Pour une définition du concept homéopathique
et son application à la recherche
scientifique
Par Madeleine Bastide, Professeur Honoraire, Université Montpellier 1,
France
L'homéopathie, thérapeutique très connue et très
répandue dans le monde entier, repose sur trois principes fondamentaux proposés
par Hahnemann à la suite de ses observations : le principe de similitude, le
principe de totalité et le principe d'utilisation de remèdes à doses
"infinitésimales", remèdes fortement dilués et "dynamisés"
par agitation forte, désignés sous le nom de remèdes homéopathiques.
Les études sur les effets de tels
médicaments fortement dilués sont totalement liées à l'utilisation de ces
préparations en Homéopathie. Sans un tel exemple, aucun scientifique n'aurait
pu imaginer travailler sur des modèles expérimentaux utilisant des solutions
tellement diluées qu'elles ne contiennent théoriquement aucune molécule.
Cependant, de telles dilutions préparées selon la méthode homéopathique et dans
le champ de cette thérapeutique sont utilisées avec succès même quand leur
molarité est inférieure à la limite donnée par le nombre d'Avogadro : ceci
signifie alors qu'elles ne renferment plus de molécules. Ce type d'observation
est d'ailleurs rejeté par la communauté scientifique qui considère cet effet
comme une erreur scientifique (La Recherche, 1998). Il est vrai
qu'actuellement, personne ne peut encore expliquer comment et pourquoi ces
hautes dilutions ont un effet thérapeutique et plusieurs hypothèses ont été
proposées.
Cependant les expérimentations
étudiant ce phénomène ont été réalisées par divers chercheurs dans le but, pour
la plupart d'entre eux, de valider les effets de l'Homéopathie. Nous n'allons
pas donner une analyse exhaustive de tous les travaux publiés qui sont analysés
d'une part par P.Fisher et M.Van Wassenhoven pour la recherche clinique, et
d'autre part par L.Bonamin et B.Poitevin pour la recherche fondamentale. Les
modèles cliniques semblent mieux appliquer les principes homéopathiques; on
constate cependant un emprunt des règles allopathiques dans le cas des essais
cliniques en homéopathie, supposant par là que les principes sont les mêmes.
Quant aux modèles de recherche fondamentale, ils semblent très diversifiés et
souvent très éloignés de la pensée homéopathique. Il est nécessaire de les
clarifier et de vérifier leur adéquation aux principes homéopathiques qui
doivent servir de système de référence dans une telle recherche.
Nous allons d'abord rappeler ces
principes. Nous analyserons ensuite rapidement les règles de la recherche
scientifique auxquelles n'échapperont pas les modèles utilisés. Nous classerons
ensuite rapidement les modèles expérimentaux utilisés afin de faire émerger les
concepts sous-jacents ayant permis leur réalisation. Nous montrerons ensuite
les particularités observées dans les études sur l'action des hautes dilutions
non moléculaires et nous présenterons et discuterons les différentes hypothèses
proposées qui peuvent aider ou non à l'explication de l'Homéopathie.
Les
Principes de l'Homéopathie
Le principe de similitude, caractéristique essentielle de
l'Homéopathie, peut se définir ainsi : "toute substance capable de
provoquer à dose pondérale ou en dilution infinitésimale un ensemble de
symptômes chez un sujet sain est capable d'éliminer ces symptômes lorsqu'ils
sont présents chez le malade en rétablissant l’équilibre de santé ». Les
symptômes identifiés par le médecin homéopathe étant exprimés aussi bien au
niveau physique que mental, le deuxième principe de l'Homéopathie est le principe de totalité. Quant au principe d'utilisation de doses
infinitésimales, il repose sur les observations d'Hahnemann : les remèdes
choisis selon la loi de similitude sont plus puissants quand ils sont fortement
dilués et agités à chaque dilution ("dynamisation ou succussion").
Cette dilution-dynamisation augmente l'efficacité du remède qui agit même
lorsqu'il n'y a plus de molécules en solution (dilutions au delà de 10 -23); la loi d'Avogadro-Ampère dénombre les molécules
dans une molécule-gramme et donne le chiffre de 10 23 molécules; ceci nous permet de dire que, pour une
molécule de masse moléculaire égale à 1000 daltons, la dilution homéopathique
égale à une 10 CH (dix dilutions au 1/100) ne renferme plus de molécule.
Il faudra donc que les modèles de recherche
démontrent la validité des trois principes énoncés pour affirmer la réalité
scientifique de l'Homéopathie.
Le principe de similitude qui est à
la base même de l'homéopathie n'existe que par l'analyse des symptômes, soit chez le malade
(pathologie), soit chez le sujet sain recevant le remède à doses pondérales ou
infinitésimales (pathogénésie). Le symptôme devient donc l'élément fondamental
à définir. C'est alors que commencent les différences qui séparent l'homéopathie
du système de prescription classique désigné par Hahnemann (§66 & 67, 1824)
par le terme allopathique et/ou antipathique (remèdes provoquant des symptômes
différents ou "allo" et opposés ou "anti"). Dans le cas de
la thérapeutique classique, les symptômes retenus par le médecin sont ceux qui
sont caractéristiques de la maladie (pathognomoniques)
et qui servent à faire le diagnostic de la maladie donc de la causalité des
symptômes. La thérapeutique est alors établie selon l'activité des médicaments
sur la pathologie elle-même. La réaction individuelle du malade n'est pas prise
en compte, ni les modalités des manifestations symptomatiques. Le diagnostic de
la maladie est indispensable au choix thérapeutique et les symptômes généraux
sont "neutralisés" par des actions antagonistes (fièvre par
antipyrétiques, douleurs par antalgiques, etc..).
L'interprétation des symptômes en homéopathie est
tout autre. Pour le médecin homéopathe, l'observation du malade et l'analyse de
tous les symptômes caractéristiques du sujet lui-même (idiosyncrasiques) sont nécessaires au choix du remède (Hahnemann,§
121 & 122, 1824) sans référence à la maladie elle-même. Les symptômes
analysés ne servent donc plus à réaliser le diagnostic de la maladie mais à
caractériser le mode réactionnel de l'individu malade (Fisher, 1998). Les
symptômes ne servent donc pas à une recherche de causalité de la pathologie ;
ils sont plutôt envisagés comme la traduction, par le corps du malade, d'une
situation pathologique impossible à traiter qu'il exprime par diverses
manifestations à tous les niveaux, physique et psychique. Il devient alors
évident que la totalité de l'organisme est concernée. Nous devons en outre
faire une discrimination entre les symptômes et les modifications biologiques.
En effet, l'existence des maladies inapparentes dont la découverte valut le
Prix Nobel à Charles Nicolle en 1923 nous montre que des modifications
biologiques se produisent dans l'organisme sans manifestations symptomatiques,
ce qui rend bien les maladies "inapparentes".
Ceci nous conduit à identifier la modification biologique (apparition
d'anticorps, paramètres biochimiques ou cellulaires, etc..) comme une
modification de fonction "mécanique" qui existe toujours en cas
d'agression alors que les symptômes correspondent à l'expression de l'organisme
en souffrance qui ne trouve pas de solution à son problème et exprime cette
inadéquation. L'exemple le plus simple peut être donné par les maladies
inapparentes infectieuses du type rubéole ou toxoplasmose dont les symptômes
sont exprimés seulement chez les sujets immunodéprimés qui expriment alors leur
pathologie par des symptômes (fièvre, éruption, etc..). Les
"séro-conversions" de diverses pathologies qui seules permettent un
diagnostic précoce (SIDA, par exemple) montrent bien que pendant une certaine
période, l'organisme peu infecté est arrivé à régler son problème pathologique
sans symptômes ; dans ce dernier type de pathologie, ces derniers vont
apparaître plus tard quand l'organisme débordé ne peut plus gérer son
déséquilibre. Cette distinction entre symptômes et modifications biologiques
est importante car ces deux éléments, bien que corrélés dans certaines
circonstances, ne sont pas forcément liés et ne fonctionnent pas au même
niveau. Mais les modèles expérimentaux les ont fréquemment mêlés, ajoutant à la
confusion de l'interprétation des résultats se référant à l'Homéopathie.
Rappel
des règles de la recherche scientifique
La recherche scientifique dans le
domaine de l'Homéopathie doit suivre les règles classiques de l'investigation
expérimentale. Partant d'observations, une théorie bâtie sur ces observations
doit être établie ainsi qu'une hypothèse de travail. Puis, des modèles
expérimentaux doivent être créé pour vérifier l'hypothèse. Les modèles expérimentaux
vont permettre de valider ou d'invalider la théorie. Naturellement, les
évaluations des résultats sont dépendantes de l'existence de technologies
adaptées. Par exemple, avant l'existence du compteur Geiger-Müller, la
radioactivité ne pouvait être quantifiée. Quand les mesures sont possibles, des
statistiques adaptées valident les résultats. Puis, les résultats observés
doivent être répétables (par la même équipe de recherche) et reproductibles par
d'autres. Cependant, répétabilité et reproductibilité dépendent du degré
d'isolement du modèle ; plus le modèle dépend de son environnement, plus il est
variable, et plus il est difficile de le répéter et de le reproduire. Les
modèles physico-chimiques semblent très isolés et sont facilement
reproductibles. Mais les effets observés chez les êtres vivants interfèrent
avec de nombreux paramètres parfois non maîtrisables : la temporalité est la
plus connue puisqu'elle est représentée en partie par la chronobiologie. Pour
éviter ces désagréments, les biologistes préfèrent utiliser des modèles "in vitro" pour essayer de contrôler
au maximum tous les paramètres. Il faut souligner que les trois principes de
l'homéopathie (similitude, totalité, doses infinitésimales de remèdes)
nécessitent plutôt des modèles in vivo
ou ex vivo avec les difficultés de
reproductibilité citées plus haut. D'autre part, il n'existe aucune technologie
reconnue capable de contrôler les caractéristiques physiques des hautes
dilutions homéopathiques.
Or, comme nous l'avons indiqué (Bastide, 2002),
actuellement, l’Homéopathie est considérée comme une thérapeutique empirique.
Cette construction phénoménologique n’est pas toujours adoptée par la
communauté scientifique moderne, victime d’un certain dogmatisme mécaniste. Une
pharmacologie non-moléculaire semble représenter un handicap conceptuel.
Pourtant, les effets pharmacologiques des rayonnements ionisants sont depuis
longtemps acceptés. La représentation de l’invisible (il n’y a plus
« rien » dans les dilutions au delà de la 11CH…) est toujours difficile
surtout si elle n’est pas soutenue par des données expérimentales nombreuses et
variées. Les scientifiques préfèrent une approche plus constructive que la
théorie phénoménologique de Hahnemann (Chibeni, 2001). L’établissement de
théories et d’hypothèses étayées par des démonstrations expérimentales de
vérification fait actuellement défaut à l’homéopathie qui a pu ainsi être
traitée de « scientisme orthodoxe à œillères" (La
Recherche : Editorial, 1998). Nous sommes donc confrontés à l'exercice
périlleux qui consiste à démontrer scientifiquement la valeur de l'homéopathie
sans théorie, sans outils expérimentaux spécifiquement adaptés et avec une
utilisation traditionnelle exclusive dans le vivant.
Rappel
rapide des différents modèles expérimentaux publiés
De très nombreux articles ont été
publiés en recherche fondamentale comme le montre les diverses revues publiées
(Tisseyre, 1996 ; COST B4 report, 1999; Halm, 2001). Divers modèles ont été
utilisés ; nous donnons seulement dans une classification simplifiée un exemple
de la variété de ces expérimentations. Une revue détaillée est donnée plus loin
par L.Bonamin et B.Poitevin.
Très
rares sont les modèles expérimentaux en recherche fondamentale appliquant la
loi de similitude stricto sensu. Par
exemple, l'utilisation de Silicea
homéopathique pour soigner les blessures chroniques d'oreilles de souris
porteuses de boucles de métal (Oberbaum et coll., 1992) ou l'action de "Apis" homéopathique dans l'érythème
UV (Aubin et coll., 1975; Bildet et coll., 1989) sont des applications strictes
de la loi de similitude sur des symptômes locaux dont la disparition est
objectivable. Il nous faut aussi inclure à ce niveau les quelques essais
réalisés en clinique vétérinaire.
Mais
la majeure partie des modèles de recherche fondamentale n'ont pas de lien
nettement établis avec la loi de similitude telle qu'elle est définie en
homéopathie; on en trouve des interprétations éloignées comme dans
l'isothérapie (principe d'identité et non de similitude). Nous allons donner rapidement
les grandes caractéristiques de ces travaux :
Modèles étudiant l'effet de dilution
homéopathique de produits d'origine biologique dans une sorte d'
"endo-iso-thérapie" : influence de dilutions homéopathiques de
molécules du système immunitaire dans des évaluations de l'immunité (Bastide et
coll., 1985, 1995; Doucet-Jabœuf et coll., 1982; Guennoun et coll., 2000;
Youbicier-Simo et coll., 1993, 1996a, 1996b). effets de médiateurs de
l'inflammation (Poitevin et coll., 1988; Hadji et coll., 1992); hormones
(Endler et coll., 1994a, 1994b etc..) et bien d'autres…
Modèles
montrant un effet de protection par application de faibles doses ou de
dilutions homéopathiques de la substance toxique ou de l'agent pathogène avant ou après
l'intoxication ou l'infection avec le même produit (iso-thérapie). De très
nombreux modèles appartiennent à ce groupe : faibles doses de Cadmium (Weiss et
coll.), faibles doses d'arseniate de sodium ou de métaux lourds (Van Wijk et
coll., 1993, 1994a, 1994b), dilutions homeopathiques d'arseniate de sodium
(Lapp et al., 1955; Wurmser et coll., 1984; Betti et coll., 1994, 1997), ou de
métaux lourds (Delbancut 1994, Delbancut et coll., 1997), or d'adjuvant de
Freund (Conforti et coll., 1995), ou de dilutions homeopathiques de Belladona sur le duodenum de rat traité
par l'acetylcholine ou l'atropine (Cristea et coll., 1987, 1991) et bien
d'autres……
Modèles démontrant des effets opposés en
fonction de la concentration ou en fonction du temps dans un modèle
"d'action-réaction" (modèles d'hormésis , modèles d'effet rebond)
tels que les résultats publiés par Wagner et coll., (1988), Southam et coll.,
(1948), Stebbing (1981), Bellavite et coll.(1997) et bien d'autres…
De très
nombreuses publications sur des essais cliniques ont fait l'objet de deux méta-analyses (Homeopathic Medicine Research Group, 1996 et
Linde et coll., 1997). Les nombreux essais sont détaillés plus loin par
P.Fisher et M.Van Wassenhoven. Dans l'ensemble, on retrouve les mêmes modèles
que dans la recherche fondamentale: des vrais modèles de similitude pour lesquelles le choix du remède et
l'individualisation du malade ont toujours posé des problèmes; des modèles d'isothérapie par exemple dans le
traitement des allergies (pollens dans les rhinites allergiques, Reilly 1986;
Aabel, 2001b, etc…); l'utilisation de dilutions homéopathiques de molécules endogènes comme la thymuline
en immuno-stimulation (rapportée dans Bastide et coll., 1995).
Dans les cas où les vrais principes de
l'homéopathie ne sont pas appliqués, il faudra définir les concepts
sous-jacents à de tels travaux et les analyser en fonction des principes
homéopathiques.
Particularités
des résultats expérimentaux obtenus par action de hautes dilutions non
moléculaires
Des
résultats expérimentaux étranges et uniques obtenus avec de hautes dilutions
homéopathiques permettent de penser que
les hautes dilutions non moléculaires ont des propriétés spécifiques.
L'étude physique de telles dilutions a été faite par diverses techniques :
étude en résonance magnétique nucléaire (RMN) avec des résultats variables
montrant soit des modifications de l'état physique (Demangeat et coll., 1992,
2001), soit aucune modification (Aabel, 2001a), Milgrom et coll., 2001); études
en microcalorimétrie démontrant des modifications des dilutions homéopathiques
(Elia et coll., 1999). A côté de ces travaux étudiant les dilutions, d'autres
travaux de physique de l'eau révèlent des propriétés surprenantes de l'eau au
cours de phénomènes de dilution : par exemple, des formes IE microscopiques cristallines stables de glace
apparaissent dans les solutions diluées dans les conditions normales de
températures et de pression et se rassemblent autour des ions (Lo et coll.,
1996a, 1996b). Un travail récent montre également que des molécules dissoutes
dans l'eau forment des agrégats qui s'élargissent avec le facteur de dilution
(Samal et coll., 2001); la démonstration n'existe qu'en solution relativement
concentrées de 0,216 à 0,013 mM ce qui fait une valeur estimée de molécules
présentes à 1018 molécules ce qui est
considérable si on considère les dilutions homéopathiques (pour 1 ml d'une
dilution 5 CH d'un produit de PM égal à 1000, il y a approximativement 1010 molécules.
Et pourtant cette publication a fait le tour de tous les chercheurs
s'intéressant à l'homéopathie car le besoin de se rattacher à des concepts
classiques est répandu. Ces derniers travaux montrent que les travaux de
recherche réalisés avec de très basses dilutions (1CH, 2CH) sont très ambigus
au plan de l'interprétation scientifique car l'action moléculaire n'est pas à
éliminer; alors que les hautes dilutions dynamisées permettent une analyse
univoque de la particularité de l'homéopathie. Ces travaux de physique ne sont
donc pas une clef aidant à sa compréhension car les trois principes
fondamentaux ne sont pas reliés à la structure de l'eau; ils indiquent
seulement que le procédé de dilution-dynamisation peut modifier certaines
propriétés de l'eau (Schulte, 1999).
Il est
plus intéressant d'analyser les effets particuliers des hautes dilutions
homéopathiques observés au cours d'expérimentations scientifiquement validées.
L'effet dilution-dépendant : des effets en
"zig-zag" ont été vus par différents chercheurs dans différents
modèles; ces effets ressemblent à des effets aléatoires dont certains sont
significatifs. Ils sont vus essentiellement dans des modèles in vitro. Il faut
néanmoins rappeler que les écarts entre les dilutions homéopathiques, généralement
effectuées de 1/100 en 1/100, n'ont rien à voir avec les écarts de
concentrations existant lors de mise en évidence d'effet-dose en pharmacologie
classique. Ce qui peut être observé, néanmoins, est un effet dilution-dépendant
mais entre de très larges écarts de dilution comparables aux échelles de
prescription et pouvant sauter de 10.000 en 10.000 ou bien plus. Ceci est
observé toujours dans des modèles in vivo
ou ex vivo. Prenons l'exemple du
modèle des souris traitées par Silicea
pour aider au processus de cicatrisation (Oberbaum et coll., 1992), et nous
pouvons constater un effet beaucoup plus important pour la dilution 30 CH que
pour la 5 CH. De la même façon, la bursine employée chez des embryons de
poulets bursectomisés a été capable de régénérer le fonctionnement de l'axe
corticotrope chez le poulet devenu adulte quand les dilutions utilisées ont été
de plus en plus fortes (2CH presque inactive<5CH<7CH) (Guellati et coll.,
1991; Youbicier-Simo et coll., 1993).
Effet opposé
selon l'état du sujet : cette
observation est une des caractéristiques fondamentales de l'homéopathie
puisqu'elle décrit la loi de similitude. Elle n'existe dans aucun autre modèle
thérapeutique ou biologique. Mais elle peut se manifester également au cours de
résultats expérimentaux in vivo, dans des modèles
d'"endo-iso-thérapie" et dans des modèles d'"isothérapie".
Par exemple, chez des souris saines ou immunodéprimées traitées par différents
immunomédiateurs, des effets opposés selon l'état immunitaire ont été obtenus,
les souris saines étant immuno-déprimées par le traitement et les souris en
immuno-dépression étant stimulées (Bastide, et coll., 1985, 1995). Des effets
d'aggravation de symptômes sont souvent observés au début d'un traitement
homéopathique; mais des aggravations plus importantes peuvent être observées
chez des patients trop faibles recevant une trop grande dilution (trop
puissante puisque l’intensité de la réponse augmente avec la dilution). Dans un
modèle expérimental de souris irradiées, traitées par un mélange de hautes
dilutions de bursine, thymuline, interleukine 3, les souris ont été fortement
protégées par le traitement pendant la saison chaude mais une mortalité
supérieure aux témoins a été observée
pendant la saison froide, période d’immunodépression circa-annuelle
(Guennoun & coll., 1996, 1997 ; Guennoun, 2000).
Des conditions environnementales différentes peuvent
également modifier la réponse des sujets dans le sens opposé: Reilly (1986) a
démontré une amélioration des symptômes du rhume des foins par Pollens 30 CH
.Dans l’expérimentation clinique d’Aabel (2000), les sujets allergiques au
bouleau recevant Betula 30CH ont eu
une symptomatologie plus forte que ceux recevant le placebo .Dans ce
dernier cas, une augmentation du pollen de bouleau dans l'atmosphère avait été
observée ainsi qu'une augmentation de la température (paramètres
environnementaux). Nous retrouvons là le rôle de ces paramètres dans la
reproductibilité d'une expérience.
Effet des
hautes dilutions transmis aux organismes traités sans contact direct lors d'essais multicentriques et en aveugle faisant
appel à la thyroxine en solution non moléculaire (30 D) sur la métamorphose des
têtards (Endler et coll., 1995, 1997, 1998). La solution était placée soit dans
l'aquarium, soit dans une ampoule de verre scellée placée dans l'aquarium, soit
après digitalisation électronique et transmission à de l'eau par un appareil
adapté qui est versée ensuite dans l'aquarium. Ce paramètre électromagnétique
semble être un élément de l'activité des dilutions puisque des dilutions
homéopathiques d'histamine 30CH traitées par un champ e.m (50 Hz, 150 Oersted,
15 min) ont perdu leur activité sur le cœur isolé de cobaye sensibilisé (Hadji
et coll.,1992)
Effet de hautes dilutions annulant un effet moléculaire
par administration simultanée : ces résultats ont été observés dans deux modèles
différents et dans deux laboratoires différents. Il a été montré dans des
modèles in vivo que l'association
dans la même administration du produit utilisé à une concentration pharmacologique
active et de sa dilution dilution 15 CH faisait disparaître l'activité
pharmacologique. Ceci a été démontré pour l'aspirine (Belougne-Malfati et
coll., 1998). De la même façon la dexaméthasone a perdu ses propriétés
anti-inflammatoires dans l'œdème à la carragénine ( Bonamin et coll., 2000).
Effet du solvant dynamisé : L'eau purifiée et distillée qui
subit la même préparation (dilution-dynamisation) que la dilution homéopathique
mais sans produit de départ est désignée par "solvant dynamisé". Plusieurs
chercheurs ont observé que dans certains modèles expérimentaux appartenant
plutôt au groupe de l'endo-iso-thérapie in
vivo, des effets pouvaient être observés dans les groupes d'animaux ne
recevant que le solvant dynamisé (Guennoun, 2000). Toutefois, ces résultats
sont toujours aléatoires et non répétables. Ils montrent que le traitement
dilution-dynamisation confère au solvant des propriétés particulières.
Hypothèses
expliquant l'action de l'homéopathie
La pharmacologie classique est
construite sur l'interaction molécule-récepteur qui représente une sorte
d'unité conceptuelle du modèle d'activité moléculaire. Ce système est validé
par les innombrables travaux publiés dans la littérature scientifique et
médicale. Malheureusement, les particularités citées plus haut et la nature
même des principes homéopathiques nous forcent à éliminer ce type d'explication
pour l'homéopathie.
Les
effets action-réaction
Le modèle cybernétique
Un
échange de fonctions existe dans l'organisme basé sur des "signaux"
qui déclenchent directement des modifications d'organisation des molécules qui
à leur tour modifient les effets moléculaires : nous sommes dans les fonctions
de régulation liées à la transconformation de récpteurs, à la présence de
substance à seuil, à l'action de second messagers, etc…C'est ainsi que les
modifications de fonctionnement de granulocytes neutrophiles par des
différences de concentration d’un facteur chimiotactique (Bellavite &
coll., 1993, 1997) ont été confondus avec un mécanisme "homéopathique".
Une mise en forme de la théorie a été proposée par Cristea (1991) qui joue sur
les modifications des récepteurs en fonction de la concentration mais qui reste
plus aléatoire pour expliquer l’effet des hautes dilutions sinon par la
présence de « structure de remplacement » des molécules (Cristea,
1997). Les caractéristiques de ce système, en dehors de la fonction signal, est
une contrainte mutuelle des parties qui fonctionnent comme un tout et la
présence d'une rétroaction conduisant à un effet action-réaction. Ce modèle
cybernétique est strictement moléculaire, même si un concept de totalité
restreinte au système existe au niveau d'une cellule, ou au niveau d'une
fonction (glycémie) par exemple. Mais aucun principe de l'homéopathie ne peut
être rattaché à ce modèle moléculaire et en particulier les effets opposés de
réponse au remède chez un sujet malade ou sain.
Le
modèle du self-recovery (effet rebond et hormesis)
Le
"self recovery" présentés par divers chercheurs et certains homéopathes
comme l'explication de base de l'homéopathie mérite quelques précisions. C'est
une application de l'homéostasie, phénomène biologique bien connu, qui s'appuie
en fait sur des régulations cybernétiques pour revenir progressivement à un
état d'équilibre après des stimulations fortes. Ce phénomène a même été avancé
par Hahnemann (§ 76 de l'Organon, 1824) "chaque effet primitif d'un
médicament qui, donné en grande dose, est capable d'altérer fortement l'état
d'un corps sain, est suivi d'un état justement opposé produit par notre faculté
vitale lorsque cela est positivement possible". On dénomme également cet
effet l'effet-rebond puisqu'il est fonction de l'intensité du stress toxique ou
pharmacologique et se développe dans le temps. La loi d'Ardnt-Schultz (ou
hormesis) est lié à ce phénomène mais de façon plus subtile puisque on observe
un effet pharmacologique opposé en fonction de la concentration :par exemple
"les doses fortes (d'un toxique) inhibent la croissance, les doses faibles
l'excitent" (Southam et coll., 1948; Stebbing, 1981). Les organismes
stressés par un toxique à dose non mortelle choisissent le meilleur procédé de
survie : le plus simple est une stimulation de la croissance. Tous les
organismes, quelle que soit leur place dans l'évolution (bactéries, plantes,
champignons, insectes, parasites, mammifères etc..) montrent cette sorte de
défense adaptée à l'agression (Stebbing, 1981). S'il s'agit de stress chimique
(métaux lourds) ou physiques (chaleur), la défense s'organise au moyen de molécules
de protection ou protéines de stress, présentes dans tous les organismes, de la
bactérie à l'homme (Jarquier-Sarlin et coll., 1994; Van Wijk et coll., 1993,
1994a, 1994b). Ces molécules sont sécrétées au moment de l'agression. Un
système de protection désigné par mithridatisation est une application directe
de ces propriétés. Les concentrations pondérales utilisées en prétraitement
avant l'intoxication sont une application de l'hormesis puisque elles peuvent
provoquer la libération effective des molécules de défense. Une deuxième
intoxication consécutive à la première ne sera plus létale en raison de la
présence des molécules de stress libérées après la première application du
toxique (isothérapie). L'organisme ainsi prétraité est protégé de façon proportionnelle
à la quantité de molécules de défense présentes. Ce processus d'action-réaction
ressemble au concept d'immunité et apparaît comme un moyen général de survie
des organismes qui utilisent toujours les moyens les plus efficaces en leur
possession. L'utilisation de l'isothérapie (principe d'identité) se déduit
directement de ces propriétés. Ce modèle, très utilisé dans les expériences
visant à expliquer l'homéopathie, est réalisé soit avec des doses pondérales,
soit avec des hautes dilutions. Il faut cependant remarquer que nous ne sommes
absolument pas dans la loi de similitude puisque l'isothérapie fait appel à la
substance causale de la pathologie et que les effets ne sont pas différents
selon l'état du sujet. D'autre part, il a été démontré que l'administration de
hautes dilutions homéopathiques du toxique (Cadmium, Cisplatine) à des cellules
rénales de hamster permettaient bien la résistance à l'intoxication mais sans production préalable des molécules
de défense (Delbancut 1994, 1997). Les protéines de stress sont libérées seulement au moment de l'intoxication
létale suggérant que le prétraitement homéopathique agit seulement comme un
"avertissement" du danger et est totalement spécifique de ce danger.
Ce mécanisme d'isothérapie dû à des dilutions non moléculaires est totalement
différent de l'isothérapie moléculaire et sera interprété plus loin.
Les
modifications électromagnétiques de l'eau:
Le transfert
de fréquence pharmacologique ou TFF
Quelles
que soient les modifications physiques de l'eau dynamisée montrées par des
analyses physiques, elles n'apportent aucune explication à l'action de
l'homéopathie. Ces observations peuvent être une aide à l'interprétation du
fait que les dilutions homéopathiques transmettent "quelque chose" de non moléculaire mais reçu par les sujets
(sains s'il s'agit de pathogénésie et malades dans la thérapeutique
homéopathique). Quant au transfert d'activité pharmacologique moléculaire par
un procédé magnétique (Citro et coll., 1995; Viniateri et coll., 1998; Thomas et
coll., 2000), il ne peut être assimilé à un effet de l'homéopathie. L'activité
de diverses substances pharmacologiques a été transmise (Citro 1996) telle que
celle d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires, d'analgésiques, de
benzodiazépines et d'herbicides (Viniateri, 1998), toutes ces substances
agissant de manière allopathique. Quand les antibiotiques ont été transférés,
l'effet antibactérien était maintenu. De telles observations montrent
clairement que ce transfert moléculaire se manifeste comme une empreinte
magnétique de la molécule et n'a rien à voir avec l'action homéopathique car
une dilution homéopathique d'antibiotique n'a jamais eu d'effet inhibiteur sur
une bactérie. Par contre, ces résultats pourraient ouvrir des horizons à
l'interaction molécule récepteur en pharmacologie pondérale classique.
L'information
de l'organisme par les signifiants corporels (Lagache)
Malgré sa différence profonde avec les théories
précédentes, elle commence à être envisagée comme un modèle explicatif (Fisher,
1998a, 1998b).Le corps vivant ne fonctionne pas comme un simple objet: il est
hétérogène, ne peut être séparé en ses différents éléments puisqu'il fonctionne
comme un tout. Ceci représente la principale difficulté pour les sciences
biologiques dont le concept appartient au paradigme mécaniste et à l'approche
analytique de l'interaction molécule-récepteur. De plus, la temporalité est un
élément majeur de l'évolution de l'organisme qui change au cours du temps dans
un système irréversible. Il a une mémoire psychique et corporelle comme le
montre le système immunitaire : il apprend à combattre les agressions et en
garde la trace. Le corps vivant est dans un processus d'apprentissage continuel
et irréversible (Lagache,1988 ; 1997a ; 1997b) dans lequel différents
niveaux d'information fonctionnent par communication avec l'environnement.
Cette communication est non verbale et nous parlerons de signifiants corporels
(Lagache ,1988, 1997a, 1997b; Bastide et al.1992, 1995, 1997, 2000). Cette
hypothèse suppose que le corps aussi bien que l'esprit peut recevoir et traiter
des informations qui deviennent signifiantes. L'information n'est pas un objet
mais une trace, une empreinte médiatisée qui a un sens pour le receveur et qui
n'existe que par lui. Le système minimal d'information est donc constitué par
la matrice de l'information, la médiation qui la transmet et le receveur
capable de la lire. Ces trois éléments sont indissociables et n'existent que
par leur relation réciproque. Dans notre modèle homéopathique, la matrice de l'information
est la souche homéopathique, la médiation de l'information est assurée par la
préparation diluée et dynamisée, et c'est le receveur sensible qui reçoit, lit
et traite cette information. C'est l'organisme du receveur dans sa totalité qui
fonctionne, qu'il soit sain (pathogénésie) ou malade (traitement). Par exemple,
le remède Arsenicum album (anhydride
arsénieux), sous sa forme "informationnelle" diluée et dynamisée,
administré à un sujet sain même sous forme non moléculaire, sera
"décodé" par le sujet sain sensible qui capture les informations
apportées, lues à tous les niveaux, aussi bien corporelles que psychiques. Le
sujet va alors exprimer ces informations dans son mode personnel qui correspond
à son identité profonde puisque ses diverses pathologies, quelles que soient
leur causalité, s'expriment avec des symptômes toujours similaires, retrouvés
par l'administration du remède homéopathique Arsenicum album. L'expression de ces symptômes est tellement
particulière chez ce sujet que s'établit une sorte d'identification entre lui
et "son" remède et il va jusqu' à être désigné par le nom de son
remède. On parlera donc de sujets Arsenicum
album, Nux vomica, Lycopodium…etc.. qui manifestent les symptômes
caractéristiques de ces remèdes. Lors des pathologies, chaque sujet va
s'exprimer par les symptômes qui lui correspondent. Le remède homéopathique est
alors choisi dans la similitude de ses symptômes. Lorsque le remède sous forme
homéopathique est administré, il apporte à l'organisme l'information sur les
symptômes, lui permettant de les traiter puisque l'organisme en interprète la
représentation mimétique (Bastide & coll., 1997, 1998 ; Bastide,
2000). Cette information (ou trace) pourrait être véhiculée après formation
dans l’eau, suite aux dynamisations, d’un « transporteur
électromagnétique » de très faible intensité et de très basse fréquence
par exemple (Endler et coll., 1994a, 1994b, 1997) ou par tout autre système
(Schulte, 1999). Le transporteur n'est pas
l'information mais son altération ou sa modification fait disparaître
l'information (Hadji et coll., 1992). Cette communication par les signifiants
corporels suit des règles très précises, très différentes des échanges d'objet.
Elle explique les activités des hautes dilutions soit dans le contexte de la
similitude (voir plus haut), soit dans le contexte de l'endo-isothérapie
puisque les molécules endogènes sont naturellement "lues" par
l'organisme auquel elles appartiennent. Dans l'isothérapie avec hautes
dilutions (Lapp et al., 1955; Wurmser et coll., 1984; Betti et coll., 1994,
1997, Delbancut 1994, Delbancut et coll., 1997),"l'alphabet"
nécessaire à l'interprétation de la dilution informative existe quand il y a
identité parfaite entre le produit toxique et la dilution d'"avertissement"
utilisée quel que soit le système de défense de l'organisme. Bien que les
dilutions homéopathiques de Cadmium n'aient pas induit la libération de
protéines de stress (Delbancut 1994, 1997) chez les cellules LLCPK, ces
cellules ont résisté à la dose toxique de Cadmium et ont libéré un taux de
protéine de stress plus élevé que les contrôles au moment de l'intoxication (et non avant comme dans le système
pondéral). Lorsque les cellules prétraitées par les dilutions de Cadmium ont
été intoxiquées par le CisPlatine, leur
mortalité a augmenté par rapport au contrôle bien que les mêmes protéines
de stress soient induites par ces deux produits administrés à dose pondérale.
Cette fausse information a provoqué un effet opposé car une fausse information
est plus dangereuse que l'absence d'information. Les diverses particularités
observées dans les expériences avec hautes dilutions homéopathiques
s'expliquent parfaitement lorsque nous travaillons avec cette hypothèse.
Discussion
rapide sur les théories générales proposées
Les
hypothèses que nous venons d'exposer appartiennent à des structures de pensées
bien précises. Mais la tentative d'inclure l'homéopathie dans des théories
connues est un jeu intellectuel dont les chercheurs ne se lassent pas. Nous
allons passer les propositions les plus sérieuses en revue en discutant de leur
opportunité. Nous allons laisser rapidement de côté celles qui ramènent
l'homéopathie au niveau d'un scientisme décrié avec raison, telle la théorie
des signatures que l'on voit régulièrement réapparaître avec son côté
ésotérico-pseudo scientifique (Richardson-Boedler, 1999), ou celle proposée
récemment par Torres (2002) et qui assimile dans une analogie douteuse l'effet
des remèdes à un système comparable à la "toile" de communication du
réseau Internet .Ne parlons pas de la théorie proposée par Conte et Berliocchi
qui est un amalgame de données scientifiques, philosophiques et mathématiques
détournées.
Restent
alors des théories ou paradigmes dont la valeur n'est pas à nier. Peuvent-elles
nous aider à organiser notre connaissance de l'homéopathie ?
Paradigme mécaniste: il faut
bien le citer, puisqu'il régit toute la science moderne et en particulier la
thérapeutique classique dite allopathique. La "bio-médecine"
contemporaine
s'attache
à la correction de tel ou tel mécanisme isolé et ignore la globalité de
l'individu ; elle introduit le paradigme mécaniste comme modèle souverain
dans la médecine (Picard, 1996). Les héritiers du positivisme assimilent le
vivant à une juxtaposition de systèmes mécaniques basée sur le dogme du tout
moléculaire. Or le vivant est un système ouvert, qui interagit en permanence à
tous les niveaux avec son environnement. Ces échanges concernent matière et
énergie. La vision mécaniste est tellement réductionniste qu'elle est en
contradiction totale avec les trois principes de l'homéopathie d'où le rejet de
cette dernière. On voit qu'en réalité, l'opposition à l'homéopathie est
beaucoup plus dogmatique que réfléchie, et que cette structure de pensée ne
peut pas être une aide à la compréhension de cette thérapeutique.
La Théorie du Chaos est souvent proposée pour expliquer les résultats
expérimentaux in vitro en zig-zag que nous avons cités plus haut : dans ce cas,
il s'agit d'une analogie de forme non soutenue par une expression mathématique.
La théorie du chaos déterministe est très construite mathématiquement et la
"géométrie de la nature" donnée par les fractales existe bien au plan
structural. Proposer cette théorie pour des "symptômes" est plus que
réducteur car l'invariance d'échelle peut s'appliquer à des graphiques
boursiers ou des débits fluviaux qui sont des mesures objectivables. Nous avons
vu que l'homéopathie n'est pas construite sur des variations biologiques mais
sur des symptômes qui sont une expression du vivant.
Le Complexisme(Simon, 1977;
Le Moigne, 1977, 1990) est plus un mode
de pensée qu'une théorie explicative. Cette théorie a été proposée comme aide à
la compréhension de l'homéopathie (Le Moigne, 1997). Il est assuré que la
formalisation systémique est différente de la formalisation analytique qui
domine la science mécaniste envahie par le positivisme et la mathématisation,
avec les tendances et les dérives que nous venons de voir. Son application à la
hiérarchie des symptômes et à l'organisation des pathologies de l'individu qui
peut appliquer l'hypothèse téléologique du complexisme permet de réfléchir aux
interactions entre l'individu et ses pathologies. Il reste néanmoins un
problème qui ne trouve pas sa solution dans cette théorie, c'est l'action
thérapeutique elle-même, c'est à dire le moyen dynamique qui permet la
disparition des symptômes du patient traité.
Le vitalisme, théorie très
prisée à l'époque par Hahnemann, garde dans sa désignation même une connotation
ésotérique par la notion de l'élan vital. Il est très difficile de rester dans
un raisonnement logiquement construit lorsque celui-ci s'applique au domaine du
vivant : soit il retombe dans le tout mécaniste, soit il glisse vers cette
notion abstraite et indéfinissable du vivant. Une tentative vient d'être faite
par Milgrom (2002) qui essaie de renouveler le vitalisme par une analyse
physico-complexiste qui rappelle un peu les amalgames de Conte et Berliocchi.
La théorie a beau "métaphoriser" la comparaison de l'humain au gyroscope,
elle laisse perplexe quant à la façon d'élucider la maladie et la thérapie.
La causalité formative de Sheldrake
est souvent proposée par des homéopathes qui butent toujours sur l'énigme de la
loi de similitude et pour qui les champs morphogénétiques pourraient apporter
une solution. Sheldrake dit lui-même : "la résonance morphique se fonde
sur la similitude"(1988). Dans le modèle de Sheldrake, on se retrouve dans
une similitude de forme alors que la
similitude homéopathique est essentiellement dynamique. Les idées sont
structurées sur un aspect mathématique sous-jacent et on rejoint là le
positivisme qui veut transformer l'analytique par mathématisation (Le Moigne,
1997). La causalité formative dues aux "champs d'information" ne nous
éclaire pas sur l'aspect dynamique, l'information étant elle-même non définie.
Le paradigme des signifiants corporels
Plus qu'une théorie, il peut être considéré comme un
véritable paradigme. Proposé par Lagache (1988 ; 1997a ; 1997b) pour
compléter les possibilités d'échanges dans le vivant, il forme avec le
paradigme mécaniste (monde des objets) et
le paradigme symbolique (monde de la pensée) un ensemble dans lequel
corps et esprit ne sont plus des entités séparées mais communiquent à tous les
niveaux. « Le premier axiome des systèmes
vivants est leur impossibilité de ne pas communiquer. C’est si vrai pour le
corps qu’on se demande comment on a pu le considérer comme un objet…Il n’y a
pas d’indifférence possible dans le rapport physiologique, sensible ou
psychologique avec le monde » (Lagache, 1988). Le paradigme des
signifiants corporels nous fait concevoir une autre communication entre les
êtres vivants : tout organisme vivant est capable d’échanges
d'informations porteuses de sens avec son environnement. L'information retrouve
ici sa définition philosophique : il s'agit non d'un objet mais de sa trace,
médiatisée, et qui n'existe que par le traitement du receveur, comme dans
l'information symbolique. La communication par les signifiants corporels
interprétés globalement par l’organisme trouve sa justification expérimentale
avec la communication sensible. Le
seul exemple de support permettant cette communication que l'on puisse proposer
dans la limite de nos connaissances actuelles et parce qu’il est apporté par
l’expérimentation scientifique est celui des dilutions homéopathiques. Il est
particulièrement intéressant de constater que les particularités d'action des
hautes dilutions trouvent ici une explication logique : l'effet
dilution-dépendant, classique en raisonnement homéopathique, peut être dû à
l'action des dynamisations successives agissant sur la transporteur de
l'information. L'effet opposé selon l'état du sujet est déjà expliqué dans la
loi de similitude, plus haut; mais les effets théoriquement curatifs qui
donnent un effet opposé sont très compréhensibles car une information trop
forte mal comprise, ou un sujet trop faible incapable de traiter l'information,
vont provoquer des effets opposés (comme dans une ironie mal comprise, pour
prendre un exemple d'ordre sémantique). L'absence de contact direct est
justifié par la nature du transporteur qui semble bien être de nature
électromagnétique (comme dans un poste de radio), et l'association molécule
active/haute dilution nous ramène à l'avertissement du toxique mais dans un
phénomène de simultanéité, ce qui renforce l'idée d'information entendue par le
corps dans l'instant. L'homéopathie ne se charge pas de traiter la causalité de
la pathologie : elle semble intervenir en médiatisant et en inversant le
processus naturel pathologique, soit pour accélérer la guérison (maladie
aiguë), soit tout simplement pour assurer le rétablissement de la santé; son
action est totalement provoquée et artificielle. Ainsi le symptôme apparaît-il
comme une sorte d'expression inachevée et quelque peu fourvoyée et la
thérapeutique homéopathique, par la similitude, remet en train la capacité de
changement, donc l'équilibre de santé (Lagache, 1988, 1997a, 1997b). Cette
hypothèse de travail semble donc se vérifier dans l'interprétation de la recherche
fondamentale, par son adéquation avec la pratique médicale et la pensée
homéopathique. Elle est riche de possibilités de construction de modèles
d'étude pour l'avenir.
Conclusion
L'analyse de ces théories nous incite à nous poser
une question fondamentale concernant l'homéopathie : s'agit-il d'un phénomène
de stimulation de l'homéostasie qui permet une auto-guérison ? ou s'agit-il d'un phénomène artificiel dû à
l'administration d'un remède qui a ses propres effets curatifs amenant le sujet
à un nouvel état d'équilibre ? la démarche intellectuelle est totalement
différente. Il nous semble que la première proposition ressemble plus à
l'action de "l'allopathie" qui, par des moyens mécaniques puissants,
supprime les effets dramatiques de la maladie et permet ainsi au sujet de
retrouver son équilibre intérieur (chose impossible dans les pathologies pour
lesquelles l'homéostasie est perturbée comme les maladies auto-immunes). La
deuxième proposition est plus en faveur des effets de l'homéopathie; En effet, l’être
vivant peut entrer en résonance avec ceux des évènements de l’environnement qui
trouvent en lui un écho et qui ont un sens pour son organisme suivant le
principe d’une action mimétique entre formes sensibles. C’est le principe même
de la loi de similitude qui caractérise l’homéopathie. Cette communication peut
amener l’organisme à se modifier lui-même dans le sens même du message par une
régulation différenciante lorsque l’effet mimétique a une valeur thérapeutique
dans le contexte homéopathique.
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