Dr Ph.M. Servais

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                                                                                                                                                                                                        Chamberry le 6 Octobre 2000-10-07

                                               QUELQUES CAS EXTREMES

            Lorsque Jean-Marie Tribouillard m’a demandé au téléphone de venir présenter un travail ici et de lui donner tout de suite le sujet, il m’a pris au dépourvu ! Etant en pleine consultation et donc « sur le terrain » (et non pas dans des réflexions hautement doctrinaires!), j’ai pensé à un patient cancéreux que je venais de voir et j’ai répondu : « pourquoi pas quelques cas extrêmes » ! En effet, l’homéopathie est avant tout une pratique au quotidien et il est intéressant de présenter quelquefois autre chose que des cas de guérison magnifique avec des remèdes rarissimes. J’ai donc pêché dans mon fichier quelques dossiers de patients aidés par l’homéopathie alors qu’ils étaient dans des situations « limites », soit vitales, soit lésionnelles soit encore « psycho-lésionnelles ».

            (Nitricum acidum) Je commencerai par Joëlle, 43 ans, mariée, mère d’un garçon de 1 ans, venue me voir en 1995 pour de vieux problèmes chroniques : aménorrhée datant de l’âge de 35 ans à la suite de l’arrêt de la pilule prise pendant dix ans (de nombreuses stimulations furent nécessaires pour qu’elle puisse tomber enceinte) ; perte de cheveux assez catastrophique et œdèmes énormes des membres inférieurs avec une tendance générale à l’œdème (mains, paupières, poitrine, ventre etc.) accompagné d’essoufflement. Un remède à l’époque était arrivé à bout de ces troubles. J’avais été conduit vers ce remède par les symptômes suivants : désir excessif de fromage et de choses grasses ainsi qu’un profil psychologique particulier. Personne de devoir, un peu rigide, elle disait avoir le défaut d’« être trop obsessionnelle dans son désir de perfection et d’exactitude des choses à faire ou à dire », ce qui créait chez elle des sentiments faciles de colère contre elle-même. D’après son mari, sa phrase favorite était : « il faut que les choses soient claires et nettes ».

Elle vient me revoir, trois ans après, en novembre 1998 et me raconte les événements suivants. En janvier 98, son fils a fait une virose grave avec anémie et leucocytose très importante, ce qui a fait craindre une leucémie. Tout de suite après, un de ses anciens grains de beauté sur le pied gauche a grossi et saigné. On a rapidement fait le diagnostic de mélanome, stade IV, et elle a été opérée en juin. Trois semaines après, lors d’un contrôle systématique, on découvre une tumeur cancéreuse du sein droit qui n’était pas présente auparavant ! On pratique l’ablation du sein, un curetage ganglionnaire large et on entame une longue chimiothérapie. « Même aux pires moments, j’ai voulu rester élégante et digne », me dit-elle. J'ai du mal à la reconnaître tant elle a maigri (39 kgs !) et vieilli, se déplaçant comme une petite vieille. Je lui donne une dose en 1000k qui, me dira-t-elle, lui a fait énormément de bien et « lui a permis de supporter les mois de chimiothérapie ». Je ne la reverrai qu’en mars 2000 où elle me raconte que deux mois avant (janvier 2000), à la suite du résultat positif d’une biopsie ganglionnaire de contrôle, on l’a réopérée pour récidive du mélanome et on lui a enlevé toutes les chaînes ganglionnaires inguinales et iliaques ! Elle a fait un abcès de paroi et est restée deux mois à l’hôpital d’autant qu’on a repéré une métastase cérébrale sur l’aire motrice avec paralysie des releveurs du pied et vision trouble. Son état général est catastrophique: elle tient à peine debout et ses jambes sont de vrais poteaux. N’ayant pas d’autre signe d’appel, je lui redonne le 30 mars 2000 le remède en 10.000k. Depuis lors , elle ou son mari me donnent régulièrement des nouvelles au téléphone. La dose de mars « lui a fait un bien fou », elle a repris du poids et de l’énergie, son moral est meilleur (« elle a décidé qu’elle s’en sortirait » !) et les jambes ont dégonflé. Je lui fait prendre en fin juin une dose de 1000k en prévision de l’intervention de neurochirurgie de début septembre. Je réitère une 200k dix jours avant l’opération. Malgré la grande inquiétude du chirurgien (avec qui je m’entretiens au téléphone), l’intervention se passe parfaitement et, à ce jour, la patiente va de mieux en mieux ayant récupéré sa motricité et sa vue. Elle mène pour l’instant une vie quasi normale et refait avec son époux des projets d’avenir.

Est-elle guérie ? C’est loin d’être sûr, je n’ai pas le recul suffisant mais le résultat est tout de même encourageant. Lui ai-je trouvé son simillimum, me demanderont les puristes ? Ce n’est pas sûr non plus mais la question semble oiseuse pour l’instant.

(Lycopodium) Lorsque je vois Juliette en mars 1990, elle a 87 ans. Elle vit avec sa fille veuve de 66 ans et son petit fils de 43 ans ! Son principal problème est une grave insuffisance veineuse des membres inférieurs pour laquelle elle est traitée depuis très longtemps. Les jambes et les pieds sont pourpres, variqueux et parsemés d’un réseau capillaire bleuâtre. Trois ulcères variqueux ouverts la font souffrir depuis un an et des soins locaux biquotidiens par infirmière sont indispensables. La consultation est difficile du fait que Juliette comprend mal et s’agace de ce que je l’interroge sur autre chose que ses jambes : « à part cela, je vais très bien ». Je me cantonne donc à ses ulcères et note simplement son ton de femme de tête ! Sa demande est la suivante : « je sais qu’on ne peut pas me guérir mais je voudrais ne plus souffrir autant ». Ses jambes sont particulièrement douloureuses la nuit (elle n’en dort plus) alors que, étonnamment, pendant la journée elle souffre peu; il s’agit essentiellement d’une brûlure associée à une démangeaison. D’après sa fille, elle dit souvent aussi que « ça la déchire ».

Le matin, elle oblige sa fille à lui masser les orteils qui sont insensibles. Sur ces indications, je lui donne bien sûr le remède X. De ce jour, elle va non seulement être soulagée de ses douleurs mais progressivement en quelques semaines, être guérie définitivement de ses ulcères et elle va pouvoir reprendre une vie normale, tenant la maison et la cuisine (qui est son fief de prédilection) jusqu’à l’âge de 94 ans ! Elle mourra tranquillement auprès des siens en 97 comme une flamme qui s’éteint. Pendant toutes ces années, à part quelques gouttes quotidiennes de phytothérapie pour lui donner l’impression d’être sous traitement, elle recevra ce seul remède X à onze reprises en diverses dilutions.

            (Ambra grisea) Février 1993. Roger, 67 ans, est un sacré personnage. Un fort gaillard avec une grande barbe et les cheveux un peu longs. Il vit en pleine campagne dans une vieille ferme qu’il a reconstruite lorsque, après mai 68, il a décidé de quitter Paris et le monde et de faire une sorte de retour à la nature (élevage etc.)! La rupture pour lui a été totale puisqu’il était agrégé de géographie et en pleine brillante carrière universitaire ! Depuis toujours, il est extrêmement mal à l’aise en société, la moindre réunion ou le moindre dîner étant pour lui une vraie épreuve, y déclenchant même de mémorables quintes de toux. Il s’est donc retiré derrière les murs de son petit domaine et s’est, au sens propre, blindé du monde extérieur : de ce jour, en effet, il a développé sur le front, les tempes, les oreilles, la nuque de multiples et larges lésions kératosiques dont certaines sont des basocellulaires et d’autres des spinocellulaires . Deux expériences d’excision, suivies de récidive immédiate et pire, lui ont fait définitivement comprendre que la médecine comme le monde étaient pourris et que, de sa vie, plus jamais il ne voulait avoir recours à l’allopathie. Il lit le Monde tous les matins « après s’être occupé de ses bêtes », fume deux paquets de Gitane par jour et m’explique que son arythmie cardiaque et son essoufflement s’aggravent s’il baisse sa consommation !! Malgré cette vie de liberté, il souffre depuis 25 ans de terribles angoisses sans objet particulièrement le soir à la tombée du jour. Le simple fait de la conversation avec autrui peut être déclencheur de même que l’évocation de son anxiété. Le seul moyen alors de les apaiser est de se jeter à corps perdu dans une activité intense, type couper du bois à la hache (ce qui, dit-il, est aussi la meilleure solution pour arrêter les crises d’arythmie !).

S’il vient me voir, ce n’est pas pour tout cela mais bien parce qu’à la suite d’une pneumonie brutale pour laquelle il a daigné suivre le traitement du généraliste du coin et passer quelques radios et une fibroscopie, on lui a découvert un carcinome épidermoïde des lobes pulmonaires moyens et inférieurs droits d’environ 15 cms de diamètre ! Il n’est pas question pour lui d’accepter le moindre traitement, ni même une opération et vient me voir pour que je l’aide à mourir dignement chez lui ! Il « a fait le tour de la vie et demande simplement à ne pas trop souffrir ». Sa compagne, Lac caninum, que je suis depuis longtemps, a, paraît-il, une confiance totale en moi !!

Ma répertorisation sera la suivante :

- Timidité en compagnie

- Anxiété au crépuscule

- Anxiété  en y pensant

- Anxiété par la conversation et en parlant

- Toux en présence de nombreuses personnes.

Entre février 1993 et juillet 1995, date de sa mort, il recevra 23 fois le remède X en des dilutions les plus variées. Ses angoisses disparaîtront rapidement, deux de ses trois spinocellulaires guériront, son cancer n’évoluera plus (je suis parvenu à lui faire accepter une radio à deux reprises), il continuera à s’occuper, heureux, de sa ferme jusqu’au bout et finira par mourir…d’arrêt cardiaque !

            (China) Françoise a 52 ans en mars 1998 lorsqu’elle vient me voir. Elle se dit anorexique depuis l’âge de 17 ans ! Elle mesure 1,70 et pèse 42 kgs. Divorcée depuis douze ans, elle a trois enfants qui n’habitent plus avec elle et « vivent leur vie. « Elle n’a pas le souvenir d’un jour de bien-être dans sa vie », me dit-elle. Elle vit recluse dans sa maison de banlieue chic, dormant quinze heures par jour, abrutie de somnifères. Elle a été hospitalisée de nombreuses fois pour dépression et a toujours pris des anti-dépresseurs et des anxiolytique. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide. Suivie par un psychiatre depuis son adolescence, elle est en analyse depuis dix ans. « J’ai le Psida », ajoute-t-elle avec un sourire triste. Lors de la deuxième consultation (avant que je trouve le remède) elle me dira d’emblée : « comment soigne-t-on la mort, je suis une morte-vivante ? ». On sent chez elle l’écorchée vive et la victime et elle m’explique qu’elle a été et continue à être sous l’emprise d’un vrai pervers, son père, qui lui a gâché la vie. Homme riche, ce père, surtout depuis son divorce qui l’a rendue financièrement très fragile (l’ex-mari a fait faillite et ne lui verse quasi aucune pension), la manipule, l’humilie et « joue avec elle, comme il l’a toujours fait, au chat et à la souris ». Elle fait des rêves affreux, entre autres d’accidents et de gens blessés. Elle a froid « jusque dans les os ». Elle se nourrit essentiellement de pain et de lait. A la question de savoir pourquoi elle n’a jamais essayé de travailler, elle répond « qu’on l’a toujours empêchée de faire quoi que ce soit » (son père, son mari, ses enfants). « Je suis une éternelle révoltée mais sans énergie pour agir ». Question :« que voudriez-vous faire si vous en aviez l’énergie ? ». Réponse : « Tuer mon père ou trouver le moyen de le faire souffrir pour me venger » !! Après la première consultation, je suis presque dans le même état d’abattement qu’elle tant elle est parvenue à me communiquer l’horreur de la vie ! A la fin de la seconde, dans un ultime sursaut je lui donne le remède X en 10.000 kentienne.

Je ne la reverrai que six mois plus tard. D’emblée, elle me parle de ses règles hémorragiques sur fibrome en me demandant si je peux quelque chose pour elle ! Elle a au moins pris cinq kilos et me paraît tout apaisée. « Et votre état dépressif ? ». « Oh, cela n’a plus rien à voir, je me sens infiniment mieux, j’ai arrêté tout traitement anti-dépresseur. …Mon psychanalyste est finalement quelqu’un de fantastique, il a réussi, Dieu sait comment d’ailleurs, à me sortir d’affaire depuis quatre ou cinq mois. Vous vous rendez compte, il m’aura fallu dix ans d’analyse mais, vu le résultat, cela valait la peine. Je revis ou plutôt je commence à vivre » !

Sidéré, je ne trouve rien à dire et lui donne un remède (qui s’avérera très efficace) pour ses saignements…