Philippe SERVAIS




   
Madeleine était pour moi une amie rare. 
Une rencontre commune, celle de la philosophe Agnès Lagache, avait été au départ de cette amitié et de nos passionnants échanges intellectuelsNous nous retrouvions régulièrement lors de ses passages à Paris, lors de congrès ou encore lorsqu'elle m'invitait à donner cours à la faculté de Montpellier ou à donner une conférence au GIRI

Rassemblées dans ses yeux pétillant d'une intelligence saupoudrée de malice, elle possédait tout à la fois d'exceptionnelles qualités de cœur et de réflexion. Si elle racontait la science, elle racontait avant tout la vie et sa générosité toujours me surprenait. 
En tant que chercheur, elle rendait intelligible les plus subtiles connaissances scientifiques, se les appropriant pour en tirer sens et en déduire des propositions innovantes. Elle formait avec Agnès Lagache, la philosophe, un duo exemplaire s'inspirant mutuellement. Fascinant ! Au cours de soirées prolongées jusqu'à plus tard, elle insistait sur l'importance de cliniciens auprès d'elle pour confronter au réel ce que j'appellerais ses fulgurances. Ainsi m'interrogeait–elle bien souvent sur mes cas et ma pratique. Si, quelquefois, je lui portais contradiction, elle ne faisait que s'en réjouir tant était primordial pour elle la recherche d'une certaine vérité scientifique. Elle répétait aussi que, sans Agnès Lagache pour mettre en paradigme ses expériences de laboratoire, elle ne pouvait rien. De son côté, celle–ci me disait encore récemment combien la disparition de Madeleine la rendait orpheline. C'est dire combien ces deux là étaient sœurs en découverte ! 
   
Madeleine a été pour nous tous tout à la fois une grande chercheuse et une éternelle aventurière de la pensée scientifique. Elle a été aussi pour les plus proches une grande dame de cœur, attentive, chaleureuse, disponible et d'une rare honnêteté intellectuelle. De ses peines, elle disait peu et l'on devait deviner ce qui assombrissait son âme.
   Je lui dois bien plus qu'elle n'a jamais pu le savoir.