Philippe Servais

                                                         

 

                                               Paris Août 1998

 

 

Sylvia est née le 6 mai 1978. C'est un beau bébé sans problème que je vois en juin en consultation postnatale.

27 août 1978 (3 mois) : depuis un mois et demi, Sylvia a des oxyures et une rhinite qui l'empêche de dormir, de respirer correctement, et la fait tousser. Elle pleure beaucoup. La mère, presque trop attentive à son enfant, m'abreuve de quantités d'observations subjectives et contradictoires. L'obstruction nasale est constante, particulièrement la nuit, et c'est en fin de matinée après la sieste que le nez coule abondamment. Les selles sont malodorantes, grasses et "avec des sortes de petites perles dures translucides" ! Tout cela pourrait bien avoir un lien avec les oxyures, ce qui est loin de m'étonner puisque la grande soeur en a souffert pendant des années comme d'ailleurs le père (je mettrai 10 ans à l'en débarrasser définitivement en finissant par trouver son remède de fond : sulfuricum acidum !). -----9ch.

 

30/03/79 (10 mois : Tout est rentré dans l'ordre pendant deux mois (rhinite, selles, oxyures, caractère plus facile) à la suite du traitement. Puis, les mêmes symptômes sont réapparus et ont nécessité, de la part du pédiatre consulté, des antibiotiques en décembre, sans trop d'effet. A la suite des 3 injections de tétracoq (janvier, février, mars), la rhinite s'est transformée en rhino-pharyngite traînante avec des épisodes de fièvre (traités chaque fois par antibiotiques). De surcroît, est apparu un vilain érythème fessier que la mère attribue à deux essais malencontreux d'œuf à la coque. Sulfur 9ch puis 15ch vont régler la situation. Subsistent a minima un léger encombrement avec toux grasse occasionnelle et des selles très odorantes.

03/10/79 (11/2 ans): quatre prémolaires, enfant très grognon. Chamomilla.

Jusque mars 1981, Sylvia présentera régulièrement des crises d'oxyurose (Povanyl) et des épisodes rhinopharyngés (spécialement après le rappel Tétracoq) traités par antibiotiques. La mère la considère comme une enfant "adorable mais...très pénible à supporter...comme son père". Je ne la reverrai que le

25/03/81 (21/2 ans) avec le tableau suivant : énurésie depuis 6 mois (elle avait été propre très tôt), oxyures, rhino-pharyngite, toux importante accompagnée de  cris de colère, grande excitation, caprices, s'exprimant constamment d'une voix plaintive qui agace prodigieusement l'entourage, pas d'appétit, insomnies, cauchemars. Les parents sont à bout. -----15ch.

16/06/81 (3 ans): excellent effet du traitement sur tous les plans mais tout recommence. -----30ch.

27/11/81: à nouveau tout est rentré dans l'ordre mais depuis un mois, elle a des terreurs nocturnes, ne mange plus, est agressive, franchement désagréable, frappant tout le monde, refusant tout baiser ou marque de tendresse. -----30ch.

04/11/82 (4 ans): pendant un an, l'enfant a retrouvé son équilibre. Mais récemment, à la suite d'une grippe traitée en pluralisme "appuyé", elle a fait sa première otite finalement traitée par antibiotiques. La nuit, elle a chaud, se découvre. Elle présente de fréquents épistaxis, des irritations péri-anales douloureuses et des maux de ventre. Les crises d'oxyurose sont bien plus rares mais elle est pourtant à nouveau "un peu pénible" et l'énurésie est réapparue par épisodes. -----1000k.

26/09/84 (6 ans): "Elle a été très bien à tous points de vue mais depuis juin, l'énurésie a repris sérieusement, elle est insupportable". Maux de ventre et mauvaise haleine ; amaigrissement par inappétence; phases d'agressivité+++ avec violence alternant avec des moments de calme; extrémités gelées en permanence. -----10.000k suivi, au bout de huit jours, de quinze jours "affreux" au niveau caractériel. Ensuite, elle retrouve un bel équilibre et toute la symptomatologie disparaît.

13/01/86 (71/2 ans): Depuis deux mois, elle redevient violente, même dans son langage. Elle ne supporte aucune autorité, se roule par terre et fait une crise de nerf à la moindre contrainte. Elle a des faims impérieuses mais "cale" au bout de trois bouchées. -----10.000k.

15/10/87 (9 ans): "Un vrai miracle", dit sa mère. Elle est devenue adorable. "Mais, ajoute-t-elle, je sens qu'il est temps d'intervenir". Au cabinet, elle se vautre dans mon fauteuil, l'air buté. "Depuis la rentrée scolaire de septembre, elle est triste, de mauvaise humeur, jamais contente, veut une chose puis une autre l'instant d'après ; inquiète pour ses contrôles". Quelques alertes d'énurésie. "Par contre, elle n'est plus jamais malade". -----30ch.

Mars 1988 (téléphone): Tout s'est bien passé. Récemment, pour un manque d'appétit et quelques maux de ventre, la mère a donné d'elle-même -----30 ch.

 

Jusqu'en mars...1994, la maman lui redonnera plus ou moins une fois par an (avec à chaque fois un très bon effet) une dose du même remède en 30ch soit pour apparition de tics avec nervosité, soit pour anxiété scolaire ou inappétence, ou parce qu'en novembre 1989 (10 ans !), elle mord sa mère à deux reprises!

O2/03/94 (15 ans): "Elle se contrarie à nouveau de tout, s'intéresse à quelque chose puis s'en lasse tout de suite; on s'en prend plein la figure continuellement; elle palabre des heures sur une broutille; ne fiche plus rien à l'école; sa chambre est un vrai souk". En plus, ses règles sont très douloureuses. Elle dit faire des rêves prémonitoires. Hors de la maison, il semble qu'elle soit adorable mais "franchement hystérique avec les copines". Elle a des crises de rire nerveux aberrant. Je demande à la maman de me laisser seul avec elle. Sylvia, très à l'aise, me raconte qu'"elle peut rigoler constamment tout en étant malheureuse" ou alors être "banale et heureuse". Une vraie ado ! Elle a des envies de pleurer sans raison. "Je suis incapable de dire à ma mère que je l'aime. Et en plus, je ne ressens plus que mes parents m'aiment". -----10.000k (Schmidt-Nagel).

(Mère)18/01/95 : "Formidable, elle est redevenue très agréable et même serviable et attentive".

11/01/96 (17 ans) : Sylvia vient seule à ma consultation. "Je suis en première et je stresse un maximum. Je me sens agitée, j'ai du mal à m'endormir et le matin je n'arrive pas à me sortir du lit. Mes règles sont à nouveau douloureuses. Je mange peu et mal, j'ai faim mais je ne sais jamais quoi manger. Par moment, j'ai l'impression de débuter une otite. Je me sens sans énergie avec les bras lourds et sans force." -----200k.

22/01/97 (18 ans) : "Génial votre traitement !". "Depuis Noël, je suis très fatiguée, n'ai envie de rien faire, suis susceptible, pourtant le moral est bon ainsi que la santé". -----1000k.

31/07/97 (19 ans): Elle a réussi brillamment son bac et a des projets de long cursus universitaire. "Depuis vos doses, je me sens beaucoup plus calme et dynamique". Elle a deux problèmes : son dos "se déboîte" pour la troisième fois en deux mois (à chaque fois l'ostéopathe est intervenu efficacement) et elle souffre de maux de dent. Plus exactement, les dents et même les gencives sont "constamment présentes, c'est horripilant, c'est pire à l'air froid". "En plus, j'ai l'impression que mes dents avancent". -----200k.

 

(Téléphone le 30/07/98) : "Je vais bien mais je voudrais un rendez-vous préventif à la rentrée de septembre en prévision de ma première année de fac". "Et ton dos et tes dents ?" - "Impec ! En deux ou trois jours."

D'après les parents que je vois de temps en temps, Sylvia est une jeune fille équilibrée et heureuse de vivre.

 

Note de 2017 : le remède continue à parfaitement fonctionner, soit 39 ans !

 

 

 

 

SOLUTION :

 

Répertorisation progressive au fil du temps :

 

NOSE - CORYZA - discharge, with (fluent) - noon

STOOL - MUCOUS - white - corn; like little pieces of popped

 

MIND - IRRITABILITY - cough, from

LARYNX AND TRACHEA - VOICE - whining

 

MIND - INDIFFERENCE, apathy - caresses, to

MIND - CARESSED - aversion to being

MIND - STRIKING

 

MIND - CAPRICIOUSNESS - longing for things which are rejected when offered

 

TEETH - SENSITIVE, tender - air, to

TEETH - PAIN - drinks - cold

 

Un seul remède pendant 19 ans : CINA MARITIMA

 

Note de 2017 : le remède continue à parfaitement fonctionner, soit 39 ans !

 

 

Si, traditionnellement, CINA est proposé en cas de verminose (indication pour laquelle il est en fait rarement utile) nous comprendrons en fin de texte grâce à quelle pirouette sémantique fonctionne l'inconscient collectif des homéopathes !

CINA est aggravé par le contact, les secousses, la pression. Il ne supporte pas qu'on l'approche, qu'on le touche, qu'on le caresse. Un rien le dérange, même le passage du peigne ! Il ressent des douleurs coupantes, pinçantes. Il crie quand on le prend.

Il voit jaune, se frotte les yeux ; a un goût et un odorat exacerbé et en même temps pervertis.

Il glousse en buvant de l'eau ; l'œsophage gargouille au passage des aliments ; il a faim après le repas ; il vomit et réclame à manger; buvant du vin, il croit boire du vinaigre; le pain est amer; le lait maternel n'est pas à son goût.

CINA donne l'impression de traduire de façon pervertie, au niveau cortical, l'information sensitive, comme s'il ne pouvait connaître par les sens. Il y aurait-il en outre distorsion du sens proprioceptif ?

Il réagit par de la diarrhée ou des convulsions. Il voit des choses effrayantes, des chiens, des fantômes.

Il est plein d'illusions, de peurs, de rêves absurdes, déconnectés ne correspondant pas à la réalité. Comme si, à partir des sens, son imagination créait des images fausses, "hors sens".

Il désire des choses qui sont rejetées une fois obtenues.

Il a besoin d'être bercé mais supporte mal d'être touché et son propre mouvement peut déclencher des convulsions (probablement accepte-t-il le bercement parce que, comme dans le ventre de sa mère, son corps n'a pas à se mouvoir !

Sourd aux caresses, à la consolation, la sensation est-elle interprétée de travers ? De même, il interprète erronément et ressent de façon anormale le comportement, les attentions, les manifestations d'amour des autres.

En un mot, il se comporte comme si la satisfaction de son désir n'était pas satisfaisante.

Ses réactions comportementales sont inhabituelles, paradoxales, aberrantes (même dans des actes simples comme boire, manger, voir, sentir, goûter etc.).

Les mots clé de CINA sont : insatisfaction, déception, caprice, imprévisibilité.

De ce remède on peut dire qu'il a une nette tendance à voir le vers dans le fruit !