSAGRIA, n' en sont pas moins justiciables de ce remède quand ils sont cause de troubles, blocage de l' évolution intellectuelle et psychologique, inhibition de la libido, refus du corps, homosexualité ), parce que le choc a été intense et que le sujet n' a pu se libérer par la parole, ni du fait, ni de ses réactions. Tels sont les cas d' attentats à la pudeur ou de violences sexuelles chez des fillettes, en particulier par ascendant, chez de jeunes garçons du fait d' un adulte ayant des fonctions éducatives, chez de jeunes femmes contraintes à des pratiques qu' elles ne peuvent ni n' osent refuser, voire dénoncer ;

     - enfin les situations existentielles de frustration sexuelle ( célibat, mariage blanc, veuvage, engagement religieux ) volontairement acceptées mais parfois difficilement assumées, mais seulement si, de ce fait, existent des réactions caractérielles ( irascibilité ) et des troubles psychosomatiques.

     Mieux que le constat du thérapeute, qui peut manquer d' objectivité, ce sont les témoignages spontanés ( et ce mot a ici toute sa valeur ) des malades ayant reçu une prescription de STAPHYSAGRIA qu' il faut retenir.

     Mme Anne D..., 37 ans, employée de commerce : " Ah ! le dimanche, c' est pas croyable, ce remède, STAPHYSAGRIA ! Avant, j' étais toute misérable le vendredi soir, et déjà le plaisir du week-end était gâché à l' idée de retrouver mon patron le lundi matin. Maintenant, je ne tremble plus devant lui, comme jadis, quand j' avais peur... de mon père !... Tiens ! çà je n' y avais jamais pensé ! Alors c' était donc ça ?... "

     M. Georges W...., 41 ans, ingénieur en chômage: " C' est extraordinaire ce que déclenche votre dose... Il me semble que j' ai retrouvé l' usage de ma personnalité, je veux dire de ma liberté. "

     Mlle Simone R..., 52 ans, fonctionnaire, a éprouvé, après une prise de STAPHYSAGRIA 30 CH, une réaction violente : " Une angoisse épouvantable, ravageuse, une sensation d' éclatement en morceaux " , d' où a fini par émerger une grave situation conflictuelle de l' enfance, inverse de celle qu' elle croyait en cause.

     Et Mme Claire B..., 30 ans, sans profession, écrit : " Enfin, enfin, ça y est ! Grâce à vous, docteur, grâce à vos pilules, j' ai pu dire à ma belle-mère tout ce que j' avais besoin de lui dire, et surtout calmement, sans que je me sente coupable ni que je m en rende malade. Merci ! "

     Ainsi amenée par expérience personnelle à mieux apprécier l' action de STAPHYSAGRIA et à en avoir acquis une vision un peu différente, j' ai donc tout particulièrement apprécié la confirmation de cette approche dans une communication présentée au congrès de médecine homéopathique de Brighton par le Dr H. E. Bottger ~.

     Ce médecin allemand, après avoir regretté l' idée préconçue selon laquelle STAPHYSAGRIA est généralement considéré comme un remède adapté à des gens passifs, soumis ( " le remède des fonctionnaires écrasés par la hiérarchie " ), toujours assorti du " cliché de la frustration sexuelle obsédante " , faisait état d' une publication allant dans le même sens, du D~ von Unger-Stemberg, à Berlin, en 1968. Soulignant l' intérêt du remède tout aussi bien chez des malades sthéniques mais inhibés dans leur réactivité, il insista sur " la valeur de la formule de von Metzger : STAPHYSAGRIA correspond à un grand désarroi sous le poids des émotions ( " grosser Hilflosigkeit gegenüber emotionalen Forderungen " ), empêchant, malgré la conscience des problèmes, de pouvoir les dominer ".

     Pour illustrer sa thèse, le Dr H. E. Bottger rapporta deux observations personnelles, aussi finement exposées que témoignant de la nécessité, comme il le dit, de savoir ouvrir avec prudence " les portes dangereuses de l' intuition et de l' interprétation qu' on ne peut ni apprendre ni enseigner ".

     La seconde observation est une anecdote charmante et démonstrative.

     Un garçon de neuf ans lui est conduit par sa grand-mère, car, habituellement très bon élève, il est devenu distrait et bagarreur. c' est le fils d' un premier mariage d' une mère divorcée une seconde fois ; il est élevé par sa grand-mère. L' examen clinique est entièrement normal. questionné sur son comportement à l' école, il convient qu' il cogne ses copains en récréation, parce qu' ils se moquent de son professeur, une dame...

     Le médecin, remarquant à cet instant que la voix de l' enfant se trouble, questionne : " Tu l' aimes beaucoup, n' est-ce pas ? " et obtient un " oui " franc et net... " Et pourquoi ne dis-tu pas aux autres garçons qu' ils sont idiots de se moquer d' elle ? "... " Je ne l' aime pas " fut la réponse. Superbe ! commente le médecin, il n' y a qu' un enfant pour être aussi spontané...

     Sur les symptômes recueillis :

     - enfant devenu distrait ( qui, bien sûr, investissait son enseignante de ses besoins frustrés de tendresse maternelle );

     - émotion trahie par le fléchissement de sa voix ;

     - désir de la dominer mais réponse inappropriée, cependant sthénique et non pas négative ;

     - impuissance à exprimer verbalement sa colère, STAPHYSAGRIA lui fut

     prescrit avec pour résultat la restauration d' un comportement scolaire de nouveau satisfaisant.

     La sphère d' action de STAPHYSAGRIA est bien ( mais n' est pas seulement ) celle du refoulement raté des pulsions sexuelles.

     . C' est d' abord l' Arnica de la psyché, le remède du stress difficile à " absorber " parce qu' il est générateur de révolte non agie, de vexation sans défense, d' humiliation sans revanche, qui aide à résorber " les bleus à l' âme " , tout comme il peut avoir son indication dans des séquelles chirurgicales d' interventions très " coupantes " ( prostatectomie, cure de hernie suivie de névralgie crurale rebelle, hystérectomie ) dont la signification d' amputation " sexuelle " est évidente.

     . Pour l' adolescent, c' est ce qu' on pourrait appeler le remède du miroir brisé : quand le regard de l' autre ( père, camarade, partenaire ) lui renvoie de lui-même une image dévaluée. Tout y est : le stress, l' agressivité, l' impossibilité identificatoire. STAPHYSAGRIA, donné à temps, peut réparer la blessure et cicatriser la plaie, empêchant la désintégration psychotique, le colmatage phobo-obsessionnel, le refuge toxicomaniaque ou la fuite dans le délire.

     . C' est le remède du refoulement impossible ( de quelque origine qu' il soit ), qui débloque une situation conflictuelle ou évite une " pathologie de déplacement " psychosomatique.

     . Et c' est le grand déshinibiteur pouvant faciliter l' émergence du traumatisme occulte, le retour du refoulé ( " Wiederkehr des verdràngten " )?, par un renforcement libératoire de poussée pulsionnelle, sous l' effet de son influence biologique.

     BIBLIOGRAPHIE

     1. BERNARD H. Traité de Matière médicale : 548-550.

     2. BOERICKE, DUPRAT, LATHOUD et d' autres plus récentes.

     3. BOTTGER H. E, STAPHYSAGRIA ein Arzneimittel für den aktiven Menschen. XXXV Congress Liga medicorum Homeopathica Intemationalis. Papers and Summaries University of Sussex 1982

     4. CHARETTE G. La Matière médicale pratique : 540-542.

     5. DEMANGEAT G. Homéopathie. I.N.H.F., cours de 3° année : 181.186.

     6. DE MONES DEL PUJOL F. Staphysagria. Travail inédit du G.H.E.P.P. Bordeaux, 1979.

     7. GALLAVARDIN J.-P. Psychisme et homéopathie : 481-483.

     8. JAHR, KENT, HODIAMONT et d' autres plus récentes.

     9. LAPLANCHE J., PoNTALIS J.-B. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris, PUF, 1981.

 

 

Sulphur

 

Généralités

     A PROPOS

     DE SULFUR

     ET DES SULFURIQUES

     SULFUR est le remède central d' un groupe médicamenteux dont la pathologie est la moins menacée de décompensations graves, régressives ou dégénératives.

     En ce sens, il réalise assez bien, et spécialement chez le grand enfant, au seuil de l' adolescence, une certaine image d' évolution bien réussie, telle que l' hérédité, les influences de l' environnement et la marge de liberté personnelle permettent de le faire.

     D' autres psychotypes, naturellement, peuvent arriver, à cet âge, et plus tard, à un " équilibre " satisfaisant. A la différence de SULFUR, ils ont une potentialité morbide plus élevée, une stabilité moins grande dans leur état bien compensé, une vulnérabilité beaucoup plus importante aux aléas de l' existence.

     Il faut ici, se reporter à l' oeuvre d' Henri BERNARD et à sa description du biotype sulfurique : sulfur neutre et ses évolutions possibles vers les types : SULFUR gras et SULFUR maigre ( cf. en particulier : la constitution sulfurique, in : " Doctrine Homéopathique " p. 255.277 ).

     D. DEMARQUE dans son ouvrage : " L' Homéopathie, Médecine de l' Expérience " ( p. 341.349 ) nous donne une claire synthèse de la caractérologie " sulfurique " :

      " Le sujet en bonne santé se caractérise par son amour de la vie, son goût de l' action, sa gaieté, son optimisme, sa générosité. C' est, essentiellement, un actif. L' harmonie des tendances caractérologiques correspond à l' équilibre des formes et au bon fonctionne. ment des organes. L' émotivité reste modérée, primarité et secondarité s' équilibrent : la rapidité des réactions reste sous le contrôle de la raison. L' activité ordonnée est la marque d' un équilibre interne avec bonne adaptation au milieu ".

      " Cette activité restera la dominante caractérologique de tous les sulfuriques avec des différences dans l' intensité et dans le contrôle ".

 

Caractéristiques.

     C' est pourquoi SULFUR est souvent présenté comme un exemple de ce qu' on peut appeler " normalité " : bonne santé physique, bon équilibre psychique, bonne adaptation au réel.

     Notion contestée, s' il en fut à ce jour ! KNOCK, avec un cynisme très " fluorique " , faisait de l' antipsychiatrie avant l' heure et cette distorsion de pensée, bien dans la ligne de sa famille psychologique, n' eût pas manqué de le réjouir, lui apportant même la caution valorisante de quelques grands noms universitaires...

     La caution du bon sens, en matière de " normalité " me parait plus sûre pour rejeter le postulat masqué : toute ADAPTATION = SOUMISSION ( aux forces " répressives " qui... etc... etc... ), obsessionnellement dénoncé par des théoriciens sans doute peu dégagés de leurs conflits infantiles et en mal de destruction généralisée, afin de jouir, enfin, de la punition exemplaire, perversement provoquée et désirée, prix du défi sacrilège lancé au " père "...

     Soumission passive n' est pas adaptation : c' en est même l' échec, total ou partiel. L' adaptabilité est la capacité de pouvoir évoluer, de pouvoir faire le choix d' un changement sans perdre ses caractères distinctifs et, en ce sens, une bonne adaptation au réel, par les ajustements qu' elle comporte ( renoncements et dépassements ) n' a rien d' une conduite passive.

     Mais toute évolution n' est pas progrès : le refus actif et motivé de se conformer à un changement contesté est, lui aussi, adaptation dynamique.

     Par contre le " refus " érigé en système n' aboutit, comme toute stéréotypie, qu' à une mécanisation mentale renvoyant à une soumission symbolique...

 

Cas.

     Afin de ne pas rester dans les affirmations gratuites, une observation double et imprévue me parait trouver ici sa place.

     M. et Mme D..., 42 ans tous les deux, me conduisent, pour traitement homéopathique et conseils pédagogiques leurs deux enfants adoptifs : BRUNO, 8 ans et JOELLE 5 ans

     BRUNO a été confié, à l' âge de 3 mou à l' Aide à l' Enfance, et, pour diverses raisons, a été successivement placé chez 3 nourrices différentes, avant d' être adopté, à l' âge de 2 ans 7 mois par le ménage D... A cette époque il dormait beaucoup, mangeait peu, marchât maladroitement, préférait rester assis, jouant peu, ne prononçant que quelques mots.

     Au cours du Ier mois en famille, l' appétit augmenta très vite, le sommeil se raccourcit et il y eut même quelques épisodes d' agitation nocturne ; la propreté diurne s' installa, après quoi se produisit ce que les parents. appellent " l' explosion " : en quelques jours BRUNO sortit un vocabulaire abondant conforme à celui de son âge, manifesta un besoin net d' autonomie ( pour manger seul ) et d' activité gestuelle et motrice, cherchant le contact avec l' entourage auquel il semblait demander de partager sa joie, car, jusque là un peu indifférent, il était devenu affectueux et gai.

     Depuis lors son développement s' est poursuivi sans aucun ennui. C' est, à l' examen, un très bel enfant brun, au teint chaud, bien musclé, à l' épigastre un peu gonflé, au regard vif.

     En fait de problème c' est bien peu de chose : en classe, on lui reproche d' être trop remuant et de faire rire ses voisins... cependant il comprend vite, est très bon élève dans les matières orales ( il a une excellente mémoire visuelle et auditive ), mais ses notes d, écrit sont médiocres : travail sale et sans soin... Il " adore le foot et le vélo ".

     En famille, c' est un enfant très spontané et même tendre, serviable s' il n' est pas " pris " par un jeu ou une occupation, coléreux à l' occasion mais sans rancune ni bouderie : malheureusement il ne peut s' empêcher de taquiner constamment sa jeune soeur, ce qui entraîne des conflits.

     La physionomie de BRUNO, pendant ces explications, n' exprime ni gêne, ni vexation, ses yeux pétillent de malice. Il n' a apparemment pas la réaction d' un enfant jaloux, ce que confirme sa mère en disant qu' il partage naturellement avec sa soeur et lui fait même de petits cadeaux, qu' il ne montre aucune susceptibilité envers elle. J' avais noté, bien sûr, son impatience visible à aller galoper hors d' un bureau de médecin et, pour tromper son ennui, les bourrades discrètement décochées à sa soeur...

     JOELLE, frêle blondinette aux yeux bleus, n' a pas accepté le siège proposé en entrant ; elle s' est juchée, un doigt dans la bouche, sur les genoux de sa mère bien serrée et attentive. BRUNO avait 3 ans quand elle est arrivée, âgée de 3 semaines, dans la famille D., son adoption ayant été prévue par un organisme privé.

     Elle a été et reste " délicate " : appétit d' oiseau, réduit et en même temps très sélectif, sommeil difficile à venir ( il faut que sa mère reste auprès d' elle et lui raconte des histoires ). Nombreuses petites maladies sans rien de grave, ne justifiant peut-étre pas toujours les absences réitérées à l' École Maternelle. Elle ne s' y est, du reste, accoutumée qu' à grand peine, prise d' angoisse en se séparant de sa mère. Apeurée par les enfants bruyants et agités, craignant de courir, de sauter, de grimper, elle est toujours " dans l' ombre de la maîtresse " , tout comme, à la maison, elle est dépendante de sa mère qu' elle essaie d' imiter en tout.

     M. D., qui fait participer son fils à diverses activités pratiques et de jeu, ose à peine s' occuper de JOELLE : toute stimulation ou minime observation entraîne des déluges de larmes, des sanglots désespérés, qu' il faut apaiser en la cajolant.

     Bien entendu, BRUNO trouve extrêmement amusant de déclencher, par quelques taquineries, un mécanisme qui fonctionne aussi fidèlement...

     SULFUR devenu le frère de PULSATILLA, ce sont les surprises de l' adoption...

     ou celles de la génétique.

     Certes, il était temps que BRUNO trouve un foyer aimant et stable, car il se fut sans doute installé dans un de ces " faux retards " ( affectifs ) qui en deviennent pratiquement des vrais, malgré des moyens instrumentaux normaux.

     Ce qui est remarquable et caractéristique de SULFUR c' est la brièveté de son acclimatation à son foyer adoptif ( " au bout d' un mois, il était tout à fait chez lui " ) et depuis lors, sa bonne insertion, ( il se sait adopté ) : à 2 ans 1 / 2, après 3 placements nourriciers...

     JOELLE, en famille dès sa 3ème semaine ( comme tant d' enfants après un séjour à la Maternité ) n' a jamais, depuis lors, quitté ses parents. En fait les petits problèmes familiaux sont bien liés à sa personnalité fragile. Pendant que les enfants jouent dans une pièce voisine, Mme D, fait cette remarque : " A 5 ans, on dirait qu' elle n' est pas encore habituée à nous, ou qu' elle a peur qu' on l' abandonne... "

     On peut admettre ou non l' empreinte d' un sentiment primaire de non-amour et de rejet, on peut admettre ou non l' angoisse de la séparation symbiotique qu' est la naissance.., quand il s' agit de PULSATILLA, mieux vaut y penser...

     Cette observation me paraît démonstrative, des limites, si important soit-il, du rôle de l' environnement ( constellation familiale, attitudes parentales, milieu socio-éducatif : le capital génétique, base de la structure somatique et de l' équipement psychique de départ, n' est pas moins à prendre en considération.

     Il ne faut certainement pas minimiser le profond, triste et durable effet des carences maternelles précoces sur le devenir d' un enfant, mais on peut finir par trouver obsédante et monotone l' évocation sempiternelle de cette étiologie en toute occasion : il serait plus exact d' en moduler l' importance suivant les personnalités. La réalité est toujours infiniment plus complexe et subtile que les théories...

 

Psychisme.

     La mentalité du biotype SULFUR illustre ce que peuvent être, à côté de ce " SULFUR idéal " , à la fleur de l' âge, des mécanismes adaptatifs fonctionnant longtemps sans difficulté intrinsèque majeure, bien qu' avec des modalités différentes.

     Ce polymorphisme de SULFUR, qui reflète la vie dans sa multiplicité individuelle, ne cache cependant pas une imprévision psychologique dénuée de valeur pratique et de vérité.

     Si de tels sujets échappent, dans leur très grande majorité à la pathologie mentale c' est bien à des mécanismes adaptatifs solides, mais un peu différents d' un type à un autre, qu' ils le doivent, le facteur " activité " étant au nombre de ces moyens de défense.

     SULFUR " GRAS "

     Son apparence est connue : gabarit volumineux, avec, comme dit CORMAN, des " vestibules ouverts " : les yeux un peu gros, la bouche large et charnue, les narines dégagées, les lobes des oreilles rouges et gonflées, le teint coloré, la peau chaude. Malgré sa corpulence, il a de la vivacité.

     Son comportement traduit une forte composante sensuelle et particulièrement orale :

     il est gourmand avec délices, c' est sa faiblesse et sa menace...

     Sensualité sexuelle aussi mais le tout se situant dans un très vif sentiment de goût à vivre, de plaisir à vivre, d' attrait pour les spectacles de la nature.

     N' étant point passif, son dynamisme s' exprime par des conduites pragmatiques : il est direct, décidé, utilisant de façon organisée les renseignements fournis par un appareil

     . sensoriel en pleine réceptivité.

     L' humeur est syntone et ce type de SULFUR " large " , expansif, optimiste, extraverti, a besoin de vivre dans une ambiance également syntone : il sait défendre ses points

     de vue avec hardiesse ( il ne s' efface pas comme peut le faire CALCAREA CARBONICA devant l' interlocuteur ), mais sans agressivité, sans causticité, sans méchanceté, sachant et désirant se montrer conciliant.

     Le besoin d' aimer et d' être aimé ( ainsi que sa forte composante orale ), donnent aux personnes ayant une telle morpho-psychologie une apparence de faiblesse naïve, qui est loin d' être toujours vraie.

     Cependant sa sociabilité large risque de lui valoir des désillusions, auxquelles sa

     réponse peut être une décompensation dépressive simple : c' est beaucoup plus que

      " le gros chagrin " d' un enfant pour cet être qui voudrait croire en la bonté universelle...

     Moins " sensible " qu' émotif, il a une vraie générosité et une affectivité ouverte.

     Il n' est cependant pas à l' abri du déséquilibre : " Le sulfurique gras, sthénique, restera optimiste jusqu' au jour où des lésions profondes ( accidents hypertensifs... ) lui feront perdre son bel équilibre. Ici la lésion précède l' anxiété en quelque sorte et la conditionne. Ce sont de bons vivants jusqu' à la cinquantaine qui s' effondrent brutalement ". ( D. DEMARQUE, op. cit. p. 349  ).

     SULFUR " MAIGRE "

     Encore que les distinctions typologiques laissent la place à toutes les nuances, il se présente avec une morphologie plus étroite :' SULFUR à vestibules moins ouverts, à la bouche plus fine , plus réservé dans le contact tout en étant sociable, d' une sensualité plus raffinée ( plus " gourmet " que gourmand ), plus secret sur lui-même, il a, du type général, la syntonie et l' optimisme ainsi que des réactions mesurées aux stimuli extérieurs.

     Mais ici existent, plus que chez le Sulfur " gras " , des besoins d' activité spéculative l' emportant sur l' activité pratique.

     Cette activité spéculative, nourrie par la curiosité de l' esprit et le besoin de réaliser peut s' exprimer par le goût du " bricolage " : adroit, inventif, c' est un créatif efficace, c' est parfois un véritable inventeur.

     Avec des moyens intellectuels développés, il manifeste à un niveau plus abstrait la même aptitude, mais il s' agit alors de construire des " systèmes " : scientifiques, sociologiques, philosophiques, marquant le besoin de dépasser le plan des satisfactions hédoniques.

     Sans pour autant perdre pied avec le réel... ce qui peut être la forme de déséquilibre latente pour SULFUR " maigre " pouvant se décompenser dans une réduction de sa sociabilité et une fermeture de son affectivité ( il est, lui, plus sensible qu' émotif, devenant triste, irritable, inquiet ( parce que déçu des autres et de lui-même ), paresseux, l' esprit distrait, ne se décidant à rien, perdant le goût de vivre et de se nourrir.

     SULFUR, toujours un peu douillet craignant la chaleur mais n' aimant pas trop le; raffinements de l' hygiène, se laisse, ici, aller à la négligence complète, à la fois parce qu' il est focalisé sur ces cogitations mais aussi par un véritable retrait... C' est " le philosophe en haillons " de HERING.

     Si SULFUR pléthorique est en danger d' aller rejoindre BARYTA CARBONICA dans la pathologie de la sclérose, SULFUR étroit, malgré la gaieté et la curiosité d' esprit qui est le fond de son caractère, pourrait évoquer, superficiellement, ARSENICUM ALBUM :

      " Sujets menant une vie sédentaire, enfermés dans leur cabinet de travail où ils pour. suivent des travaux intellectuels, des spéculations philosophiques et ne prenant aucun mouvement. Bientôt, ils ne peuvent manger que des aliments trop légers pour les nourrir et ils font de la folie philosophique... " ( KENT ).

     Si la grande pathologie mentale reste exceptionnelle chez SULFUR elle peut cependant se produire sur les deux registres :

     - décompensation asthénique : avec SULFUR " gras " dont l' état vasculaire doit être soigneusement évalué, SULFUR en dilution moyenne et un régime hygiéno-diététique s' imposent ;

     Par contre, comme " le psychisme du sulfurique maigre correspond dans ses phases de morbidité et d' asthénie, au tableau pathogénétique de la mentalité SULFUR, la prise de ce remède haut dilué suffit parfois à le transformer ". ( DEMARQUE, p. 347 ) ;

     - mais il peut se faire que l' exaltation d' esprit et de sentiments de SULFUR, sa générosité, son altruisme joints à son aptitude généralisatrice lui fasse perdre pied : la comparaison de cet état avec le tableau de certains délires ( évoquant les " idéalistes passionnés du Bien " de DIDE et GUIRAUD ) est assez saisissante pour ouvrir éventuellement la voie à la recherche hospitalière.

     Entre ces deux modes extrêmes du " vécu SULFUR " , bien des organisations psychiques sont possibles, ayant en commun : extraversion, adaptation aux objets externes. besoin d' action, sociabilité.

     Mais, du point de vue du " risque pathologique " ( possibilités de décompensation ), ces facteurs potentiellement favorables, ne le sont qu' en fonction de la qualité des échanges relationnels et du niveau des investissements.

     Et vient toujours l' heure de vérité...

     Dans l' âpre et spirituel " SULFUR, ou la vocation de la gloire, essai sur le comportement social de SULFUR " que nous a légué Claude MOURLAN, cette passion est analysée ainsi que son devenir : de l' historique à ses plus affligeants succédanés, " cette vocation de gloire... permet d' expliquer la décadence intellectuelle et le passage curieux et toujours possible du SULFUR glorieux au fameux philosophe en haillons. Ce qui a fait la réussite de l' un fait le malheur de l' autre. Si l' amante désirée tarde trop à venir ou si les moyens intellectuels ou physiques ne suffisent pas à la conquérir, notre SULFUR glissera peu à peu à une interprétation personnelle du succès. Pour peu que les spiritueux ou les paradis artificiels, ou simplement une touche fluorique donnent le coup de pouce final, ce sera le déblocage intégral et rapide de tout frein psychologique... " ( Cl. MOURLAN, Bulletin de la Société de Médecine Homéopathique d' Aquitaine, 1956, n° 9, p. 16-29 ).

     C' est la " culbute narcissique " d' un SULFUR ( rappelant FLUORIC ACID ) devenant marginal, clochard - ou / et alcoolique, pouvant même ( c' est une indication de la pathogénésie  ) choisir l' ultime dérobade faute de pouvoir faire face à un destin raté.

     IMAGE DU CORPS ET RELATION AU MONDE

      " Les caractères de la constitution sulfurique sont ceux de l' homme " normal et sain " , et les manifestations pathologiques sont dues à l' exagération ou à la diminution des grandes fonctions organiques, selon que le sujet a une tendance endoblastique ou une tendance ectoblastique. Cependant, les fonctions d' élimination sont celles qui se manifestent avec le plus d' évidence, aussi sont-elles les premières à être observées. C' est ainsi que le tropisme centrifuge est une des caractéristiques principales de SULFUR.

      " C' est chez l' enfant que ce tropisme est le plus nettement marqué. (... ) L' harmonie de ses formes, jointe à l' heureuse proportion de sa taille, s' accompagne d' un teint frais, légèrement coloré, un teint de bonne santé. "

     Ainsi Henri Bemard  décrit-il l' enfant " SULFUR neutre ".

     A cette apparence correspondent des particularités psychologiques intéressantes à connaître :

     - cet enfant aux vestibules ouverts ( selon l' expression de Corman ) manifeste quand il est en bonne santé ( et on connaît sa vigueur réactionnelle, parfois explosive ) une indiscutable précocité d' acquisitions sensorielles et psychomotrices. Ses

     besoins importants de mouvement facilitent sa découverte du monde extérieur au service d' une curiosité active pour l' environnement... Ce qui peut n' être pas sans danger ! On peut retrouver l' apprenti explorateur en position scabreuse et [es accidents ne sont pas rares ; - adolescent, à l' apogée de ses moyens d' adaptation, servi par son dynamisme congénital et son excellente sociabilité, il est prêt à entrer dans la vie et dans l' action ( qui le tentera toujours à quelque niveau intellectuel et social qu' il se situe ) - si des incidents graves n' altèrent pas son équilibre. 

     Mais il peut s' outrer, s' enfler au niveau du corps et de l' esprit par des excès de toutes sortes, souvent au détriment de la morale et au préjudice de son coeur et de ses artères ( NATRUM SULFUR, NUX VOMICA ).

     Il peut, au contraire, avec moins de risque vital, prendre distance avec la matérialité au bénéfice d' aspirations plus élevées, mais en y perdant, avec son bel optimisme, ses appétits sensuels - et en y " gagnant " parfois bien des ennuis gastro-hépato-intestinaux ( SULFUR maigre, LYCOPODIUM )...

     Enfin ( et la fréquence en est significativement élevée dans ce morphotype ) SULFUR peut, plus que tout autre, développer une pathologie maniaco-dépressive. Mais il s' agit alors d' un SULFUR ayant subi une sorte de mutation, d' un SULFUR qui, sous l' effet de facteurs longtemps occultés ou apparemment inoffensifs, ne peut plus revenir à l' équilibre, oscillant entre deux pôles d' excès, passant souvent de l' un à l' autre en moins de quarante-huit heures :

     - exaltation physique et mentale, décisions impulsives, indifférence méprisante et triomphante à l' égard des contraintes de la réalité, propos hyperboliques, irritabilité, susceptibilité, " fuite en avant " ( en fait défense contre l' angoisse ) ;

     - prostration, asthénie au moindre effort, aboulie, rumination mentale avec sentiments douloureux d' échec existentiel, de démérite, de honte et de culpabilité, avec désir de mourir et idées suicidaires très prégnantes.

     Ce sujet " éclaté " , scindé en deux, ayant perdu son unité ne retrouvant plus son identité, ce n' est plus SULFUR, c' est AURUM METALLICUM, avec lequel nous faisons une entrée ( qui peut être fracassante ) dans le monde de l' ambiguïté, des contradictions, du faux-semblant, de la dystrophie, dont l' analogue ( et non pas l' identique ) est la Luèse et dont les similia sont les remèdes de la série fluorique.

     - SULFUR, qui pousse en carré et en force, a la conscience d' un corps fiable et bien construit. Sa forte emprise sur le réel et son excellente adaptation au monde lui permettent un remarquable équilibre existentiel, s' il apprend à contrôler ses puissants besoins instinctifs ;

 

 

Tarentula Hispanica

 

Caractéristiques.

     Morphopsychotype de base :

     - le plus souvent " phosphorique " ou " phospho-fluorique " ;

     - masculin et féminin ;

 

Modalités

     - extrême  agitation motrice avec besoin de marcher rite, gestes compulsifs et raptus violents ;

     - " sensation de mille aiguilles pénétrant dans le cerveau " , avec chaleur brûlante de la tête ( Duprat ) ;

     - " prurit fourmillant et picotant dans les membres comme par des puces " ( Duprat );

     - surexcitation puis détente par la musique rythmée ( aggravation par le hard-rock ) ( amélioration par la musique douce ) ;

     - aggravation par le froid humide ;

     - aggravation par les contrariétés et les émotions ;

     - aggravation brusque à la même heure de la journée ;

     - amélioration par des frictions légères.

 

Psychisme.

     Excitabilité sensomotrice :

     - hyperesthésie sensorielle: photophobie / hyperacousie ou: amaurose-surdité passagères ( d' origine hystérique );

     - spasmes au niveau des fibres lisses ( respiratoires, intestinaux, pelviens );

     - mouvements choreiformes désordonnés avec gesticulation ;

     - accès convulsifs spasmophiliques et tétaniformes ( sans altération EEG ) ;

     - hypersensibilité du rachis avec sursauts violents ;

     - hypersensibilité des extrémités ( doigts, en particulier ) avec tressaillements ( Boericke );

     - lascivité et sensualité ( Kent ) ;

     - hyperexcitabilité sexuelle intense ( masculine et féminine ), non calmée par les rapports ( cf. PLATINA, CANTHARIS, MOSCHUS ).

     Troubles du caractère et du comportement :

     - agressivité ironique ( involontaire chez le malade mental, volontaire chez l' hystérique )

     - extrême variabilité de l' état mental, pouvant évoluer vers :

     - méchanceté et malfaisance ( Kent ) ;

     - alternance de folle gaieté et de profonde tristesse.

     Délire aigu :

     - angoisse atroce avec délire incohérent et agitation ( cf. HYOSCYAMUS ) ;

     - regard brillant et fixe sans rapport nécessaire avec la situation momentanée;

     - besoin de chanter et de danser ( de manière exaltée ou obsédante ) ;

     - propos absurdes et rires immotivés ( délirants ou par surexcitation hystérique );

     - excitation érotique incontrôlée ;

     - hallucinations effrayantes ;

     - exaltation grandiose de l' imagination ( délire ) ou mégalomanie ( se croit une superstar objet de désir sexuel ) ;

     - soliloquie violente pendant une marche incessante ( durant des heures chez les schizophrènes ), sans attention pour ce qui l' entoure ou ce qu' on lui dit;

     - tendance à déchirer et briser des objets;

     - possibilité de gestes violents imprévus sur soi-même ou pouvant donner des blessures ( coup de poing dans une litre ).

     Décompensation :

     - indifférence aux intérêts habituels et fatigue intellectuelle :

     . chez le nerveux angoissé ;

     . chez le grand malade mental;

     . chez le toxicomane ;

     . chez le débauché ( après surexcitation et excès génésiques );

     - somnolences brusques à la même heure de la journée ;

     - pleurs silencieux avec expression d' égarement;

     - tristesse et humeur maussade chez l' hystérique contrarié ou en situation d' échec.

     L' action de TARENTULA sur les indications cliniques mentionnées semble être la meilleure à la 15° et à la 30° CH.

 

 

Thuya Occidentalis

 

Psychisme

     La plupart des grands remèdes d' action générale sont l' expression de modes réactionnels correspondant à des ensembles sémiologiques cohérents.

     Au niveau psychique, en particulier, ils correspondent à des organisations psychologiques reconnaissables. Celles-ci, bien que pouvant présenter des perturbations que traduisent les symptômes pathologiques contenus dans la Matière médicale, peuvent aussi représenter un modèle particulier de fonctionnement, plus ou moins satisfaisant, par ajustements originaux de l' environnement.

     C' est ce qui permet de définir certaines références psychologiques: lenteur précautionneuse mais rationalité et persévérance de CALCAREA CARBONICA ; expansivité brouillonne mais bonne adaptation au réel et sociabilité facile de SULFUR ; susceptibilité et distance mais vive intelligence conceptuelle de LYCOPODIUM ; fragilité émotionnelle mais créativité de PHOSPHORUS, etc.

     Il en va tout autrement avec THUYA.

     Certes les repérages psychiques de ce remède sont parfaitement connus, mais trop souvent ils ne mènent pas à la connaissance réelle de la personne qui en est justiciable. On ne décrit que l' enveloppe, " le sac " devrais-je dire, dans lequel elle se dissimule, offrant au regard soit l' obésité floue d' un corps envahissant aux limites imprécises, soit une maigreur malsaine, évocatrice de processus inquiétants...

     Mais surtout, comme le sont les symptômes somatiques, les symptômes psychiques sont tous en négatif

     . Anxiété diffuse, existentielle, occupant tout le champ de conscience, accentuée au réveil, comme chez tous les dépressifs occasionnels ou psychasthéniques ( AURUM, LYCOPODIUM ) à la suite d' un sommeil non réparateur.

     . Bradypsychie pouvant en imposer pour un vrai déficit intellectuel: réponses différées, monosyllabiques, difficulté à trouver le mot juste, lenteur avec céphalées empêchantes ( " en clou " ) fronto-pariétales ( surtout gauches ) ou douleurs pointues au vertex, retentissement sur l' activité pratique jusqu' à l' aboulie.

     . Sentiment global de malaise ne pouvant être directement exprimé parce que bien trop anxiogène ( il est vécu honteusement ) et que la viscosité mentale ne permet pas de verbaliser : progressivement, ce mal-être devient obsédant, induisant chez le sujet THUYA les mécanismes de défense habituels en pareil cas :

     - interprétation erronée des sensations cénesthésiques: le ressenti de fragilité corporelle peut aller jusqu' à la conviction de corps cassant, " en verre " , d' où phobie du contact d' autrui, projection de la peur inconsciente d' être " brisé " , c' est-à-dire détruit.

     Chez la femme, les mouvements péristaltiques et les spasmes abdominaux sont assimilés à une présence vivante incorporée ( foetus ou animal ) n' exprimant pas un désir de maternité mais bien plutôt la peur d' être " parasitée " par quelque chose d' étrange et d' étranger qui peut croître, se développer, l' envahir..., peur à travers laquelle peut s' infiltrer ( comme le corps est infiltré ) l' interprétation délirante d' être " sous une influence surhumaine " ;

     évitements phobiques :

     . de la compagnie des autres personnes, non sans nostalgie car THUYA supporte mal la solitude, n' étant bien apte à la meubler ni par des activités concrètes et valorisantes ni par d' agréables fantasmes de compensation.

     Rejetante et rejetée, la décompensation dépressive la guette, que celle-ci soit occulte, traînante ou camouflée sous le masque psychosomatique ;

     . de lecture, vision, audition de tout ce qui concerne les maladies, les accidents, de peur qu' il ne s' agisse d' une prémonition ou d' un avertissement la concernant personnellement ;

     . de tout ce qui peut être menaçant : réunions, sorties, lieux publics, voyages, changements...

     Mais les peurs enkystées resurgissent dans les rêves anxieux de situations dangereuses, de chutes, de cadavres, de funérailles, de malheurs divers...

     Qu' y a-t-il derrière l' accumulation morbide que présente THUYA ?

     Accumulation somatique : obésité globale, infections urinaires et pelviennes, proliférations cutanéo-muqueuses ( verrues, naevi, polypes ), fibromes, tumeurs cancéreuses...

     Accumulation et prolifération de barrières psychiques.

     Plus exactement, qui donc est THUYA ?

 

Stades de la Vie et Constitution.

     I. L' ENFANCE

     On ne naît pas THUYA : on le devient...

     Certes, cela peut se manifester très tôt, que ce soit par le poids d' hérédités sycotiques ou que ce soit à la suite d' incidents pathologiques ou thérapeutiques, dont les séquelles malencontreuses de vaccinations ne sont qu' une des possibilités. Il faut également, me semble-t-il, penser aux accidents obstétricaux, même quand ils sont dits " a minima " mais surtout minimisés ( sinon niés ) par les témoins de l' accouchement, handicapant toute une existence dès son premier jour.

     Mais peut-être, surtout, faut-il rechercher les erreurs alimentaires. Le don de la nourriture vise parfois à compenser celui, insuffisant, de la parole d' amour: on ferme la bouche de l' enfant dont la tolérance à se laisser remplir lui vaut approbation et protection de l' adulte... C' est la perversion de l' oralité.

     Ainsi peut précocement se constituer la problématique de THUYA.

     Il est intéressant, dans ses commencements, de la comparer à la petite fille SEPIA, car de son morphotype originel ( souvent NATRUM MURIATICUM ou SEPIA ) la jeune THUYA conserve des caractéristiques communes.

     Ce sont deux petites filles brunes à la peau mate, au regard sérieux, parfois triste : SEPIA, maigriotte, distante voire farouche, montrant dès ses huit ans un fin duvet brun sur la lèvre supérieure, celle où perle la sueur chez THUYA. Celle-ci, grassouillette surtout au niveau du ventre et des fesses, ce qui accentue son ensellure et contraste avec la finesse des extrémités, est plus avenante que SEPIA, mais l' une et l' autre ne livrent rien d' elles-mêmes au-delà de leur apparence.

     En effet, plus souvent fille que garçon, THUYA, lente dans ses développements, peu précoce dans les acquisitions langagières, se présente comme une enfant tranquille qu' on loue de ne pas être turbulente alors qu' elle aurait besoin d' être stimulée ( physiquement et mentalement ) par une forte activité corporelle.

     Docile, gentille, serviable..., tant et si bien que, déjà, on ne l' observe que superficiellement.

     De ce fait, on sera parfois surpris de ce qu' on appellera un " inexplicable caprice " : refus irrationnel, entêté, invincible, de tel geste apparemment banal ou anodin ou de telle sortie inhabituelle. Il faudrait alors découvrir le sens que l' acte en question a subjectivement pour l' enfant afin de comprendre sa réaction. Car on a peu de chance, en l' interrogeant, d' obtenir autre chose que : " Je sais pas... Je peux pas... " , et certainement pas par la contrainte.

     En effet, la petite THUYA ( qui se laisse former, conformer et déformer pour ne pas être rejetée ) ne peut se permettre de manifester la moindre agressivité qu' en négatif: opposition butée, bouderie, mutisme ; ou retournée contre elle-même : culpabilité, autopunitions obsédantes.

     La scolarité peut lui être pénible. Manquant de promptitude d' esprit et de confiance en ses connaissances ( péniblement acquises du fait d' une mémoire rétive ), les interrogations personnelles la déconcertent, les contrôles et examens l' inhibent, le contact avec les enfants de son âge la gêne : elle ne se mêle volontiers ni aux groupes ni aux réunions.

     Quant à l' univers familial, THUYA y a bien sûr sa place, mais il s' agit d' un espace peu différencié, qu' on pourrait dire interchangeable, à l' intérieur duquel elle semble se satisfaire d' échanges affectifs généralement très formalistes.

     Ainsi, précocement anxieuse et obsessionnelle, ne se distanciant pas des siens dont elle assimile et incorpore les normes et le modèle, THUYA ne peut-elle que difficilement accéder à l' autonomie.

     2. L' ADOLESCENCE

     Dès sa treizième année, le jeune, pour se situer, a besoin d' avoir acquis peu à peu l' aval ( à la fois acceptation et garantie ) de ses parents pour devenir un être différent d' eux, s' il a franchi sans obstacle majeur les stades antérieurs, de pouvoir intérioriser de façon satisfaisante l' image inconsciente d' un corps sexué, source de pulsions admises comme telles. Ainsi peut-il sans trop de périls aborder le passage initiatique de l' adolescence.

     Celui-ci est le moment charnière de l' évolution de THUYA.

     Si la dysrégulation hypothalamo-limbique que contient en potentialité son  évolution préalable se confirme, on aura le tableau sémiologique le plus fréquent de la morphologie et du psychisme de ce type réactionnel.

     . C' est presque toujours le cas chez le garçon THUYA, pouvant même offrir l' apparence du syndrome adiposo-génital sans qu' il soit pour autant affligé d' hypogonadotrophie :

     - obésité globale, gynécomastie, matelassage graisseux abdominal et fessier ;

     - motilité pesante n' empêchant pas l' activité et parfois même l' agitation, avec recherche évidente d' efficacité et de valorisation ;

     - comportement tantôt serviable-passif, tantôt timide-bourru.

     . Chez l' adolescente, la silhouette dite " enveloppée " par définition ne donne donc à voir que l' emballage, emballage qui en même temps protège et dévalorise :

     - protège du regard qu' autrui peut poser sur un corps dont elle n' est pas sûre, regard qui pourrait être de désir et répondre à celui émergeant de l' adolescente...

     - dévalorise ce corps non conforme au modèle esthétique accepté, vécu comme porteur d' une sorte de fatalité douloureuse, honteuse.

     Cette carapace protectrice et humiliante sécrétée par THUYA auto entretient et se renforce tant qu' elle n' est pas brisée, ce qu' elle espère et redoute ( un corps " cassant " ), comme le sortilège ( le mauvais sort ) ne peut être conjuré que par un regard d' amour...

     Encore faut-il qu' elle puisse y croire, que, par peur d' une insupportable déception ( réactualisation des plus anciennes déceptions ), elle ne le récuse en doute...

      " Tu es une belle fille, tu as de belles cuisses, me répétait souvent ma mère quand j' avais huit ou dix ans " , raconte Sophie.

      " A quatorze ans, j' aurais bien voulu la croire encore, mais à l' école, mes copines s' inquiétaient de leur poids, de leur tour de taille, de la cellulite... Et puis, alors que je grossissais de plus en plus et de haut en bas sans qu' elle semble s' en apercevoir, ma mère faisait négligemment valoir, en ma présence, l' élégance de son buste, le dégagé de ses genoux, l' étroitesse des ' jeans " qu' à quarante ans elle pouvait se permettre de porter...

      " Je n' osais pas me l' avouer et pourtant je savais qu' elle le faisait exprès...

      " Plus jamais, ensuite, je n' ai pu avoir confiance en moi, en mon apparence, croire aux compliments d' un garçon, toujours persuadée, ou presque, que ce n' était pas sincère - et je ne peux, à cause de ça, avoir de relations sexuelles. "

     Il n' est donc pas sans intérêt de retenir que l' obésité dont il se masque et dans laquelle il risque de s' incarcérer peut être l' appel à l' aide d' un adolescent en mal de mettre au monde sa nouvelle identité.

     3. THUYA ADULTE

     Lourd d' un passé difficile marqué par une dépendance pérennisée, anxiogène et culpabilisante, et la non-résolution des conflits infantiles, THUYA aborde l' âge adulte sans avoir pu construire sa propre image.

     THUYA existe au masculin. Curieusement, comme dans ses jeunes années, on a toujours tendance ( même les médecins ) à ne prendre en " considération " chez lui que l' apparence qu' il propose et à ne lui répondre qu' à ce niveau, celui du visible :

     - l' obésité, pour laquelle on lui prône un régime hypocalorique ( comme pour lui faire honte ou le frustrer un peu plus ) et de l' exercice physique ( un peu tard... alors qu' il est devenu poussif et qu' il a tant voulu " oublier " son corps ) ;

     - la lenteur psychique, qui lui vaut des psychostimulants et, plus tôt qu' à son tour, des vasodilatateurs cérébraux ;

     - la morosité anxieuse, que les benzodiazépines n' atténuent qu' imparfaitement et qui répond mal aux désinhibiteurs.

     Mais tant qu' on n' a pas ouvert l' enveloppe...

     Julien, 32 ans, interrogé sur le motif de sa demande de consultation, hésite longuement avant de répondre : " Je ne sais pas... " De taille médiocre, gros, gras, le teint brouillé, il semble mal drapé dans des vêtements trop larges et sombres qui répandent une odeur fade.

     L' expression est inquiète mais désabusée, comme s' il était déjà certain de l' inanité de sa démarche. Et, cependant, il s' est laissé tomber dans un fauteuil comme un voyageur épuisé parvenu au terme d' un long et pénible parcours ( ce thème courra longtemps au fil des entretiens ).

     Élevé dans un milieu très fermé, il dit s' être très tôt senti " un poids " pour ses parents, leur avoir " coûté lourd ".., il grossit régulièrement ( sans faire de réels excès de nourriture ou de boisson ) mais avec le sentiment d' être obligé de s' auto-détruire... Comportement eunuchoïde avec les femmes... Soumis et toujours craintif d' être en faute avec sa hiérarchie, il n' a de vraie place nulle part, faute de savoir qui il est... C' est un vérificateur obsessionnel.

     Chez la femme, l' expérience clinique et la répertorisation homéopathique amènent à connaître deux aspects de THUYA :

     . THUYA " grasse "

     C' est la plus évidente et la plus repérable avec son obésité tronculaire aux limites mal définies, masse posée sur des jambes souvent fines et bien galbées, son teint terne et sa peau grasse ( surtout au visage et au cou ) ponctuée de noevi, son aspect las, son anxiété discrètement exprimée comme s' il était de son destin de souffrir et d' accepter qu' il en soit ainsi...

     Ses plaintes, presque en s' excusant, sont centrées sur son pelvis :

     - pathologie urinaire : infections à répétition, polypose vésicale ;

     - pathologie génitale : fibromatose, alors qu' elle parle peu de ses proliférations cutanéo-muqueuses visibles, pas toujours innocentes.

     Toute cette productivité s' ajoutant à celle du tissu adipeux et de l' infiltration hydrique semble se sécréter elle-même, comme se sécrètent et prolifèrent les obsessions et les peurs de THUYA au point de l' engloutir et de lui faire perdre de plus en plus le contact, l' exclure de la communication : son angoisse s' accroît en parlant, sa mémoire lui fait défaut en écrivant, elle peut avoir de courtes obnubilations.

     On la voit rarement gaie et confiante.

     Paradoxalement, elle est moins angoissée quand elle est enceinte. Comme si elle ne se considérait pas responsable de cette grosseur de sa grossesse qui, du reste, est alors montrable, justifiée, honorable et la déculpabilise.

     Le plus souvent la tristesse domine sa thymie, sans aller jusqu' à la véritable dépression mélancolique: plus qu' un désir de mourir, c' est le sentiment de n' avoir pas grand-chose à faire d' intéressant et le renoncement à tout effort pour investir ou réinvestir l' existence.

     Monique, 49 ans ( 1,62 m, 80 kg ), a été suivie pendant trois ans Il 976-1979 ) pour un état anxiodépressif : asthénie ( elle traîne difficilement son excès de poids, supportant mal la chaleur et transpirant beaucoup ), aboulie ( perte des intérêts et de l' initiative ) et surtout préoccupations obsédantes multiples entravant complètement sa vie personnelle et familiale.

     Émotive et très anxieuse de sa santé, de celle de son père et de sa fille, elle nous appelait souvent, un confrère voisin ou moi, nous posant sur ce même thème des questions irrationnelles qui la tourmentaient. A peine était-elle rassurée qu' un nouveau sujet d' inquiétude l' assaillait, sur lequel elle se posait des interrogations sans fin jusqu' à ce que l' angoisse devenue intenable entraîne un nouvel appel, une nouvelle réassurance.

     Peu à peu, ayant reçu encore plus souvent GRAPHITES que THUYA, elle avait ( en dépit d' une entente conjugale plus que médiocre ) retrouvé un calme relatif et accédé à une bonne maîtrise émotionnelle.

     Je la revois cinq ans plus tard, méconnaissable : l' expression du visage est tragique, le faciès est basedowien, elle a maigri de 20 kg...

     Son père, opéré d' un cancer du côlon, il y a deux ans, avec anus iliaque et diverses complications pendant une année, est décédé d' une métastase hépato-pancréatique.

     Craignant de ne pas l' avoir suffisamment entouré de ses soins et s' en culpabilisant, dépressive du fait de la rupture de ce lien essentiel, elle est persuadée qu' elle ne va pas tarder à être atteinte du même mal. De nouveau elle multiplie les consultations, examens, lectures de livres médicaux et appels à l' aide...

     CYCLAMEN et SEPIA apaiseront culpabilité et angoisse, mais en septembre 1985, sur le vu d' un frottis douteux, par prudence elle a subi une ablation du col utérin...

     . THUYA maigre

     C' est le venant actif et dangereux de THUYA. Libérée de cette gangue qui n' appartient pas en propre à sa personne, de cette enveloppe ambiguë ( pouvant servir de provocation érotique ou bien de masque et de protection ), rendue à l' image originelle de son corps ( souvent SEPIA par le détour de LACHESIS ), elle ne peut pas ou ne peut plus enfouir ses conflits, sans pour autant être à même de les résoudre. Elle tente donc de les rejeter symboliquement mais, ce faisant, donne accès à la dynamique autodestructive qu' elle sait porter au fond d' elle-même.

     Aussi voit-on parfois chez un tel sujet l' émergence d' une relative surexcitation physique et mentale, tentative de surcompensation ne sonnant pas très juste, souvent accompagnée d' agressivité et d' ironie amère. Mais cela peut aller plus loin : projection de ses peurs en vécu d' hostilité, parfois en hallucinations ( " croit qu' une personne étrangère est constamment auprès d' elle " ), ou sentiments de partage de la personnalité.

     De même au niveau somatique : les zones de sensibilité douloureuses augmentent, les épisodes inflammatoires sont plus aigus, des productions cutanées longtemps inactives se mettent à évoluer.

     Car THUYA amaigrie, dépouillée de sa housse, mise à nue, libère des processus réactionnels pouvant s' accélérer et devenir incontrôlables à deux niveaux équivalents mais non coexistants :

     - prolifération mentale anarchique et destructrice de la réalité : le délire, vrai " cancer psychique " ;

     - prolifération tissulaire anarchique et destructrice de la matière : le cancer, vrai " délire cellulaire ".

     Telle est l' ambiguïté de THUYA : quand elle se croit affranchie de ses pesanteurs physiques et psychiques, elle est plus que jamais en danger. Car anxieuse, indécise, emberlificotée dans ses obsessions et ses doutes, protégée par son enveloppe, elle doit à son ralentissement métabolique le freinage de redoutables potentialités pathologiques.

 

 

Tuberculinum

 

Généralités.

     LE PSYCHISME DE TUBERCULINUM ET SA PATHOLOGIE

     A vrai dire, il faudrait parler du psychisme des Tuberculines, car la symptomatologie mentale de " TUBERCULINUM " ne lui appartient pas en propre. Je m' explique : primo, ladite " pathogénésie " qui est celle de T.K. n' est pas très riche en signes psychiques. Ils proviennent de l' expérimentation de CLARKE et de MERSCH, des études d' ALLEN et de HERING, mais ils ont été développés dans la Matière Médicale de KENT à partir de Tuberculinum Bovinum.

     De plus, cette symptomatologie est quasi-nulle ou tout à fait absente en ce qui concerne les autres tuberculines diluées.

     Et puis, on est bien obligé de constater qu' elle est, en grande partie un reflet des états physiques auxquels correspondent Tub. Aviaire, Bacillinum de Bumett, Tuberculinum Résid., Tub. Bovinum, Denys, Spengler et Marmorek. Il est bien normal que toute affection fébrile aiguë, survenant chez un individu aux réactions vite épuisées - ou toute période douloureuse et ankylosante chez un rhumatisant frileux, puissent s' accompagner d' anxiété pendant la fièvre, de troubles du sommeil, d' abattement, d' alternance de pleurs et d' irritabilité..., tout comme l' asthénie, l' humeur triste et découragée, l' aversion pour tout travail, surtout intellectuel, vont naturellement de pair avec une convalescence traînante ou des rechutes sans fin de rhino-pharyngites, sinusites, trachéites et autres incidents.

     C' est donc surtout de l' observation et de l' expérience clinique qu' est né le portrait de TUBERCULINUM, un portrait qui ne demande pas une riche palette ni une " matière " épaisse... c' est un pastel, une esquisse, un fusain, une grisaille, avec plus d' ombres que de lumière.

 

Psychisme.

     PROFIL PSYCHOLOGIQUE :

     L' action de Tuberculinum sur le psychisme se développe à trois niveaux :

     - au niveau du sensorium et de l' activité,

     - au niveau émotionnel et de l' humeur,

     - au niveau intellectuel, celui de la pensée et de l' imagination.

     Niveau du sensorium et de l' activité :

     Remède diphasique chez lequel excitation et asthénie alternent, TUBERCULINUM correspond, dans ce domaine, à une grande variabilité de réponses aux stimuli, suivant le degré, lui-même variable, de réactivité du sujet.

     Dans une courte période, ces réactions contraires peuvent se succéder, s' inverser, soit sous des influences extérieures : atmosphériques, par exemple, TUBERCULINUM est extrêmement sensible aux changements de temps, craignant le froid, mal à l' aise avant l' orage, attristé en l' absence de soleil ); les bruits violents des présences étrangères l' irritent rapidement.

     Très réceptif à toutes les perceptions harmonieuses, à la musique en particulier, il peut en être bouleversé à d' autres moments, quand il est épuisé ; il se ferme alors à toute sensibilité de cet ordre, donnant l' apparence de quelqu' un dont les perceptions sont émoussées, qui ne remarque rien, n' entend rien.  

     Aussi irritable que LYCOPODIUM au réveil, il va et vient au long du jour, ne se fixant qu' avec peine, ou par obligation professionnelle, à un travail. Ne supportant pas longtemps la station debout et l' effort physique, plein de difficultés de mémoire et de concentration, son efficacité est réduite.

     Aussi, en fin de journée, conscient de son improductivité, humilié de son incapacité, culpabilisé du temps perdu, est-il pris d' une agitation fébrile, sort-il de l' isolement silencieux dans lequel il se complaît pour tenter encore de " faire quelque chose " et le manifester !

     Mais cette agitation nuit à son repos nocturne : il est assailli d' idées profuses, de fantasmes inquiétants, aussi ne peut-il pas se coucher avant minuit, préférant, s' il le peut, dormir toute la matinée du lendemain... ( comme PHOSPHORUS ). Quand il s' endort, il a des secousses musculaires et des rêves étranges ; il crie en dormant.

     Ce non-actif, en phase sthénique, n' est pas moins plein de projets, de besoins de changements, de déménagements et de voyages. Il faut citer KENT : " le désir de voyager, cet état d' esprit cosmopolite, appartient très fortement à ceux qui ont besoin de TUBERCULINUM. Il apparaît très souvent dans l' expérience clinique ". Au 19e siècle, s' il en avait les moyens, TUBERCULINUM cherchait en ÉGYPTE, en ITALIE, ou au bord d' une Côte d' Azur encore toute neuve le climat aéré, sec et chaud dont il a besoin

     - ainsi qu' à satisfaire son désir de changement... S' il ne promène plus désormais, des poumons à spélonques et une toux émétisante de " poitrinaire " sous les palmiers des côtes méditerranéennes, sa " bougeotte " a pris la forme transcontinentale. Plus cosmopolite que jamais, ce sont maintenant ses rêveries mystiques et ses aspirations idéalistes qui le poussent sur les routes de l' Inde et du Cachemire... Et c' est ainsi que pour le moderne TUBERCULINUM la fumée du Cannabis a remplacé celle de l' eucalyptus des chambres de phtisiques... avec l' attrait pour d' autres dangereux " voyages  ).

     Niveau émotionnel et de l' humeur :

     Fatigable, peu efficace, hypersensible, TUBERCULINUM est un émotif anxieux à l' humeur changeante.

     Triste, abattu, découragé, il réclame le secours de son entourage mais la consolation n' a pas d' effet durable sur ses larmes et son désespoir ( comme NATRUM MUR qui lui ressemble par plus d' un point ), car ce sujet n' a aucune confiance en lui, ni en ses possibilités, ni en son avenir. Cela l' aigrit...

      " Bien que naturellement doux de caractère, il devient taciturne, boudeur, hargneux, chagrin, irritable, morose, mélancolique; ceci même jusqu' à la folie " ( ALLEN, cité par BAUR ).

     Il traverse ainsi des périodes dépressives avec passivité, mutisme, parfois négativisme alimentaire, et des périodes où il retrouve, mais de plus en plus rarement et de moins en moins longtemps, un relatif optimisme, un relatif dynamisme. Quand il est " au creux de la vague  ) ), il essaie de justifier son état par des raisons contingentes, ou il essaie de l' oublier... aussi toute tentative maladroite pour l' inciter à l' action peut-elle susciter une bouffée d' angoisse, le  raptus  ) ) avec réaction agressive : colère clastique bris d' objet : ( il abîme tout, casse tout  ) ). 

     L' " acting-out  ) ), décharge libératoire, peut s' exercer sur autrui, traduisant l' agressivité refoulée : ( l' enfant menace celui qui le gronde  ) ) ( HERING ) - et l' adolescent, tiré de son rêve intérieur, " n' hésite pas à jeter n' importe quoi à la tête de quelqu' un  ) ) ( cité par BAUR ). Cette réaction de colère est suivie d' effondrement, de désespoir, de sueurs et de tremblements. 

     En outre TUBERCULINUM a horreur de toute intrusion dans sa vie personnelle, au point d' être anormalement exclusif pour tout ce qui le concerne. Il éprouve crainte et répulsion pour toute contrainte autoritaire risquant de s' exercer sur lui, en particulier au niveau du corps. " L' enfant est intraitable lors d' un examen médical ".. et le jeune homme, très ému par la consultation de médecine préventive, à l' usine, au bureau ou à l' université, tombe en lipothymie pendant l' auscultation en station debout ou au moment d' une prise de sang...

     Il n' est, en effet, pas très à l' aise avec un corps qui le déçoit. Adolescent, il s' inquiète, on le comprend, d' être toujours fatigué. Il a de vifs désirs sexuels mais ses réalisations sont modestes; épuisé, trempé de sueurs, il a, par la suite, des tiraillements musculaires dans les jambes et un cercle de fer sur le front. La " salaces phtisiae. " ne suffit pas... " Il prend un teint cireux et pâle, avec des éruptions rouge-pourpre d' aspect modulaire " ( KENT ). Cette apparence le préoccupe parfois avec excès : " il en arrive même à se trouver laid : c' est pour lui une certitude et ses aversions personnelles deviennent presque une manie " ( BAUR ). Il se regarde, il s' examine, ne tarde pas à se découvrir une insupportable dystrophie ou une déformation, une modification qui le polarise dangereusement. Il a du mal à " se reconnaître ". C' est la dysmorpho-phobie de l' adolescent.

     Les peurs, concrétisations de son anxiété profonde, peurs définies ( des chiens. " des grands chiens noirs " , en particulier, disent les disciples de KENT ) et la peur plus insidieuse " qu' il arrive quelque chose " , d' une " catastrophe approchante " , existe toujours.

     C' est un aspect constamment présent dans la mentalité de TUBERCULINUM, que ce soit simple pusillanimité, difficulté de décision et de responsabilité, peur de toute action, de toute initiative, de toute adaptation, ou, plus globalement, angoisse existentielle, avec lassitude de vivre et désir de mourir.

     Dans un monde d' efficacité et de rendement, TUBERCULINUM ne se sent pas à sa place, étranger, inutile, dévalué, à charge parfois à son entourage. La tentation de  s' en aller " peut-être alors grande : c' est se délivrer en libérant " les autres "..., quand on ne peut même plus compter sur la diligence du B X. pour vous rendre ce service...

     Niveau intellectuel : la pensée de l' imagination :

     D' intelligence précoce, avec plus d' esprit de finesse que de fortes structures logiques TUBERCULINUM dans sa phase sthénique est un sujet brillant : son hyperactivité cérébrale à pensées toujours mobiles et changeantes, le porte évidemment à parler d' abondance ". Il cultive le paradoxe et la fantaisie, il saute d' un sujet à l' autre, il a l' esprit clair et plein d' idées. Une sensibilité fine, une imagination active, jointes à une intelligence éveillée, font de lui un artiste-né. L' enfant se raconte de merveilleuses histoires, l' adolescent écrit des poèmes mystiques et sentimentaux ou dessine d' étranges paysages surréalistes...

     Mais il y a toujours l' autre versant, le risque de la phase dépressive : fléchissement des intérêts, difficulté de plus en plus grande de concentration, donc de compréhension, donc, bien entendu, de mémoire. La compréhension devient ponctuelle mais n' est pas " engrammée " semble-t-il. Suivre des cours est difficile; les prendre en notes, impossible ; il n' est même pas question de s' en souvenir...

     Comment, dans ces conditions, ne pas avoir en aversion le travail mental quand il demande un effort harassant et n' apporte, en fin de compte, qu' échecs et constat d' incapacité ?... Peu à peu l' éventail des possibilités se resserre : trouver du travail devient une gageure quand il ne faut ni effort physique, ni effort mental, ni trop de bruit ni trop de gens... et qu' on a, cependant, une intelligence honorable... mais privée de moyens d' expression.

     Un degré de plus et soutenir une conversation devient pénible et angoissant ; il faut en même temps essayer de comprendre et sauver les apparences... C' est une dérision !

     Que faire, alors, si on n' est pas secouru, secouru par le remède ( et la ) parole, sinon battre en retraite et s' isoler, s' enkyster dans un imaginaire peuplé de thèmes grandioses, fantastiques, gratifiants...

     TUBERCULINUM le fait très bien, trop bien... Quand il revient à la vie journalière, celle-ci perd pour lui beaucoup de son intérêt et de son " fief.., donc de sa réalité.  impression que tout est étranger autour de lui et se comporte comme à la limite de la démence " écrit DUPRAT.

     On ne saurait être plus clair : l' indifférence a succédé à l' exaltation. N' ayant pas rencontré les occasions de se structurer ( motivations d' avenir, relations amoureuses ) TUBERCULINUM s' abandonne... A la limite c' est ce grand malade figé dans une immobilité protectrice d' une catatonie tombale.

     Ainsi découvrons-nous la richesse du psychisme de TUBERCULINUM. Mais encore faut-il insister sur deux caractères généraux de ce nosode qui lui donnent une place éminente dans la pharmacopée du psychiatre homéopathe :

     1 ) l' alternance constante entre états dépressifs et syntonie relative, avec une grande fréquence d' inversion, d' où la difficulté, sur une telle base psychosomatique, de construire une personnalité stable et cohérente. Ici les vues en positif et en négatif se succèdent de manière imprévue, avec une tonalité déconcertante de bizarrerie, de malaise indéfini, d' intrusion dans un monde où les repères et les structures formelles n' ont plus cours...

     2 ) Une alternance, ayant valeur d' équivalence, entre symptômes psychiques et symptômes physiques. Citons KENT :  Personnes qui sont au bord de la folie. Il est exact que la tuberculose et la démence sont des états convertibles l' un en l' autre. Bien des tuberculeux traités et guéris, bien des tuberculeux pulmonaires, dont la phtisie vient tout juste d' être écartée, sombrent finalement dans la démence. Certaines personnes qu' on a guéries de leur folie deviennent tuberculeuses et meurent, révélant ainsi le caractère profondément enraciné de leur mal. Les maladies mentales et les maladies pulmonaires sont interchangeables ".

     Tout cela, bien. sûr, doit être replacé dans son contexte historique et mieux vaudrait parler symptômes qu' entités nosologiques. Mais, il n' y a pas si longtemps, certains maîtres de la psychiatrie n' auraient pas renié les affirmations de KENT ( BAUDOIN, en particulier, me disant le 18 Mars 1969, à PARIS : la schizophrénie c' est la forme psychique de la tuberculose " ).

     Le spectre de la phtisie qui hantait jadis les familles, n' aurait-il fait que changer  d' identité et de secteur mais non pas de nature ?...

     Car on ne voit que trop bien où mène cette route si on se remémore la symptomatologie mentale de TUBERCULINUM : De la simple mais inconfortable " patraquerie " chronique où dominent asthénie, hypocondrie, hyperémotivité ( psychasthénie ) aux différents aspects de la " crise adolescente " dont la dysmorphophobie ( que TUBERCULINUM a en commun avec NATRUM MURIATICUM, STAPHYSAGRIA, KALI BROMATUM, PHOSPHORUS ), à l' entrée dans la pathologie psychiatrique rappelant la période d' envahissement schizophrénique ( quand rien n' est encore constitué mais que tout devient possible - et, du reste, quelle merveilleuse efficacité salvatrice quand on a la chance de prendre le cas à ce stade, avec 15 à 20 ans de recul pour mes observations les plus anciennes ).

     Dans ce psychisme de TUBERCULINUM tout se voudrait pur, aérien, immatériel. pour mieux échapper aux brutalités du réel ( d' où le grand danger de " cassure " que sont pour lui les confrontations éprouvantes avec l' entrée dans le monde du travail, l' entrée à l' Université et surtout le Service Militaire qui le gratifie en outre du B.C.G. car sa cuti s' est souvent négativée ).

     Pur, aérien, immatériel... comme le mouvement giratoire qui emporte " Giselle " dans sa valse démente, comme la transparence aquatique où gît, dit SHAKESPEARE, " la pauvre Ophélie séparée d' elle-même et de son clair jugement... ".

 

Clinique.

     APPLICATIONS EN PSYCHO-PATHOLOGIE :

     Depuis les trente dernières années, à l' inverse de ce qui s' était produit au moment des expérimentations, les sujets justiciables de TUBERCULINUM nous ont beaucoup plus appris sur les modalités de leur psychisme que sur celles de leur pathologie physique. étendant ainsi le domaine de notre connaissance et de notre pouvoir.

     Il n' est pas jusqu' à l' apparence de ces malades qui ne se soit, au moins d' après l' expérience européenne et nord-américaine, quelque peu modifiée. On voit beaucoup plus rarement que jadis de ces grands états de délabrement organique avec déminéralisation, décalcification, atteintes inflammatoires des muqueuses respiratoires et digestives, des séreuses péritonéales et articulaires ou des phanères avec lésions cutanées, folliculites, dermatoses irritatives, orgelets, blépharites,... Lorsque c' est le cas, il s' agit soit de sujets victimes de conditions de vie misérables avec malnutrition, soit de porteurs de lésions graves, tuberculeuses en particulier, ou de troubles psychiatriques décompensés. Mais il faut aussi, devant une telle symptomatologie et en l' absence des étiologies précitées, penser à la possibilité d' une toxicomanie.

     Le plus souvent les malades de TUBERCULINUM, et surtout ceux que leur pathologie conduit aux psychiatres, sont des sujets florides, soit que l' expression de leurs troubles. reste limitée à la sphère psychique, soit que, déjà traités par la thérapeutique classique, ils aient revêtu l' aspect empâté dû aux effets secondaires des neuroleptiques.

     Les épidémiologistes pourront voir dans cette transposition clinique de TUBERCULINUM un de ces déplacements du champ de virulence dont l' histoire de la médecine offre quelques autres exemples. Là où progressent hygiène, dépistage, précocité et efficacité dans le traitement des maladies organiques, le génie pathogène émigre vers des domaines moins bien défendus.

     Les psychosociologues et les antipsychiatries interpréteront ces faits comme une démonstration de leur thèse : l' actuelle prédominance pathologique mentale de TUBERCULINUM est une maladie de société, une métastase morbide de civilisation. L' excès de bien-étre matériel et de " sécurité somatique " ne permet plus à l' angoisse de se manifester au niveau du corps, c' est-à-dire par la pathologie organique, mais pas davantage par des comportements qui ne soient pas " socialement adaptés... ".

     Ainsi coincé entre deux impossibilités d' expression, toutes deux, du reste, déjà plus ou moins pathologiques, TUBERCULINUM peut n' avoir d' autre issue que la " déviance " mentale : déni du réel dans les fantasmes de l' imaginaire ou retrait autistique et perte des instincts vitaux.

     Tout son malheur, en effet, qu' on l' appelle " handicap génétique ", " fragilité constitutionnelle " ou " défaut d' équipement psychique " est une prédisposition morbide à mal se défendre, des agressions somatiques aussi bien que psychologiques, une congénitale difficulté à vivre et à survivre....

     Quoi qu' il en soit, actuellement comme autrefois, le psychisme de TUBERCULINUM est bien caractéristique :

     1 ) Même dans sa phase d' équilibre, la fatigabilité, toujours latente, alterne avec des moments d' activité euphorique et même de surexcitation : fatigabilité intellectuelle, surtout, mais aussi cénesthésique ( musculaire, sensorielle ). L' asthénie peut devenir telle que c' est le symptôme majeur dont se plaint le ( souvent la ) malade, qui focalise sur ce " manque de forces " ( non authentifié, organiquement, par la tension artérielle et les épreuves de myographie ), toute son incapacité névrotique à agir. Mais l' asthénie peut être aussi le prétexte à s' isoler dans la réclusion pathologique...

     2 ) Vulnérable dans sa résistance physique, TUBERCULINUM l' est aussi dans sa résistance à l' effort intellectuel et c' est souvent par là qu' il entre dans la pathologie pré-psychiatrique, qu' il éveille notre attention et notre inquiétude : alternance d' enthousiasme studieux et de désintérêt progressif, de confiance et de doute, d' exaltation et d' indifférence...

     A l' application efficace de l' étudiant succèdent des journées de totale incapacité au travail, aux moments d' inspiration créatrice de l' artiste, de longues périodes de stérilité. L' imagination et l' idéation sont tantôt vives et précises, tantôt floues, noyées dans une brume dont il est difficile de sortir. Il est plus douloureux encore d' avoir besoin de faire attention, de comprendre vite, de soutenir une conversation : au stade de décompensation l' effort peut devenir insupportable et atroce la prise de conscience de cette dégradation.

     3 ) Mais la plus dangereuse faille dans les défenses psychologiques de TUBERCULINUM est au niveau de son affectivité. Hypersensible aux stress émotionnels, avec ses intenses besoins de certitude et de sécurité ( comparables à ceux de PULSATILLA ), mais aussi très soucieux du respect de son indépendance ( autant que NATRUM MURIATICUM et que PHOSPHORUS, qui lui ressemblent si souvent ), toute dysharmonie dans son environnement le blesse, toute frustration affective, réelle ou vécue comme telle, peut être source de décompensation dépressive.

     On pourra bien épiloguer sur les fautes éducatives commises à son égard, stigmatiser les erreurs des parents, des maîtresses et de la Société toute entière... il y a ce fait irréductible d' un être fragile qui n' a pas toujours été reconnu comme tel et qui a fort bien pu, du reste, pendant des années, ne pas se révéler ainsi...

     Dans son comportement, TUBERCULINUM, tantôt doux et fraternel avec autrui, tantôt hargneux et solitaire, peut être sujet à des raptus de violence par décharge d' agressivité de défense, tour à tour vindicatif et généreux, cynique alors qu' il est épris d' absolu en morale comme dans tout autre domaine.

     Ces contradictions s' expriment aussi, par ses besoins de changements, ses incessants projets, son désir de faire d' autres études, d' exercer un autre métier, de changer d' existence. C' est, chez lui, nécessité pour stimuler un goût de vivre qui s' épuise facilement mais aussi espoir d' être mieux " ailleurs ".

     On voit ainsi nos jeunes TUBERCULINUM abandonner études et familles, profession et confort ( eux pourtant si frileux ! ) pour se faire bergers dans les montagnes ou voyageurs sans frontière... Tout cela ne mène trop souvent qu' à l' effondrement physique, à la dépression nerveuse ou au rapatriement sanitaire... Mais c' est parfois aussi une sorte de " réparation thérapeutique " et le début d' une reconstruction plus solide de la personnalité...

     Quand une telle symptomatologie psychique reste à l' état de tendances, grâce à une sthénicité générale de bonne qualité et à des conditions affectives et existentielles particulièrement heureuses, TUBERCULINUM échappe à ses dangers les plus graves. " La faille ". ( comme l' a si bien décrite et nommée Bruno CASTETS ) pourra se révéler à l' occasion. d' un choc émotionnel ( maladie, deuil, perte de sécurité affective ), par un épisode dépressif ou par le passage à l' organicité que ce soit une tuberculose ( laryngée, pulmonaire, péritonéale ) ou une maladie psychosomatique...

     C' est une chance pour tout le monde lorsque des moyens intellectuels suffisants ( imagination et capacité créative ), joints à une aptitude artistique élective, qu' elle soit littéraire, musicale, graphique ou don pour animer la matière, permettent à de tels sujets, fragiles mais bien doués, d' exprimer ce qu' ils portent en eux d' original et d' incommunicable par une autre voie... malgré les périodes d' asthénie, de stérilité et de découragement, malgré le danger de combattre cette faiblesse par la stimulation artificielle du recours aux toxiques ( alcool ou " drogues " ), malgré quelques épisodes morbides... Tant que le besoin et la capacité de créer persistent, l' équilibre reste possible. Sinon, le suicide représente toujours une tentation...

     Mais il y a tous les autres sujets justiciables de TUBERCULINUM. Beaucoup, heureusement, ne sont qu' à peine teintés de sa " mentalité " , de façon transitoire et quasi-physiologique ; d' autre s' avancent plus avant dans sa dangereuse pathologie jusqu' à en offrir le plus dramatique exemple.

     Les applications cliniques de TUBERCULINUM en psycho-pathologie, selon mon expérience, sont variées :

     1 ) Relativement rare, au cours de l' enfance, sur la notion prédominante de troubles psychiques, l' indication est cependant précieuse. après traitement soigneux des nombreux incidents physiques, chez ces petits malades (  rappelant SILICEA ) habitués à la solitude par leur constante pathologie, rêveurs et imaginatifs - et chez d' autres enfants : instables, agités " hyperkinétiques " opposants et violents. ayant la phobie d' être touchés. ( même par leur mère ), " ( intraitables pendant l' examen médical " , dit BAUR, citant KENT.

     La crise adolescente, dite aussi " crise d' originalité juvénile " , avec son excitation hypophysaire physiologique et les modifications habituelles de la pensée, de l' humeur et de l' affectivité, caractérisées par leur variabilité, rappelle beaucoup ce que nous savons de TUBERCULINUM. .

     Au-delà de la normale peuvent survenir les accidents de gravité différente :

     - la spasmophilie juvénile correspond à l' hyperesthésie sensorielle de notre remède, à ses réactions excessives aux influences extérieures. ( IODUM et SPONGIA ont des modalités voisines ).

     - Les perturbations psycho-alimentaires résultent d' une difficulté à intégrer les modifications post-pubertaires du schéma corporel mari constituent aussi un essai de régression infantile pour éviter lés problèmes posés par la sexualité. ( SILICEA, ABROTANUM, MICA, SANICULA sont ici en relation de comparaison avec TUBERCULINUM ).

     2 ) Le syndrome dysmorphophobique ( " TUBERCULINUM se trouve laid " dit ALLEN ), signe encore plus l' inacceptation du corps, d' un corps différent, modifié, méconnaissable. Ce syndrome si caractéristique de l' adolescence peut entraîner des conduites auto-mutilatrices et même destructrices... Il est parfois le premier signe d' une évolution morbide.. ( comparer : KALI BROMATUM, NATRUM MURIATICUM, PHOSPHORUS et STAPHYSAGRIA ).

     3 ) Les syndromes schizophréniques ( schizophrénie simple, hébéphrénie, etc. ) sont certainement les affections mentales les plus graves de l' adolescent et du jeune adulte. Elles représentent un échec d' évolution vers la maturité, sans qu' on puisse encore avoir le droit ni le moyen d' en affirmer les causes profondes et pas davantage les processus avant leur éclosion clinique.

     Le fléchissement des intérêts habituels, l' apparente indifférence affective, l' isolement et la rêverie, fréquents chez tout adolescent, prennent ici une importance qui empêchent bientôt les activités normales. Les moyens d' acquisition ( attention, concentration, mémoire ) s' effondrent... et cet effondrement intellectuel laisse place à des productions imaginatives permettant d' esquiver les contraintes de la réalité et le désespoir de ne pouvoir s' y ajuster : (   impression que tout est étranger autour de lui et se comporte comme à la limite de la démence " écrit DUPRAT ). Les bizarreries du discours et la dissociation de la pensée, les stéréotypies verbales et la rationalisation morbide sont des mécanismes de défense contra-phobique pour conjurer le désordre mental.

     Enfin, la tonalité affective oscille entre le repli farouche sur soi pour se rassembler et tenter de lutter contre l' atroce angoisse de dépersonnalisation ( dédoublement ou dislocation vécus comme de monstrueux fantasmes ) et des comportements d' appel au secours, souvent indirects ou symboliques, dont la tentative de suicide est le plus fréquent.

     Toute la pathologie psychique de TUBERCULINUM est ainsi exprimée avec son maximum d' intensité.

     Donné à temps, dès les signes prémonitoires de la maladie et répété dès que s' annonce un nouveau fléchissement, jusqu' à ce que la personnalité se structure, en tâchant de lui éviter trop d' efforts d' adaptation à des situations nouvelles ou éprouvantes - TUBERCULINUM peut tout enrayer et véritablement " guérir ) ).

     Quand le syndrome reste discret, compatible avec une existence socialement et affectivement acceptable, le remède peut apporter une amélioration considérable.

     Mais quand la personnalité est depuis longtemps devenue morbide, avec une activité délirante de défense et de compensation, il faut être très prudent avant d' utiliser notre thérapeutique : des aggravations difficilement maîtrisables sont possibles et il faut honnêtement mesurer le ( bénéfice  ) ) que peut procurer à un malade l' échec d' une espérance ou une amélioration éphémère dont il sort cruellement déçu sinon désespéré.

     Il peut y avoir en psychiatrie, l' heure inéluctable des neuroleptiques comme il y a. en médecine interne l' heure chirurgicale : on a le devoir de le reconnaître et de s' y soumettre.

     4 ) Certaines névroses de l' adulte peuvent, à un moindre degré, sans doute, mais non sans efficacité, être traitées par TUBERCULINUM quand des signes majeurs de sa pathogénésie sont présents :

     - de nombreux états psychasthéniques dont la symptomatologie immédiate peut être celle d' IGNATIA, de NATRUM CARBONICUM, de SEPIA, de LYCOPODIUM... Cependant la stabilisation ne sera assurée que par la prise du nosode.

     - quelques névroses d' angoisse, chez des personnalités de type schizoïde, auxquelles l' aide de la psychothérapie sera, d' autre part, nécessaire.

     - surtout, un grand nombre d' asthénies psychogènes, d' asthénies névrotiques, avec peu de troubles d' accompagnement au niveau mental sinon cette mise à distance de l' action et du monde extérieur qu' est la " fatigue-refuge "... et des malaises variables et interchangeables, qui font de certains malades d' éternels valétudinaires.

     - enfin, on ne peut citer qu' à titre exceptionnel, certains épisodes confusionnels de la sénescence ( vers 60 ans ), chez des sujets proches de SILICEA ou d' ARSENICUM  album. La biographie du malade peut même apporter la notion d' une bouffée confuso-onirique survenue de l' adolescence évoquant étonnamment les signes de TUBERCULINUM...

     Il ne faudrait pas, pour autant, oublier que la décompensation ne se produit pas toujours, ou toujours gravement, chez des sujets du type psychologique qui vient d' être décrit.

     Menacés mais enthousiastes, vulnérables mais idéalistes, à mi-chemin du rêve et de la réalité, épris d' harmonie et de beauté, il y a, aussi, des TUBERCULINUM heureux;...

 

 

Valeriana

Généralités

     voici encore un remède végétal, au nom familier, évocateur d' apaisantes préparations destinées à permettre une nuit calme, un sommeil paisible. Il jouit d' une fort ancienne et honorable réputation thérapeutique dans ce domaine, mais sa préparation selon la méthode homéopathique développe bien d' autres possibilités.

     Il s' agit cependant ici d' un remède " symptomatique " correspondant à certains modes réactionnels particuliers, mais non à une structure morpho-somato-psychique évocatrice d' un " type de personnalité " identifiable.

     Son action pharmacologique, caractérisée par une alternance d' effets stimulants et d' effets dépresseurs, produit une efflorescence de manifestations neurovégétatives, changeantes, coexistantes, successives qui, toutes, ont la spécificité du remède :

     - variabilité ;

     - amélioration par le mouvement.

     Pour l' observateur, il existe une double symptomatologie :

     - subjective et surabondante, avec normalité de tous les contrôles biologiques;

     - objective et restreinte, où quelques anomalies s' avèrent fonctionnelles et non pas lésionnelles.

     Double symptomatologie correspondant à un double déséquilibre :

     - hypersympathicotonique, qui entraîne :

     . hyperesthésie sensorielle ;

     . excitabilité réactionnelle ;

     . spasmes ;

     . contractures ;

     - hypervagotonique, responsable de :

     . hypersensibilité émotionnelle ;

     . fréquence des lipothymies ;

     . sensations de distanciation avec la réalité ;

     . troubles perceptifs et " hallucinose ".

 

Psychisme

     Il découle des modalités du remède et s' exprime par l' instabilité du comportement, la labilité de l' humeur et les perturbations mentales.

     a. Instabilité du comportement

     Elle se traduit dans les conduites habituelles par :

     . La fragilité de l' attention :

     - écoliers agités qui écoutent pendant quelques minutes mais sont rapidement distraits, souvent sans en être conscients, et qui ont du mal à " faire le lien " quand ils sont de nouveau attentifs ;

     - personnes qui se plaignent de n' avoir retenu que des bribes d' une consigne par faiblesse de leur niveau d' écoute ;

     - sujets qui, ne regardant que par à-coups un objet à mémoriser ( démonstration ou paysage ) et croyant avoir tout saisi, n' en conservent que des traces partielles ;

     . Le besoin de variété dans l' action :

     - au plus simple, c' est la passagère ( plus rarement la conductrice ) qui, en auto, éprouve toutes les demi-heures la nécessité d' un " arrêt-pipi " ( aggravation par l' immobilité ) ;

     - incapacité de se tenir à la même tâche pendant une certaine durée, besoin d' alterner les occupations, besoin d' entrecouper le travail par impossibilité de maintenir une cadence régulière ;

     . La difficulté à supporter une contrainte :

     L' obligation ( circonstancielle, professionnelle, par exemple chez des travailleurs à la chaîne ) de maintenir attention et rythme dans la monotonie d' une action déclenche chez de tels sujets des malaises divers, tous aggravés à jeun, par la station debout et l' immobilité :

     - sensations d' engourdissement crampoïde au niveau des membres supérieurs ( le plus souvent à droite chez des droitiers ) avec crispation de la main en écrivant ou en début de nuit ( acroparesthésies nocturnes ) ;

     - sensations de contractures musculaires au niveau du cou et du thorax :

     . crises de suffocation avec " boule à la gorge " ( globus hystericus ) ;

     . crises de pseudo-asthme ;

     . crises de tachycardie et de faux angor ;

     . bouffées vasomotrices avec sueurs et rougeurs rappelant des symptômes très voisins d' IGNATIA, SUMBUL ou LACHESIS.

     Mais aussi trois sensations particulières à VALERIANA :

     . sensation de suffocation " comme par un fil pendant dans la gorge " ( semblable à l' étouffement ressenti par quelqu' un qui a avalé un fil de haricot vert avec sensation de fausse route laryngée ) ; cette sensation peut être accompagnée de nausées. ( Cf. COCCUS CACTI, IPECA ) ;

     . contractures douloureuses remontant de l' ombilic à la gorge, causant des spasmes et tics du visage ;

     . contractures douloureuses descendant du vertex à la région lombaire avec sensation de froid glacé ;

     - spasmes gastro-intestinaux :

     . hoquet et nausées;

     . colique spasmodique sèche ;

     . crises de ballonnement ;

     - stimulation de l' excrétion urinaire :

     . polyurie;

     . pollakiurie ( diurne et surtout nocturne ) ;

     - crampes dans les membres inférieurs, comme on en voit dans certaines sciatiques ( améliorées en marchant ), tendinite achiléenne ( cf. ANACARDIUM ) ou tarsalgies.

     Mlle Catherine A..., 60 ans, doit recevoir, au jour de sa retraite d' infirmière hospitalière, les insignes de chevalier de l' ordre du Mérite des mains du maire de sa ville, en présence des chefs des services dans lesquels elle a exercé, avec discours, vin d' honneur, etc. c' est une habituée des bilans de santé, examens de laboratoires et autres investigations médico-biologiques... que ses patrons ne lui refusent jamais ( bien que les résultats en soient toujours normaux ) sachant que son infatigable dévouement va de pair avec des manifestations " pathologiques " aussi spectaculaires que sans gravité ( qui en sont, bien sûr, la " revanche "... non " revendiquée " ).

     Au jour prévu, coiffée du matin, pomponnée, vêtue de neuf, elle arrive à l' hôtel de ville, mais les autorités se font attendre... Mlle A..., debout près du buffet, émue, la gorge serrée, piétine, essayant de " garder la pose " , de bavarder avec quelques invités. Par émotion et " pour se sentir plus légère " ( me racontera-t-elle plus tard ), elle n' avait pas pris de repas de midi.

     Elle commence à ressentir un drôle de malaise, plutôt nausée que faim, chaleur au visage, impression de faiblesse, puis spasmes de plus en plus violents à l' abdomen, gonflement rapide avec besoin pressant d' uriner. Elle doit courir aux toilettes... un peu trop tard : elle a commencé à se mouiller, un énorme ballonnement tire sur ses cartilages costaux inférieurs et pousse le nombril en avant, une colique sèche ne lui permet qu' à peine d' émettre quelques gaz... En vitesse, gaine et slip sont retirés et enfouis dans le sac à main, heureusement de benne taille ! Par chance, une épingle de nourrice s' y trouve, permettant d' élargir un peu, sans qu' elle glisse, la jupe du tailleur... En plein désarroi et la coiffure en bataille, Mlle.... se hâte vers la salle de réception où M. le maire vient juste de faire son entrée... Il était temps !

     Venue plus tard à la lecture d' une Matière médicale homéopathique, après s' être reconnue dans un portrait d' IGNATIA, elle a aussi identifié ( non sans un certain dépit ) l' épisode de son jour de gloire : " oh ! ce n' était que VALERIANA ! "

     Les modalités spécifiques d' aggravation du remède étaient, en effet réunies :

     - les circonstances émotionnantes ;

     - le jeûne;

     - la contrainte d' attendre debout dans l' immobilité.

     Toute cette symptomatologie réactionnelle peut coexister, alterner, se succéder jusqu' à un état de malaise croissant où apparaissent les signes de la décompensation vagotonique :

     - lipothymies: malaise, défaillance, sensation de faiblesse et de perte d' équilibre sans perte réelle de connaissance avec sensation de froid localisé ou généralisé, ou de brusques bouffées vasomotrices ( cf. MOSCHUS, SUMBUL, CAMPHORA ) ;

     - sensation de " planer " physiquement et psychiquement, c' est-à-dire :

     . impression de légèreté et de lévitation ( qui peut être favorisée par le 

     jeûne, l' alcool, un toxique ) avec perte de la sensation du poids propre ;

     . paresthésies de siège et d' intensité variables ( visage, membres ) ;

     . hyperesthésie auditive, en particulier aux sons aigus qui sont perçus intenses et sifflants ( cf. THERIDION, OPIUM ) ;

     . sensation d' être " à distance de la réalité " , " en état second " , " comme dans un rêve " , disent les malades, avec accompagnement plus ou moins marqué des symptômes précédents.

     b. Labilité de l' humeur

     Il s' agit d' une alternance rapide de la tonalité - expansive ou dépressive du caractère, de la sociabilité et de l' affectivité.

     Ce n' est donc ni la périodicité presque pendulaire de LACHESIS, ni les phases antagonistes de LILIUM TIGRINUM ou d' ACTEA RACEMOSA si souvent liées au rythme du cycle oestral, ni ( malgré l' amélioration par le mouvement et le comportement agité ) l' excitation motrice de TARENTULA HISPANICA par laquelle le malade justiciable de ce remède tente de fuir une angoisse vitale.

     Le besoin de mouvement de VALERIANA est un besoin de changement, un besoin de diversion beaucoup plus marqué et habituel que dans le tableau clinique d' IGNATIA où l' amélioration par la distraction est temporaire, mais avec besoin de silence, de solitude et d' immobilité pour méditer une souffrance.

     Les repères d' identification du remède sont ici les suivants :

     - hypersensibilité aux influences extérieures, à l' ambiance, aux saisons, avec réactions négatives à la solitude, en soirée et surtout au début de la nuit, porteuse de fantasmes ;

     - malade nettement influençable par autrui, par les lectures, images, informations, d' autant plus qu' il est question de faits mystérieux, extraordinaires ou effrayants ;

     - succession surabondante et rapide de flashes mentaux, qui sont beaucoup plus des impressions irraisonnées que des " idées " rationnelles ; moments d' excitation, moments de déprime, sans qu' il s' agisse d' un véritable état psychiatrique de dépression nerveuse ;

     - hyperacuité sensorielle ( images, sons ) pouvant être génératrice d' un état d' émotion intense, avec interprétation erronée des perceptions ;

     - peur de tout, sans objectivité ni mesure, par faiblesse du contrôle émotionnel et absence de contrôle et de critique de l' imaginaire. Tout est majoré et dramatisé, d' où possibilité de craintes pathologiques :

     . brusque sentiment d' être en danger ou de risquer d' être blessé,

     . sentiment d' étrangeté de l' environnement, " les pièces lui semblent vides et désolées " ( Tyler ),

     . jusqu' à des impressions fugaces d' irréalité et des visions hypnagogiques au début de l' endormissement ( cf. MEDORRHINUM ). Il ne s' agit pas d' hallucinations, car elles n' entraînent pas pour le malade une conviction de réalité.

     Qu' en est-il donc de la structure psychologique de patients ( en très grande majorité de patientes ) présentant une pareille symptomatologie ?

     . La plupart du temps, l' indication de VALERIANA se rencontre chez des femmes jeunes :

     - de niveau intellectuel médiocre, ayant un faible degré d' autocritique, personnalités instables et immatures ;

     - à l' affectivité pauvre, à la moralité vague, très narcissiques et égocentriques ;

     - assez souvent de " type sensible " NATRUM MURIATICUM.

     Sa " fiche signalétique " un peu caricaturale, pourrait être la suivante :

     Jeune femme, 32 ans, employée de bureau, divorcée, un enfant, quelques aventures " sentimentales " , prenant la pilule, fumant un paquet de cigarettes par jour, très impressionnable et suggestible, nerveuse et irritable, sujette à présenter, surtout en cas de difficultés ou de conflits, tout un éventail de manifestations spasmodiques, voire tétaniformes. Bien entendu, elle se dit atteinte de spasmophilie parfaitement normocalcique...

     On est là, bien évidemment ( variabilité du comportement, labilité de l' humeur, suggestibilité, narcissisme ), dans le registre du fonctionnement hystérique.

     . L' indication peut se rencontrer également chez des personnalités fragiles au cours d' une période de décompensation dépressive :

     - femmes vivant difficilement une période de changement de vie ( ménopause, départ des enfants, séparation, deuil ), assez souvent de structure psychologique plutôt voisine de SEPIA ou de LACHESIS, plus rarement de PLATINA, mais jamais très bien équilibrées ;

     - jeunes gens ( filles plus souvent que garçons ) présentant par périodes des troubles psychiques alarmants, alternant avec une symptomatologie plus rassurante qui sert de masque et de défense, dans le cadre de ce qu' il est convenu d' appeler les " états-limites " ;

     - des jeunes gens ( garçons plus souvent que filles ) homosexuels, toxicomanes, chez lesquels l' immaturité psychoaffective est directement en cause dans leurs troubles comportementaux.

     VALERIANA, qui ( en dilution généralement moyenne, 9 CH ou 15 CH ) peut être un excellent régulateur de toute une pathologie neurovégétative courante, plus gênante et impressionnante que grave ( 80 % des indications du remède ), n' est cependant pas sans utilité ( à condition de toujours en user sans excès, " à la demande " ) pour faciliter l' expression plus authentique de syndromes plus graves et permettre d' identifier un remède plus précis, tout comme il peut réaliser une sorte de " nettoyage " des épiphénomènes " nerveux " ( ayant valeur de résistance à la guérison ) et permettre une meilleure efficacité thérapeutique.